WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Jeux politiques et développement local. Acteurs et logiques en présence dans la commune d'Ifangni.

( Télécharger le fichier original )
par Kassim Olagouké OROUGBE
Université dà¢â‚¬â„¢Abomey Calavi - Maîtrise 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE2 : LES LOGIQUES DES ACTEURS DANS LA COMMUNE D'IFANGNI

Comme l'indique le présent sujet, il s'agit de relater à travers ce travail les effets induits de la politisation à outrance sur le développement de la commune d'Ifangni. Ainsi, après avoir fait le point des principaux acteurs à Ifangni dans la première rubrique de la présentation des résultats de cette recherche, cette rubrique met en exergue le discours desdits acteurs, les logiques qui sous-tendent leurs actions et réactions.

Comme indiqué plus haut, les principaux acteurs dans le développement sociopolitique et économique de la commune restent les élus communaux avec à leur tête le Maire. Ils élaborent et mettent en oeuvre les programmes/projets de développement et assurent la gestion au quotidien de la commune. Pour ce fait, leur disponibilité reste une condition indispensable pour l'accomplissement de leur mission. Voilà ce que pensent les enquêtés à propos de la disponibilité des élus :

Tableau 9: Appréciations des enquêtés sur la disponibilité des conseillers communaux.

Pensez-vous que les conseillers communaux sont disponibles pour travailler pour le développement de la commune ?

Nombre

Pourcentage

Oui

02

3,44%

Plus ou moins

09

15,51%

Non

47

81,03%

TOTAL

58

100%

Source : Travaux de terrain, Mai - Juillet 2014

Ce résultat a conduit à fouiller ce qu'entendent les enquêtés par la disponibilité des conseillers communaux. On se rend compte donc qu'ils l'assimilent à la résidence ou non des conseillers sur le territoire la commune.

A propos de la résidence des élus dans la commune, la loi stipule que: « le Maire et ses Adjoints une fois élus, doivent avoir leur domicile dans la commune. » (Article 46 loi n°97-029/99).

Voici ce qu'il en est de la commune d'Ifangni.

Tableau 10 : Liste des conseillers communaux de la commune d'Ifangni et leur (s) lieu(x) de résidence

Nom et Prénoms

Sexe

Fonction

Lieu de

résidence

Observation

1

FAFOUMI Raymond

M

Maire

Cotonou

En

permanence

2

MICHODJEHOUN

Félix

M

1er Adjoint

Ifangni

En

permanence

3

AHISSOU

Nouhoumon

M

2è Adjoint

Porto novo

Ifangni accessoirement

4

ATCHAMBI Patrice

M

CA

Ifangni

En

permanence

5

SOGNIGBE Jean

M

CA

Ifangni

En

permanence

6

DOTONOU Jules

M

CA

Ifangni

En

permanence

7

TOLEKE Sètondji

M

CA

Ifangni

souvent à

Sakété pour

raison professionnelle

8

HOUNGUE Kévin

M

CA

Ifangni

souvent à

Cotonou pour raison professionnelle

9

BANKOLE Pierre

M

CA

Ifangni

En

permanence

10

AKLE Laurent

M

CC

Cotonou

Présent dans

la commune

certains

weekend

11

LANKPODJIVI Victor

M

CC

Cotonou et Bohicon

présent dans

la commune

certains

weekend

12

DJOSSOU Yves

M

CC

Ifangni

En permanence

13

DOSSA Grégoire

M

CC

Ifangni

En permanence

14

FALOLA Maroufath

F

CC

Ifangni et

Cotonou

A cheval entre

les deux (02)

communes

15

AKPATA Joseph

M

CC

(Maire

sorti)

Porto novo

En

permanence

16

HOUETO Victorien

M

CC

Ifangni

En

permanence

17

ATCHADJOU Ignace

M

CC

Cotonou

En

permanence

Source : Travaux de terrain, Mai - Juillet 2014

En résumé,

Tableau 11 : résumé surles lieux (x) de résidence des conseillers communaux de la commune d'Ifangni.

Résidence

Permanente dans la commune

Temporaire dans la commune

En dehors de la commune

Nombre de conseillers

08

03

06

Pourcentage

47,05%

17,64%

35,29%

Le Maire, selon les enquêtés, n'aurait passé la nuit qu'une ou deux fois dans la commune durant son mandat de plus de cinq ans.

Un enquêté commente : « au départ il prétendait de ce que l'état de la résidence n'était pas digne de son rang social et qu'il devra d'abord l'aménager avant de commencer par y passer la nuit ; mais malgré nos millions qu'il a dépensés pour réfectionner la résidence, il n'y a jamais passé la nuit ».

Comme le dit un sage du milieu, pour s'indigner des mauvaises pratiques des cadres, « ce n'est pas les paysans qu'il faut aller chercher au champ pour venir diriger notre localité et l'amener au développement ». En fait, le développement, même local, reste un processus dont la conduite à bon port ne peut être l'oeuvre des amateurs ou des parvenus sans ambitions ni attitudes et aptitudes requises. Le travail s'est intéressé donc à l'idée que se font les populations du niveau intellectuel des conseillers pour apprécier le degré de confiance qu'ont les populations à leurs conseillers pour ce qui concerne leur capacité à amener la commune au développement.

Voici ci-dessous ce que pensent les enquêtés du niveau intellectuel des conseillers.

Tableau 12 : Résumé surl'appréhension des populations sur la capacité des conseillers communaux de la commune d'Ifangni à développer leur commune.

Sur une échelle de trois degré (bon - moyen - faible), quelle appréciation faites-vous de la capacité intellectuelle des conseillers pour amener effectivement la commune au développement ?

Nombre

Pourcentage

Bon

02

3,44%

Moyen

07

12,06%

Faible

49

84,48%

TOTAL

58

100%

Source : Travaux de terrain, Mai - Juillet 2014

Ce résultat a amené à s'intéresser au profil de chaque conseiller. A ce niveau, toutes les tentatives pour avoir le niveau intellectuel des conseillers ont été vaines. En dehors de quelques informations pas très crédibles (car pas facilement vérifiables), il a été presque impossible d'obtenir des informations sur le niveau académique réel des conseillers communaux.

Compte tenu de l'importance que requièrent ces données pour le sujet, nous avons essayé de contourner cette barrière en nous renseignant sur la profession des conseillers. Cette option pourrait permettre d'établir le lien entre leur profession et leprofil intellectuel.

Voici les résultats que nous avons obtenus :

Tableau 13 : Liste des conseillers communaux de la commune d'Ifangni et leur profession

Nom et Prénoms

Sexe

Fonction

Profession

Observation

1

FAFOUMI Raymond

M

Maire

Opérateur économique

 

2

MICHODJEHOUN

Félix

M

1er Adjoint

Enseignant du secondaire

Retraité

3

AHISSOU

Nouhoumon

M

2è Adjoint

Instituteur

Artiste

chanteur

En fonction

4

ATCHAMBI Patrice

M

CA

Instituteur

En

Fonction

5

SOGNIGBE Jean

M

CA

Pasteur

En

Exercice

6

DOTONOU Jules

M

CA

Fermier

Serait titulaire

d'un BAC+2

7

TOLEKE Sètondji

M

CA

Agent de

Santé

Niveau BEPC

8

HOUNGUE Kévin

M

CA

Fermier

Serait titulaire

d'un diplôme universitaire

9

BANKOLE Pierre

M

CA

Couturier

N'exerce plus

10

AKLE Laurent

M

CC

Vitrier

En exercice

11

LANKPODJIVI Victor

M

CC

Enseignant du secondaire

Nommé à la Direction de l'Enseignement Supérieur

12

DJOSSOU Yves

M

CC

Dépanneur

N'exerce plus

13

DOSSA Grégoire

M

CC

Agent

collecteur

 

14

FALOLA Maroufath

F

CC

Opératrice économique

 

15

AKPATA Joseph

M

CC

(Maire

sorti)

Bibliothécaire

Retraité

16

HOUETO Victorien

M

CC

Instituteur

En

Fonction

17

ATCHADJOU Ignace

M

CC

Opérateur économique

 

Source : Travaux de terrain, Mai - Juillet 2014

A travers donc ces résultats bruts, on peut déjà apprécier la capacité réelle des conseillers communaux d'Ifangni à amorcer le développement de la commune. Encore tous les acteurs s'accordent sur ce que le niveau d'étude pour la 2ème mandature est largement relevé par rapport à la première mandature.

Malgré ce profil, il n'est pourtant pas exclu que les conseillers communaux fassent preuve d'une bonne attitude pour impacter de façon substantielle, par des actions de qualité, le développement de leur localité. Les populations étant les premiers juges desdites actions (elles en sont les bénéficiaires), nous avons cherché à avoir l'idée qu'elles se font de la pertinence des actions de leurs élus. La pertinence dont il s'agit ici est mesurée par rapport aux actions prévues par le Plan de Développement Communal (PDC). En fait, le PDC devrait être élaboré dans une démarche participative qui après avoir établi un diagnostic des maux qui entravent le développement de la commune,prévoit à travers des programmes/projets des actions devant permettre de remédier aux maux identifiés et par ricochet conduire vers le développement. Ainsi, toute action visant le développement de la commune devra s'inspirer obligatoirement de ce plan.

Certes, la plupart des enquêtés n'ont pas compris la question sous cet angle, le lien a été donc fait par rapport à l'influence des actions sur leur vie quotidienne. Voici l'avis de nos enquêté.

Tableau 14 : Tableau présentant l'appréhension des populations sur la pertinence des actions du conseil communal d'Ifangni.

Sur une échelle de trois degré (pertinent - peu pertinent - pas pertinent), quelle appréciation faites-vous de la pertinence des actions du conseil communal pour amener effectivement la commune au développement ?

Nombre

Pourcentage

Pertinent

05

5,74%

Peu Pertinent

28

32,18%

Pas Pertinent

54

62,06%

TOTAL

87

100%

Source : Travaux de terrain, Mai - Juillet 2014

A la préoccupation de citer quelques exemples d'actions pas trop pertinentes de la mairie, les exemples donnés par nos enquêtés sont multiples, les plus récurrentes sont :

I-2-1- L'acquisition par la mairie d'un domaine

En effet, la mairie a acheté à environ 3km de ses bureaux, un domaine de cinq (05) hectares pour, selon les explications fournies par certains conseillers communaux, accueillir les infrastructures sociocommunautaires. Nombreux sont nos interviewés qui ont cité cette réalisation, comme un exemple de gaspillage de ressources. Selon eux, les trente-cinq millions qui ont servi à acquérir cedomaine aurait pu permettre de faire autre chose car, la zone étant en lotissement, il est favorable à la mairie de placer les réserves administratives là où elle le souhaite. Alors que les défenseurs de l'initiative disent que cet achat a permis d'accélérer la viabilisation de la zone qui n'était qu'une grande palmeraie.

I-2-2- L'acquisition d'un Hôtel

Autour de 2010, un premier hôtel a été installé dans la commune par un groupe d'opérateurs économiques qui tablaient sur la proximité avec le Nigéria pour rentabiliser leur investissement. Mais autour de 2012, ayant remarqué que le retour sur investissement ne promettait pas, le groupe décida de brader l'hôtel. La mairie, après une délibération du conseil communal, avec 13 voix pour et 04 contre, décide d'acheter cet hôtel à quatre-vingt-douze millions (92.000.000) FCFA. Cette réalisation est largement citée comme exemple de gaspillage par les enquêtés. Jusqu'au moment où cette recherche allait à son terme, l'hôtel n'avait encore rien rapporté à la mairie et les appels d'offres lancés pour son affermage ont été infructueux. Un enquêté déclare  à ce propos : «  là où le privé a échoué, est-ce c'est le public qui va réussir ? »

I-2-3- Les voyages très peu fructueux

Les enquêtés estiment qu'au cours de la 2èmemandature, beaucoup de voyages ont été effectuée par le Maire et ses conseillers, mais ces déplacements n'ont rien rapporté à la commune. Selon les informations recueillies, pour les multiples voyages du Maire, la seule chose à indexer reste un « fire truck » ramené des Etats Unis qui selon les enquêtés ne sert à rien. L'engin, garé dans la cour de la mairie (voir photo) serait abandonné aux intempéries depuis 2012.

Mais l'exemple qui est cité par un grand nombre des enquêtés est ce voyage en 2010 aux Etats Unis pour lequel il aurait été offert à la commune, un (01) compacteur, une (01) niveleuse et un (01) bulldozer. Pour la réparation et le transport de ces engins, la mairie aurait décaissé vingt-trois millions en dehors du coût du voyage. Mais quatre ans après, soit au moment de ce travail, ces engins ne sont pas encore arrivés dans la commune.

Photo 1 : vue du Fire Truck ramené des Etats Unis

Source : Travaux de terrain, Mai - Juillet 2014

Alors pour les enquêtés qui pensent que les actions du conseil communal sont peu pertinentes ou pas du tout pertinentes, les raisons de cette impertinence ont été recherchées. Pour cela, quatre raisons au choix ont été proposées : le manque de ressources financières ; le manque de ressources humaines qualifiées à la mairie, la politisation des actions de développement et autres raisons.

Voici ce que répondent nos enquêtés :

Tableau 15 : Tableau présentant les raisons de l'impertinence des actions du conseil communal d'Ifangni selon nos enquêtés.

Quelles sont alors les raisons de cette impertinence ; est-ce le manque de ressources financières ; le manque de ressources humaines qualifiées à la mairie ; la politisation des actions de développement ou autres raisons ?

Nombre

Pourcentage

Manque de ressources financières

02

2,43%

Manque de ressources humaines qualifiées à la mairie

13

15,85%

La politisation des actions de développement

63

76,82%

Autres raisons

05

6,09%

TOTAL

82

100%

Source : Travaux de terrain, Mai - Juillet 2014

En commentaire à cette préoccupation, voici ce que répond un agent de la mairie : « la politique est un danger pour la commune, car par la politique, certains conseillers rejettent à tort et à travers les budgets annuels parce qu'ils sont opposants ». Un membre d'Organisation de la Société Civile : « on ne sait pas si la réalisation est bien pensée avant la concrétisation ; pour le cas du pavage de la mairie par exemple, l'idée est mauvaise ». Un conseiller visiblement proche du Maire fait remarquer : « absolument ! Il y a eu beaucoup de réalisations au temps de cette mandature, des écoles construites, des hangars des WC dans les écoles....etc. » ; un autre conseiller probablement du camp des opposants rétorque : « la politisation à outrance a fait échouer de bonnes initiatives car si c'est le camp opposé, on rejette ; les réalisations sont hasardeuses et entrent rarement dans le développement de la commune ; l'achat d'un hôtel qui n'est pas opérationnel, des voyages inutiles à grand sous....etc. » et à un citoyen lambda de conclure : « il n'y a rien que du gâchis des ressources dont disposent la commune ».

Dans un souci de comparaison,pour savoir comment les acteurs retrouvés sur place apprécient la première mandature de l'ère de la décentralisation à la seconde en termes d'actions de développement de la commune. Voici ce qu'ils en pensent :

Tableau 16 : Tableau de comparaison des deux mandatures de l'ère de la décentralisation dans la commune d'Ifangni

Si vous devez comparer cette 2ème mandature finissant à la 1ère en terme de l'avancée de la commune que choisirez-vous entre : Bon - Pareil - Moins bon

Nombre

Pourcentage

Bon

69

79,31%

Pareil

1

1,14%

Moins bon

17

19,54%

TOTAL

87

100%

Source : Travaux de terrain, Mai - Juillet 2014

Comme pour nuancer cet écart entre les deux mandatures, un agent de la mairie ajoute : « ..... Mais la plupart des réalisations de cette mandature sont faites sur fonds FADEC alors qu'à la première mandature, il n'existait pas le FADEC ».

Un autre enquêté parmi les populations lambda signale que : « .... Mais le plus grand problème de ce mandat en cours, c'est la politisation à outrance ; même les familles sont cassées à cause de la politique ; tout est vu et analysé sous l'angle de politique ».

A la question « pouvez-vous citer quelques exemples de décisions ou d'actions relevant de la politisation? », beaucoup de faits et actes ont été cités. Après compilation, nous vous proposons ceux ci-dessous :

I-2-4- Choix de l'emplacement pour la construction des nouveaux bureaux à la mairie.

A la prise de service du nouveau Maire (celui de la 2ème mandature), il a hérité d'un bâtiment en très mauvais état abritant les bureaux de la mairie. La nécessité de construire de nouveaux bureaux pour la mairie était donc pressante. Mais il faut noter que ce même besoin avait déjà été identifié par le premier Maire (celui de la 1ère mandature). Il avait même déjà entamé un chantier qui se trouvait au premier niveau de chainage.

Photo 2 : vue du chantier entamé par le premier Maire

Source : Travaux de terrain, Mai - Juillet 2014

La volonté du nouveau Maire de doter la mairie de nouveaux bureaux a connu déjà un début de satisfaction dira-t-on. Mais contre toute attente il aurait décidé d'aller commencer juste à côté de cette fondation, une nouvelle. Raison avancée, le nouveau Maire ne voudrait pas que cette réalisation soit vue comme l'achèvement d'un travail commencé par son prédécesseur.

Au bout de quelques mois, voici ci-dessous la vue des nouveaux bureaux de la mairie situés juste à environ cinq (05) mètres de la première fondation.

Photo3 : vue du bâtiment abritant les nouveaux bureaux de la mairie.

Source : Travaux de terrain, Mai - Juillet 2014

I-2-5- Politisation dans la mobilisation des ressources de la mairie.

