II.3.2.a Un changement de vision
« Aw broussi kono na mogow, aw be djoro ni konobara
falé yé ka té mai balo nafa
kan »
Cette citation signifie que « Le Malien rural cherche
aujourd'hui à nourrir son ventre plutôt que son corps ».
C'est ce que nous dit « De Gaulle » un maraicher rencontré
dans une pinasse sur le fleuve Niger.
Son constat à propos de la situation nutritionnelle des
ruraux du Mali est juste et simple.
Le « Dounka Fa » (Manger suffisamment, de
manière quantitative), est l'unique motivation des exploitants, tous les
matins. Pendant des années et encore aujourd'hui, il est monnaie
courante de manger le fameux « tô », ou riz, le matin et le
soir, ce des mois durant. La monotonie de leur alimentation est l'une des
causes des problèmes de malnutrition. L'aspect qualitatif, du point de
vue nutritionnel, est vu pour ces ruraux comme des considérations de
personnes dans le non besoin. Une perception qui, de fil en aiguille, se
révèle erronée pour les grandes villes comme Bamako ou
encore Ségou. Retrouver des cultures de légumes dans les zones
interstitielles de la ville prouve à quel point la motivation à
« manger de manière saine » se profile et la demande se fait
grandissante. Les bassins de production, souvent peu reliés à la
ville, peinent à y arriver.
La classe citadine, non agricole et de plus en plus instruite,
recherche la diversité de fruits et légumes.
Ainsi, comme Sylvie Brunel, dans son livre Plaidoyer pour nos
agricoles l'a si justement fait remarquer, une population qui s'enrichit
tend à « mettre du beurre dans ses épinards ». La
population malienne qui s'urbanise de plus en plus consomme donc de plus en
plus de légumes, ayant des répercutions sur les espaces ruraux.
Cela peut s'expliquer par différents facteurs.
Tout d'abord, aujourd'hui en ville, il est courant de trouver
dans les ménages des villes des jeunes filles rurales, venues en ville
pour être domestiques chez les citadins. Souvent, elles sont
chargées de cuisiner les repas selon les goûts et les indications
de leur « Patron ». Des patrons, relativement plus instruit sur
l'apport nutritionnel des aliments, par rapport aux ruraux. Ainsi, elles
apprennent, à préparer,
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d'une façon nouvelle et comprennent « les besoins
nutritionnelles » d'un corps humain. Notamment avec l'apport en
légumes important dans les sauces qui accompagnent le riz. Une nouvelle
habitude qu'elles reproduisent dans la cuisine au village, une fois
rentrées.
Aussi, le développement du secteur agricole se traduit par
une volonté de proposer une agriculture diversifiée et intensive,
incitée par les pouvoirs publiques et les campagnes de sensibilisation.
On le voit avec l'introduction de la pomme de terre dans les
spéculations maraichères de l'ON. Ou encore, la consommation
« normalisée » du riz, qui autrefois était un repas de
fête : c'est devenu aujourd'hui un aliment du quotidien des citadins, qui
le consomment au moins une fois par jour pendant toute l'année et aussi
pour certains espaces ruraux.
Enfin, l'augmentation du nombre de personnes «
éduquées » et le développement du secteur tertiaire
en ville en défaveur du secteur agricole peut justifier aussi le
changement des habitudes alimentaires et la pression des milieux agricoles
à produire davantage.
II.3.2.c Une ville urbaine, non agricole, tournée
vers le secteur tertiaire. Répartition sectorielle des emplois
par lieu de résidence, 2009
Source : « Urbanisation et croissance dans les villes du
Mali » Sandrine MESPLE-SOMPS, Harris SELOD, Gilles SPIELVOGEL, Brian
BLANKESPOOR, IRD
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Il apparaît que le secteur agricole ne représente
que 3,1 %31 des emplois en ville contrairement aux espaces ruraux.
Le commerce constitue le secteur le plus important : de 18,5 % à 32,2 %
des emplois sont dans ce secteur. Ensuite, les services sont les secondes
sources d'emplois.
Comme l'indique le diagramme suivant, les zones de moins de 5 000
habitants sont les espaces agricoles. Comme indiqué
précédemment, 85,7 % des emplois sont dans ce secteur. La
population mène majoritairement l'agriculture.
Par conséquent, hormis les bassins maraichers aux
alentours des villes, il est difficile de se fournir en fruits et
légumes. C'est le cas de l'échalote par exemple. Elle est
commercialisée certes vers les pays de la sous région, mais aussi
et surtout dans les grandes villes du pays. Un marché à Bamako
porte même le nom de la zone de Niono. Au « Niono sugu », on
peut trouver des échalotes arrivées par camions pour
approvisionner ces pôles de consommation.
31 Attention: Ce chiffre est officiel mais doit être pris
avec précaution, au vu de l'importance du secteur informel dans cette
activité dans les villes, dont les statistiques ne prennent pas compte.
La part paraît bien inférieure à la réalité.
Car l'agriculture étant souvent une activité
complémentaire pour les citadins, assure des revenus
supplémentaires pour les ménages et/ou un travail et aussi se
nourrir.
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III. Le maraichage de la zone ON :
un
succès en demi-teinte.
Finalement, cette activité soutenue par les institutions
et les partenaires au développement, comme gage de
sécurité alimentaire, d'égalité entre les genres et
les âges et moins demandeuse en eau que le riz tient-elle toutes ses
promesses ? Dans cette partie, nous tenterons de montrer que cette
activité présente également des limites.
Aujourd'hui cette bouée de sauvetage à une
riziculture insuffisante pour aider les exploitants à sortir de la
pauvreté permet d'apporter de la valeur ajoutée au revenu du
ménage et de le compléter ; mais pour de multiples raisons, sa
pérennité et son développement sont freinés par de
nombreux paramètres.
D'une part, les champs consacrés au maraichage sont de
plus en plus petits, conséquence d'une pression foncière qui
conditionne souvent les performances de la production.
D'autre part, il fait face à des contraintes,
liées à la disponibilité en contre-saison de l'eau, mais
aussi l'accès limité en termes de quantité et en
qualité aux semences. Enfin après la production, un autre
défi émerge : celui de la commercialisation
désorganisée et peu rémunératrice, avec des prix
fluctuant et bas lors de périodes de surproduction. C'est le cas pour
l'échalote, dont la conservation difficile et la transformation encore
traditionnelle à faible valeur ajoutée mettent à mal le
développement. En ce sens, des défis restent à relever en
la matière pour un impact plus significatif du maraichage dans
l'amélioration des revenus des exploitants.
1. Une pression foncière croissante :
germe de la théorie malthusienne ?
La démographie galopante demeure une difficulté
lorsque la croissance économique ne l'accompagne pas.
Si le premier essai de Malthus sur le Principe de
population en 1798 est sujet à des controverses, il n'en est pas
moins entièrement faux. Des éléments du constat
reflètent une part de vérité.
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En effet selon ce dernier, une croissance démographique
« si elle n'est pas freinée, la population s'accroit en progression
géométrique. Les subsidences ne s'accroissent qu'en progression
arithmétique » (Malthus, 1798, page 14) ; en d'autres termes, sans
politique nataliste pour la « freiner », naturellement la population
d'un pays croit plus vite que la production de richesse créée par
les hommes pour répondre à leur demande. Une affirmation qui met
en exergue la nécessité primordiale d'une intervention des
politiques, pour équilibrer ces deux composantes, intrinsèquement
liées. L'histoire a pu démontrer que le malthusianisme
démographique n'est pas forcément la solution, car le
progrès des techniques des hommes a permis de surpasser ce levier
malthusien à de nombreuses reprises. C'est le cas par exemple lors la
Révolution Verte amorcée en Asie au milieu du
XXème siècle, qui a su invalider les hypothèses
d'une future famine dans les années 1950. En ce sens, il parait flagrant
qu'au lieu de limiter la natalité, il faudrait plutôt permettre
une croissance démographique équilibrée à la
croissance de la production des ressources pour la subsidence des hommes.
De ce fait, cette assimilation au cas de l'ON a pour but de
démontrer que la croissance démographique ne va pas de pair avec
la croissance des performances des exploitants. La terre étant l'un des
facteurs de cette production, elle est l'une des causes de performances en
deçà du potentiel, et limite cette possibilité de
croissance de la production, notamment maraichère.
III.1.1. Description du foncier de l'ON.
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