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L'applicabilité des conventions internationales du travail ratifiées par la RDC

( Télécharger le fichier original )
par Sam YAKUSSU BOKAWENYAMA
Université de Kinshasa RDC - Diplôme d'études supérieures spécialisées ( DESS ) 2007
  

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§2. L'APPRECIATION DE LA PRATIQUE ET PROPOSITION DES REFORMES DE LA LEGISLATION CONGOLAISE RELATIVE AU TRAVAIL.

Le tableau général de la pratique en République Démocratique du Congo au sujet des questions faisant l'objet du présent travail est sombre et désespérant. Certes au fil du temps, des textes épars sont venus répondre ponctuellement à telle ou telle question de droit du travail, mais les tentatives de l'applicabilité effective ne purent malheureusement aboutir.

Le travail forcé existe de façon marginale et clandestine, il serait souhaitable, soit de doter l'inspection du travail des moyens nécessaires de contrôle de l'application et du respect de la législation en cette matière, soit créer un service spécialisé à cette fin, le travail forcé présentant les difficultés particulières à être saisi et appréhendé, car souvent déguisé ou camouflé.

La situation du travail des enfants n'est guère plus appréciable. Le succès d'u programme d'élimination du travail des enfants ne peut fonctionner que tous les acteurs s'intègrent en une synergie tendant au même but. Ainsi l'inspection du travail devrait jouer pleinement son rôle, notamment faire valoir plus pertinemment sa mission de police judiciaire chargée de débusquer les infractions à la législation du travail. Les services de police également devraient être impliqués, particulièrement dans la lutte contre les pires formes des travaux des enfants qui s'effectuent généralement dans les zones en dehors des circuits formels et où il serait difficile aux inspecteurs du travail d'accéder, et dans le démantèlement des réseaux de traite des enfants.

Le comité national de lutte contre les pires formes de travail des enfants doit être activé et travailler en accord avec l'inspectorat et la police. Par ailleurs, il serait souhaitable que la mission du comité soit élargie à la lutte contre le travail des enfants en général et que ces structures comprennent des représentants de la police et de l'inspectorat du travail.

Les pratiques discriminatoires existent. Il s'avère important de diligenter des études pour en mesurer l'ampleur, déterminer les secteurs de la vie professionnelle où elles sévissent le plus ainsi que les critères les plus répandus de discrimination. Ces études permettront de définir les axes d'intervention. En réalité, le premier axe sur lequel intervenir est l'action sur les mentalités. Car les pratiques discriminatoires s'inscrivent en profondeur dans les habitudes sociales, culturelle et religieuses qu'il faut agir à travers un programme d'éducation de longue haleine.

Le problème de la liberté syndicale est plus complexe. Sans aucune action positive des pouvoirs publics et un plus grand activisme des inspecteurs du travail, pour le respect des droits syndicaux des travailleurs, sans une justice qui soit plus prompte, plus probe et plus juste, la République Démocratique du Congo restera le pays violateur des droits syndicaux qu'elle est actuellement. Ici aussi, nous proposons, en rejetant par avance les critiques de multiplications des services au nom de la nécessité, l'institution d'un comité de la liberté syndicale qui aurait pour mission entre autre de répertorier les cas de violations des droits syndicaux, d'en faire rapport. Il sera important que ces rapports ne restent pas lettre morte et que le ministère y donne régulièrement suite.

Quant aux consultations tripartites, le gouvernement de la République Démocratique du Congo n'a pas encore organisé les procédures prévues par la C144. Bien que les missions que doivent remplir « ces procédures » soient comprises dans les missions générales du CNT, le gouvernement projette de créer une nouvelle structure pour répondre spécifiquement aux exigences de la convention. Cette option nous semble peu judicieuse. Il nous paraît préférable de confier au CNT le rôle décrit par la convention plutôt que de multiplier, inutilement les structures.

I. LA REFORME DE LA LEGISLATION CONGOLAISE.

La reforme du code du travail congolais est à l'ordre du jour depuis quasiment sa promulgation. Il était alors déjà reproché à ce recueil quelques imperfections notamment en ce que le législateur avait pris parti pour une législation du travail laconique, voire à dessein lacunaire, quitte à se reporter dans la pratique aux principes généraux du droit belge, laissant aux mécanismes traditionnels des entreprises le soin de gérer un espace important du champ du travail.

L'avènement en 2006 de la nouvelle constitution, fondant et projetant une société républicaine, démocratique et libérale, ne peut s'accommoder d'un système de travail caractérisé, du fait de sa réglementation hétéroclite et désordonné, par son inefficacité, son inadaptation et la désaffection qu'il suscite et qui ébranle sa légitimité. Le constituant est le premier à en prendre conscience, lui qui s'est donné comme objectif notamment la lutte contre l'impunité, l'instauration de l'Etat de droit, la bonne gouvernance et qui s'est donné comme règle de référence les droits humains, les libertés fondamentales, les devoirs des citoyens et de l'Etat.

Au-delà d'une réforme, c'est une véritable réformation du droit congolais du travail qu'il s'agit d'entreprendre. La réforme en demi teinte de 2002, en mêlant avancées réelles mais timides, reculs manifestes et stagnations désespérante n'a permis tout au plus que de manquer l'occasion de faire de notre législation sociale un instrument moderne d'interventionnisme étatique dans le sens d'un répondant adéquat aux enjeux de la mondialisation.

Voici, relativement aux sujets qui nous intéressent dans le cadre de ce travail quelques points à revoir dans le code du travail et d'autre texte étudié ici.

v Le travail forcé.

· Reprendre les exceptions contenues à l'article 2 de l'ancien code quant à l'interdiction du travail forcé et dont l'omission dans le nouveau code ne se justifie pas : point a), c), e).

· Instituer un service autonome de lutte contre le travail forcé éventuellement au sein de l'inspection du travail.

· Sur le plan pénal : élargir le champ d'application de l'infraction d'esclavage. Prévoir des sanctions plus fortes que celles prévues par le code du travail en ce qui concerne les récidivistes en matière de travail forcé et ceux qui le pratique habituellement.

v Le travail des enfants.

· Inscrire dans la constitution, l'interdiction du travail précoce des enfants et le principe de l'interdiction du travail de l'enfant avant l'âge de la fin de la scolarité obligatoire.

· Intégrer dans l'arsenal pénal ordinaire, l'infraction d'emploi habituelle des enfants violation delà législation du travail. Et punir plus sévèrement les récrivîtes des infractions prévues au code du travail.

· Maintenir l'âge minimum à 16 ans avec dérogation à 15 ans telle que prévue actuellement tout en soumettant les enfants de 16 à 18 ans à l'éventualité de l'opposition parentale ou tutélaire.

· Réglementer le travail des enfants dans le domaine des arts et des spectacles.

· Elargir la mission du comité de lutte contre les pires formes de travail des enfants, à la lutte contre le travail des enfants en général.

· Rendre obligatoire en plus de l'enseignement primaire, pour change enfant, soit l'enseignement secondaire (au moins en partie), soit l'apprentissage professionnel.

v Le travail des femmes.

Le travail féminin dans le Congo d'aujourd'hui est le résultat d'une longue histoire et d'une évolution complexe. S'il a toujours existé au Congo, il se situait dans le cadre d'une économie familiale où les tâches des uns et des autres se complétaient. Dans sa dimension moderne, ce travail féminin s'inscrit dans une perspective individuelle, voire individualiste. C'est un nouveau cadre où le travail se veut non seulement moyen de gagner sa vie mais aussi source d'épanouissement et de développement personnel. C'est de plus en plus ce à quoi aspirent les femmes congolaises. Cependant, dans son aspect négatif, le travail féminin est aussi le fruit d'une paupérisation globale de la population congolaise. Paradoxalement, cette économie de survie a obligé les femmes à faire appel à toutes leurs ressources pour survivre et par là acquérir savoir-faire et expérience, mais elle les a rendues aussi extrêmement vulnérables.

La disparition des lois, mais aussi des pratiques discriminant les femmes donnera plus de liberté d'action aux travailleuses. Le fait que le mari soit le chef du ménage, l'obligation légale d'obtenir le consentement de celui-ci pour exercer un travail, ouvrir un commerce, etc. atténue, d'une certaine manière, la dimension émancipatrice du travail féminin. La crise aidant, les maris s'opposant au travail de leur épouse sont sans doute de plus en plus rares, mais la loi et même la pratique sociale donne toujours à l'époux ce pouvoir sur sa femme. La liberté de déplacement de l'épouse dépend elle aussi du mari en ce sens qu'il revient à ce dernier de décider du lieu d'établissement du foyer ; en outre, la femme ne peut obtenir un passeport sans l'accord du mari. Pour les femmes aspirant à faire carrière, ce sont là des freins potentiels non négligeables. Conscientes de ces limitations, les Congolaises luttent de plus en plus pour les faire abroger.

Même si le mariage et la maternité sont importants dans la vie des Congolaises, il faut lutter contre le mariage et/ou les maternités précoces. Cela facilitera l'accès des femmes à de bonnes formations qui les placeront mieux sur le marché du travail. L'accès aux méthodes de contrôle et de limitation des naissances est également un allié précieux de l'émancipation féminine, même si de telles pratiques sont encore assez mal vues dans la société. Celles qui en usent le font en général de manière discrète. Il n'est pas rare aujourd'hui encore de voir les familles et belles-familles de jeunes mariées s'inquiéter de l'absence d'enfant dans la première année du mariage.

De manière générale, les conditions d'études qui se sont si terriblement dégradées ces dernières années devraient faire l'objet d'une amélioration radicale car il en va de l'avenir des jeunes Congolais. Pour les femmes, il s'agit d'augmenter leur taux d'alphabétisation et surtout de leur permettre l'accès à tous les niveaux et à tous les domaines d'études. La formation scolaire et universitaire d'une population hommes et femmes est un important agent de développement ; du reste, les autorités congolaises l'avaient parfaitement compris après l'accession du pays à l'indépendance. Pour en revenir à la question du contrôle des naissances, la plupart des études démographiques montrent que ce dernier est d'autant plus effectif que les femmes sont alphabétisées et éduquées.

Mais surtout, une meilleure représentation des femmes à tous les niveaux de décisions politiques permettrait à ces dernières de faire entendre leur voix et de mettre en avant leur place et leur rôle dans la reconstruction du pays. C'est en 1966 que pour la première fois une femme fut nommée ministre au Congo. Pourtant, le poids des femmes dans les institutions politiques du pays n'a jamais été très élevé.

Aujourd'hui, les femmes se sont particulièrement investies dans la dynamique de recherche de la paix et de la reconstruction et elles entendent plus que jamais peser sur le destin et l'évolution de la nation. Il faut noter que depuis 2004, un groupe formé des femmes ministres et membres du parlement entend promouvoir les intérêts des femmes. La branche congolaise du Réseau des Femmes ministres et Parlementaires africaines doit en outre fournir une liste de candidates afin de pourvoir au moins 30% des postes dans les institutions publiques du gouvernement. Il est significatif que dans les initiatives que les femmes regroupées en associations ont prises pour la paix, elles l'aient fait au nom des gens ordinaires qu'elles voulaient représenter, quitte parfois à s'unir au-delà des factions en conflit457(*).

v La discrimination.

· Supprimer l'autorisation maritale en matière de contrat du travail.

· En matière de sécurité de sociale, faire du conjoint de la travailleuse, un ayant-droit au même titre que celui du travailleur homme.

· Réaménager la réglementation portant protection de la main d'oeuvre nationale.

· Inscrire dans le code du travail, l'obligation pour les employeurs ayant un certain nombre de travailleur d'engager tel nombre de personnes avec handicap.

· Incriminer la discrimination à l'emploi.

v La liberté syndicale.

· Abroger les articles 6 et 13 de l'O.L. du 27 juillet 1972.

v La consultations tripartites.

Inscrire explicitement les consultations au sujet des questions liées au fonctionnement de l'OIT parmi les missions du CNT.

Par ailleurs, dans les plus brefs délais, les mesures d'application du code travail devront être prises, car la nouvelle maîtresse ne peut longtemps garder les anciennes servantes.

Enfin des nombreuses catégories d'actifs sont oubliées de la législation sociale et ne peuvent donc que difficilement jouir du bénéfice des normes internationales du travail dont les effets sont pour la plupart contenu dans le code du travail. Il est temps que le droit social se penche sur le cas des travailleurs indépendants et travailleurs pour compte propre notamment.

* 457 TRIPP Aili Mari, « Autonomisation des femmes dans la region des Grands Lacs : Violence, paix et leadership des femmes », University of Wisconsin-Madison. p. 26-28

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery