2° PARTIE : LA PRODUCTION DE BIOCARBURANTS :
VERS UN DEBOUCHE IMPORTANT POUR L'AGRICULTURE REGIONALE ?
A- Un nouvel élan pour le développement
des biocarburants qui se concrétise depuis 2005 :
I-
La répartition globale entre filières au niveau français -
situation juin 2006 :
Suite aux directives européennes de 2003 citées
en introduction, le gouvernement français s'est engagé dans un
plan en faveur des biocarburants, annoncé en septembre 2004 lors de la
visite de J.P Raffarin à l'usine Diester de Venette. L'objectif
était alors l'incorporation en 2010 de 5,75% (en valeur
énergétique) de biocarburants dans les carburants classiques. Le
gouvernement a cependant souhaité ensuite accélérer le
processus et la loi de finances de 2006 a ramené l'objectif de 5,75% de
biocarburants incorporés à 2008 et a fixé pour 2010 un
objectif de 7%.
La première phase engagée en septembre 2004
annonçait la volonté de tripler la production de biocarburants en
2007. Pour cela, le gouvernement augmentait les agréments de
800 000 tonnes, dont 320 000 tonnes pour la filière
bioéthanol et 480 000 tonnes pour le biodiesel.
Lors de l'annonce de ces agréments, le gouvernement a
lancé une deuxième phase pour l'attribution entre 2006 et 2008
de 950 000 tonnes d'agréments supplémentaires. Ces tonnages
ont été révisés à la hausse dès
septembre 2005 ; les agréments pour 2008 ont été
portés à 1 800 000 tonnes, dont 465 000 tonnes
pour l'éthanol et 1 335 000 tonnes pour le biodiesel.
De nouveau, lors de l'annonce de ces agréments, le
gouvernement a lancé une nouvelle phase pour la période
2008-2010, de 1,1 millions de tonnes de biocarburants (950 000 tonnes de
biodiesel et 150 000 tonnes d'éthanol). Les résultats de ce
nouvel appel d'offre devraient être connus fin 2006.
Au total, pour 2010, les agréments
accordés seraient de 3 233 000 tonnes pour le biodiesel, et de
1 046 000 tonnes pour le bioéthanol.
A l'heure actuelle, sur 880 000 tonnes
d'agréments accordés en éthanol, il est difficile de
savoir précisément quelle sera la part du blé et celle de
la betterave. Les agréments n'étant notifiés qu'aux
intéressés, certains ne souhaitent pas en donner exactement le
détail. De plus, les parts du blé et de la betterave
prévues pourraient aussi être modifiées en fonction de
l'évolution plus générale des marchés
céréaliers et betteraviers.
Si Cristanol aboutit bien à une production
réalisée à 70% à partir de blé, la part de
l'éthanol blé sera supérieure à 40% de l'ensemble
de l'éthanol produit : il y a une modification réelle, au
sein de la filière éthanol, de la répartition entre la
betterave et le blé. Ceci est notamment lié à
l'intérêt accru des céréaliers pour cette
filière.
Les capacités de production finales annoncées
pour les diverses nouvelles usines sont importantes : Tereos a deux
projets, l'un de 240 000 tonnes, l'autre de 200 000 tonnes, Cristal
union et Champagne céréales ont un projet commun de 280 000
tonnes, le groupe Soufflet voudrait construire une usine de plus de
300 000 tonnes, Roquette a annoncé le chiffre de 160 000
tonnes, et Abengoa de 180 000 tonnes. D'ici 2010, la production
réelle des diverses usines serra cependant limitée par rapport
aux ambitions affichées. La capacité des nouvelles usines, si
l'on additionne l'ensemble des objectifs affichés par les industriels,
serait de plus de 1 350 000 tonnes, alors que les agréments
prévus par le gouvernement pour atteindre 7% de biocarburants
incorporés en 2010 sont de 1 046 000 T. De plus, des usines
déjà en activité veulent elles aussi saturer leurs
capacités de production, et, pour certaines, les augmenter.
Dans le contexte d'une production sous
agréments, avec des perspectives à l'export limitées par
un possible développement des importations d'éthanol depuis les
pays tiers, certains projets n'atteindront peut-être pas leur objectif de
production finale d'ici 2010, et ce d'autant plus que les freins nationaux au
développement du bioéthanol sont encore forts. En effet,
l'envolée rapide des agréments ne conduit pas forcément
à une croissance toute aussi rapide de la production de biocarburants.
Evidemment, un délai est nécessaire pour la construction de
nouvelles unités, mais, au-delà de cet aspect technique, un
blocage important pèse sur la filière bioéthanol. Les
pétroliers, défavorables à l'incorporation directe
d'éthanol dans l'essence, ne semblent pas, au dire des promoteurs des
biocarburants, mettre à la vente sur le marché français
des bases essence à basse volatilité qui permettraient aux
mélanges éthanol-essence de respecter les normes
européennes en vigueur en la matière.
Ainsi, la relance du développement des biocarburants
en France depuis 2005 se veut ambitieuse, même si certains blocages
freinent sa pleine réalisation pour le bioéthanol. Pour le
biodiesel, l'organisation de la filière oléagineux et le soutien
des pétroliers permettent d'éviter les écueils
rencontrés par le bioéthanol, même si le
développement de l'EMVH colza est confronté à une autre
difficulté : l'augmentation importante nécessaire de la sole
de colza française, défi qui sera analysé plus loin. Cette
relance oblige à la construction de nouvelles usines, de taille plus
importante, qui suit en partie de nouvelles logiques de localisation.
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