Partie 2
Mobilisation des recettes fiscales : enjeux et
perspectives
Introduction à la deuxième partie
Une économie forte est caractérisée par
la présence d'un Etat fort, or un Etat ne peut être fort sans
moyens ; d'où la nécessité d'une plus grande
mobilisation des ressources publiques dont les recettes fiscales en constituent
la pierre angulaire.
En se fixant pour objectif (non moins impossible compte tenu
de son potentiel naturel et humain) de devenir un pays émergent à
l'horizon 2035, le Cameroun semble avoir mis la barre très haute
lorsqu'on analyse avec finesse les indicateurs de performances
économiques (et qu'on intègre encore les chocs récurrents
que connaît la planète : crise alimentaire, crise
financière devenue crise économique, réchauffement
climatiques, etc.) au rang desquels on peut citer le taux de pression fiscale.
Avec un taux de pression fiscale qui n'envisage pas excéder 12% à
l'horizon 2020 (MINEPAT, 2009), le Cameroun en tant « locomotive
naturelle » de la zone CEMAC ne semble pas vouloir respecter
l'un des critères de convergence édicté par les Etats
membres (soit un taux de pression fiscale minimal de 17%).
Les enjeux relatifs à la mobilisation fiscale
s'avèrent donc cruciaux pour notre pays et la recherche des voies et
moyens pour y faire face constitue une urgence pathétique.
Chapitre 3
Les enjeux de la mobilisation fiscale
« Les citoyens ont le droit de constater, par
eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité
de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi,
et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la
durée. », Article14 (Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789).
Introduction au chapitre3
L'impôt a-t-il pour finalité le financement des
dépenses publiques ou doit-il également contribuer à la
réalisation d'autres objectifs ? Il suffit de regarder les
statistiques concernant la fiscalité pour comprendre l'enjeu politique
et économique que représente l'impôt : de nos jours,
plus de la moitié du revenu d'un contribuable est collecté par
l'Etat en divers impôts, taxes et cotisations sociales. La pression
fiscale n'a cessé d'augmenter depuis le début du siècle et
ce dans tous les pays du monde. Mais à quoi sert
l'impôt ? Il est nécessaire pour procurer des ressources
à l'Etat, ainsi, ce dernier peut financer les dépenses publiques
c'est-à-dire ses interventions dans la vie économique et sociale.
On pourrait donc percevoir les contributions fiscales comme une juste
rémunération, contrepartie aux services que rend l'Etat aux
citoyens. Malheureusement les nombreuses interventions coûtent
cher et il faut faire fonctionner tout un arsenal administratif, l'impôt
permet cela, du moins le permettait car à présent il ne suffit
plus à couvrir la totalité des dépenses et l'Etat se voit
obligé de recourir massivement à l'emprunt.
Mais, au-delà de la simple nécessité du
financement des dépenses publiques, l'impôt est devenu un
instrument primordial de la politique économique et sociale, car la
neutralité fiscale est dépassée, sous la pression de
l'interventionnisme où la fiscalité constituera désormais
un moyen essentiel de remédier aux problèmes économiques
et sociaux, notamment une économie de marché.
Section 1 : Les raisons de l'impôt
Si le prélèvement des impôts a fait par le
passé l'objet de critiques acerbes de la part de nombreux
économistes, le contexte dans lequel nous vivons semble redonner un
regain d'intérêt à la mobilisation des recettes fiscales
dans une économie. Si d'un coté on avait les partisans du
libéralisme économique selon lesquels le marché permet
d'assurer le bien-être social, à l'opposé nous avions par
contre les pourfendeurs de l'interventionnisme étatique, pour qui l'Etat
est un planificateur bienveillant. Dans cette section nous insistons sur les
missions régaliennes des Pouvoirs Publics pour justifier son
intervention dans l'économie.
1.1. Renforcer le rôle de l'Etat
Nous allons commencer par décrire la façon dont
l'Etat oriente l'économie et interagit avec elle. Quels sont les
objectifs économiques qui justifient l'intervention de l'Etat dans une
économie mixte moderne ? Examinons quelques fonctions de l'Etat
telles que proposées par Mankiw (2001) :
(i) Améliorer l'efficacité
économique,
(ii) Améliorer la répartition du
revenu,
(iii) Stabiliser l'économie par des politiques
macroéconomiques,
(iv) Conduire la politique économique
internationale.
