2.2. Comment développer le civisme fiscal au Cameroun?
L'incivisme fiscal au Cameroun se
manifeste à travers : la fraude et l'évasion fiscale, la
corruption, la violence faite aux agents de l'impôt etc. A cet incivisme
fiscal, on a en face, une administration fiscale qui a l'image de
rigidité. Cette image provient de sa traduction autoritaire de
l'époque. L'administration fiscale se voit donc contrainte
d'évoluer dans un double sens. En interne, on
assiste à un bouleversement de méthode de travail qui est
axé sur le principe de performance, dans le but d'alimenter le budget de
l'Etat ; ensuite en externe, on assiste à un effort de
communication avec les contribuables afin de faciliter l'accès au devoir
fiscal. Or, pour notre part, nous pensons que pour développer le civisme
fiscal, il nous semble qu'on peut agir sur deux leviers :
v Sensibiliser les contribuables (information,
éducation fiscale...)
v Faciliter la tâche aux contribuables et renforcer les
contrôles.
2.2.1. Sensibiliser les
contribuables
Afin d'obtenir les bons résultats en matière de
civisme fiscal, les contribuables doivent avoir l'information qu'il faut sur
les impôts, et l'administration fiscale doit tout mettre en oeuvre pour
éduquer les contribuables.
1) Information des contribuables sur le bien
fondé des impôts
Tel que l'indique la plupart des acteurs de l'économie,
« la culture de l'impôt ne peut se réaliser que
grâce à des campagnes d'information et de sensibilisation
conséquentes».
En effet, il est assez étonnant de constater
qu'à ce jour, au Cameroun, il n'existe pas de radio,
télévision, journal qui dispense des informations fiscales en
permanence. Les quelques supports qui existent, sont réservés aux
« initiés », et ne sont pas vulgarisés. Il serait
souhaitable par exemple, à l'occasion des reportages sur les
activités de l'Assemblée Nationale, portant sur les lois qui
traitent de la matière fiscale, de faire une large diffusion dans les
médias sur ce sujet. On constate que la DGI exploite peu les
opportunités offertes pour mieux communiquer. En fait la communication
aux contribuables doit viser à faire comprendre aux contribuables :
Ce qu'est l'impôt, quel
est son rôle, et sa finalité.
Plusieurs moyens peuvent être utilisés pour
atteindre ce but. L'organisation régulière des portes ouvertes
des services fiscaux, séminaires d'information fiscale, permettant aux
contribuables de parler avec les experts, faire des
démonstrations ; l'organisation des reportages sur le circuit des
impôts (le vote de la loi, la déclaration des impôts, le
dépôt et le paiement, l'utilisation de fonds...) ; faire
associer les journalistes aux activités de la DGI ; motiver les
journalistes qui traitent de la matière fiscale, en octroyant par
exemple, les prix spéciaux aux meilleurs journalistes qui traitent de la
matière ;créer des bureaux d'information et d'assistance
fiscale. L'objectif de l'information fiscale doit être avant tout
destiné à faciliter pour un public aussi large que possible, le
civisme fiscal. On peut également envisager de mettre en place un «
kit d'information fiscale » qui peut comporter cinq parties : les
explications concernant le circuit de vote de l'impôt, les
différents types d'impôt, le mode de paiement, le civisme fiscal,
l'utilisation des impôts.
A ce niveau d'information fiscale, on peut insister sur le
fait que remplir ces déclarations et les déposer constituent un
gage de bonne foi du contribuable envers ses obligations fiscales. On peut
même pousser plus loin, en accordant quelques abattements par exemple,
aux personnes qui pourront remplir et déposer avant une date
indiquée.
2) Education fiscale
Après l'information, il faut passer à
l'étape supérieure, qui consiste à éduquer les
contribuables. L'intérêt ici est de faire comprendre aux
contribuables : ce qu'est l'impôt, son rôle et sa finalité.
Cette éducation peut se faire par plusieurs moyens. Par exemple à
travers la formation de certaines catégories de la population. Il s'agit
des commerçants, artisans, journalistes spécialisés,
étudiants, élèves, chefs d'entreprises...
En effet, les commerçants et les artisans constituent
les contribuables privilégiés auxquels l'administration fiscale
doit apporter une attention particulière. Il convient pour cela
d'organiser des séances d'éducation simple du type : comment
accomplir volontairement ses obligations fiscales. Quels sont les obligations
fiscales (remplissage de la déclaration, dépôt,
paiement) ?
On rencontre sur la place de Yaoundé et Douala,
plusieurs sociétés qui font d'énormes campagnes, telles
que MTN, ORANGE et CAMTEL, pour ne prendre que celles du secteur des
télécommunications..., de même que les agents de banque et
de micro finance, l'objectif pour ces entreprises, est de faire venir le
maximum de clients et identifier ceux-ci. L'administration fiscale devait
procéder de la même façon, enfin de sensibiliser les
contribuables sur le bien fondé de l'impôt.
Actuellement dans notre pays, nous continuons à
assister à la campagne organisée par les opérateurs du
secteur des télécommunications sous l'égide du MINPOSTEL
pour obliger les personnes à se faire identifier, et bien, nous pensons
que l'administration fiscale devait procéder de la même
manière pour procéder à une campagne agressive de
sensibilisation avant de procéder au recouvrement forcé des
impôts ; il est paradoxal de constater que demander aux
autorités de l'administration fiscale le nombre de contribuables sur
lequel est fondé leur espoir de recouvrement des impôts, c'est
assurément leur demander le « sexe des
anges ».
Les journalistes quant à eux peuvent servir de tampon
entre la population et les contribuables. Pour cela, il convient de les former
sur les biens fondés des impôts, les motiver de sorte qu'ils
traitent très souvent les matières fiscales dans leurs
développements journalistiques, par exemple chaque trimestre ou chaque
semestre le prix du meilleur journaliste qui traite de la matière
fiscale. D'après une étude menée par les journalistes
Burkinabés, voir opinion n° 509 du 11 au 17 juillet 2007,
l'incivisme fiscal n'est pas toujours délibéré ou
conscient, mais est plutôt secrété par le manque
d'information. Et ce manque d'information ne peut être comblé que
par les journalistes dont le métier est d'informer la population. Mais
ces derniers ne peuvent bien informer que s'ils possèdent la
matière, c'est-à-dire s'ils maîtrisent le sujet
traité. D'où la nécessité de former les
journalistes sur la matière imposable.
Enfin, l'école et l'université sont les berceaux
même de la formation des futurs cadres. C'est dans cet esprit, que
l'administration fiscale doit travailler avec ces organismes, afin de
sensibiliser les jeunes écoliers et étudiants sur le bien
fondé de l'impôt et le respect de ses obligations fiscales. Cette
expérience a déjà été menée dans les
pays comme la Côte d'Ivoire, où la DGI en partenariat avec le
Ministère de l'enseignement, distribue des kits de sensibilisation sur
le civisme fiscal. C'est ainsi que le 13 décembre 2006, le Ministre de
l'éducation nationale et la Direction Générale des
Impôts ont introduit dans les programmes scolaires, des écoles
primaires et secondaires de la Côte d'Ivoire, le civisme fiscal.
L'objectif visé est l'enfant qui est citoyen de demain, demeure le canal
idéal pour transmettre les vertus cardinales qui doivent forger les
comportements recherchés chez l'adulte. En pratique, le civisme fiscal
dans les programmes d'enseignement peut bien se décliner à
travers les cours de mathématique, de français, de musique, de
dessin, d'histoire, de géographie, d'éducation civique et morale.
Pour les universités, on peut distribuer des matériels
didactiques, films, sketches, etc.
Parallèlement à la sensibilisation des
contribuables, l'administration fiscale doit mener des actions pour faciliter
l'impôt et renforcer le contrôle.
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