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Année universitaire 2015-2016
UFR Droit
Kaouther BOUFERROUM
Laïcité et droit du travail :
La question du fait religieux en entreprise
Mémoire de Master 1
Mention : Droit
Spécialité : Entreprise et patrimoine Parcours :
Droit social
Sous la direction de : M. Cédric RIOT,
maître de conférences à l'Université de Toulon
2
« L'Université n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire ;
ces opinions doivent être considérées comme propres
à l'auteur ».
3
Remerciements
Je tiens à remercier mon directeur de mémoire M.
Cédric Riot, maître de conférences
à l'Université de Toulon, pour avoir accepté d'encadrer
mon travail de recherche ayant abouti à la réalisation de ce
mémoire ainsi que pour son aide précieuse.
Mes remerciements vont également à Mme Sylvie
Torcol, maître de conférences à l'Université de
Toulon, pour ses conseils en méthodologie.
Je tiens aussi à remercier tout particulièrement
mes parents, pour leur soutien inconditionnel et leurs encouragements.
Enfin, un grand merci à toutes les personnes qui ont
accepté de me relire et de me faire part de leurs critiques,
notamment ma soeur Aya que je remercie en particulier.
Sigles et abréviations
Al.
Art.
Ass. plén.
c/
CA
Cass. Soc.
CE
CEDH
Cf.
Chap.
Cons. Const.
CPH
Délib.
HALDE
HCI
Ibid.
JORF
n°
OFRE
pp.
v.
Alinéa
4
Article
Assemblée plénière
Contre
Cour d'appel
Chambre sociale de la Cour de cassation
Conseil d'Etat
Cour européenne des Droits de l'Homme
Confer
Chapitre
Conseil constitutionnel
Conseil de Prud'hommes
Délibération
Haute autorité de lutte contre les discriminations et
pour l'égalité
Haut conseil à l'intégration
Au même endroit
Journal officiel de la République française
Numéro
Observatoire du fait religieux en entreprise
Nombre de pages
Voir
5
Table des matières
Introduction 7
Titre I. L'encadrement légal des questions
religieuses au travail 11
Chapitre I. Laïcité et services publics 12
§1 La nécessaire articulation entre liberté
d'opinion, principes d'égalité et de
neutralité du service public 15
A. La liberté d'opinion 15
B. Principes d'égalité et de neutralité
du service public 16
§2 La prohibition pour les agents de services publics de
manifester leurs
croyances 17
A. La liberté religieuse des agents publics ne
s'oppose pas à ce qu'en soit
prohibée la manifestation 17
B. Appréciation souveraine du juge en cas de
violation de la neutralité du service
public 19
Chapitre II. Laïcité et entreprises privées
21
§1 Principe de non-application de la laïcité
22
A. Contentieux judiciaire 23
B. Cas particulier des entreprises dites « de tendance
» 25
§2 Exception faite lorsque les restrictions sont
justifiées par la nature de la tâche à
accomplir et à la condition d'être
proportionnées au but recherché 26
A. Nature de la tâche 26
B. Proportion au but recherché 28
6
Titre II. L'encadrement pratique des questions
religieuses au travail 30
Chapitre I. Principe de la liberté de l'employeur 31
§1 Extension du principe de laïcité par analogie
aux services publics 32
A. Par le biais du contrat de travail 32
B. Par le biais du règlement intérieur
34
§2 Favorisation d'un dialogue face aux requêtes
religieuses des salariés 35
A. La prévention comme solution à certaines
situations de blocage 36
B. Pouvoir d'appréciation laissé à
l'employeur 38
Chapitre II. Principe de liberté fondamentale des
salariés 40
§1 Protection de la liberté religieuse du
salarié 41
A. En droit international et européen 41
B. En droit interne 42
§2 Nécessaire équilibre avec le principe de
liberté de l'employeur 44
A. Caractère relatif de certaines libertés
religieuses du salarié 44
B. Prohibition du prosélytisme religieux en
entreprise 46
Conclusion 48
Bibliographie 51
Annexes 56
7
Introduction
« Laïcité : le mot sent la poudre ; il
éveille des résonances passionnelles contradictoires »
Jean Rivero.
« Laïcité et droit du travail », un
libellé qui peut paraître antinomique de prime abord. En effet,
tandis que le droit du travail s'intéresse aux relations entre
l'employeur et ses salariés, de nature privée donc, la
laïcité se veut être un modèle garantissant la
neutralité de l'Etat.
A l'origine, la laïcité (du grec
laïkos, dérivé du substantif laos qui
signifie « peuple », « nation », par opposition au
clergé) a été pensée en France dès la fin du
XIXème siècle. L'un de ses précurseurs fut
l'homme politique Jules Ferry, qui instaura notamment l'école
obligatoire et gratuite pour tous. En outre, elle devient progressivement
« laïque » et écarte ainsi
délibérément le personnel congréganiste. Car dans
l'esprit de Jules Ferry - mais aussi de nombre de républicains de
l'époque - la laïcisation de l'école devait permettre
à terme « d'affranchir les consciences de l'emprise de l'Eglise et
fortifier la patrie en formant les citoyens »1.
Mais ce n'est qu'une vingtaine d'années plus tard que
va s'opérer définitivement la rupture entre l'Eglise et l'Etat
à travers la loi du 9 décembre 1905, qui marquera un
véritable tournant dans l'Histoire française. Ainsi aux termes de
son article deux, « la République ne reconnaît, ne salarie ni
ne subventionne aucun culte »2. En revanche, elle continue
d'assurer à tous ses citoyens la liberté de conscience - y
compris la liberté de croire et de manifester publiquement ses croyances
- tant que l'ordre public ne s'en trouve pas troublé. L'universitaire
Gérard Cornu définissait cet ordre comme « une norme qui,
exprimée ou non dans une loi, correspond à l'ensemble des
exigences fondamentales considérées comme essentielles au
fonctionnement des services publics,
1
http://www.senat.fr/evenement/archives/D42/
(consulté le 29 avril 2016)
2 Loi du 9 décembre 1905, JORF du 11
décembre 1905
8
au maintien de la sécurité ou de la
moralité, à la marche de l'économie ou même à
la sauvegarde de certains intérêts particuliers primordiaux
»3.
Bien qu'ayant été longtemps débattu et
fait couler beaucoup d'encre, le terme « laïcité » ne
sera consacré juridiquement qu'en 1946 avec son inscription dans la
Constitution du 27 octobre de la même année. L'article premier
dispose ainsi que « la France est une République indivisible,
laïque, démocratique et sociale », une formulation
qui sera reprise plus tard dans la Constitution du 4 octobre 1958.
La laïcité se trouve donc garantie par un Etat
neutre, lequel doit permettre aux individus d'extérioriser leurs
convictions, opinions politiques, philosophiques et religieuses.
Pourtant aujourd'hui, nous avons tendance à oublier que
si la laïcité existe elle n'a pas pour autant toujours
été un acquis. Et qu'en dépit de l'essentialisation
tendant à la résumer à la simple sécularisation de
l'Etat, la question est, de fait, éminemment plus complexe.
En effet, force est de constater que le contexte national, et
a fortiori international, a fort évolué depuis l'apparition de la
notion de laïcité, de même que les problématiques
auxquelles elle se retrouve désormais confrontée.
L'arrivée massive de travailleurs immigrés jusque dans les
années 1970, venant d'Algérie principalement, a vu émerger
en France une religion qui était restée dès lors
très minoritaire : l'islam. Absent des discussions sur la
laïcité à ses prémices, demeuré silencieux
durant de longues années en raison d'un certain devoir de «
reconnaissance » de ces travailleurs immigrés envers l'Etat
français, il devient plus revendicatif à la fin des années
1980. Un retour vers le religieux s'amorce indubitablement, au grand dam des
plus ardents défenseurs de la laïcité. A cette
époque, l'affaire des « voiles de Creil »4 agite la
classe
3 CORNU Gérard, Vocabulaire
juridique, Association Henri Capitant, 10ème
édition, Paris, PUF, 2014, 1136 pp., coll. « Quadrige »
4 « Au début du mois d'octobre 1989, le
collège Gabriel-Havez de Creil (Oise), situé en zone
d'éducation prioritaire (ZEP), exclut, au nom du principe de
neutralité et de laïcité scolaire, trois
élèves qui refusent d'enlever leur foulard islamique en classe.
Si le 9 octobre, le principal du collège, après avoir
négocié avec les familles, obtient que le foulard soit
retiré pendant les cours, l'affaire devient nationale et la
9
politique et soulève de nouveaux débats -
lesquels s'accentueront dans le début des années 2000, notamment
après les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours du World Trade
Center aux Etats-Unis.
Finalement, une loi visant à encadrer le port de signes
religieux ostentatoires dans les écoles, collèges et
lycées publics sera adoptée le 15 mars 20045 ;
désormais, la laïcité ne se limite plus aux seuls
fonctionnaires. Dans le même sens, la loi du 11 octobre 2010 interdisant
la dissimulation du visage dans l'espace public6 - qui vise plus
spécifiquement le port du voile intégral - confirme cette
extension du champ de la laïcité.
Aujourd'hui, la laïcité cristallise encore toutes
les attentions, et plus particulièrement en droit du travail. Bien que
celui-ci relève par nature de la matière privée, il n'est
pas totalement incongru de considérer si la laïcité a lieu
ou non de s'appliquer. D'autant plus qu'une étude réalisée
en 20157 par l'institut Randstad et l'Observatoire du fait religieux
en entreprise (OFFRE) révélait qu'un manager sur deux avait
déjà été confronté au fait religieux ; de
fait, il s'agit d'une véritable problématique sur la façon
de l'appréhender.
Cela étant, le Code du travail ne donne aucune
indication en la matière, si ce n'est l'obligation pour l'employeur de
ne pas de porter atteinte aux libertés individuelles et collectives des
salariés sans que cela soit justifié par la « nature de la
tâche à accomplir » et proportionné au but
recherché8, ni de faire de discrimination9.
A ce titre, la réforme du Code du travail portée
par Mme la ministre du Travail Myriam El Khomri - initialement prévue en
2016, mais retardée par les nombreuses
polémique s'engage f...] »
http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu01136/l-affaire-du-foulard-islamique-en-1989.html
(consulté le 29 avril 2016)
5 Loi n°2004-228 du 15 mars 2004, JORF du 17 mars
2004
6 Loi n°2010-1192 du 11 octobre 2010, JORF du 12
octobre 2010
7
http://www.hrconsultancypartners.fr/le-travail-lentreprise-et-la-question-religieuse-from-groupe- randstad-france/
(consulté le 29 avril 2016)
8 Art. L.1221-1 du Code du travail
9 Art. L.1132-1 du Code du travail
10
controverses auxquelles le projet a donné
lieu10 - prévoyait d'entériner le principe de
laïcité, non pas en l'appliquant directement à l'entreprise
mais en consacrant a priori la liberté religieuse du
salarié. Cela va en effet dans le sens du rapport de la commission
Badinter, saisie en amont de ce projet, qui préconisait notamment :
« la liberté du salarié de manifester ses convictions, y
compris religieuses » sur le lieu de travail11.
Cependant, face aux critiques de cette mesure par la droite et
l'extrême-droite, l'ensemble des soixante-et-un « principes
essentiels du droit du travail » contenus dans le rapport Badinter ont
finalement été abandonnés12.
Dans un contexte particulièrement tendu pour le droit
du travail, l'intérêt de ce mémoire sera donc de
répondre aux interrogations des employeurs en matière de fait
religieux dans les entreprises mais aussi, d'offrir un éclairage aux
salariés quant à leur liberté religieuse. De
facto, il convient de poser la problématique suivante :
? Dans quelle mesure est-il possible d'envisager
une extension du principe de laïcité en entreprise
?
Cette question appelle nécessairement la mobilisation
de connaissances purement juridiques (titre I), en établissant notamment
la distinction entre un service public et une entreprise. Mais aussi, et c'est
justement tout l'intérêt de cette réflexion, elle appelle
à proposer des solutions pratiques à la lumière de la
jurisprudence et de certaines initiatives existantes (titre II), ceci afin de
mieux appréhender l'articulation de la liberté religieuse du
salarié avec les impératifs liés à la bonne marche
de l'entreprise.
10
http://lentreprise.lexpress.fr/actualites/1/actualites/loi-travail-el-khomri-defend-son-texte-controverse-devant-les-deputes_1777463.html
(consulté le 29 avril 2016)
11
http://lexpansion.lexpress.fr/entreprises/reforme-du-code-du-travail-la-laicite-s-invite-aussi-dans-l- entreprise_1757010.html
(consulté le 29 avril 2016)
12
http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/04/06/projet-de-loi-travail-les-deputes-suppriment-une-mesure-controversee-sur-les-libertes-religieuses-en-entreprise_4896704_823448.html
(consulté le 29 avril 2016)
11
Titre I. L'encadrement légal des questions
religieuses au travail
Le principe de laïcité s'applique
différemment, selon qu'il s'agit de services publics (chapitre I) ou
d'entreprises privées (chapitre II).
12
Chapitre I. Laïcité et services publics
Il faut se référer à la matière
administrative pour définir la notion de « service public »,
laquelle est évoquée pour la première fois par
l'arrêt Blanco13 rendu le 8 février 1873 par
le Tribunal des conflits, considéré à bien des
égards comme le texte fondateur du droit administratif. Mais ce n'est
que quelques années plus tard qu'émergera réellement la
définition de service public, dans l'arrêt
Therond14 rendu par le Conseil d'Etat le 4 mars 1910. En
l'espèce, un marché avait été conclu entre la ville
de Montpellier et monsieur Therond, un particulier, ayant pour objet « la
capture et la mise en fourrière des chiens errants, ainsi que
l'enlèvement des bêtes mortes »15. La question
s'était posée de savoir si un tel marché pouvait
être assimilé à un service public, puisque monsieur Therond
disposait d'un « véritable monopole »16, et ce,
« en violation du principe de la liberté du commerce et de
l'industrie »17. Le Conseil d'Etat a considéré
qu'il s'agissait effectivement d'un contrat conclu en vue d'assurer un service
public, puisque la ville de Montpellier « a agi en vue de l'hygiène
et de la sécurité de la population »18. D'autres
arrêts ont suivi par la suite, qui ont permis de mieux cerner la notion
de service public ; entre autres, les arrêts Société
des granites porphyroïdes des Vosges19 (1912), Bac
d'Eloka20 (1921), Caisse primaire aide et
protection21 (1938), Effimieff22 (1955),
Epoux Bertin23 (1956), Ministre de l'agriculture contre
Grimouard24 (1956).
Au-delà de ces considérations historiques, il
est admis qu'un service public peut être reconnu en tant que tel soit par
un texte législatif, soit par recours à des critères. Dans
le premier cas, le législateur peut décider de qualifier
certaines activités de services publics ; il en va ainsi pour les
services « assurant tout ou partie de la
13 Tribunal des conflits 8 février 1873,
n°00012
14 CE 4 mars 2010, n°29373
15 Ibid.
16 Ibid.
17 Ibid.
18 Ibid.
19 CE 31 juillet 1912, n°30701
20 Tribunal des conflits 22 janvier 1921,
n°00706
21 CE 13 mai 1938, n°57302
22 Tribunal des conflits 28 mars 1955, n°01525
23 CE 20 avril 1956, n°98637
24 CE 20 avril 1956, n°33961
13
production par captage ou pompage, de la protection du point
de prélèvement, du traitement, du transport, du stockage et de la
distribution d'eau destinée à la consommation humaine »
mentionnés à l'article L.2224-7 du Code général des
collectivités territoriales, de même que « tout service
assurant tout ou partie des missions définies à l'article
L.2224-8 » du même Code. A l'inverse, dans l'arrêt
Association du personnel relevant des établissements pour
inadaptés25 rendu par le Conseil d'Etat le 22
février 2007, le législateur « a entendu exclure que la
mission assurée par les organismes privés gestionnaires de
centres d'aide par le travail revête le caractère d'une mission de
service public »26.
A défaut de texte, la doctrine a retenu deux
critères qui, s'ils sont cumulativement remplis, permettent de qualifier
une activité de service public :
? Un critère organique :
En effet, pour être qualifiée de service public
une activité doit être gérée directement ou
indirectement par une personne publique. Deux situations sont possibles :
- Activité gérée en régie
: lorsqu'une personne publique exécute elle-même
l'activité ;
- Délégation de service public
: lorsqu'il incombe à une personne privée
d'exécuter, sous le contrôle d'une personne publique, une mission
de service public. Cette délégation peut être soit
expresse, si elle est « la conséquence d'un acte contractuel de
délégation »27, soit implicite, lorsque « la
personne gestionnaire est une société dont le capital est
détenu majoritairement par une personne publique »28 ou
encore s'il existe un faisceau d'indices permettant de la supposer (l'origine
des ressources de la personne gestionnaire par exemple).
25 CE 22 février 2007, n°264541
26 Ibid.
27
http://www.centredeformationjuridique.com/fascicule/Droit_administratif.pdf
(consulté le 4 avril 2016)
28 Ibid.
14
? Un critère matériel :
Pour être qualifiée de service public,
l'activité doit, en outre, satisfaire un intérêt
général. Cette notion est difficile à appréhender
du fait de son aspect évolutif ; elle doit en effet prendre en compte
l'apparition de problématiques nouvelles, comme l'impératif de
préservation de l'environnement à titre d'exemple. Mais aussi, en
raison de son caractère quelque peu « flou ». Néanmoins
il est possible d'en esquisser les contours grâce à la
définition donnée par le Conseil d'Etat, qui y avait
consacré toute une réflexion en 199929 :
« Il existe deux conceptions divergentes de
l'intérêt général. L'une, utilitariste, ne voit dans
l'intérêt commun que la somme des intérêts
particuliers. L'autre, volontariste, estime que l'intérêt
général exige le dépassement des intérêts
particuliers. Il est dans cette perspective l'expression de la volonté
générale. Ce clivage sépare deux visions de la
démocratie : d'un côté une démocratie de l'individu,
qui tend à réduire l'espace public à l'organisation de la
coexistence entre les intérêts particuliers, l'autre, plus proche
de la tradition républicaine française, qui fait appel à
la capacité des individus à dépasser leurs propres
intérêts, pour former ensemble une société
politique. Cette conception a profondément marqué
l'ensemble de notre système institutionnel. Il revient à la loi,
expression de la volonté générale, de définir
l'intérêt général, au nom duquel les services de
l'État, sous le contrôle du juge, édictent des normes
réglementaires, prennent des décisions individuelles et
gèrent les services publics ».
L'intérêt de ce premier chapitre sera justement
de s'intéresser à l'application du principe de
laïcité au sein des services publics, lesquels on le rappellera ne
s'opposent pas à la liberté religieuse de leurs agents mais
à celle de manifester leurs croyances. C'est pourquoi les services
publics, que leur activité soit gérée en régie ou
déléguée à une personne privée, doivent
nécessairement articuler la liberté d'opinion de leurs agents
avec les principes d'égalité et de neutralité
inhérents à leur nature (§1). Aussi,
29 Rapport public du Conseil d'Etat,
Réflexions sur l'intérêt général,
1999
15
c'est en vertu de ces deux derniers que la prohibition de
toute manifestation religieuse s'impose aux agents de services publics
(§2).
§1 La nécessaire articulation entre
liberté d'opinion, principes d'égalité et de
neutralité du service public
Afin de mieux appréhender cette articulation, il
conviendra de définir les différentes notions
précitées : d'une part, la liberté d'opinion (A.), et
d'autre part, les principes d'égalité et de neutralité du
service public (B.).
A. La liberté d'opinion
Cette liberté se retrouve dans l'article 6 de la loi du
13 juillet 198330 portant droits et obligations des fonctionnaires,
dite loi Le Pors, qui dispose que :
« La liberté d'opinion est garantie aux
fonctionnaires.
Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être
faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques,
syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation
sexuelle, de leur âge, de leur patronyme, de leur état de
santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur
appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à
une ethnie ou une race ».
Cet article met donc en exergue la liberté d'opinion
des fonctionnaires, et, par analogie, des agents de services publics. Le texte
ajoute qu' « aucune mesure concernant notamment le recrutement, la
titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion,
l'affectation et la mutation »31 ne pourra être prise
à l'encontre d'un fonctionnaire en raison de ses opinions, dès
lors que cette liberté est un droit qui lui est garanti.
30 Loi n°83-634 du 13 juillet 1983, JORF du 14
juillet 1983
31 Ibid.
16
B. Principes d'égalité et de
neutralité du service public
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18
septembre 198632, lie pour la première fois le principe
d'égalité à celui de neutralité :
« [...] Ces cahiers des charges doivent
nécessairement se conformer aux principes fondamentaux du service public
et notamment au principe d'égalité et à son
corollaire le principe de neutralité du service ».
Mais quid de cette notion de neutralité,
souvent confondue avec celle de laïcité ? Les deux termes peuvent
en effet paraître synonymes, mais en réalité il n'en est
rien. La différence ici, essentielle, tient à ce que la
neutralité s'applique aux services publics uniquement, tandis que le
champ de la laïcité est, lui, beaucoup plus étendu. C'est
également ce qui ressort de l'avis donné le 26 septembre
201333 par la Commission nationale consultative des Droits de
l'Homme, saisie à l'occasion par le Président de l'Observatoire
de la laïcité M. Jean-Louis Bianco. Selon la CNCDH, la
neutralité implique nécessairement que « l'administration et
les services publics doivent donner toutes les garanties de la
neutralité, mais doivent aussi en présenter les
apparences pour que l'usager ne puisse douter de cette
neutralité. En conséquence, une obligation de
neutralité particulièrement stricte s'impose ». Ainsi cette
affirmation ne laisse planer aucun doute quant à la manifestation des
convictions religieuses des agents publics qui doit être prohibée
ipso facto, de même que le port de tout signe religieux. Et ce,
que les agents soient ou non en contact avec les usagers, ajoute la CNCDH, qui
ne doivent en aucun cas douter de leur neutralité.
Par ailleurs, une charte de la
laïcité34, précisée par la circulaire
n°5209/SG du 13 avril 2007, rappelle aussi bien aux agents qu'aux usagers
des services publics leurs droits et devoirs à l'égard du
principe de laïcité.
32 Cons. Const. 18 septembre 1986, n°86-217 DC,
JO du 19 septembre 1986
33 CNCDH 26 septembre 2013, JORF du 9 octobre 2013
34 Cf. Annexe 1 (charte de la
laïcité dans les services publics)
17
§2 La prohibition pour les agents de services
publics de manifester leurs croyances
Il conviendra dans ce paragraphe d'étudier la
portée générale de ce principe, à savoir que les
agents bénéficient d'une liberté d'opinion, religieuse
notamment, mais que celle-ci ne s'oppose pas non plus à ce qu'en soit
prohibée la manifestation (A.). Il appartient ainsi au juge
d'apprécier le manquement qui résulterait de la violation de ce
principe (B.).
A. La liberté religieuse des agents publics ne
s'oppose pas à ce qu'en soit prohibée la manifestation
Si des agents publics ne peuvent faire l'objet de
discrimination au regard de leurs convictions religieuses, cette garantie ne
doit pas pour autant leur permettre de manifester publiquement leurs croyances.
L'arrêt Marteaux35, rendu le 3 mai 2000 par le
Conseil d'Etat, dispose en ce sens :
« Si les agents du service de l'enseignement public
bénéficient comme tous les autres agents publics de la
liberté de conscience qui interdit toute discrimination dans
l'accès aux fonctions comme dans le déroulement de la
carrière qui serait fondée sur leur religion, le principe de
laïcité fait obstacle à ce qu'ils disposent, dans le cadre
du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses ;
il n'y a pas lieu d'établir une distinction entre les agents de
ce service public selon qu'ils sont ou non chargés de fonctions
d'enseignement ».
Cet arrêt est fondamental en ce sens qu'il
précise le champ d'application de la laïcité, qui doit
s'étendre à l'ensemble des agents publics et non pas seulement
aux enseignants. Car il s'agit bien de la manifestation des croyances
religieuses des agents qui semblerait contraire au fonctionnement du service,
et non pas ces croyances en tant que telles qui, nous le rappelons encore, sont
garanties par la loi.
35 CE 3 mai 2000, n°217017
18
Un autre arrêt, rendu cette fois par la chambre sociale
de la Cour de cassation le 19 mars 2013, l'arrêt CPAM Seine
Saint-Denis36, illustre parfaitement ce principe. Il faut
rappeler ici les faits d'espèce, où une technicienne prestations
maladie avait été embauchée par la CPAM de Seine
Saint-Denis. Un règlement intérieur complété par
une note de service indiquait que « le port de vêtements ou
d'accessoires positionnant clairement un agent comme représentant un
groupe, une ethnie, une religion, une obédience politique ou quelque
croyance que ce soit »37, et notamment « le port d'un
voile islamique, même sous forme de bonnet »38,
étaient prohibés. La technicienne a ainsi été
licenciée pour cause réelle et sérieuse le 29 juin 2004,
au motif qu'elle portait « un foulard islamique en forme de bonnet
»39. Elle a donc saisi la juridiction prud'homale pour faire
valoir la nullité de son licenciement, car fondé sur des motifs
discriminatoires. Le Conseil de Prud'hommes fait droit à la demande de
l'appelante, mais la Cour d'appel de Paris, puis la Cour de cassation, se
positionneront différemment. Cette dernière décide en
effet de confirmer la décision de la Cour d'appel, laquelle avait
jugé conforme le licenciement de la technicienne en retenant que «
les principes de neutralité et de laïcité du service public
sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris
lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé
»40. Bien que le Code du travail ait en principe
vocation à s'appliquer aux agents des caisses primaires d'assurance
maladie, ils n'en demeurent pas moins « soumis à des contraintes
spécifiques résultant du fait qu'ils participent à une
mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester
leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier
vestimentaires »41. Dans cet arrêt, la Cour de cassation
ne retient pas le fait que « la salariée soit ou non directement en
contact avec le public »42 ; dès lors qu'elle est
employée par une caisse dont l'activité revêt le
caractère de service public, la restriction instaurée par le
règlement intérieur de cette dernière est justifiée
par la mise en oeuvre du principe de laïcité, lequel permet de
garantir aux yeux des usagers la neutralité du service public.
36 Cass. Soc. 19 mars 2013, n°12-11690
37 Ibid.
38 Ibid.
39 Ibid.
40 Ibid.
41 Ibid.
42 Ibid.
19
La portée de cet arrêt s'inscrit donc dans la
continuité de l'arrêt Marteaux susmentionné,
lesquels ne font pas obstacle à la liberté de croyances
religieuses mais bel et bien à la manifestation de celles-ci.
L'arrêt CPAM Seine Saint-Denis en particulier nous montre
à quel point peut être ardue la tâche des juges, qui ont
à faire ici avec un droit « hybride » se situant à la
charnière du droit privé et administratif. Tout
l'intérêt du travail de la Cour de cassation sera donc d'articuler
les composantes de ces différents droits, afin de parvenir à
l'équilibre le plus juste possible.
B. Appréciation souveraine du juge en cas de
violation de la neutralité du service public
De fait, tout agissement de l'agent public qui contreviendrait
à ce principe sera considéré comme un manquement à
l'obligation de réserve dont il est tenu. Cette obligation se rapporte
aussi bien à l'expression écrite qu'orale de ses opinions
personnelles, que pendant et hors du temps de service43.
Dans l'arrêt Marteaux susmentionné, le
Conseil d'Etat précise que « les suites à donner à ce
manquement, notamment sur le plan disciplinaire, doivent être
appréciées par l'administration sous le contrôle du juge,
compte tenu de la nature et du degré de caractère
ostentatoire de ce signe, comme des autres circonstances dans lesquelles le
manquement est constaté »44.
Il revient ainsi au juge de sanctionner ce manquement, mais
son appréciation pourra être plus ou moins souple selon les cas.
Cela fait l'objet d'une jurisprudence constante, en témoigne
l'arrêt Demoiselle Weiss45 rendu par le Conseil
d'Etat le 28 avril 1938. Dans ce cas d'espèce, une institutrice
stagiaire s'était vue refuser la titularisation au motif qu'elle avait
« violé le principe de la neutralité scolaire » en
conviant un élève-maître à venir assister à
des conférences à caractère religieux. Le Conseil d'Etat a
censuré la décision, estimant que l'institutrice stagiaire ne
pouvait faire l'objet d'une
43
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F530
(consulté le 8 avril 2016)
44 CE 3 mai 2000, n°217017
45 CE 28 avril 1938, n°59.548 et n°59.549
sanction disciplinaire dès lors qu'elle avait
invité l'élève-maître par l'intermédiaire
d'une lettre privée et dans le cadre des vacances scolaires.
De manière générale, la manifestation de
croyances religieuses pour un agent public, lorsqu'elle intervient sur le lieu
et pendant le temps de travail, est considérée comme une faute.
Celle-ci peut donc faire l'objet d'une sanction disciplinaire ; mais dans un
souci de proportionnalité, « la nature et le degré du
caractère ostentatoire ou provocateur du signe religieux porté
par l'agent concerné »46 seront également pris en
compte pour apprécier la rupture de l'obligation de neutralité.
Néanmoins des exceptions à ce principe sont à relever,
comme le cas de certains établissements de nature confessionnelle
associés ou participant au service public.
Enfin, une circulaire du 10 février 201247
permet désormais aux agents publics de bénéficier
d'autorisations d'absence pour les principales fêtes religieuses
intervenant à l'occasion d'un jour travaillé. Cependant, si de
tels aménagements sont permis au nom de la liberté religieuse,
ils ne doivent pas pour autant entraver le fonctionnement normal du service
public.
20
46
http://eternautes.free.fr/decouv/04soc.doc
(consulté le 4 avril 2016)
47 Circ. du 10 février 2012,
NOR:MFPF1202144C
21
Chapitre II. Laïcité et entreprises
privées
Au sens large, « l'entreprise est une unité
économique et juridique produisant des biens et des services pour les
vendre sur un marché afin de réaliser un bénéfice
»48. Mais en matière de relations entre employeur et
salariés, c'est à la lumière du droit du travail qu'il
conviendra d'étudier la chose. Cependant, en ce qui concerne le
thème de ce mémoire, il n'existe pas à ce jour de
référence explicite à la laïcité dans le Code
du travail. La question était alors restée en suspens, jusqu'au
récent projet de loi visant à instituer de nouvelles
libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs
présenté le 9 mars 2016 en Conseil des ministres par Mme la
ministre du Travail Myriam El Khomri. En effet, son article 6 dispose que :
« La liberté du salarié de manifester ses
convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que
si elles sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et
droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement
de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché
».
C'est d'ailleurs la formulation qu'avait retenu la commission
Badinter dans son rapport remis au gouvernement le 25 janvier
201649. Il s'agissait ainsi d'introduire pour la première
fois la question du fait religieux dans le Code du travail - qui jusqu'à
présent traite bien des libertés individuelles et collectives
mais élude les convictions religieuses des salariés - afin de
formaliser la jurisprudence française et européenne existante
à ce sujet.
Cette proposition n'a pas été sans soulever de
nombreux débats dans la sphère politico-médiatique,
houleux pour la plupart. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette mesure
a finalement été abandonnée le 5 avril
201650.
48 CAPUL Jean-Yves, GARNIER Olivier,
Dictionnaire d'économie et de sciences sociales, Paris, Hatier,
juin 2005, 576 pp.
49 Cf. Annexe 2 (rapport Badinter)
50
http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/04/06/projet-de-loi-travail-les-deputes-suppriment-une-mesure-controversee-sur-les-libertes-religieuses-en-entreprise_4896704_823448.html
(consulté le 29 avril 2016)
22
A défaut de loi, le principe est que la
laïcité n'a pas lieu de s'appliquer au sein des entreprises
privées (§1). Le Code du travail admet néanmoins une entorse
à ce principe, dès lors que les restrictions aux droits des
personnes et aux libertés individuelles et collectives seraient
justifiées par la nature de la tâche à accomplir et
proportionnées au but recherché (§2).
§1 Principe de non-application de la
laïcité
S'il n'est pas fait mention à proprement parler de la
laïcité dans le Code du travail, son livre premier consacre
plusieurs articles prohibant toute discrimination des salariés en raison
notamment de leurs convictions religieuses. L'article L.1132 dispose en ce sens
qu' « aucune personne ne peut être écartée d'une
procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou
à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne
peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une
mesure discriminatoire, directe ou indirecte [...], en raison de son origine,
de son sexe, de ses moeurs, de son orientation « ou identité »
sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de
ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de
sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation
ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou
mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence
physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé
ou de son handicap ».
Le domaine d'application de ce principe semble a priori
très large, puisqu'il s'étend même aux stages et
périodes de formation dans l'entreprise. Et, si la liberté
religieuse et notamment celle de la manifester n'est pas explicitement
mentionnée, l'interdiction de discrimination en raison de celle-ci est
clairement établie. Mieux, l'article L.1132-1 ne fait pas de distinction
entre une mesure discriminatoire directe ou indirecte. La loi du 27 mai
200851 portant diverses dispositions d'adaptation au droit
communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a permis
d'identifier ces deux cas de figure :
51 Loi n°2008-496 du 27 mai 2008, JORF du 28 mai
2008
23
- La discrimination directe est celle qui, en raison notamment
de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, d'un
individu à une ethnie, ou encore du fait de sa religion, de ses
convictions, de son âge, de son handicap, de son orientation ou de son
identité sexuelle, entre autres, fait en sorte qu'il est traité
« de manière moins favorable qu'une autre [personne] ne l'est, ne
l'a été ou ne l'aura été dans une situation
comparable »52 ;
- La discrimination indirecte est, quant à elle, «
une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais
susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des
personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette
disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement
justifié par un but légitime et que les moyens pour
réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés
»53.
Aussi, c'est en vertu de ce principe d'interdiction de mesures
discriminatoires à l'encontre des salariés qu'un certain nombre
d'arrêts abondent en ce sens (A.). Cependant, il convient
d'évoquer le cas particulier des entreprises dites « de tendance
», pour lesquelles il semble admis qu'elles puissent faire une entorse
à ce principe (B.).
A. Contentieux judiciaire
Un contentieux relativement important existe en matière
de discriminations religieuses, ce qui a contribué ainsi à mieux
cerner les cas visés en l'absence de texte législatif clair
à ce sujet :
Dans un jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris
le 17 décembre 200254, le licenciement d'une salariée
qui refusait de se conformer à l'interdiction qui lui avait
été faite au moment de sa mutation au siège social de
porter un voile islamique a pu être considéré comme nul,
dans la mesure où elle était déjà en contact avec
la clientèle avant sa mutation tout en étant voilée. De
plus, cette mesure discriminatoire était fondée sur les
convictions religieuses de la salariée et constituait ipso facto
un
52 Ibid.
53 Ibid.
54 CPH Paris 17 décembre 2002,
n°02/03547
24
trouble manifestement illicite ; dès lors que
l'employeur était incapable de fournir des éléments
objectifs étrangers à cette discrimination tenant à
justifier sa décision de licencier la salariée, le juge des
référés a pu ordonner à bon droit la
réintégration de celle-ci à l'entreprise.
Dans un arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 19
juin 200355, il en est de même pour une salariée qui
s'était vue notifier par son employeur une lettre de rupture de son
contrat de travail, laquelle faisait expressément
référence au refus de celle-ci de renoncer au port du voile
islamique. Le juge a ainsi ordonné la poursuite du contrat de la
salariée, dès lors que le port du voile islamique ne soulevait
aucun problème particulier dans ses contacts avec la
clientèle.
Dans un arrêt rendu cette fois par la chambre sociale de
la Cour de cassation le 19 mars 201356, une salariée qui
occupait les fonctions de directrice adjointe au sein d'une crèche
gérée par une association avait été
licenciée du fait qu'elle refusait de renoncer au port du voile
islamique à son retour de congé parental. Elle avait d'abord fait
l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire avant
d'être licenciée pour faute grave, au motif « qu'elle avait
contrevenu aux dispositions du règlement intérieur de
l'association en portant un voile islamique »57. La Cour de
cassation, dans le premier épisode du feuilleton Baby-Loup, a
estimé que la clause litigieuse58 du règlement
intérieur instaurait « une restriction générale et
imprécise »59, ne répondant pas ainsi « aux
exigences de l'article L.1321-3 du Code du travail et que le licenciement,
prononcé pour un motif discriminatoire, était nul
»60.
Enfin, dans un arrêt rendu le 15 janvier 2013 par la
Cour européenne des droits de l'Homme61, l'interdiction qui
avait été faite à une salariée de porter une croix
de
55 CA Paris 19 juin 2003, n°03-30212
56 Cass. Soc. 19 mars 2013, n°11-28.845
57 Ibid.
58 « Le principe de la liberté de conscience
et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au
respect des principes de laïcité et de neutralité qui
s'appliquent dans l'exercice de l'ensemble des activités
développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la
crèche ou ses annexes qu'en accompagnement extérieur des enfants
confiés à la crèche »
59 Cass. Soc. 19 mars 2013, n°11-28.845
60 Ibid.
61 CEDH 15 janvier 2013, arrêt Eweida et a.
c/ Royaume-Uni
25
manière visible sur son lieu de travail, alors que
d'autres salariés de l'entreprise avaient été
autorisés auparavant à porter des vêtements à
connotation religieuse, tels que le turban ou le voile, sans que cela n'ait
d'impact négatif sur l'image de l'entreprise, a pu être
jugée comme discriminatoire.
Ce florilège de décisions fait ainsi montre du
souci des juges à l'égard de la liberté religieuse des
salariés, et qu'ils peuvent être de ce fait
particulièrement sévères en matière de
discrimination religieuse.
B. Cas particulier des entreprises dites « de tendance
»
Il est néanmoins admis que certaines entreprises, en
raison de leur nature particulière, puissent sanctionner leurs
salariés du fait de leurs opinions dès lors que celles-ci
divergent avec celles de l'employeur. Il s'agit des entreprises dites « de
tendance », lesquelles se définissent comme « des entreprises
identitaires dans lesquelles une idéologie, une morale, une philosophie
ou une politique est expressément prônée, où l'objet
de l'activité de ces entreprises et la défense sont la promotion
d'une doctrine ou d'une éthique »62. A titre d'exemple,
nous pouvons citer les partis politiques, les organisations syndicales, les
écoles catholiques, etc.
La directive européenne du 27 novembre
200063 portant création d'un cadre général en
faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et
de travail prévoit ainsi un assouplissement du principe de
non-discrimination. En effet, son article 4 dispose que « la
présente directive est sans préjudice [...] du droit des
églises et des autres organisations publiques ou privées dont
l'éthique est fondée sur la religion ou les convictions, agissant
en conformité avec les dispositions constitutionnelles et
législatives nationales, de requérir des personnes
travaillant pour elles une attitude de bonne foi et de loyauté envers
l'éthique de l'organisation »64. Bien que cette
partie n'ait pas été transposée en droit français,
la notion d'entreprise de tendance est
62
https://www.cfdt.fr/portail/theme/vie-au-travail/liberte-religieuse-en-entreprise-etat-de-la-
jurisprudence-en-france-prod_145337 (consulté le 11
avril 2016)
63 Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000
64 Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000
26
désormais connue de la jurisprudence et a permis
notamment de justifier certaines atteintes à la liberté
religieuse. Tel est le cas par exemple d'une enseignante d'un
établissement catholique, licenciée au motif qu'elle
s'était remariée après son divorce65.
§2 Exception faite lorsque les restrictions sont
justifiées par la nature de la tâche à accomplir et
à la condition d'être proportionnées au but
recherché
Aux termes de l'article L.1121-1 du Code du travail, «
nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés
individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas
justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni
proportionnées au but recherché ». A contrario, il
est possible d'en déduire qu'il peut être fait exception au
principe de non-application de la laïcité au sein des entreprises
privées dès lors que la nature de la tâche à
accomplir justifie ces restrictions (A.). Cependant, celles-ci doivent
être nécessairement proportionnées au but recherché
(B.).
A. Nature de la tâche
L'article susvisé L.1121-1 a une portée beaucoup
plus large que celle de la simple liberté religieuse, dès lors
qu'il vise toutes les « libertés individuelles et collectives
». La jurisprudence admet néanmoins des exceptions à
l'application de cet article, notamment lorsque les restrictions
imposées par l'employeur sont liées à des raisons de
santé et de sécurité au travail, à l'image de
marque de l'entreprise ou encore à la décence.
Le refus du salarié de se conformer aux directives de
l'employeur pourra alors s'analyser en une faute, passible de sanction pouvant
aller jusqu'au licenciement.
Il en est de même en matière de port de signes
religieux ostentatoires qui peut, dans une certaine mesure, impacter l'image de
marque de l'entreprise. Effectivement dans un arrêt rendu par la Cour
d'appel de Paris le 16 mars 200166, une salariée qui occupait
les fonctions de vendeuse au sein du centre commercial de La Défense a
été
65 Cass. ass. plén. 19 mai 1978,
n°76-41.211
66 CA Paris 16 mars 2001, n°1999/31302
27
licenciée au motif qu'elle s'obstinait à vouloir
porter un voile islamique de façon ostentatoire alors qu'elle
était amenée à être en contact avec la
clientèle. Son employeur s'était alors opposé, « en
raison des répercussions sur la clientèle et les autres
salariés »67, à une « tenue de travail non
conforme à celle pratiquée dans l'entreprise qui avait selon son
règlement intérieur adopté une tenue uniforme
»68. La Cour d'appel avait également retenu que le
centre commercial de La Défense, « dont la conception
destinée à un large public aux convictions variées,
[imposait] en conséquence à ceux qui y travaillent la
neutralité ou à défaut la discrétion dans
l'expression des opinions personnelles »69 en matière de
religion. Dès lors que l'employeur ne s'était pas opposé
au port d'un « foulard noué en bonnet », la restriction
à la liberté individuelle de la salariée - qui ne
constituait pas une faute dans l'exercice de son pouvoir de direction -
était légitime. Par conséquent, le refus de la
salariée d'obtempérer constituait une cause réelle et
sérieuse de licenciement.
Par ailleurs, n'est pas illégal non plus le
règlement intérieur qui prévoirait une clause obligeant
« le personnel en contact avec la clientèle d'avoir une
présentation correcte et soignée adaptée à l'image
de marque du magasin »70.
Enfin, il faut rappeler l'arrêt
Baby-Loup71 qui est fondamental en matière de
restriction aux libertés individuelles justifiée en raison de la
nature de la tâche à accomplir. Pour rappel, la première
Cour de cassation avait tranché en faveur de la salariée
discriminée puis renvoyé l'affaire devant la Cour d'appel de
Paris. Mais au lieu de suivre la décision des juges du droit, la Cour
d'appel décide de faire de la résistance en estimant que le
règlement intérieur de la crèche était suffisamment
précis et que celle-ci pouvait même, au sens de la directive
européenne du 27 novembre 2000, constituer une « entreprise de
conviction ». La seconde Cour de cassation, dans son arrêt en date
du 25 juin 2014, rejette cette dernière assertion. En revanche, elle
revire sa position de manière tout à fait remarquable, en tenant
compte notamment de la taille de la structure : elle admet finalement que
« la restriction à la liberté de manifester sa
67 Ibid.
68 Ibid.
69 Ibid.
70 Circ. DRT no 1991/17 du 10 septembre
1991
71 Cf. §1 du présent chapitre
pour les faits de l'espèce
28
religion édictée par le règlement
intérieur ne présentait pas un caractère
général, mais était suffisamment précise,
justifiée par la nature des tâches accomplies par les
salariés de l'association et proportionnée au but
recherché »72. La Cour de cassation retient ainsi le
raisonnement de la Cour d'appel de Paris, selon lequel la volonté de
« protéger la liberté de pensée, de conscience et de
religion à construire pour chaque enfant »73 et de
« transcender le multiculturalisme des personnes auxquelles s'adresse [la
crèche] »74 est de nature à justifier la
restriction posée par son règlement intérieur, sans
préjudice des articles L.1121-1 et L.1321-3 du Code du travail. Le
licenciement de la salariée est ainsi confirmé, au terme d'un
long feuilleton judiciaire.
Néanmoins, il est à se demander si ce revirement
jurisprudentiel ne serait pas dû également à la ferveur
politico-médiatique qui avait entouré l'affaire Baby-Loup
à l'époque. Il faut se rappeler notamment de l'engagement
surprenant de Mme Jeannette Bougrab, alors présidente de
l'ex-HALDE75, aux côtés de la directrice de la
crèche, ou encore du soutien inconditionnel de la philosophe Mme
Elisabeth Badinter, connue pour ses positions féministes. M. Manuel
Valls, ministre de l'Intérieur de l'époque, n'avait pas non plus
hésité à faire part de sa volonté de «
[sortir] quelques secondes de [ses] fonctions »76 pour
protester contre la décision de la première Cour de cassation,
qui était, selon ses termes, une « mise en cause la
laïcité »77.
B. Proportion au but recherché
L'article L.1121-1 pose également le principe de
proportionnalité au but recherché, lequel est aussi repris dans
l'article L.1321-3 du Code du travail. De manière
générale, la notion de proportionnalité en droit se veut
être un principe d'adéquation des moyens à un but
recherché.
72 Cass. Soc. 25 juin 2014, n°13-28369
73 Ibid.
74 Ibid.
75 « Défenseur des droits » depuis le
1er mai 2011
76
http://www.lepoint.fr/politique/creche-baby-loup-manuel-valls-regrette-une-mise-en-cause-de-la- laicite-19-03-2013-1642968_20.php
(consulté le 11 avril 2016)
77 Ibid.
29
En matière de liberté religieuse, une
restriction imposée par l'employeur ne peut être admise que si
elle est - en plus d'être justifiée par la nature de la
tâche à accomplir - proportionnée au but recherché.
La jurisprudence nous en donne deux illustrations :
Dans l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 16
mars 200178, dont il est fait mention dans les pages
précédentes, le licenciement de la salariée avait
été rendu possible du fait que l'interdiction du port de signes
religieux dans l'entreprise n'était pas absolue ; en effet, l'employeur
autorisait en l'espèce le port d'un « foulard noué en bonnet
», la seule restriction étant qu'il ne devait pas être
porté de manière ostentatoire.