La commune d'Ifangni est frontalière à la République Fédérale du Nigeria sur plusieurs kilomètres (voir carte d'Ifangni). Cette situation géographique, à la vue du taux d'échange entre le Bénin et le Nigeria, représente une grande opportunité pour la commune. En raison de cette position, Ifangni fait partie des quelques communes autorisées à percevoir la taxe de stationnement. Ainsi, les nombreux échanges entre le Bénin et le Nigeria (à l'entrée comme à la sortie), à travers Ifangni devraient être des sources de revenue considérable pour la commune. Par exemple, en dehors d'autres produits, plus de 74% des véhicules d'occasion en transit vers le Nigéria emprunteraient la commune d'Ifangni. Tous les acteurs sociaux à Ifangni s'accordent sur le fait que la commune regorge de grandes potentialités pour son développement notamment du fait de sa position géographique par rapport au Nigéria. Mais dans la pratique, le constat est tout autre.

1-2-5-1- L'irruption de forces non officielles dans le recouvrement des recettes.

En dehors des entrées et sorties officielles sur le Nigéria à partie d'Ifangni, il existe aussi beaucoup de pores qui permettent d'échanger à travers Ifangni. Sachant que le principe de la libre circulation des personnes et des biens restent une utopie, chaque passage est gardé par soient des structures formelles comme la Douane, la Gendarmerie, la Police ou les agents collecteurs de la mairie soient par des groupuscules en mission pour eux-mêmes. Ainsi il existe plusieurs groupes de personnes ne jouissant d'aucune légalité qui collectent des fonds qu'ils se partagent au vu et au su de tout le monde sans être inquiétés. Selon les enquêtés, les seules conditions pour accéder à ces faveurs, c'est d'être des personnes influentes dans la commune qui bien évidemment soutiennent les actions du Maire. Les autres ne soutenant pas le Maire sont systématiquement empêchés d'activité ou obligés d'exercer dans le noir. D'ailleurs, de tels groupes comme l'Association pour la Sécurité des Véhicules en Transit (ASSEVET), ayant soutenus le Maire sorti contre l'actuel au cours des élections de 2008, se sont vus interdire d'activité dès les premières heures du nouveau mandat alors les soutiens du nouveau Maire ont tout suite occupé le terrain.

Commentant cette situation, un Chef Service déclare : « la grande partie des ressources devant servir pour développer la commune vont dans les poches des individus au nom du soutien au Maire ».

1-2-5-2- Les services de la mairie comme outil de propagande politique et de remerciement des militants.

L'une des sources fiables des recettes propres pour la mairie est le produit des services qu'elle rend aux populations. En effet, les principales raisons d'existences des mairies restent le pouvoir de servir les populations notamment pour ce qui concerne l'établissement de documents administratifs. Ces services n'étant pas gratuits, conformément à la loi, le conseil communal fixe leur coût : « la création des impôts et taxes est du domaine de la loi. Le conseil communal, par sa délibération, en fixe le taux dans la limite déterminée par la loi » (article 8 loi n°98-007/1999). Mais les faits dans la commune dans ce domaine sont édifiants ; Suivant les déclarations des enquêtés et même des témoignages recueillis sur place, le coût d'un service peut passer du simple à moitié ou même à la gratuité selon le bord politique de l'usager. Et cette pratique concerne essentiellement deux (02) services ; le Service des Affaires Domaniales et le Service de l'Etat Civil.Connus de tous les usagers notamment les soutiens du Maire, lorsqu'ils se présentent à la mairie pour des services, leur première préoccupation, c'est comment faire pour réduire le coût du service ou au meilleur des cas l'obtenir gratuitement. Un agent de la mairie contacté pour se prononcer sur cet état de chose, reconnaît non seulement que c'est une réalité mais surtout, ajoute-t-il, il y a même des agents à la mairie dédiés spécialement pour aider les militants à jouir de cette faveur. Un autre agent enfonce le clou : « lorsqu'un proche du Maire demande la réduction du coût d'un service, et tu résistes ; malheur à toi s'il arrive à contacter le Maire ; il te sera demandé de rendre ce service gratuitement, tu seras désavoué ».

1-2-6- Recrutement, gestion des agents et relation professionnelle à couleur politique.

Le recrutement a pour principale fonction de fournir du personnel pour combler un vide en effectif ou en compétence de sorte à améliorer les performances et donc la productivité de la structure qui recrute.