1.1.1. Améliorer
l'efficacité économique
L'objectif économique central d'un Etat est de
permettre l'allocation socialement souhaitable des ressources. C'est le
côté microéconomique de la politique de
l'Etat ; elle se concentre sur le quoi et le comment de
la vie économique. Les politiques microéconomiques
diffèrent selon les pays en fonction des usagers et des philosophies
politiques. Certains pays mettent l'accent sur le laisser-faire, laissant la
plupart des décisions au marché. D'autres pays sont enclins
à une réglementation étatique pesante, ou encore à
la propriété publique des entreprises, les décisions de
production étant prises par des planificateurs publics.
Les Etats-Unis sont fondamentalement une économie de
marché. Sur n'importe quelle question microéconomique, la plupart
des personnes postulent que le marché résoudra le
problème. Mais parfois, il y a de bonnes raisons pour que l'Etat passe
outre aux décisions d'allocation engendrées par la confrontation
de l'offre et de la demande sur le marché.
1) Les limites de la main invisible
Classiques, Néoclassiques et Libéraux ont
montré comment en situation de concurrence parfaite la main invisible
conduit à une allocation efficace des ressources. Mais le
résultat de cette main invisible ne tient que sous des conditions
très restrictives. Tous les biens doivent être produits de
façon efficace par des entreprises en concurrence parfaite. Tous doivent
être des biens privés comparables au pain qui peut être
découpé en part de telle sorte que plus l'un consomme, moins les
autres le peuvent. Il ne peut y avoir d'effets externes comme la pollution de
l'air. Les consommateurs et les entreprises doivent être parfaitement
bien informés sur les prix et les caractéristiques des biens
qu'ils achètent et vendent. Si toutes ces conditions idéales
étaient réunies, la main invisible permettrait d'obtenir un
niveau de production et une répartition du produit national parfaitement
efficaces, et il n'y aurait pas besoin de l'intervention de l'Etat pour
favoriser l'efficacité économique.
Cependant, même dans ce cas, s'il y avait une division
du travail entre les personnes et les régions, et si le mécanisme
des prix fonctionnait, l'Etat aurait encore un rôle important. Les
tribunaux et les forces de police seraient nécessaires pour garantir
l'exécution des contrats, empêcher les comportements frauduleux et
violents, protéger la liberté contre les vols et les agressions
extérieurs ainsi que les droits légaux de
propriété.
2) Les interdépendances
inévitables
Le laisser-faire accompagné d'une intervention
minimale de l'Etat constituerait un bon système si les conditions
idéales énumérées ci-dessus étaient vraiment
présentes. En réalité, chacune de ces conditions
idéales est violée dans une certaine mesure dans toutes les
sociétés. La plus grande partie de la production s'effectue
dans des unités trop grandes pour une concurrence parfaite. Les usines
non réglementées ont tendance à polluer l'air, l'eau et la
terre. Souvent des maladies contagieuses se déclarent et les
marchés privés ont peu de motivation à développer
les programmes de santé publique efficaces. Les consommateurs sont
parfois médiocrement informés des caractéristiques des
biens qu'ils achètent. Le marché n'est pas idéal, il
existe des défaillances de marché.
En d'autres termes, l'Etat déploie souvent ses armes
pour corriger de graves carences du marché, dont les plus importantes
sont les suivantes :
a. L'absence de concurrence parfaite
Quand les monopoles et les oligopoles s'entendent pour
réduire la concurrence ou pour éliminer les entreprises du
marché, l'Etat peut utiliser des politiques antitrust ou une
réglementation.
b. Les externalités et les biens
publics
Un marché non réglementé peut engendrer
trop de pollution de l'air et trop peu d'investissements dans la santé
publique ou dans la recherche. L'Etat peut utiliser son influence pour
contrôler les externalités nuisibles et pour financer des
programmes scientifiques ou de santé publique. Il peut lever des
impôts sur les activités infligeant des coûts externes
à la collectivité (comme les cigarettes) ou subventionner les
activités socialement bénéfiques (comme l'éducation
ou la santé prénatale).
c. L'information imparfaite
Les marchés non réglementés tendent
à produire trop peu d'informations pour que les consommateurs prennent
de bonnes décisions en toute connaissance de cause. En raison d'une
information inadéquate, l'administration impose aux entreprises de
fournir des informations complètes sur la sécurité et
l'efficacité des nouveaux produits avant de les mettre sur le
marché. Manifestement, l'administration a dans son agenda beaucoup de
problèmes potentiels d'allocation à traiter.
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