Dans un autre arrêt, rendu cette fois par la chambre
sociale de la Cour de cassation le 3 juin 200979, des
salariés qui refusaient de porter un uniforme ont été
licenciés pour faute grave. La Cour de cassation a rejeté le
pourvoi de la société qui avait été
condamnée en appel, au motif que la restriction vestimentaire
résultant d'une convention collective ne pouvait concerner que les
salariés en contact avec la clientèle. Même s'il n'est pas
question ici de restriction en matière religieuse, la portée de
cet arrêt peut aisément s'y prêter.
La notion de proportionnalité est cependant très
délicate, en ce sens que son appréciation peut être fort
relative. Tel est le cas par exemple de quatre salariés licenciés
en raison de leur barbe, considérée comme « non conforme
»80 par leur employeur. La question peut paraître
risible, voire même sans fondement aucun, mais elle a pourtant
été posée au Conseil de Prud'hommes de Bobigny qui aura
à la trancher le 17 juin 2016 prochain.
78 CA Paris 16 mars 2001, n°1999/31302
79 Cass. Soc. 3 juin 2009, n°08-40.346
80
http://www.leparisien.fr/economie/les-barbus-non-conformes-de-l-aeroport-d-orly-attaquent-aux-prud-hommes-09-04-2016-5700375.php#xtref=https%3A%2F%2Fwww.google.fr%2F
(consulté le 9 avril 2016)
30
Titre II. L'encadrement pratique des questions
religieuses au travail
Nous avons vu dans le titre premier de ce mémoire,
notamment, à quel point il peut être parfois difficile de
concilier liberté religieuse avec les impératifs liés
à la bonne marche de l'entreprise. Ce choix cornélien
soulève la question d'un nécessaire équilibre entre
liberté de l'employeur (chapitre I) et liberté fondamentale du
salarié (chapitre II).
31
Chapitre I. Principe de la liberté de
l'employeur
Traditionnellement, la vision libérale affirme le
caractère prépondérant de la liberté individuelle
dans les domaines économique et politique81. En d'autres
termes, il s'agit de la liberté de commerce et d'industrie issue du
décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, aux termes duquel « il
[est] libre à toute personne de faire tel négoce ou d'exercer
telle profession, art ou métier qu'elle trouvera bon, mais elle [est]
tenue de se pourvoir auparavant d'une patente, d'en acquitter le prix
d'après les taux ci-après déterminés et de se
conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits
». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 janvier
198282, en fait alors un principe à valeur constitutionnelle.
Dans le même temps il consacre la liberté d'entreprendre, entendue
au sens de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du
citoyen de 1789 comme « la liberté [qui] consiste à pouvoir
faire tout ce qui ne nuit pas à autrui [..] ».
Ainsi, il apparaît en vertu de ces principes
généraux que le chef d'entreprise, au sens large, dispose d'une
liberté étendue et notamment celle d'organiser son
activité comme bon lui semble. Pour autant, il ne doit pas non plus se
heurter à des dispositions d'ordre public.
Or en dehors de ce qui a été mentionné
dans le titre premier de ce mémoire, il n'existe à ce jour aucun
texte encadrant la laïcité dans les entreprises privées.
Partant de ce postulat, nous verrons dans quelle mesure il est possible
d'envisager une extension du principe de laïcité aux entreprises
privées par analogie aux services publics (§1). A
contrario, certains employeurs, même s'ils sont conscients que la
question religieuse peut fâcher, encouragent le dialogue afin de mieux
prendre en compte les requêtes religieuses de leurs salariés
(§2).
81 CAPUL Jean-Yves, GARNIER Olivier,
Dictionnaire d'économie et de sciences sociales, Paris, Hatier,
juin 2005, 576 pp.
82 Cons. Const. 16 janvier 1982, n°81-132 DC, JO
du 17 janvier 1982
32
§1 Extension du principe de laïcité
par analogie aux services publics
L'employeur dispose effectivement d'instruments juridiques,
qui peuvent lui permettre dans une certaine mesure d' « étendre
» le principe de laïcité à son organisation : le
contrat de travail (A.) et le règlement intérieur (B.).
A. Par le biais du contrat de travail
Par définition, le contrat de travail est une «
convention par laquelle une personne, le salarié, s'engage à
travailler pour le compte et sous la direction d'une autre personne,
l'employeur, moyennant une rémunération, le salaire
»83. Le contrat de travail peut prévoir un certain
nombre de clauses, cependant les convictions religieuses du salarié
n'entrent pas dans le cadre de celui-ci. De ce fait, l'employeur qui demande au
salarié d'exécuter une tâche pour laquelle il a
été embauché ne commet aucune faute, dès lors que
cette tâche ne contrevient pas à des dispositions d'ordre public.
La Cour de cassation avait statué dans ce sens, dans un arrêt
rendu par la chambre sociale le 24 mars 199884. Dans ce cas
d'espèce, un boucher a cessé de travailler après avoir
été avisé qu'il était en contact avec de la viande
de porc, incompatible avec sa confession musulmane. Il avait alors
demandé à être muté dans un autre service par son
employeur, ce qui lui a été refusé par ce dernier. La Cour
de cassation a ainsi admis la cause réelle et sérieuse du
licenciement de ce salarié.
De la même façon, un salarié de confession
musulmane en état de jeûne qui refuse d'assister à des
réunions d'équipe comprenant un déjeuner - même en
ayant la possibilité de ne pas manger - ou encore un salarié de
confession juive qui se borne à ne pas répondre au
téléphone un vendredi après-midi, en raison de ses
convictions religieuses, peuvent tous deux encourir une sanction
disciplinaire85.
83 GRANDGUILLOT Dominique, Social 2016 : les
points clé du droit du travail et de la protection sociale,
Issy-les-Moulineaux, Gualino, Lextenso éditions, janvier 2016, 50
pp.
84 Cass. Soc. 24 mars 1998, n°95-44.738
85 Diaporama Powerpoint « le fait
religieux en entreprise : mieux comprendre pour mieux agir » de
BENAISSA Hicham, mai 2015
33
Par ailleurs, concernant la question du jeûne, force est
de constater qu'il s'agit là d'une problématique assez
récurrente en entreprise. D'autant plus que cette pratique est commune
aux trois religions monothéistes86 ; elle est
néanmoins plus « contraignante » pour les musulmans, qui
doivent s'abstenir de boire et de manger pendant tout le mois de Ramadan. Or
ces dernières années, le jeûne de ce mois coïncide
avec les journées les plus longues et les plus chaudes. Et, si le
salarié devait être victime - du fait de son état de
santé plus fragile - d'un accident de travail, on pourra penser que
l'employeur a manqué à son obligation de sécurité
de résultat87. De ce fait, il serait légitime de
s'interroger sur la validité d'une clause obligeant les salariés
à s'alimenter et à s'hydrater insérée dans leur
contrat de travail. En 2012, la mairie de Gennevilliers avait provoqué
un tollé après avoir licencié quatre moniteurs d'une
colonie de vacances suite à leur refus de respecter une telle
clause88 ; « pour permettre un bon déroulement des
journées et des activités, [l'animateur] veille à ce que
lui-même ainsi que les enfants participant à la vie en centre de
vacances se restaurent et s'hydratent convenablement en particulier
durant les repas. La mise en oeuvre d'un centre de vacances
nécessite des équipes éducatives une implication
permanente sur les terrains durant les séjours. Elle implique que chaque
animateur, soit, pour toute la durée du séjour, en pleine
possession de ses moyens physiques, adhère aux valeurs éducatives
de la ville de Gennevilliers, respecte et mette en oeuvre le principe de
laïcité ». La clause litigieuse avait été
insérée dans les nouveaux contrats de travail suite au malaise
d'une animatrice à jeun survenu trois ans auparavant, alors qu'elle
était au volant d'un minibus qui transportait cinq adolescents dont un
fut grièvement blessé. Cette clause fut néanmoins
retirée par la mairie de Gennevilliers, qui a finalement
réintégré les moniteurs à leur poste face à
l'indignation soulevée par leur licenciement89.
Cependant, il aurait été intéressant que
la question soit traitée juridiquement afin de donner un cadre
légal aux employeurs. Fort heureusement pour ces derniers, la Cour
86
http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20150619.OBS1167/ramadan-yom-kippour-careme-d-ou-vient-la-tradition-du-jeune-dans-les-religions.html
(consulté le 18 avril 2016)
87 Art. L.4121-1 du Code du travail : «
l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la
sécurité et protéger la santé physique et mentale
des travailleurs »
88
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2012/07/30/97001-20120730FILWWW00513-suspendus-pour-avoir-jeune.php
(consulté le 19 avril 2016)
89
http://www.liberation.fr/societe/2012/07/31/quatre-moniteurs-de-colonie-de-vacances-suspendus-a- gennevilliers-en-raison-du-ramadan_836690
(consulté le 19 avril 2016)
34
de cassation a récemment infléchi sa position
sur l'obligation de sécurité de résultat qui leur
incombait jusque là. Elle a en effet considéré dans un
attendu de principe, dans un arrêt rendu par la chambre sociale le 25
novembre 201590, que « ne méconnaît pas
l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures
nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la
santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie
avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et
L.4121-2 du Code du travail ». Désormais, l'obligation de moyens
renforcée prévaut sur celle de sécurité de
résultat même si elle n'a pas encore été
transposée dans tous les domaines, notamment en matière de
harcèlement. Ainsi, à défaut d'avoir pu
légiférer sur la question de la compatibilité du
jeûne avec une activité professionnelle - et notamment sur la
validité d'une clause insérée dans un contrat de travail
contraignant les salariés à s'alimenter et à s'hydrater
correctement - la seule obligation pour l'employeur est de mettre «
à la disposition des travailleurs de l'eau potable et fraîche pour
la boisson », telle qu'elle résulte des termes de l'article
R.4225-2 du Code du travail.
B. Par le biais du règlement intérieur
Le Code du travail impose l'établissement d'un
règlement intérieur pour les entreprises dont l'effectif est au
moins égal à vingt salariés. Il s'agit d'un document
écrit, par lequel l'employeur fixe exclusivement « les mesures
d'application de la règlementation en matière de santé et
de sécurité »91, « les conditions dans
lesquelles les salariés peuvent être appelés à
participer [...] au rétablissement de conditions de travail protectrices
de la santé et de la sécurité des salariés,
dès lors qu'elles apparaîtraient compromises »92
et « les règles générales et permanentes relatives
à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions
que peut prendre l'employeur »93. De par sa nature d'acte
règlementaire, il s'applique ipso facto à tout le
personnel ainsi qu'au chef d'entreprise.
90 Cass. Soc. 25 novembre 2015, n°14-24.444
91 Al. 1 art. L.1321-1 du Code du travail
92
Ibid. v. al. 2
93
Ibid. v. al. 3
35
Mais l'employeur est-il en droit de mentionner dans le
règlement intérieur l'interdiction de toute manifestation
religieuse ?
L'entreprise de recyclage PAPREC, installée en
Seine-Saint-Denis, est la pionnière en la matière94.
En effet, elle a adopté en 2014 - après l'approbation de ses
salariés - une charte de la laïcité qui prohibe tout signe
religieux dans ses locaux. Même si aucun contentieux n'existe à ce
jour, il est à se demander si une telle charte est valable au regard de
l'article L.1121-1 du Code du travail ; que ce soit le critère de la
nature de la tâche à accomplir ou celui de la proportion au but
recherché, il est évident que ni l'un ni l'autre ne semblent
justifier la décision de l'entreprise PAPREC.
Par ailleurs, l'ancien haut conseil à
l'intégration (HCI) avait préconisé, dans son avis en date
du 1er septembre 201195, que soit inséré
dans le Code du travail un « article autorisant les entreprises à
intégrer dans leur règlement intérieur des dispositions
relatives aux tenues vestimentaires, au port de signes religieux et aux
pratiques religieuses dans l'entreprise (prières, restauration
collective...) au nom d'impératifs tenant à la
sécurité, au contact avec la clientèle ou la paix sociale
interne ». Mais la législation actuelle n'admet rien de tel, ce qui
limite donc la marge de manoeuvre des entreprises.
§2 Favorisation d'un dialogue face aux
requêtes religieuses des salariés
Afin de trouver un compromis, mais aussi pour éviter
certaines situations de blocage, certaines entreprises privilégient la
prévention (A.). D'autres à l'inverse n'hésitent pas
à aller au-delà de leurs obligations, en offrant à leurs
salariés un cadre leur permettant de mieux s'épanouir tant sur le
plan professionnel que spirituel (B.).
94
http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/02/10/le-recycleur-paprec-adopte-une-charte-de-la-
laicite_4363230_3224.html (consulté le 19 avril
2016)
95 Avis du HCI, Expression religieuse et
laïcité dans l'entreprise, 1er septembre 2011
36
A. La prévention comme solution à certaines
situations de blocage
D'après une enquête réalisée par le
cabinet d'études First&42nd en 201096, les
situations relatives à la religion susceptibles de
créer un conflit au travail sont les
suivantes (par ordre d'acceptation) :
- Le jeûne du mois de Ramadan ;
- Les habitudes alimentaires ;
- Les congés pour fêtes religieuses ;
- Le port du voile islamique ;
- Les salles de prière ;
- Le sexisme dans les rapports hommes/femmes.
Pour éviter la réalisation de ces conflits, et
pour pallier l'absence de jurisprudence claire à ce sujet, certaines
entreprises ont décidé de prendre les devants en
privilégiant la prévention.
Avec notamment, la réalisation de guides
destinés aux managers et responsables des ressources humaines. A
l'instar d'EDF, qui a réalisé un document de «
repères sur le fait religieux dans l'entreprise »97
ayant vocation à « traiter des demandes concrètes de
salariés ou de prestataires, en protégeant les
intérêts industriels et commerciaux de l'entreprise, dans le
respect de la loi et des recommandations de la HALDE, dans le respect des
personnes et de leur droits fondamentaux ». Ce guide pratique et
pédagogique, en ce qu'il propose plusieurs illustrations
concrètes, permet ainsi d'aider les managers et responsables des
ressources humaines à mieux appréhender la question du fait
religieux en entreprise.
D'autres entreprises, comme AREVA ou encore ORANGE, ont fait
le choix d'avoir des approches très pragmatiques en élaborant des
« questions-réponses »98. Celles-ci sont
récapitulées dans un document, toujours destiné aux
managers et responsables des ressources humaines. Néanmoins, certaines
situations sont à traiter au
96 Ibid. v. Annexe A.
97 Cf. Annexe 3 (guide d'EDF)
98 Cf. Annexe 4 (guide d'ORANGE)
37
cas par cas car plus sensibles que d'autres, notamment celle
du jeûne du mois de Ramadan pour les ouvriers de chantier. M. Laurent
Depond, directeur diversité d'Orange, avait alors admis à
l'occasion d'une table ronde - lors de la 23ème
édition du Congrès HR', qui s'était tenue le 3 avril 2012
- qu'il « est difficile d'avoir une personne fragilisée sur un
chantier : lui faire remarquer, c'est de la discrimination, mais s'il lui
arrive quelque chose, l'entreprise peut être mise en cause dans le cadre
de son obligation de santé et de sécurité
»99. Pour répondre à cette problématique,
M. Laurent Depond « responsabilise les salariés : c'est à
eux de s'assurer qu'ils sont en état de travailler sur leur lieu de
travail »100. En revanche, d'autres situations ne sont pas
« négociables »101 chez ORANGE, notamment la
question des rapports entre hommes et femmes qui peut appeler à «
des sanctions managériales si les comportements ne sont pas identiques
pour les hommes et pour les femmes »102.
En outre, d'autres pratiques récentes sont à
observer dans les entreprises, comme l'intervention de formateurs
spécialisés sur la question du fait religieux103 et
les opérations de team building. Cet anglicisme désigne
en réalité la mise en place d'ateliers visant à la «
construction d'équipe », ce qui peut ainsi permettre de «
mieux connaître ses collègues »104, «
renforcer les liens au sein du groupe »105 et « apaiser
les conflits »106. Enfin, ce peut être une excellente
initiative pour tenter de remédier en amont à des
incompréhensions, voire des tensions, liées à la pratique
religieuse de certains salariés. Les rencontres informelles peuvent
être également un moyen de prévenir certains conflits, en
privilégiant le dialogue avec le salarié directement
concerné.
99
http://www.cefrelco.com/SITE_URL/les_entreprises_face_a_la_diversite_religieuse
(consulté le 20 avril 2016)
100 Ibid.
101 Ibid.
102 Ibid.
103 Cf. note bas de page 84
104
http://www.teambuilding-entreprise.com/definitions/quest-ce-quun-teambuilding-2
(consulté le 20
avril 2016)
105 Ibid.
106 Ibid.
38
B. Pouvoir d'appréciation laissé à
l'employeur
L'employeur peut en effet décider d' « accommoder
» ses salariés, en accédant à certaines
requêtes religieuses pour peu qu'elles n'entravent pas le fonctionnement
de l'entreprise. Aucune disposition légale ne l'y contraint, mais la
volonté d'avoir des salariés plus épanouis, et donc plus
productifs, peut le motiver.
En matière de restauration collective notamment, le
Code du travail impose aux entreprises d'au moins vingt-cinq salariés de
mettre à leur disposition « un local de restauration [...] pourvu
de sièges et de tables en nombres suffisant et [comportant] un robinet
d'eau potable, fraîche et chaude, pour dix usagers. Il est doté
d'un moyen de conservation ou de réfrigération des aliments et
des boissons et d'une installation permettant de réchauffer les plats
»107. A défaut d'obligation conventionnelle ou
règlementaire pour l'employeur de mettre en place ou gérer un
service de restauration du personnel, une cantine par exemple, le comité
d'entreprise, s'il en existe, peut en revendiquer la gestion au titre des
activités sociales et culturelles mentionnées à l'article
R.2323-20 du Code du travail108. Cela étant, rien n'est
précisé quant à la teneur des menus offerts aux
salariés. L'employeur, dans un souci d'équité et de
volonté de prendre en considération les habitudes alimentaires de
tous ses salariés, peut ainsi proposer des menus adaptés aux
différents régimes : halal, casher, végétarien,
vegan, etc. Cependant cela peut s'avérer être un véritable
casse-tête, d'où le recours à des restaurateurs
prestataires « passés maîtres dans l'art du compromis
»109. Mais ce service implique nécessairement des moyens
financiers suffisants, sans compter les tarifs de certaines viandes rituelles
qui peuvent varier « de 8 à 10% »110. Les PME
auront ainsi tendance à privilégier plutôt des plats de
substitution à la viande, comme le poisson, pour tenter de satisfaire le
plus grand nombre de salariés.
De la même façon, aucune disposition
légale n'oblige l'employeur à mettre à la disposition de
ses salariés un local pour la prière. Il peut néanmoins y
consentir, tout
107 Art. R.4228-22 du Code du travail
108 DENIAU Marianne, étude n°320, in Le Lamy
droit des comités d'entreprises (tome 2)
109
http://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/restaurant-dentreprise-vegetarien-halal-bio-ou-casher-11886/
(consulté le 21 avril 2016)
110
http://www.slate.fr/story/27441/halal-casher-prix-differents
(consulté le 21 avril2016)
39
dépend de son degré d'ouverture et d'autres
facteurs, notamment matériels. La phase préalable de dialogue et
de négociation111 entre le salarié et l'employeur est
essentielle, afin de prévenir certains conflits. A la manière de
ce salarié qui s'était fait licencier au motif d'avoir
été « pris en flagrant délit de prière
musulmane sur le lieu de travail devant [ses] collègues en bande
organisée, dans le restaurant et pendant [ses] horaires contractuels
». Le Conseil de Prud'hommes de Paris, qui était alors en charge de
cette affaire, avait prononcé la nullité du licenciement car
fondé sur des motifs discriminatoires. Il avait en outre
considéré, dans son jugement en date du 3 novembre 2011, que
« l'employeur avait fait preuve d'un manque de discernement blâmable
quant à ses termes utilisés dans la lettre de licenciement
»112. Pour rappel, dès lors que les impératifs
d'hygiène, de santé et de sécurité sont
respectés, l'article L.1121-1 du Code du travail ne fait pas obstacle
à ce que le salarié puisse prier durant ses temps de pause, sans
tomber pour autant dans la démonstration et le prosélytisme.
D'autant plus qu'une jurisprudence constante113 précise que
les salariés sont libres de vaquer à leurs occupations
personnelles durant leur temps de pause, « sans avoir à rendre de
comptes à leur employeur quant à l'emploi qu'ils font de ce temps
libre »114.
111
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1357662-religion-au-travail-dans-mon-entreprise-il-y-a-un-espace-de-priere-la-laicite-est-sauve.html#reagir
(consulté le 21 avril 2016)
112 CPH Paris 3 novembre 2011, n°F10/16025
113 Cass. Soc. 18 décembre 2001, n°01-41036
114 Ibid.
40
Chapitre II. Principe de liberté fondamentale
des salariés
Au sens du Conseil d'Etat, la notion de liberté
fondamentale - ou de droits fondamentaux, puisqu'une d'une liberté
s'accompagne nécessairement un droit de l'exercer - s'entend de
façon très large et emploie généralement
l'expression de « droits et libertés constitutionnellement garantis
» pour la désigner. De fait, les libertés fondamentales sont
des libertés protégées par des textes constitutionnels et
internationaux, dont « la valeur est supérieure à celle de
la loi dans la hiérarchie des normes »115. Ainsi, aucun
texte législatif ne pourrait transgresser ces libertés sans
encourir l'inopposabilité.
La liberté religieuse, qui s'imbrique dans la
liberté de conscience, est considérée ipso facto
comme une liberté fondamentale. Elle comporte néanmoins deux
aspects, qu'il convient ici de distinguer : d'une part, la liberté
d'opinion, qui ne peut souffrir d'aucune limite en ce sens qu'elle
relève du for intérieur de la personne ; on parle alors de
liberté négative116. D'autre part, elle comprend la
liberté d'expression de ses opinions religieuses, qui demeure toutefois
subordonnée au respect de l'ordre public ; il ne sera pas possible d'en
outrepasser les règles, nonobstant le droit d'exercer cette
liberté, qu'on qualifiera alors de liberté
positive117.
L'une et l'autre sont le corollaire de la liberté
religieuse, et à ce titre elles doivent être
protégées et permettre au salarié de croire et manifester
ses croyances religieuses librement (§1). Mais pour garantir un juste
équilibre avec la liberté de l'employeur, évoquée
dans le précédent chapitre, la liberté d'expression
religieuse du salarié peut, dans une certaine mesure, être
limitée (§2).
115 BARBE Vanessa, L'essentiel du droit des libertés
fondamentales, 3ème édition, Paris, Gualino,
Lextenso éditions, 2012, 146 pp.
116 BERLIN Isaiah, Éloge de la liberté
(1969), trad. CARNAUD Jacqueline et LAHANA Jacqueline,
Paris, Presses Pocket, 1990, 282 pp.
117 Ibid.
41
§1 Protection de la liberté religieuse du
salarié
La liberté religieuse, en tant que liberté
fondamentale, fait aussi bien l'objet d'une protection générale
en droit international et européen (A.) que spécifique au
salarié en droit interne (B.).
A. En droit international et européen
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
du 16 décembre 1966 garantit à toute personne le droit «
à la liberté de pensée, de conscience et de religion,
[qui] implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une
conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion
ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en
privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et
l'enseignement »118. Les seules restrictions qu'il admet
à cette liberté doivent être prévues par la loi et
« nécessaires à la protection de la sécurité,
de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des
libertés et droits fondamentaux d'autrui »119. Il
prohibe enfin toute discrimination qui serait fondée, entre autres
critères, sur la religion, et garantit à tous les individus
l'égalité devant la loi.
A l'échelle européenne, l'article 9 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des
libertés fondamentales reprend en des termes très similaires les
dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
susmentionné. Elles ont également été
intégrées dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union
européenne du 7 décembre 2000, à laquelle le traité
de Lisbonne120 a consacré la même valeur juridique que
les traités.
Enfin, la directive européenne du 27 novembre
2000121 portant création d'un cadre général en
faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et
de travail a contribué à définir plus
précisément le concept de discrimination122, qu'elle
entend
118 Al. 1 art. 18 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques du 16 décembre 1966
119
Ibid. v. al. 3
120 Décret n°2009-1466 du 1er
décembre 2009, JORF du 2 décembre 2009
121 Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000
122 Cf. §1, chap. II, titre I
42
lutter en posant le principe d'égalité de
traitement des travailleurs. Cette directive a par ailleurs été
presque entièrement transposée dans notre droit
français.
B. En droit interne
En France, la Déclaration des droits de l'Homme et du
Citoyen de 1789 ainsi que le préambule de la Constitution de 1946
fondent la liberté de conscience en général, de religion
en particulier. De fait, on retrouve dans le Code du travail deux articles qui
confortent ces deux normes supérieures :
L'article L.1121-1 : « Nul ne peut apporter aux droits
des personnes et aux libertés individuelles et collectives de
restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la
tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché
».
Et l'article L.1321-3, lequel précise en son
deuxième alinéa les dispositions que ne peut contenir le
règlement intérieur d'une entreprise : « le règlement
intérieur ne peut contenir : [...] 2° des dispositions apportant
aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives
des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la
tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché
».
Par ailleurs, l'article L.2313-2 du Code du travail relatif au
droit d'alerte du délégué du personnel permet à ce
dernier d'interpeller l'employeur en cas d'atteinte « aux droits des
personnes, à leur santé physique et mentale ou aux
libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas
justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni
proportionnée au but recherché ». En cas de carence de
l'employeur, le délégué du personnel peut saisir le
Conseil de Prud'hommes en référé ; il s'agit en effet de
faire cesser un trouble manifestement illicite au sein de l'entreprise.
Dans la pratique, la Cour de cassation se montre
particulièrement sévère à cet égard,
dès lors que tout licenciement par l'employeur en violation d'une
liberté fondamentale est frappé de nullité absolue. Encore
faut-il que la liberté en question soit appréciée comme
telle par le juge, mais cela ne fait aucun doute en la matière
religieuse.
43
La Cour de cassation a ainsi posé pour la
première fois le principe de nullité dans l'arrêt
Clavaud123, rendu le 28 avril 1988 par la chambre sociale.
S'il n'est pas question ici de liberté religieuse - en l'espèce,
c'est la liberté d'expression d'un salarié qui était
visée - cette décision est tout à fait surprenante en ce
sens qu'elle revêt un caractère prétorien. En effet, aucun
texte ne pouvait fonder une telle nullité, hormis l'article civiliste
L.1131 qui dispose que « l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause,
ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ». L'arrêt
susmentionné, pour fonder une telle sanction à l'encontre de
l'employeur, s'est donc reporté au visa des articles 6 et 10 de la
Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales : « en raison de l'atteinte qu'il porte à la
liberté fondamentale de témoigner, garantie d'une bonne
justice, le licenciement prononcé en raison du contenu d'une attestation
délivrée par un salarié au bénéfice d'un
autre est atteint de nullité, sauf en cas de mauvaise foi de son auteur
». Ainsi, c'est l'atteinte même à la liberté
fondamentale qui est sanctionnée et qui emporte ipso facto
nullité du licenciement.
Dans un autre arrêt rendu par la chambre sociale de la
Cour de cassation, en date du 13 mars 2001124, il est
précisé encore qu'un licenciement ne peut être
annulé « en l'absence de disposition le prévoyant
expressément et à défaut de violation d'une liberté
fondamentale ». Cela suggère que, dès lors qu'une
liberté fondamentale a été violée, il convient de
prononcer la nullité du licenciement même si aucun texte
législatif ne le prévoit expressément.
Enfin, un arrêt plus récent125 fait
porter la charge de la preuve à l'employeur ; « lorsque la rupture
illicite d'un contrat à durée déterminée avant
l'échéance du terme comme intervenue en dehors des cas
prévus par l'article L.1243-1 du Code du travail, fait suite à
l'action en justice engagée par le salarié contre son employeur,
il appartient à ce dernier d'établir que sa décision est
justifiée par des éléments étrangers à toute
volonté de sanctionner l'exercice, par le salarié, de son droit
d'agir en justice ».
123 Cass. Soc. 28 avril 1988, n°87-41804
124 Cass. Soc. 13 mars 2001, n°99-45735
125 Cass. Soc. 6 février 2013, n°11-11740
44
De fait, cela prouve que la Cour de cassation est
particulièrement attentive en matière de libertés
fondamentales des salariés, notamment religieuse, qu'elle veille
à protéger jalousement. Néanmoins, la question peut se
poser quant à l'articulation de celles-ci avec la liberté de
l'employeur, mentionnée dans le précédent chapitre.
D'où la nécessité d'instaurer un juste équilibre,
afin de garantir le maintien d'une cohésion sociale dans
l'entreprise.
§2 Nécessaire équilibre avec le
principe de liberté de l'employeur
Afin de garantir un certain équilibre entre
liberté de l'employeur et liberté fondamentale des
salariés, la jurisprudence a, au fil de ses arrêts, admis le
caractère relatif de certaines libertés du salarié en
matière de religion (A.). Cela étant, la question du
prosélytisme religieux en entreprise ne fait, quant à elle, aucun
doute ; il doit être prohibé dès lors qu'il porte atteinte
à la liberté de conscience des autres salariés (B.).
A. Caractère relatif de certaines libertés
religieuses du salarié
La liberté religieuse en tant que liberté
fondamentale n'est pas remise en question, en revanche il n'en est pas de
même pour ses différentes manifestations en entreprise qui peuvent
être relativisées selon les cas.
1- Tenue vestimentaire
Au sens de la Cour de cassation, la liberté
vestimentaire en entreprise ne constitue pas une liberté fondamentale.
Elle a ainsi pu confirmer le licenciement d'un salarié qui s'obstinait
à venir travailler en bermuda, en considérant dans un attendu de
principe que « la liberté de se vêtir à sa guise au
temps et au lieu du travail n'entre pas dans la catégorie des
libertés fondamentales »126. Mais lorsque le
vêtement en question est directement attaché à la pratique
d'une religion, il fait l'objet d'une protection plus renforcée dans la
mesure où il découle d'une liberté fondamentale.
L'employeur pourra y apporter certaines restrictions, mais à condition
de prouver qu'elles tiennent à des
126 Cass. Soc. 28 mai 2003, n°02-40273
45
règles d'hygiène et de sécurité
dans l'entreprise - comme cette salariée de maison de retraite
licenciée pour faute grave, qui s'obstinait à garder son voile
islamique en cuisine alors que les règles d'hygiène imposaient le
port d'une charlotte exclusivement127 - ou encore à son image
de marque128.
En tout état de cause, les restrictions à la
liberté vestimentaire du salarié doivent être
justifiées par la nature de la tâche à accomplir et
proportionnées au but recherché, au sens de l'article L.1121-1 du
Code du travail.
2. Pratiques alimentaires
De la même façon, les pratiques alimentaires
inhérentes à la religion du salarié n'impliquent pas pour
autant un traitement de faveur.
Ainsi, un salarié ne peut prétendre à
l'indemnisation de ses repas non pris, dès lors que le choix de
jeûner lui appartenait129. A l'inverse, un employeur n'est pas
non plus en droit d'imposer à ses salariés un régime
particulier en opposition avec leurs convictions religieuses130.
3. Fêtes religieuses
Enfin, il ressort de la jurisprudence que l'employeur peut
refuser d'accorder des congés pour fête religieuse aux
salariés - à l'exception de certaines fêtes qui peuvent
être des jours fériés chômés dans
l'entreprise131 - en raison « des impératifs liés
à la bonne marche de l'entreprise »132. De fait, de
telles demandes émanant des salariés ne relèvent pas du
champ des libertés fondamentales.
127 Délib. HALDE n°2009-311 du 14 septembre 2009
128 Cf. A., §2, chap. II, titre I
129 Cass. Soc. 30 janvier 2002, n°00-40805
130 Délib. HALDE n°2008-10 du 14 janvier 2008
131
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2405
(consulté le 26 avril 2016)
132 Cf. Annexe 5 (guide sur « La gestion du fait
religieux dans l'entreprise privée »)
46
Toutefois, si l'employeur décide d'octroyer des
congés spécifiques à ses salariés il ne peut pas
favoriser une confession au détriment d'autres, auquel cas cette
différence de traitement constituerait une discrimination au sens de
l'article L.1132-1 du Code du travail. C'est ainsi que l'ex-HALDE a
épinglé une entreprise qui accordait des autorisations d'absences
pour ses salariés de confession juive, à l'occasion de la
fête du Kippour, mais qui refusait d'en accorder pour ses salariés
de confession musulmane, à l'occasion de la fête de
l'Aïd133.
B. Prohibition du prosélytisme religieux en
entreprise
Le prosélytisme religieux peut être défini
comme étant le « zèle déployé pour
répandre sa foi et recruter des adeptes »134, qui peut
apparaître de prime abord comme la continuité logique de la
liberté religieuse des individus. D'autant que certaines religions comme
le christianisme et l'islam incitent leurs fidèles respectivement
à l'apostolat et à la « dawah
»135.
Le prosélytisme religieux peut néanmoins se
trouver limité, ce qui peut se comprendre dans un état de droit
qui accorde la primauté à la liberté de conscience. Ou
encore, lorsqu'il contrevient à l'ordre public.
Mais en entreprise plus particulièrement, il convient
de se demander dans quelle mesure l'attitude d'un salarié peut-elle
être considérée comme prosélyte ?
En ce qui concerne le banal port d'un signe religieux - une
kippa, une croix ou un voile islamique par exemple - le Conseil d'Etat tout
comme l'ex-HALDE ont rejoint la CEDH sur ce point136, en affirmant
qu'il ne peut caractériser en tant que tel une attitude prosélyte
: « une distinction doit être faite entre le comportement
prosélyte du salarié et le seul port d'un vêtement ou d'un
insigne. En effet, le port d'un vêtement ou
133 Délib. HALDE n°2007-301 du 13 novembre 2007
134 PLANA Sandrine, Le prosélytisme religieux
à l'épreuve du droit privé, Paris, L'Harmattan, 2006,
588 pp.
135 Orthographié aussi « dawa »,
terme arabe désignant « l'invitation au non musulman à
écouter le message de l'islam » (définition tirée de
Wikipédia)
136 CEDH 10 novembre 2005, arrêt Sahin c/
Turquie
47
d'un insigne répondant à une pratique religieuse
ou manifestant l'appartenance à une religion, à un parti
politique ou à un mouvement philosophique ne constitue pas en soi un
acte de prosélytisme »137. De la même
façon, le Conseil d'Etat a censuré les dispositions du
règlement intérieur d'une entreprise qui prohibaient « les
seules discussions politiques ou religieuses, ou d'une manière plus
générale toutes les conversations étrangères au
service »138 dès lors qu'elles portaient atteinte aux
droits de la personne.
En revanche, le licenciement d'un salarié qui
multipliait les « digressions ostentatoires orales sur la religion
»139 a pu être jugé légitime par la Cour
d'appel de Basse-Terre dans sa décision du 6 novembre 2006, dans la
mesure où il s'agissait d'un acte de prosélytisme portant
atteinte à la liberté de conscience de ses collègues.
Ainsi, il convient de distinguer d'une part l'attitude
prosélyte « passive » d'un salarié - comme le fait de
porter un signe religieux ou de simples discussions entre collègues - de
l'attitude prosélyte « active » d'autre part,
c'est-à-dire lorsque le salarié va faire montre d'un zèle
exacerbé pour tenter de convaincre ses collègues à
adhérer à ses convictions religieuses. C'est cette seconde
attitude qui est, en l'espèce, prohibée. Par conséquent,
l'employeur a l'obligation de prendre toutes « les mesures
nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la
santé physique et mentale des travailleurs » aux termes de
l'article L.4121-1 du Code du travail. L'article L.1152-4 précise en
outre qu'il « prend toutes dispositions nécessaires en vue de
prévenir les agissements de harcèlement moral ». Cela prouve
à quel point les actes de prosélytisme « actif » en
entreprise peuvent être dangereux, et qu'il incombe de ce fait à
l'employeur de protéger la santé mentale de ses salariés.
Au demeurant, cette forme de prosélytisme est plus largement
sanctionnée en société, notamment en matière de
dérives sectaires140.
137 Délib. HALDE n°2009-117 du 6 avril 2009
138 CE 25 janvier 1989, n°64296
139 CA Basse-Terre 6 novembre 2006, n°06/00095
140 Loi n°2001-504 du 12 juin 2001, JORF du 13 juin 2001
48
Conclusion
« Si tu diffères de moi, mon frère, loin
de me léser, tu m'enrichis » Antoine de
Saint-Exupéry.
A titre de conclusion de ce mémoire, force est de
constater que la réponse à la question du fait religieux en
entreprise n'est pas des plus simples, ou tout du moins, qu'elle n'est pas
unique.
Alors que dans les services publics le principe de
neutralité prévaut, aussi bien pour les fonctionnaires et
contractuels que les usagers, il ne trouve pas son équivalent en
entreprise. La jurisprudence a pu, au fil de ses arrêts, dégager
le principe selon lequel la laïcité n'a pas lieu de s'appliquer
dans les entreprises privées. Un principe conforté tant par les
normes internationales et communautaires qu'en droit interne, qui placent de
fait la liberté religieuse au rang des libertés fondamentales.
Mais comme à chaque principe, il existe une, voire, plusieurs
exceptions. Et c'est là toute la subtilité du droit, cette
matière vivante et évolutive que certains considèrent,
à tort, comme figée dans le temps.
Loin de méconnaître la liberté propre
à l'employeur, notamment dans l'organisation de son activité, la
jurisprudence a, en même temps qu'elle consacre le principe de
liberté religieuse du salarié, admis certaines limites à
celle-ci fondées sur l'article L.1121-1 du Code du travail. Ainsi,
l'employeur peut restreindre certaines libertés religieuses du
salarié dès lors qu'elles portent atteinte à des
règles d'hygiène et de sécurité, ou encore,
à l'image de marque de l'entreprise. Cependant, la frontière
peut-être mince quelques fois.
Et, s'il existe en la matière assez peu de contentieux,
il arrive que certaines affaires soient portées jusqu'à la Cour
de cassation. A l'instar du feuilleton épisodique de la crèche
Baby-Loup, qui a également marqué un tournant sur la question du
fait religieux en entreprise. La Haute juridiction avait en effet admis, au
terme d'une longue bataille judiciaire très médiatisée,
qu'une personne morale de droit privé - une crèche en
l'espèce - pouvait exiger la neutralité de ses salariées
eu égard à sa mission d'accueil
49
de jeunes enfants. Insidieusement, cela revient à
envisager une extension de la laïcité dans un espace, par
définition, privé. Et plutôt que de simplifier la
tâche aux juges, la portée de cette décision n'en a
ajouté, en définitive, que davantage de complexité.
D'autant que la couverture surmédiatisée de cette affaire n'y est
certainement pas étrangère, car ce qui n'était
censé être à la base qu'un simple cas d'espèce
opposant un employeur à sa salariée a donné naissance
à une véritable vindicte nationale. Preuve en est avec les
nombreux soutiens - politiques, médiatiques - apportés à
la directrice de la crèche, érigée en une «
héroïne de la laïcité » face à «
l'obscurantisme de l'islam » cristallisé par le voile islamique que
portait la salariée.
La question du fait religieux de façon
générale, mais en entreprise plus particulièrement, divise
plus qu'elle ne fait l'unanimité. De fait, la doctrine s'accorde
à dire majoritairement qu'il convient de privilégier la voie
conventionnelle plutôt que de légiférer en la
matière, qui ne serait pas pertinent. A l'instar du conseiller à
la Cour de cassation M. Philippe Waquet, qui affirmait : « on voit mal
pourquoi le législateur dépasserait le niveau des règles
de sécurité et de salubrité qu'il peut imposer aux
entreprises, pour règlementer la manière dont les salariés
doivent être vêtus ou des signes qu'ils peuvent porter
»141. En effet, l'entreprise dispose d'un certain nombre
d'instruments juridiques qui doivent lui permettre, en principe, de trouver un
équilibre satisfaisant.
Et face à la recrudescence du religieux en France ces
dernières décennies, on peut se demander si la solution ne serait
pas finalement d'adopter la même position que certains pays de l'Union
Européenne. Comme le Royaume-Uni à titre d'exemple, qui
prône la neutralité vis-à-vis des religions ; autrement
dit, chacune d'elles peut s'exprimer librement tant qu'elle ne nuit pas aux
autres. Evidemment, il ne s'agit pas non plus de remettre en question le
modèle français de laïcité, mais de l'appliquer
à l'Etat seulement - comme c'était censé être le cas
à l'origine de son instauration - plutôt que d'envisager son
extension à l'espace privé.
141 WAQUET Philippe, « Convient-il d'interdire le port de
signes religieux dans l'entreprise ? », in Dalloz Revue de droit du
travail, Rev. trav. 2009, 485 pp.
50
Malheureusement, la laïcité fait
régulièrement l'objet de récupérations politiques
de tous bords, entretenant ainsi l'amalgame dans l'esprit des uns et des
autres. Et dans un climat « post-Charlie » particulièrement
hostile à l'expression du fait religieux de façon
générale, mais musulman plus spécifiquement, il convient
de rappeler à tout un chacun la quintessence même de la
laïcité. A savoir, la garantie du vivre-ensemble dans le respect de
toutes les croyances et non-croyances de l'ensemble des individus en France.
51
Bibliographie
? Ouvrages :
BARBE Vanessa, L'essentiel du droit des libertés
fondamentales, 3ème édition, Paris, Gualino,
Lextenso éditions, 2012, 146 pp.
BERLIN Isaiah, Éloge de la liberté
(1969), trad. CARNAUD Jacqueline et LAHANA Jacqueline, Paris, Presses Pocket,
1990, 282 pp.
CAPUL Jean-Yves, GARNIER Olivier, Dictionnaire
d'économie et de sciences sociales, Paris, Hatier, juin 2005, 576
pp.
CORNU Gérard, Vocabulaire juridique,
Association Henri Capitant, 10ème édition,
Paris, PUF, 2014, 1136 pp., coll. « Quadrige »
GRANDGUILLOT Dominique, Social 2016 : les points clé
du droit du travail et de la protection sociale, Issy-les-Moulineaux,
Gualino, Lextenso éditions, janvier 2016, 50 pp.
HENNETTE-VAUCHEZ Stéphanie, VALENTIN Vincent,
L'affaire Baby-Loup ou la nouvelle laïcité,
Issy-les-Moulineaux, LGDJ, Lextenso éditions, février 2015, 113
pp.
PLANA Sandrine, Le prosélytisme religieux à
l'épreuve du droit privé, Paris, L'Harmattan, 2006, 588
pp.
? Rapports, études, avis et documents officiels
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- Rapport public du Conseil d'Etat, Réflexions sur
l'intérêt général, 1999
52
- Avis du HCI, Expression religieuse et
laïcité dans l'entreprise, 1er septembre 2011
- CNCDH 26 septembre 2013, JORF du 9 octobre 2013
? Articles et notes de jurisprudence :
- WAQUET Philippe, « Convient-il d'interdire le port de
signes religieux dans l'entreprise ? », in Dalloz Revue de droit du
travail, Rev. trav. 2009, 485 pp.
- DENIAU Marianne, étude n°320, in Le Lamy
droit des comités d'entreprises (tome 2)
? Décisions de jurisprudence :
Conseil de Prud'hommes :
- CPH Paris 17 décembre 2002, n°02/03547 - CPH
Paris 3 novembre 2011, n°F10/16025
Cour d'appel :
- CA Paris 16 mars 2001, n°1999/31302
- CA Paris 19 juin 2003, n°03-30212
- CA Basse-Terre 6 novembre 2006, n°06/00095
Cour de cassation :
- Cass. ass. plén. 19 mai 1978, n°76-41.211 - Cass.
Soc. 28 avril 1988, n°87-41804 - Cass. Soc. 24 mars 1998, n°95-44.738
- Cass. Soc. 13 mars 2001, n°99-45735
53
- Cass. Soc. 18 décembre 2001, n°01-41036
- Cass. Soc. 30 janvier 2002, n°00-40805
- Cass. Soc. 28 mai 2003, n°02-40273
- Cass. Soc. 3 juin 2009, n°08-40.346
- Cass. Soc. 6 février 2013, n°11-11740
- Cass. Soc. 19 mars 2013, n°11-28.845
- Cass. Soc. 19 mars 2013, n°12-11690
- Cass. Soc. 25 juin 2014, n°13-28369
- Cass. Soc. 25 novembre 2015, n°14-24.444
Conseil d'Etat :
- CE 31 juillet 1912, n°30701
- CE 28 avril 1938, n°59.548 et n°59.549
- CE 13 mai 1938, n°57302
- CE 20 avril 1956, n°33961
- CE 20 avril 1956, n°98637
- CE 25 janvier 1989, n°64296
- CE 3 mai 2000, n°217017
- CE 22 février 2007, n°264541
- CE 4 mars 2010, n°29373
Conseil constitutionnel :
- Cons. Const. 16 janvier 1982, n°81-132 DC, JO du 17
janvier 1982
- Cons. Const. 18 septembre 1986, n°86-217 DC, JO du 19
septembre 1986
Tribunal des conflits :
- Tribunal des conflits 8 février 1873, n°00012
- Tribunal des conflits 22 janvier 1921, n°00706 - Tribunal
des conflits 28 mars 1955, n°01525
54
CEDH :
- CEDH 10 novembre 2005, arrêt Sahin c/ Turquie
- CEDH 15 janvier 2013, arrêt Eweida et a. c/
Royaume-Uni
HALDE :
- Délib. HALDE n°2007-301 du 13 novembre 2007 -
Délib. HALDE n°2008-10 du 14 janvier 2008 - Délib. HALDE
n°2009-117 du 6 avril 2009
- Délib. HALDE n°2009-311 du 14 septembre 2009
? Sites internet :
-
cefrelco.com
-
centredeformationjuridique.com
-
cfdt.fr
-
eternautes.free.fr
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lemonde.fr
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lenouveleconomiste.fr
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lentreprise.lexpress.fr
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leparisien.fr
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leplus.nouvelobs.com
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55
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-
teambulding-entreprise.com
- Diaporama Powerpoint « le fait religieux en entreprise
: mieux comprendre pour mieux agir » de BENAISSA Hicham, mai 2015
56
Annexes
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