Suivant les résultats du présent travail, les bases ou les raisons des recrutements à la mairie sont autres. La principale motivation d'un recrutement serait liée à la visibilité et à l'impact politique, aux avantages politiques que pourraient induire ce recrutement. Avec des exemples à l'appui, les échanges ont montré clairement que derrière chaque recruté, existe une histoire, mieux une raison politique qui sous-tend son recrutement. Ainsi, après compilation des données et informations recueillies, nous pouvons dire que deux principales raisons motivent les recrutements à la marie d'Ifangni : le besoin de remercier les parents d'un recruté ou le recruté lui-même et la volonté de ratisser très large. Cet état de chose est plus constaté au cours du second mandat comparativement au premier. Cette envie de satisfaire des besoins inavoués a fait que les contraintes relatives à un recrutement en termes de procédure ne sont pas respectées. A travers cette réponse d'un agent de la mairie très proche du processus de recrutement, « le recrutement suit la procédure normale. Car depuis l'année 2012, il y a des reformes allant dans ce sens », il reconnait que ce n'est qu'en 2012, que la mairie a commencé par respecter les procédures en matière de recrutement. Et même là aussi, reste à vérifier si les choses ont vraiment changé à partir de 2012 ; un Chef d'Arrondissement (du camp opposé au Maire) nous a confié que pour un recrutement en 2013, les noms des trois (03) candidats qui devraient être retenus étaient connus d'avance et qu'à la fin, c'est les trois noms qu'il a cités qui ont été effectivement recrutés.

En conséquence, la gestion des agents à la mairie serait intimement liée à leur profil politique. Les charges et responsabilités des agents au sein de l'administration communale dépendraient de non seulement leur importance politique mais surtout du degré de leur engagement sur le terrain. Sur cette base, et en nous référant aux informations recueillies sur le terrain, il n'est pas rare que comme le dit l'adage, les attributions d'un maçon soient confiées à un menuisier et vice versa. Nous avons pu reconstituer le redéploiement le plus

majeur effectué en 2012 au sein de l'administration communale.

En voici le résultat :

Tableau 17 : Tableau présentant la logique d'un déploiement des agents à la mairie d'Ifangni

SERVICE

CHEF SERVICE ENTRANT

CHEF SERVICE SORTANT

Profil

Poste précédemment occupé

Tendance politique

Profil

Nouveau Poste à occuper

Tendance politique

Service des Affaires Générales

BTS en gestion des ressources humaines

Nouvellement recruté

Proche du Maire

CAP/

Aide Comptable

Chef Division des Affaires Sociales

Proche des opposants au Maire

Secrétariat Administratif

Certificat d'Etudes Primaire

Sans responsabilité (12 ans de service)

Proche du Maire

CAP/

Employé de Bureau

Chef Service des Archives, de la Documentation, de l'Information et de la Communication

Proche du Maire

Service des Affaires Financières et Economiques

CAP / Aide Comptable

Service des Affaires Financières et Economiques

Proche du Maire

Idem

Idem

Idem

Service Technique

BTS en Génie Civil

Nouvellement recruté

Proche du Maire

License en Génie Civil

Secrétaire d'Arrondissement

Proche des opposants au Maire

Service de la Planification et du Développement Local

Maîtrise en Science Juridique

Nouvellement recruté

Proche du Maire

BAC D

Secrétaire d'Arrondissement

Proche des opposants au Maire

Service des Affaires Sociales, Culturelles et Sportives

DUEL 2 en Sociologie

Nouvellement recruté

Proche du Maire

Certificat d'Etudes Primaires

Chargé de Mission du Maire

Centriste

Service de l'Etat Civil et de la Population

BEPC

Nouvellement recruté

Proche du Maire

Certificat d'Etudes Primaires

Chef Division des Affaires Domaniales

Proche du Maire

Service de Radio et de Transmission

BEPC

Service de Radio et de Transmission

Indépendant

Idem

Idem

Idem

Service des Affaires Domaniales

Licence en comptabilité

Nouvellement recruté

Proche du Maire

Maîtrise en Aménagement du Territoire

Chargé de Plan Foncier Rural

Proche des opposants au Maire

Service des Archives, de la Documentation de l'Information et de la Communication

CAP/

Employé de Bureau

Secrétariat Administratif

Proche du Maire

BEPC

Collaborateur

Centriste

Parlant des relations professionnelles, bien évidemment quand les agents sont recrutés et gérés tels que c'est constaté, les relations de travail entre lesdits agents poseront problème. Et c'est justement ce que révèlent les informations recueillies sur place. Les agents forment deux camps plus ou moins opposés notamment sur le plan de collaboration professionnelle ; le groupe des agents proches du Maire et celui des agents proches des opposants. A l'intérieur de chaque camp, le courant passe bien mais entre les deux camps c'est de la méfiance (relation horizontale à rude épreuve). Pour ce qui concerne la relation verticale (employeur-employé), entre l'autorité communale et le camp des proches du Maire c'est la lune de miel, entre l'autorité et le second camp, la collaboration n'est pas normale. En effet, dès les premiers mois de la deuxième mandature, un syndicat a été créé pour réunir essentiellement les agents proches du Maire, le seul syndicat existant étant taxé d'être trop proche du Maire sorti. Ainsi, deux syndicats se partagent les agents de la mairie ; l'un réuni les proches du Maire et l'autre les proches des opposants au Maire. Un agent se prononçant sur cette situation, déclare : « à la mairie, seuls les agents proches du Maire ont droit de cité, nous autres, sommes persécutés et poursuivis jusqu'à nos derniers retranchements ; dépouillés de toute attribution, nous allons seulement humer l'air à la mairie. » Un autre agent, comme pour défendre le chef, nous demande : « comment voulez-vous que le Maire fasse confiance à des agents qui sont contre lui ? Ils vont saboter ses actions ; le Maire est avant tout une autorité politique avant d'être administrative ». Un conseiller communal se prononçant sur la même situation trouve que : « à la mairie, le seul critère d'appréciation d'un agent est son rapprochement ou non au chef ; ni sa compétence, ni sa disponibilité ne compte; les bons sont les bénis oui oui du chef ».

Dans la démarche de vouloir comparer l'ampleur de cette politisation de la gestion des ressources humaines entre les deux mandatures, la déclaration de l'un des doyens (24 ans de service) a retenu notre attention : 

« c'est vrai que c'est difficile pour un chef de travailler avec des collaborateurs qui ne partagent pas sa vision politique et ne le soutiennent pas politiquement ; mais à la première mandature, la tension n'était pas aussi forte comme maintenant ; tout le monde ne pourra quand même pas regarder dans la même direction ».

Par ailleurs, nous voudrions signaler qu'au moment de ce travail, une procédure de licenciement était en cours contre un des agents de la mairie.

1-2-7- Des agents de la mairie au service de la politique en défaveur du développement

A la lueur de tous ces constats posés plus haut, il est normal de se demander si les agents de la mairie pourraient être productifs, efficaces. Et cette question a été posée à certains des enquêtés :

Tableau 18 : Tableau présentant l'appréciation de l'efficacité des agents de la mairie d'Ifangni

Si vous devez apprécier l'efficacité des agents de la mairie sur une échelle de quatre : très efficaces - moyennement efficaces - peu efficaces - pas efficaces, que choisirez-vous

Nombre

Pourcentage

très efficaces

00

00%

moyennement efficaces

3

3,84%

peu efficaces

19

24,35%

pas efficaces

56

71,80%

TOTAL

78

100%

Pour cette préoccupation, il a été prévu le cas échéant, de chercher à avoir les raisons de l'inefficacité des agents.

Voici les résultats obtenus :

Tableau 19: Tableau présentant les raisons de l'inefficacité des agents de la mairie d'Ifangni

Quel peut être selon vous, les raisons de cette inefficacité : manque de compétence - manque de motivation - politisation des rôles- autres, que choisirez-vous

Nombre

Pourcentage

manque de compétence

09

12%

manque de motivation

06

08%

politisation des rôles

58

77,33%

Autres

02

02,67%

TOTAL

75

100%

Des deux agents de la mairie qui se sont prononcés sur cette appréciation de nos enquêtés, l'un a déclaré : «  Le seul critère pour être un bon agent ici, c'est d'être proche du boss et d'être présent sur le terrain pour la mobilisation des électeurs ; tout agent qui n'est pas dans cette logique, est dépouillé de ses attributions et ne participent à rien à la mairie ; ceux qui sont acquis à cette cause passe tout leur temps même les weekends à défendre des causes politiques et oublient le travail pour lequel ils sont recrutés mais restent les meilleurs pour le chef ».

1-2-8- Les Organisations de la Société Civile  en manque de crédibilité.

Le rôle des organisations de la Société civile dans la gestion des affaires publiques est toujours salvateur car censé être épris de l'esprit d'équité et surtout de prise de position objective. Comme partout ailleurs, elles sont également présentes à Ifangni et participent comme elles peuvent à l'amélioration des conditions de vie des populations. Dans le contexte d'Ifangni, leur crédibilité a été une préoccupation dans le cadre de cette recherche, c'est pourquoi les enquêtés en mesure d'apprécier leurs actions de même que l'attitude de ceux qui les animentont été invités à se prononcer sur leur rôle dans la commune.

Voici les résultats obtenus :

Tableau 20 : Tableau présentant l'appréciation des Organisations de la Société Civile dans la commune d'Ifangni.

Si vous devez apprécier la crédibilité des acteurs des Organisations de la Société Civile à Ifangni sur une échelle de trois : crédible - peu crédible - pas crédible -que choisirez-vous ?

Nombre

Pourcentage

Crédible

00

00%

peu crédible

06

16,21%

pas crédible

31

83,78%

TOTAL

37

100%

De ces données, il ressort que la crédibilité des acteurs de la société civile, dans la commune d'Ifangni pose problème, les raisons de ce manque de confiance ont été recherchées.

