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Le graffiti à  Beyrouth : trajectoires et enjeux dà¢â‚¬â„¢un art urbain émergent

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par Joséphine Parenthou
Sciences Po Aix-en-Provence - Diplôme de Sciences Politiques 2015
  

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3. Quelques exceptions traduisant des stratégies diversifiées de (re)connaissance par le blase

Ni le blase ni le tag qui le rend visible ne peuvent être pensés de manière monolithique et comme des généralités absolues. La reconnaissance par le blase peut être extrêmement diverse en fonction du type de public que l'on cherche à atteindre ou de la manière dont l'activité est conçue, ces différents facteurs sont variables selon le positionnement de chaque acteur, au sein de la scène graffiti comme de l'espace

95 Peindre ou « painting » étant également une expression largement employée par les acteurs avec lesquels nous nous sommes entretenus.

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social dans lequel il évolue plus largement. Cela tend, aussi, à perpétuer la question du tag au regard de son inscription dans une démarche artistique, qui n'arrive pas seulement à un moment donné mais se pose continuellement. Le blase fait l'objet de redéfinitions et de modifications constantes, d'abord sur un mode ludique, voire de l'amusement. En effet, de nombreux graffeurs tendent à jouer avec leur blase. Fish, Exist, Kabrit, Parole ou encore Wyte ont tendance à inverser les lettres, modifier l'orthographe ou l'esthétique de leur tag, donnant un ensemble varié de blases et, parfois, de significations : Shefi, Britak, Brit, K-brit, Yt, L'Opéra... Il ne s'agit pas d'une pratique nouvelle, puisqu'on retrouve ce type de pratique à Marseille et Toulouse, avec TCHO (thé chaud, t'es chaud, tcho) ou Reso (réseau). Bob adopte quant à lui une position intéressante, puisqu'il est impossible de le reconnaître dans la rue à moins de connaître le blase qu'il utilise à un moment donné : Abe, puis Rage, Beast, etc.. Les autres graffeurs l'appellent d'ailleurs Bob (surnom libanais donné à son prénom, Ibrahim) pour pouvoir le désigner facilement, bien qu'il ne l'ait jamais graffé ou tagué. Cette pratique instaure une barrière entre les initiés et les profanes. En conséquence, son tag et ses pièces, exclusivement en wild style, s'adressent à un public restreint, et remettraient a priori en cause la signature artistique comme principe d'identification et de certification de l'oeuvre produite. Ou on peut l'admettre comme le témoignage de « la liberté que peut conférer une artification si réussie que les praticiens de cette activité peuvent se permettre de jouer avec ses conventions les plus constitutives », visible dans l'art contemporain avec des figures telle que Duchamp96. Néanmoins, ce jeu sur la signature sous-entend une artification pleinement réussie, ce qui reste encore à démontrer.

Enfin, un dernier cas relate la non-utilisation du blase ou, s'il existe, il est conçu comme une marque. Yazan Halwani reprend le principe de la signature des arts picturaux et non celui propre au graffiti, signant de son nom légal. Il s'agit d'ailleurs d'un graffeur qui ne tague pas, et montre que le tag n'est pas un préalable absolu à la reconnaissance en tant qu'artiste. Il faut toutefois noter que cette « déviation » des phases communément définies et acceptées dans la carrière du graffeur n'est permise que parce qu'il se positionne très différemment des autres graffeurs. Il ne se place ni dans une scène graffiti bien qu'étant graffeur par activité, ni dans une communauté de pratiques. L'invocation du processus de labellisation est pertinente, puisqu'elle peut différer en fonction du type de reconnaissance visée et, de plus, modifier la pratique. S'il peut objectivement être considéré comme graffeur puisque peignant des pièces en milieu urbain, avec le même matériel que les autres graffeurs, il ne se définit pas comme writer. De plus, l'utilisation de son nom complet permet une identification officielle et simple, plus accessible au grand public, profane, et aux acteurs médiatiques susceptibles d'écrire sur lui et de favoriser sa reconnaissance dans des milieux institutionnels. Il se passe de la reconnaissance des pairs. D'autre part, le choix des frères Kabbani de s'appeler Ashekman révèle, nous l'avions notifié, d'une stratégie de reconnaissance plus

96 HEINICH, Nathalie, op. cit., p. 101.

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commerciale. En effet, il ne s'agit pas d'un blase à proprement parler, ni même d'un crew, mais plutôt d'un nom de marque, englobant différentes activités qui seraient constitutives de la culture hip-hop : marque de vêtement, graffiti et groupe de rap sont dès lors rassemblés sous un seul et même nom.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry