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La prime pour l'emploi (PPE) un outil de politique publique à  fonctions multiples, un sujet permanent de réforme et de redéfinition.

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par Thierry GATINES
UPMF Grenoble 2  - Master 2 Evaluation et management des politiques sociales 2015
  

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B - Contexte politique de l'époque et exemples étrangers

Tant le contexte politique d'une époque, assorti de ses acteurs, que les exemples étrangers de dispositifs proches ou similaires, participent à la création de référentiels. Ils sont donc à considérer afin de situer la genèse de la PPE.

1 - Le contexte politique de l'époque

Président d'Action contre la Faim de 1999 à 2000, Roger Godino a été conseiller du premier ministre Michel Rocard de 1988 à 1991 et intimement associé à la création du RMI. Il avait proposé en 1997 la création d'une Allocation compensatrice du revenu (ACR) destinée à permettre aux individus travaillant à temps partiel de percevoir une fraction dégressive du RMI tant que leur revenu total (activité et fraction du RMI) n'excédait pas le revenu net d'activité d'un salarié travaillant à temps plein au SMIC. Cette proposition a fait l'objet de nombreux commentaires et d'études, jusqu'à ce que, en mai 2001, le gouvernement de Lionel Jospin, dans une décision des plus importantes de sa législature selon Piketty, lui préfère le dispositif de la Prime pour l'emploi (Gravel, 2002).

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« La PPE était en fait l'improvisation accidentelle d'une année préélectorale, mais consolidée par les gouvernements Raffarin et Villepin » (Mongin, 2010) : « Défendue par Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi, l'idée d'un crédit d'impôt prenant la forme d'un remboursement de la Contribution sociale généralisée (CSG) a été écartée... ... au profit de l'allègement direct de la CSG sur les bas salaires, préconisé par Laurent Fabius. Le ministre de l'Economie et des Finances avait un argument massue à faire valoir auprès du Premier ministre : contrairement au crédit d'impôt, techniquement difficile à mettre en place, les allègements de CSG, appliqués directement sur la fiche de paie, permettaient une hausse du pouvoir d'achat des salariés modestes dès janvier 2001, donc juste avant les municipales. Va donc pour l'allègement de CSG. Et puis patatras. Le 19 décembre, le Conseil constitutionnel annule la mesure, déséquilibrant au profit des ménages aisés le plan de baisses d'impôts présenté par Fabius le 31 août. Le gouvernement devait trouver d'urgence une solution de rechange30. Du coup, Matignon a ressorti des tiroirs l'idée du crédit d'impôt, rebaptisé... ... par Lionel Jospin Prime pour l'emploi » (Raulin, 2001 - 2)

La Prime pour l'emploi (PPE), instaurée en 2001 en France, relève d'une logique qui consiste à rendre l'emploi plus rémunérateur afin d'encourager les individus à travailler. L'utilisation à cette fin de la fiscalité, et plus précisément du crédit d'impôt, n'est pas nouvelle. « La décision d'adopter en France l'instrument fiscal novateur que constitue la PPE a également été influencée par la mise en place de crédits d'impôt sur le revenu aux Etats-Unis (Earned Income Tax Credit (EITC) créé en 1975) et au Royaume-Uni (Working Families Tax Credit (WFTC) créé en 1999 puis réformé en 2003), pour stimuler l'activité et lutter contre le phénomène des travailleurs pauvres » (Cour des comptes, 2006 : p. 285). Ces expériences étrangères ont fourni un terrain d'analyse fertile concernant les effets incitatifs et redistributifs des crédits d'impôt (Périvier, 2003). En effet, à cette époque, les politiques visant à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires de la protection sociale se multipliaient déjà en France. Elles n'étaient donc pas cantonnées aux pays anglo-saxons où dominait le répertoire libéral de protection sociale (Palier, 2008).

Sur un fond de débat important sur l'impôt négatif et l'allocation universelle qu'il était susceptible de représenter en 2000 (Vanderborght, 2001), Michel Rocard avait fait une large promotion du crédit d'impôt (Rocard, 2001).

Enfin « ... à la suite de l' « affaire de la cagnotte fiscale » qui dégageait « un trésor fiscal caché », le gouvernement était appelé à produire une mesure favorable au pouvoir d'achat des ménages» (Colomb, 2012 - 1 : p. 32).

30 « Le projet de loi portant création de la PPE s'est improvisé en quelques semaines, après que le Conseil Constitutionnel eut annulée en décembre 2000 la ristourne de Contribution sociale généralisée (CSG) que le gouvernement avait initialement prévue. Le rapporteur du projet à l'Assemblée Nationale, D. Migaud, traduisait son embarras ainsi : « Il n'est guère courant que la Commission des finances ait à connaître dans l'urgence, au mois de janvier, mais instructif de relire l'exposé des motifs malingre et décalé qui fait suite à cette entrée en matière » (Mongin, 2008 : p. 442).

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« Eléments de division de la gauche : Pourquoi la mesure divise-t-elle à gauche ? Rien de «théologique» là-dedans. D'inspiration ultralibérale (le concept a été créé par l'économiste américain Milton Friedman), le crédit d'impôt est un élément central des politiques sociales des Etats-Unis et du Royaume-Uni, pays où la réduction des inégalités est loin d'être une priorité. L'Earned Income Tax Credit et le Working Family Tax Credit justifient au contraire là-bas l'absence de salaire minimum légal. De quoi susciter une crainte diffuse dans les rangs de la gauche française : la généralisation du crédit d'impôt ne menace-t-elle pas à terme l'existence du SMIC ? Réponse de Jean Pisani-Ferry, ancien conseillé de Dominique Strauss-Kahn et membre du Conseil d'analyse économique, dans Libération... : L'Etat n'a aucun intérêt à ce que les bénéfices du crédit d'impôt reviennent aux entreprises. Pour baisser les salaires, il faudrait que l'employeur le puisse. L'existence du SMIC l'en empêcherait. Le crédit d'impôt conforte le SMIC, il ne l'affaiblit pas.» (Raulin, 2001 - 2).

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault