I.4.2.d. Le renouveau de la zone ON.
Outre ce caractère collectiviste et dirigiste de la
production, la vente obligatoire de la production à l'État
à des prix très bas marque le déclin du secteur. Le pays
passe d'exportateur en riz à importateur au début des
années 1970, entrainant ainsi une restructuration de l'entreprise
étatique chargée de la gestion. Cela marque un véritable
tournant dans la gestion de l'office.
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L'État se désengage alors, par le biais tout
d'abord du Schéma Directeur du développement Rural (SDDR) en
1991, au profit des paysans qui progressivement sont tentés de produire
plus, afin de répondre à des intérêts individuels.
Cette restructuration a permis une indépendance et une
libéralisation de la profession (ARPON III, 1996)
L'office du Niger se voit donc relégué
uniquement à la gestion du foncier, à travers sa mise en valeur,
à la gestion du réseau hydraulique et du développement
durable du Delta intérieur du Niger, selon les Articles 1 et 2 du
Décret N°2014-0896/P-RM de gérance des terres du
réseau hydraulique, affectées à l'ON. Le décret
justifie le principe pour l'État malien « d'en faire moins, pour
faire mieux ».
Sur le plan de la production, les paysans se sont vus
octroyer des terres suivant des conditions définies par
l'Arrêté N°96-1695/DRE-SG du 30 Octobre 1996 du cahier des
charges. Il s'agit notamment de terres à destination du maraîchage
à partir du début des années 1980.
Autrefois bannis par l'Office du Niger qui se concentre sur
la riziculture, le maraichage et les cultures de diversification se sont
imposés de fil en aiguille comme des cultures de rente. La faiblesse des
rendements du riz et le déclin progressif de la production ont permis
leur émergence.
La production de fruits et légumes existe en effet en
zone ON depuis la période coloniale. Même bannis, les exploitants
n'ont pas hésité dès leur installation à mettre en
place des jardins de case17. Ils étaient utilisés par
les femmes pour produire certains « condiments » de leurs repas
quotidiens. Au départ uniquement réalisée en
période d'hivernage, la création de rigoles a permis l'arrosage
en période sèche. Peu à peu, l'ON, sans l'accepter
officiellement, en accordant des superficies pour sa pratique, la
tolérait (Sogoba, 1996).
Progressivement, on est passé d'un jardinage pour
l'autoconsommation à une activité commerciale : le maraichage, en
raison des nombreux avantages comparatifs de la zone de l'ON, notamment :
· La permanence d'une source d'eau
· Le développement de centres urbains locaux,
reliés par des voies de communication
17 Petite parcelle autour de la maison.
·
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Le désenclavement de Niono par une route bitumée
entre Ségou et Niono (1984) permettant d'avoir des
débouchés extérieurs
· L'arrivée massive des commerçants sur le
marché de Niono (le dimanche) et de Siengo (le jeudi), permise par la
libéralisation du commerce du riz en 1987. La zone ON est devenue une
région très dynamique
· Le manque de travail des jeunes
· Une valeur ajoutée forte à l'hectare.
· Enfin, la volonté des familles de chercher des
activités complémentaires à la culture du riz, qui
à la fin des années 1970 entre en phase de déclin.
Ainsi, la production de fruits et légumes est
tolérée, au point de réserver dans les années 1980,
lors des aménagements des nouveaux villages comme Bagadadji km36 ou
encore Foabougou, des parcelles de deux à trois hectares aux alentours
de ces villages pour l'activité des femmes. C'est notamment le cas dans
le cadre du projet Rétail pour la réhabilitation des terres dans
le secteur Sahel (2 800 ha) : des superficies sont réservées par
famille pour l'activité maraichère (Sol de maraichage) (Pasquier,
1996).
De ce fait, le maraichage rentre dans les
considérations et les statistiques, et commence à n'être
n'étudié qu'a partir du début des années 1980.
Enfin, au vu des nombreux atouts qu'elle offre, 1997 est
l'année de la consécration de l'activité maraichère
en zone ON. L'ON donne alors son accord pour que les cultures
maraichères passent des parcelles hors casiers et de l'irrigation
à partir des puisards, ou des calebasses dans des petites parcelles (2
à 3 hectares pour un village), réservées aux maraichages
des femmes, à du maraichage au sein de parcelles
aménagées. Ceci permet alors une augmentation des superficies
mais aussi de la production et des rendements.
Cet accord officiel de l'ON à destination des cultures
maraichères en contre-saison et à leur réalisation dans
les parcelles découle des atouts qu'elles confèrent. C'est en
effet une activité de contre-saison moins gourmande en eau par rapport
à la riziculture et qui permet de meilleurs rendements pour la
riziculture pendant la saison des pluies. C'est en ce sens que les redevances
en eau se veulent à présent incitatrices à la culture
maraichère. Aujourd'hui, la redevance est ainsi passée de 67 000
(102 euros) à 6 700 FCFA (10 euros) pour les cultures maraichères
; c'est certes
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le résultat du mécontentement des femmes, mais
aussi et surtout d'une politique de l'ON pour encourager les exploitants
à produire des spéculations en contre saison plutôt que du
riz, pour minimiser la pression sur l'eau en période d'étiage
dans un contexte de pluviométrie irrégulière et de plus en
plus faible.
Ainsi, cette zone devint un espace très attractif,
vecteur d'une multitude d'opportunités qui ne cesse d'attirer les
maliens.
Cette diversification des activités agricoles
présente également des enjeux pour le Mali, qui, dans sa
quête de souveraineté alimentaire, peut voir dans cette pratique
du maraichage une solution irréductible.
Le pays dispose de nombreux périmètres
maraichers ; outre la zone de l'Office du Niger dont le bassin de Bamako
(Baguineda, Samako), on trouve la zone de Bandiagara, mais aussi Sikasso qui
est la première région maraichère du Mali. Toutefois, la
zone de l'ON représente en termes de production maraichère une
véritable « cité nourricière ».
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