ANNEXE N° 02
ENTRETIEN AVEC M. Cyril DUFRESNE,
chargé de mission à la Communauté
d'agglomération de Grenoble en charge du projet de la
métropole, ex-Directeur général des services de
la Communauté des communes du Sud-grenoblois
Lieu : Siège de La
Métro, Grenoble
Date: 23 mai 2014
Durée: 56 minutes
Question n° 01: Quels sont les
changements majeurs opérés par la loi mapam sur le statut de la
communauté d'agglomération de Grenoble
Alpes-Métropole?
Réponse : D'abord il faut signaler que
la loi mapam prévoit la transformation de la communauté
d'agglomération de Grenoble en métropole à partir du 1er
janvier, ce qui sera le cas pour 12 communautés urbaines et
d'agglomération, sachant que la loi a créé quatre types de
métropoles à savoir la métropole du Grand Paris, la
métropole du Grand Lyon, la métropole d'Aix-Marseille et les
métropoles de droit commun dont Grenoble. On attend maintenant un
décret qui fixera le nom, les compétences etc...sachant qu'il y a
déjà six blocs de compétences qui ont été
identifiés en rajoutant pas mal de compétences qui étaient
exercées relativement partiellement jusqu'à présent; elle
étend le champ d'action des compétences. Vous saviez que dans les
communautés d'agglomération il y avait ce qu'on appelait
l'intérêt communautaire qui doit limiter l'exercice de la
compétence dans un certain nombre de domaines bien définis.
Là maintenant les possibilités pour le conseil communautaire de
définir ce qu'on appelle plus l'intérêt communautaire
maintenant mais l'intérêt métropolitain, mais c'est la
même chose, sont beaucoup plus limitées puisqu'elles se limitent
à trois domaines désormais, ce sont les opérations
d'aménagement au sens de l'article L300-1 du code de l'urbanisme, il
s'agit ensuite de tout ce qui touche aux équipements sportifs,
culturels, socio-culturels, socio-éducatifs et enfin tout ce qui est des
centres cinéraires. Donc globalement ça va avoir pour effet de
transférer des compétences déjà des
compétences pleines et entières, on aura des capacités
relativement limitées de restreindre l'exercice de certaines
compétences à certains types de chose puisqu'avant on disait
qu'on est compétent pour des actions de développement
économique d'intérêt communautaire et on listait les
actions précises dans lesquelles la communauté d'agglo
intervenait et dans lesquelles les communes n'intervenaient pas. Maintenant on
a un grand changement à ce niveau-là, on a des compétences
où on aura moins de possibilité de limiter, donc il y a
véritablement un transfert massif de compétences qui est
d'autant plus important que la communauté d'agglo de Grenoble
Alpes-Métropole est une communauté d'agglo peu
intégrée, elle exerçait très peu de
compétences, beaucoup communautés d'agglo exercent des
compétences en matière de voirie par exemple, ce qui
n'était pas le cas de la CAGAM, alors que là elle aura cette
compétence. Donc là il va avoir des changements importants,
sachant qu'en plus Grenoble est une des rares avec Rennes et Rouen à
passer de la CA à la métropole, les autres sont toutes des
communautés urbaines avec des compétences relativement proches
des métropoles. J'aurai donc tendance à dire en me
replaçant dans le contexte dans lequel on se trouve, que la
métropole aura un défi d'autant plus important qu'elle part de
très loin en termes de compétences, il y a donc beaucoup de
changements juridiques, institutionnels et en terme d'organisation puisque la
métro va devoir mettre en oeuvre un certain nombre de compétences
qui nécessitent une gestion quotidienne de proximité; en voirie
il faut être à même de répondre rapidement à
un objet qui obstrue la chaussée ou des choses comme ça; donc il
va avoir pas mal de bouleversements notamment dans la manière dont la
future métropole va gérer un certain nombre de choses sachant que
le but qui est affirmé par les élus c'est qu'il faut un service
rendu à l'usager qui soit au moins meilleur que celui que pratiquait les
communes qui sont dans une relation de proximité les habitants.
Question n° 02: Parlant justement
de proximité, comment la métro entend s'organiser pour être
plus proche des administrés?
Réponse: Il y a deux alternatives: Soit
on met des services de proximité, c'est à dire qu'on
déconcentre les services de la métro de manière à
ce que les habitants puissent s'adresser assez rapidement à la
métro; soit une autre alternative qui à mon sens est la plus
adéquate qui est de s'appuyer sur les communes puisque les communes,
elles savent faire de la proximité. Même si les décisions
politiques seront prises au niveau de la métropole, leur mise en oeuvre
peut être faite au niveau des communes.
Question 03: Pouvez-vous me
repréciser un peu plus les deux alternatives que vous
envisagiez?
Réponse: Sur le premier point, il
s'agira de créer des pôles territoriaux à l'image du
Conseil Général, qui a découpé le territoire du
département de l'Isère en 13 territoires, et sur le
deuxième point s'appuyer sur les communes qui ont des agents en
effectuant un transfert des agents qui soient administrativement
rattachés à la métropole mais qui restent physiquement,
pour certains d'entre eux, au sein des communes de manière à
pouvoir assurer ce rôle de proximité. De toutes les façons
les agents communaux qui exerçaient les compétences
transférées à la Métro seront
transférés à la Métro, donc soit on les
déconcentre ensuite vers des pôles territoriaux, soit on les
laisse dans leurs communes quand bien même juridiquement ils
dépendent de la Métropole, pour que dans leurs tâches
quotidiennes ils continuent à intervenir à un niveau relativement
de proximité et sans trop bouleverser les habitudes des habitants, parce
que les habitants ont l'habitude à chaque fois qu'ils sont un
problème à s'adresser au Maire de leur commune. Il y aura donc
une augmentation des agents de la Métro par le biais du transfert des
agents des communes vers la métropole.
Question n° 04: Par rapport
à la construction du nouveau territoire métropolitain, il a fallu
à la Communauté d'agglomération de fusionner son
territoire avec d'autres intercommunalités pour atteindre le seuil
requis pour obtenir le statut de métropole, pouvez-vous me dire comment
cette fusion a été effectuée?
Réponse: Non, la fusion n'a pas été une
condition nécessaire. Ce sont deux démarches différentes.
En fait, à un moment il y avait la volonté de la
communauté d'agglo de se transformer en communauté urbaine et il
fallait à l'époque 450000 habitants alors que la Métro
n'en comptait que 404.000 et donc il y a eu cette perspective dans le cadre du
schéma départemental de coopération intercommunal de
fusionner un certain nombre de territoires. La fusion de la Métro avec
les communautés de communes du sud-grenoblois (dans lequel
j'exerçais en tant que Directeur Général des Services) et
le balcon-sud Chartreuse n'était pas une condition sine qua non pour se
transformer en métropole, puisque selon la loi, les métropoles,
c'est 400.000 habitants, donc sur ce point la CA elle seule remplissait la
condition pour se transformer en métropole; néanmoins il y avait
une volonté de part et d'autre, avec malgré tout des communes qui
étaient contre, de fusionner et c'est ce qui avait été
fait le 1er janvier 2014, mais c'est une démarche qui était "un
peu indépendante" de la métropole. De toutes les façons,
le préfet, c'est à dire l'Etat dans le cadre de la
métropole avait la capacité de rattacher des territoires voisins
pour plus de rationalisation, d'ailleurs c'est le décret qui fixe le
périmètre, donc s'il n'y avait pas eu fusion, comme cela faisait
partie du schéma départemental de coopération
intercommunal, il y a fort à parier que d'autorité dans le cadre
du décret, il rattache le sud grenoblois et le balcon sud Chartreuse qui
faisaient partie du SDCI. Il y avait à cet effet deux positions qui
s'opposait au niveau de la communauté du Sud-grenoblois, il y avait ceux
qui disaient que la loi sur les métropoles n'est pas encore faite, on ne
sait pas si on va se faire manger dans ce cadre-là donc il ne faut pas y
aller maintenant et il y avait d'autres qui disaient que la métropole va
arriver et c'est clair que dans ce cadre-là on va être
mangé et mieux vaut se faire manger qu'être mangé,
autrement dit il vaut mieux négocier les conditions d'arrivée,
plutôt que d'arriver en cours de route. Voilà les deux positions
qui s'opposaient et donc vraisemblablement la métropole a pesé
dans la fusion mais néanmoins sur un plan strictement juridique il n'y
avait pas besoin pour la communauté d'agglomération de fusionner
pour aller en métropole et je pense même que le Préfet
aurait proposé à l'Etat de fusionner dans le cadre de la
constitution de la métropole les territoires voisins qui étaient
en terme de bassin de vie très liés avec l'agglomération
grenobloise.
Question n° 05: Le territoire de
la nouvelle métropole présente beaucoup de disparités
entre les différentes communes membres, comment fera la métropole
dans ses politiques publiques pour prendre en compte les
spécificités territoriales?
Réponse: On sera bien obligé de
prendre en compte toutes les spécificités mais je ne sais pas
sous quelle forme. Il y a bien sûr des modalités d'intervention
qui vont différer d'un territoire à un autre. Certaines
politiques menées par la métropole seront plus utiles dans
certaines communes et plus utiles dans d'autres et inversement. Je prends
l'exemple de la politique de la ville, elle a toute sa cohérence et sa
légitimité et son utilité à Grenoble, mais si on
monte vers Mont-Saint-Martin il n'y a pas besoin de faire de politique de la
ville. Cet exemple montre bien les différences qu'il peut y avoir entre
les territoires ruraux et les territoires urbains. Je prends une
compétence comme les schémas de mobilisation forestière
qui étaient une compétence précédemment
exercée par la Communauté des communes du Sud-grenoblois et qui
dorénavant sera récupéré par la métropole,
Grenoble n'a pas de forêt et l'utilité de la politique
forestière à Grenoble n'a pas d'utilité, sauf en termes
d'alternatives énergétiques. Ceci montre clairement qu'il' y aura
des disparités dans la manière de mener certaines politiques et
certaines politiques de fait n'auront pas la même importance selon les
territoires, qu'il s'agisse des territoires urbains ou des territoires
ruraux.
Question n° 06: Est qu'il y a un
problème de leadership et la communauté
d'agglomération?
Réponse: Dans toutes les
intercommunalités il y a toujours une difficulté liée au
fait que la ville-centre assure souvent des charges de centralité, c'est
à dire qu'elle assure la prise en charge d'un certain nombre
d'équipements qui profitent à l'ensemble de la population
au-delà de ses habitants. Ce n'est pas un problème entre
l'intercommunalité et la ville-centre mais plutôt un
problème entre la ville-centre et l'ensemble des communes qui composent
l'intercommunalité, ce n'est pas un problème d'institution entre
la ville-centre et l'intercommunalité. La ville-centre
considérant souvent qu'elle assume un certain nombre de charges qui
normalement doivent être « intercommunalisées ».
Question n° 07 : Par rapport
à la possibilité de transferts de compétences par voie
conventionnelle du département à la métropole prévu
par la loi, pour vous quelles compétences paraissent nécessaires
de faire l'objet de cet transfert ?
Réponse : Il faut d'abord distinguer les
compétences conventionnelles « obligatoires » comme la voirie
qui va basculer à la métropole puisque selon la loi, à
défaut de convention dans un certain délai la voirie devient une
compétence métropolitaine, ensuite, on part de tellement loin en
termes compétences, passant d'une communauté
d'agglomération faiblement intégrée à la
métropole, j'avoue que la question des compétences
conventionnelles n'est pas à l'ordre du jour à l'heure actuelle,
ce n'est pas qu'on y réfléchit pas, puisqu'il y a des groupes
thématiques qui sont constituées pour réfléchir sur
la métropole, mais les compétences conventionnelles on s'y
penchera à partir du 1er janvier 2015 ; le premier pas à faire
c'est avec les compétences importantes qu'on va avoir, l'idée est
donc de déjà bien réussir la transformation de la
communauté d'agglo en métropole vis-à-vis des communes, de
manière à avoir des services qui fonctionnent pour la
satisfaction des besoins des habitants. Les compétences conventionnelles
ne font pas partie des enjeux immédiats de la métropole. Je pense
même qu'avec le contexte national actuel où on parle de plus en
plus de la réduction du nombre de régions et de la suppression
pure et simple des départements, ce sont des compétences qui
reviendront pour une grande partie à la métropole, donc par
mesure de prudence qu'il faudra peut-être attendre les futures lois de
réforme territoriale pour voir ce qui va se faire.
Question n° 08 : Quelles
avantages les administrés des différentes communes peuvent tirer
du changement de statut en ce qui concerne les services qui leur sont rendus
?
Réponse : Avec la baisse des dotations
de l'Etat et peut être des ressources fiscales, le but de
l'intercommunalité aujourd'hui en France est de faire des
économies d'échelle et de rationaliser l'action publique,
c'est-à-dire une mise en cohérence, éviter qu'on multiplie
des équipements pour rien et de travailler plus à la satisfaction
des habitants. C'est un défi pour la métropole de permettre
à avoir au moins autant de services, voire le cas échéant
mieux avec moins de frais.
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