INTRODUCTION GENERALE
Les politiques économiques adoptées durant les
années 1960 et 1970 par la majorité des pays en
développement ont abouti à des résultats mitigés.
Elles sont marquées par un fort interventionnisme étatique qui a
conduit à des déséquilibres macroéconomiques
remarquables. De plus, ces politiques n'étaient pas compatibles avec
les aspirations de la population locale en raison de la
détérioration de leur condition de vie. Face à ces
problèmes, plusieurs pays ont adopté à partir des
années 80 des programmes d'ajustement structurel et de transition
économique visant à limiter l'intervention de l'Etat et dans la
même perspective, les institutions internationales ont exhorté
ces pays d'entreprendre des nouvelles orientations qui tiennent comptes des
réalités locales et la responsabilisation des régions dans
la gestion de leur processus de développement. Parmi ces orientations on
peut citer la décentralisation.
la décentralisation a suscité un
véritable engouement dans la majorité des pays. Ce système
vise à redéfinir le rôle de l'Etat à travers le
transfert des pouvoirs et des compétences du niveau central au niveau
local. Il s'agit d'un moyen de réduire le rôle de l'Etat
grâce à la fragmentation de leur autorité et à
rendre la concurrence entre les régions plus rude et d'introduire des
contres pouvoirs. La décentralisation a été motivée
par la volonté d'initier la démocratie locale et de rendre les
responsables locaux plus efficaces et redevables. Par exemple en
Amérique latine, la décentralisation a été
considérée comme un important processus de
démocratisation à travers l'existence des gouvernements
élus qui remplacent les régimes centraux autocratiques. En
Afrique, l'instauration du pluralisme politique conduit à une plus
grande participation de la population locale dans la prise de précision.
Dans certains pays de l'Asie de l'Est, la décentralisation a
été motivée par le besoin d'améliorer la
fourniture des services publics à des populations de grande taille. Ces
exemples montrent que la décentralisation reste au centre des
préoccupations de la part des pays par la reconnaissance des
problèmes émergés par le système centralisé.
Sur un autre plan, la décentralisation peut être
analysée selon deux logiques : la première est politique et
la deuxième est économique. Selon la logique politique, la
décentralisation est une réforme qui permet de satisfaire la
volonté du gouvernement et de la population d'élargir le champ de
la démocratie. La logique économique montre que la
décentralisation est conçue comme un moyen d'optimiser
l'allocation des biens collectifs. Cette dernière annonce que les
autorités locales, qui sont plus proches des habitants, peuvent
facilement identifier les besoins des citoyens et fournir la nature et le
niveau des biens et des services publics appropriés. En outre, les
habitants seront plus disposés à payer des taxes locales lorsque
leurs contributions sont directement liées aux services reçus.
Selon la théorie du fédéralisme budgétaire, la
décentralisation, et sous certaines hypothèses, comme nous le
verrons ultérieurement, contribue à une allocation efficace de
la fourniture des biens et services publics grâce à deux
mécanismes à savoir : le principe de proximité et le
principe de compétition. Le premier principe montre que la
décentralisation permet de rapprocher les responsables locaux des
citoyens ce qui permet de connaitre les préférences de la
population mais également la redevabilité et l'efficacité
des autorités locales. Le deuxième montre que la
décentralisation pourrait entrainer une concurrence entre les
juridictions et améliorer par conséquent l'adéquation de
l'offre des services publics aux préférences de la population
locale.
Malgré les avantages que procurent la
décentralisation pour un pays, beaucoup de problèmes à la
fois théoriques et empiriques viennent compliquer la question de savoir
si ce système est un bon ou mauvais choix pour réduire la
corruption. Cette dernière, définie comme l'abus de pouvoir pour
des gains privés, est un phénomène très
répandu aussi bien dans les pays développés que dans les
pays en développements et on se rend de plus en plus compte que ce
phénomène n'est pas seulement répugnant sur le plan moral
mais constitue également l'un des principaux obstacles de
développement économique et social. Dans cette perspective,
la littérature académique qui étudie les effets de la
décentralisation sur la corruption fournit des résultats peu
concluants et parfois contradictoires. En effet, des chercheurs ont
constaté que la corruption était plus faible dans les pays
décentralisés par contre d'autres affirment que la corruption
augmente avec la décentralisation. Cette controverse est
expliquée par le fait que la majorité des études
élaborées traite la relation entre la décentralisation et
la corruption de façon globale et ne tient pas compte des
particularités des pays comme le niveau de la démocratie, la
structure politique de l'Etat (Etat fédéral, Etat unitaire), la
localisation géographique, le régime politique. Ces facteurs sont
susceptibles d'influencer la relation entre la décentralisation et la
corruption.
Le présent travail va prendre en considération
certains de ces facteurs à savoir le niveau de la démocratie et
la localisation géographique ce qui nous permet d'apporter des
nouvelles réponses. Donc,la question qu'on cherche à
répondre, compte tenu de ces deux facteurs, est la suivante : la
décentralisation permet -elle de réduire la
décentralisation ?
Pour répondre à cette question, plusieurs
objectifs doivent être envisagés et qui sont les
suivants :
Ø Définir la décentralisation et la
corruption et présenter ses caractéristiques.
Ø Présenter une revue de la littérature
sur l'impact de la décentralisation sur la corruption.
Ø Analyser empiriquement et globalement l'impact de la
décentralisation sur la corruption.
Ø Comparer empiriquement l'impact de la
décentralisation sur la corruption selon des groupes de pays en
fonction de leurs localisations géographiques.
Ø Comparer empiriquement l'impact de la
décentralisation sur la corruption entre deux groupes des pays
répartis selon leur niveau de démocratie.
Ø Analyser empiriquement l'impact de la
décentralisation sur la corruption à l'échelle
régionale en choisissant la Tunisie comme exemple.
Notre travail est structuré comme suit : dans le
premier chapitre on vaprésenter une revue de la littérature sur
la question de l'impact de la décentralisation sur la corruption. On
commence à traiter dans la première section une revue de la
littérature théorique. La deuxième section
s'intéresse à la présentation du modèle
théorique et la troisième section est réservée aux
études empiriques en question. Le deuxième chapitre est
réservé à l'analyse empirique. Nous présentons dans
la première section la méthodologie. La deuxième
section est consacrée à l'interprétation des
résultats. Quant à la troisième section, on abordera le
cas de la Tunisie en se basant sur une analyse spatiale.
CHAPITRE 1
L'IMPACT DE LA DECENTRALISATION SUR LA
CORRUPTION :
UNE ETUDE THEORIQUE
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