CONCLUSION :
La zone ON est sans conteste un véritable terrain
à fort potentiel agricole pour le Mali. Depuis la colonisation, les
avantages que la zone procure sont connus. Elle était déjà
considérée, comme le « grenier potentiel de l'Afrique de
l'Ouest », capable de nourrir toute la sous région. Son histoire
agricole a ainsi été marquée par les cultures de coton et
de riz.
À présent, le maraichage marque l'histoire de
l'ON par son importance. Au début des années 1980, il
n'était encore qu'une activité marginale, bannie des casiers
rizicoles. En 2018, il s'agit de la seconde activité pour les colons,
par sa fréquence en contre saison et son importance pour le revenu des
exploitants (de 50 % à 70 % du revenu de certains maraichers). Les
spéculations cultivées constituent les bases de la cuisine
malienne, à savoir la tomate et l'échalote. La demande est si
grande que les opportunités ne sont pas toutes exploitées, ce
près de quarante années après la prise de conscience des
potentialités du maraichage dans la zone. Avec une
prééminence de l'échalote comme spéculation
maraichère.
En effet, qui parle de maraichage en zone ON pense
forcément à l'échalote. Elle représente 60 % des
cultures maraichères de l'ON. Son histoire est associée à
celle du maraichage de l'ON ; jardin de case dans un premier temps, elle est
depuis près de trente années devenue une culture de rente,
générant un chiffre d'affaires de plus de dix milliards de FCFA.
Ses nombreux atouts expliquent l'enthousiasme des colons lorsqu'ils sont
questionnés sur les effets du maraichage. Cette phrase « Nafa Ba
dé bé à la ! » (Il est d'une grande importance !) n'a
cessé d'être répétée lors des enquêtes
de terrain. Le fameux « Jaba micéni » de Niono a permis au
colon d'améliorer ses revenus, en se diversifiant notamment. La
riziculture n'est plus suffisante pour répondre à l'ensemble des
besoins, et le maraichage, notamment la culture d'échalotes, vient en
renfort. La maitrise en eau totale et l'abondance de terres permettent une
production importante ; la région détient le monopole du
marché malien pendant près de cinq mois chaque année. Elle
permet aux femmes et aux jeunes de se constituer un revenu personnel et de
s'affranchir des inégalités des
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familles traditionnelles. Les femmes, en transformant la
spéculation en EES ou EST, permettent d'augmenter les revenus
tirés de cette production.
Toutefois, comme nous l'avons vu dans ce mémoire, cette
spéculation primatiale est confrontée à nombre de
blocages. La difficulté de la production, le manque d'infrastructures de
conservation, de transformation, mais aussi la désorganisation de la
filière de commercialisation sont autant de freins au
développement de cette spéculation. Ainsi cette
prééminence menace véritablement la dynamique
d'amélioration des revenus des exploitants par le maraichage.
La pomme de terre, spéculation d'avenir pour la zone,
introduite il y a près de vingt ans, a servi de diversification
également. C'est une spéculation produite dans d'autres bassins
maraichers du Mali, mais qui ne suffit toujours pas à répondre
à la demande nationale. Le Mali continue malgré sa production
d'importer des pommes de terre d'Hollande ou du Maroc. En ce sens, les atouts
que procure l'ON pour le pays permettraient un développement de la
chaine de valeur, mais aussi de diversifier l'activité dans la zone et
d'améliorer les revenus des exploitants. Tout comme l'échalote,
la filière est confrontée à des limites qui menacent son
développement, notamment un manque de maitrise des techniques, la
faiblesse de la conservation et de la transformation.
Finalement, s'il est vrai que ce mémoire expose la
situation actuelle du maraichage dans la zone ON et sa contribution aux revenus
des exploitants, il nous amène aussi à réfléchir
sur son caractère suffisant pour l'atteinte de la sécurité
alimentaire. Le maraichage contribue à la moitié du revenu des
exploitants, mais au vu de la faiblesse de ce revenu, cette amélioration
semble minime. À cet instant même, la malnutrition sévit
encore dans ces villages, où l'abondance d'eau et de terres ne suffit
pas pour manger à sa faim. Ceci existe malgré la volonté
« apparente » du gouvernement et l'implication de partenaires au
développement. Les projets similaires, qui poursuivent les mêmes
objectifs ne parviennent pas à décanter la situation. Près
de soixante années après les indépendances, la
pauvreté reste le quotidien de ces ruraux maliens. En ce sens, le
maraichage certes améliore les revenus, mais permet surtout à ces
maraichers de survivre, et non de les sortir de la pauvreté. Un blocage
apparent semble illustrer son développement.
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