Les réponses de nos enquêtés sont les suivantes :

Tableau 21 : Tableau présentant les raisons de manque de confiance aux acteurs de la société civile dans la commune d'Ifangni.

Raisons évoquées par les enquêtés

Nombre

Pourcentage

Manque de visibilité

01

2,70%

Politique

36

97,30%

TOTAL

37

100%

Ces résultats,de toute évidence, laissent croire que les acteurs des Organisations de la Société Civile dans la commune d'Ifangni sont impliqués dans la politique politicienne. Pour donc en avoir une idée nette, il a été demandé de fournir des exemples concrets.

Voici les exemples cités :

1-2-8-1- Cas du cadre de concertation de la société civile

Comme dans plusieurs autres communes, les Organisations de la Société Civile sont réunies dans un cadre dénommé Cadre de Concertation des Organisations de la Société Civile. C'est l'instance de représentation des OSC au niveau communal. Le Président de ce cadre qui bien entendu est aussi responsable d'une ONG, aurait été la cheville ouvrière de la victoire du Maire de la 2ème mandature. Le siège de son ONG aurait été le Quartier Général de la campagne pour l'élection du Maire. Au moment de cetterecherche, les informations font état de ce que le torchon brûlerait entre le Maire et lui depuis 2010 ce qui a fait que depuis les élections présidentielles de 2011, il est le représentant communal de l'Alliance pour le Bénin du Futur (ABT) à Ifangni.

1-2-8-2- Cas du Mécanisme Africain de l'Evaluation par les Pairs (MAEP)

Le Mécanisme Africain de l'Evaluation par les Pairs (MAEP), est un dispositif de contrôle citoyen essentiellement composé des acteurs de la société civile pour aider les acteurs en charge de la gestion publique à évaluer les résultats de leurs actions en vue de déceler les points faibles et de les corriger. A ce titre, le MAEP a mis en place dans chaque commune, une cellule communale pour faire le travail à l'échelle locale. Le Président de la cellule d'Ifangni est l'un des leaders du Parti du Renouveau Démocratique (PRD).

1-2-8-3- Cas de la Cellule de Participation Citoyenne (CPC)

L'ONG ALCRER et Social Watch mettent en oeuvre dans quarante-neuf (49) communes du Bénin dont Ifangni, le Programme de Participation Citoyenne dénommé PaRTICIP. L'objectif principal est de contribuer au suivi des actions de développement au niveau des communes et d'amener les populations à s'intéresser d'avantage à la gestion de leur commune. Pour atteindre cet objectif, des cellules communales appelées Cellule de Participation Citoyenne (CPC) sont installées au niveau de chacune des communes et doivent être constituées uniquement des ONG et Associations de développement. Le Président de la CPC d'Ifangni qui est bien entendu un responsable d'ONG se trouve être un candidat malheureux aux élections communales de 2008 sur une liste de parti politique contre le Maire en exercice.

Ainsi, suivant les informations recueillies sur le terrain, les principaux acteurs de la Société civile dans la commune se trouvent être également de grands politiciens ; on y trouve des responsables de parti politique, des candidats malheureux aux élections communales, des agents de la mairie avec des couleurs politiques affichées et même des Chefs d'Arrondissement.

1-2-9- Les services déconcentrés relativement épargnés

Les services déconcentrés de l'Etat font partie des acteurs incontournables dans le processus de développement au niveau des communes. A ce titre, ils influencent de façon très substantielle ce processus.

Dans notre curiosité de voir si de leur côté également existe de prise de position politique, il faut retenir qu'essentiellement, il y en a pas en dehors de quelques faits difficilement vérifiables évoqués par certains de nos enquêtés.

Par exemple, on avance que le Commandant de brigade de Gendarmerie, sur demande de certains opposants au Maire, effectue des patrouilles diurnes et nocturnes dans le fief du Maire afin de mettre à mal son autorité. En effet, au cours de ces contrôles, c'est souvent des proches (les électeurs) du Maire qui sont appréhendés. Et les appels à l'intervention du Maire pour leur libération n'a pas toujours un écho favorable au niveau de la brigade de gendarmerie ; cette manoeuvre viserait à montrer aux électeurs du Maire, qu'il n'est pas aussi fort qu'ils le pensent.

De même, du côté de la Recette Perception, il n'est pas rare de voir le Receveur Percepteur outrepasser ses attributions du fait de ses accointances avec un quelconque camp politique.

Mais tous ces faits selon l'avis des interviewés, restent mineurs et difficilement vérifiables.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand