III-3-2 Le constructivisme
Contrairement au courant comportemental, les théories
cognitives de l'apprentissage s'intéressent aux processus mentaux qui
sous-tendent l'acquisition de l'information (S. MONNERET et E. MARC, 1996).
C'est en étudiant le développement cognitif des enfants que J.
PIAGET (1896-1980) suggère une nouvelle théorie de
l'apprentissage basée sur le traitement de l'information. Ainsi, selon
cet auteur l'enfant traverse différents stades développementaux
comme suit :
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- le développement de l'intentionnalité et de la
différenciation dans la période sensori-motrice de zéro
(0) à vingt-quatre (24) mois,
- le développement des fonctions symboliques et du
langage dans la période des opérations concrètes de deux
(2) ans à douze (12) ans,
-le développement de la pensée abstraite dans la
période des opérations formelles à douze (12) ans et
plus.
De fait, en traversant plusieurs stades du
développement, l'enfant assimile son environnement, ce qui
déclenche chez lui un ajustement actif. Les schèmes (ensemble de
patrons qui régissent nos comportements) deviennent de plus en plus
complexes, forçant ainsi le développement des fonctions
cognitives de l'enfant afin qu'il parvienne à acquérir un
construit imagé et subjectif du monde qui l'entoure. Selon J.
PIAGET(1969), l'intelligence est le développement des processus
adaptatifs d'une personne dans son environnement, visant à
l'émergence de son plein potentiel. Dans cette suite logique,
l'apprentissage est une fonction de l'intelligence qui s'actualise au cours du
développement de l'enfant (L. DUBE, 1996). Il soutient que
l'apprentissage survient lorsque des éléments de l'environnement
nécessitent l'adaptation ou la restructuration des schèmes. Par
la venue d'un nouvel événement, un déséquilibre des
structures cognitives surgit, menaçant l'équilibre
homéostatique du corps humain. Afin de retrouver l'équilibre de
l'organisme, deux processus sont possibles : l'assimilation et l'accommodation.
L'assimilation est le processus par lequel les structures cognitives
incorporent les nouvelles informations parce qu'elles sont compatibles avec les
schèmes existants. Pour sa part, l'accommodation nécessite la
modification des structures cognitives. Parce que les nouvelles informations
sont massives et incompatibles avec les schèmes existants, l'organisme
ne cherche plus à maintenir l'équilibre initial, mais il modifie
plutôt son cadre de référence afin de s'adapter à la
nouvelle situation. L'atteinte de l'équilibre se fait par la mise en
place de nouvelles structures (E. MORIN, 2005).
III-3-3 Le socioconstructivisme
Pour expliquer le processus d'apprentissage, A. BANDURA (1986)
utilise un modèle de triangle. L'acquisition du nouveau comportement se
fait en interaction entre l'environnement et les caractéristiques de
l'individu. Pour lui, les individus ne réagissent pas tous de la
même manière face à un comportement. Dans sa
théorie, il insiste sur l'importance de l'observation.
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Le processus d'essai/erreur n'est pas toujours important pour
l'acquisition de nouvelles connaissances. Pendant l'apprentissage par
observation, les modèles de pensée et d'action sont importants.
Le renforcement est essentiel dans sa théorie, plus il y a renforcement,
plus la probabilité d'adoption d'un nouveau comportement augmente. La
motivation est très capitale dans tout apprentissage. A. BANDURA
soutient que les médias jouent un rôle important dans le processus
d'apprentissage car l'imitation est proposée (soit à la
télévision, la radio, dans les livres, etc.). Dans sa recherche,
il affirme qu'on peut apprendre par autorégulation et la perception
d'efficacité personnelle. Pour lui, l'apprentissage est constitué
de quatre phases importantes: la phase d'attention, celles de rétention,
de reproduction et de motivation. Au niveau de l'apprentissage, il parle de
l'influence sociale dans la dynamique des apprentissages. Il propose un
modèle de « théorie sociale de l'apprentissage »
ou le principe de facilitation sociale, (ALLPORT, 1924
cité par S. MONNERET et al. 1996) qui s'oppose aux
théories behavioristes par le fait que le renforcement peut être
anticipé par les représentations mentales dans l'apprentissage.
C'est ce que A. BANDURA appelle le renforcement symbolique qui dépend du
niveau de développement mental. Il est donc postulé que
l'apprentissage est favorisé par l'observation de modèles. Deux
types d'apprentissages par observation de modèles sont possibles :
l'apprentissage imitatif (imitation immédiate) et l'apprentissage
vicariant (modelage différé). L'apprentissage imitatif s'effectue
par la simple reproduction du comportement ou des attentes d'un guide
extérieur. Les processus d'apprentissage conscient sont peu mis à
contribution. L'apprentissage vicariant s'opère de façon plus
complexe. L'apprenant intègre les informations physiques et sociales qui
régissent le comportement du modèle et les applique à ses
propres actions. L'observateur arrive à reproduire le comportement du
modèle sans la présence de celui-ci.
La théorie de L. VYGOTSKY (1978) met l'accent sur la
coopération sociale. Cette façon de faire (la coopération)
permet à l'enfant de développer plusieurs fonctions
intellectuelles :
I l'attention volontaire ;
I la mémoire logique ;
I l'abstraction ;
I l'habileté à comparer
et à différencier.
Les interactions sociales sont au centre du
développement cognitif de l'enfant. Il introduit la notion
d'étayage. L'étayage désigne les interactions de soutien
mises en oeuvre par un adulte ou par un pair afin d'épauler un sujet
dans la résolution d'un problème qu'il ne pourrait
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pas résoudre seul. Cet étayage
réalisé par l'adulte est lié à la notion de zone
proximale de développement (ZPD) de L. VYGOTSKY (1985) et confirme la
nécessité pour lui d'adapter ses compétences aux besoins
de l'enfant pour qu'il puisse ensuite s'approprier par lui-même les
connaissances. L'étayage prend tout son sens en ce qu'il va être
le précurseur, à moyen terme, d'une standardisation de certaines
formes d'interactions. Ces formes d'interactions ritualisées sont les
formats, patterns d'échanges réguliers et
répétés qui, visent à organiser la communication.
Ces formats sont, pour simplifier, des routines ou scénarios qui,
intégrés par l'enfant, vont lui permettre d'orienter ses
conduites de manière appropriée pour répondre aux
exigences de l'environnement. Pour les socioconstructivistes, le social est
moteur du développement cognitif. Ils affirment que le conflit
sociocognitif est une co-résolution des problèmes par petits
groupes.
III-3-3-1 Les interactionnistes
Les définitions suivantes sont de l'école des
interactionnistes. Elles sont citées par D. ANZIEU et al. (2000 :25).
« Un petit groupe consiste en un certain nombre de
personnes qui communiquent entre elles pendant une certaine période, et
assez peu nombreuses pour que chacune puisse communiquer avec toutes les
autres, non pas par personne interposée, mais face à face
» (G. C. HOMANS, 1950).
-- « Un petit groupe se définit comme un
certain nombre de personnes en interaction chacune avec chacune des autres dans
une réunion ou une série de réunions face à face,
réunion au cours de laquelle chaque membre reçoit quelque
impression ou perception de chacun des membres considéré comme
suffisamment distinct des autres autant que cela lui est possible, soit au
moment même, soit en s'informant par la suite, et au cours de laquelle il
émet quelque réaction envers chacun des autres,
considéré comme une personne individuelle, à la condition
du moins de se rappeler que l'autre personne était présente
» (R. BALES, 1950: 33).
Pour les interactionnistes, la construction de la connaissance
se fait à partir des interactions que chacun entretient avec son
environnement physique, social et aussi culturel. J. BRUNER(1996) s'inscrit
donc dans la lignée de L. VYGOTSKY (1985) en donnant un caractère
social au développement de l'enfant au travers de multiples interactions
qui vont
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impulser l'élaboration de ses connaissances. Au regard
du développement précédent, nous pouvons affirmer que L.
VYGOTSKY était contre l'enseignement magistral. J. BRUNER
développe les bases d'une théorie culturelle et historique de
l'apprentissage. Il situe l'ambition du culturalisme en disant que la culture
façonne l'esprit des individus. Pour lui, le sens donné aux
choses est lié à une communauté culturelle de
référence. Pour cela, il propose que l'école soit
«un endroit où les apprenants s'aident les uns les autres
à apprendre, chacun selon ses aptitudes». C'est dans cette
vision que A. BROWN et J. CAMPIONE (1995) ont trouvé qu'il faut modifier
le rôle de l'enseignant. Celui-ci doit être dorénavant
« un facilitateur plutôt que de s'ériger en dispensateur
unique du savoir ». R. GAGNE (1976) part des principes du
conditionnement, dont celui du renforcement. Pour R. GAGNE, l'apprentissage est
un processus qui résulte d'une interaction entre l'individu et son
environnement. Pour qu'il y ait apprentissage, on doit voir un changement dans
la performance. Selon sa théorie, l'apprentissage est donc
influencé par des événements internes (motivation) et
externes (rétroaction donnée par une personne externe, en
l'occurrence, l'enseignant). Il ajoute aussi, que des
événements externes favorisent l'apprentissage tels que activer
la motivation de l'élève, s'informer des objectifs
d'apprentissage, activer l'attention, stimuler le rappel des connaissances
antérieures, guider l'apprenant, etc.
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