3.2.5.COMPOSITION DU REVENU
Le seuil de survie de la province d'Esmeraldas est de 387,7
$/mois soit 4652 $/an, selon les valeurs du seuil de survie d'une famille de
quatre membres donné par INEC en 2005. Or, de par notre étude,
les familles de producteurs sont, en moyenne, au nombre de six. Nous augmentons
donc, par soucis de réalité, le seuil de survie
proportionnellement, soit 6978 $/an.
De plus, le revenu total d'un système de production est
composé principalement par le revenu agricole (RAN) et par le revenu
provenant d'activités économiques hors exploitation.
Grâce au seuil de survie du canton et aux revenus totaux
générés qui donnent une bonne représentation des
typologies de producteurs rencontrés via leur système de
production, on peut évaluer leur durabilité, de repérer
leur fragilité ou, à l'inverse, leur capacité à se
maintenir, voire à se développer dans le futur (gestion de la
fertilité des sols, des pâturages, des ressources en eau, etc.)
dans la région.
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85
ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études
Cycle INGENIEUR
Tableau 12: Composition du revenu total
(étude SIPAE, 2009)
Typologie
|
Producteur
|
RAN*
|
IOA**
|
Revenu Total
|
$
|
%
|
$
|
%
|
USD
|
%
|
Paysan sans terre
|
Paysan sans terre
|
338
|
8
|
4035
|
92
|
4 373
|
100
|
|
Paysan Semi-prolétaire
|
3 601
|
60
|
2496
|
40
|
6 097
|
100
|
Producteur diversifié
|
Moyen Diversifié
|
11 212
|
77
|
2258
|
23
|
13 470
|
100
|
|
Grand Diversifié
|
28 934
|
95
|
900
|
5
|
29 834
|
100
|
|
Eleveur Traditionnel
|
10 931
|
59
|
5382
|
41
|
16 313
|
100
|
Eleveur
|
Eleveur Semi-technicisé
|
35 306
|
99
|
176
|
1
|
35 482
|
100
|
Palmiculteur
|
Petit Producteur
|
16 686
|
88
|
1993
|
12
|
18 679
|
100
|
éleveur
|
Grand Patronal
|
98 143
|
89
|
15725
|
11
|
113 868
|
100
|
Palmiculteur
|
Moyen Capitaliste
|
86 579
|
100
|
?***
|
?
|
86 579
|
100
|
Grand Capitaliste
|
555 360
|
100
|
?
|
?
|
555 360
|
100
|
|
*nous avons enlevé les salaires permanents de chaque
système de production de la VAN totale
**ratio économique consacré à des
activités hors UPA d'une année
*** il a été difficile d'obtenir des
informations sur les autres activités que réalisent ces
producteurs, c'est pourquoi il a été considéré que
100% des revenus proviennent de la RAN
Le revenu du paysan sans terre dépend du travaille
disponible des propriétaires terriens (environ 10 à 11 mois par
an selon les entretiens réalisés), étant principalement
les Grands Capitalistes ou Grands patronaux. Lors de son temps libre, il
cherchera à vendre sa force de travail (le paiement se fera
généralement quotidiennement). Pour autant si ces familles
paysannes sans terre travaillent toute l'année, elles n'obtiennent qu'un
revenu total de 4373 $ par an : ce qui est en dessous du seuil de survie de la
province.
La RAN du Paysan Semi-prolétaire est en dessous du
seuil de survie : son système de production ne lui permet pas d'assurer
une sécurité alimentaire. Il vend donc sa force de travail
à l'extérieur de son exploitation, d'où plus de 40% de ses
revenus sont hors exploitation. Pour autant, d'après INEC29,
il y a 18 % de chômage au sein de la population du canton de Quininde. Il
n'est donc pas si facile d'avoir du travail rapidement. De plus, en admettons
qu'il arrive à avoir un emploi externe, son revenu total reste encore
inférieur au seuil de survie du canton (voir annexe 2).
Du fait que ses exploitants sont en décapitalisation,
étant dans un processus de concentration de terre, et n'ayant pas
d'aides de l'état (majoritairement absent dans le canton) ni
d'accès à des crédits légaux (pas de titre de
propriété), cette faible rémunération peut
être une des raisons pour nombreux de ces paysans de quitter leur terre
(souvent racheté par de grandes firmes) pour migrer vers les villes ou
devenir salarié de grandes exploitations (Paysans sans terre).
29 Selon le dernier recensement de INEC en 2005
ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études
Cycle INGENIEUR
86
Ces deux systèmes sont donc vulnérables via leur
capacité à se reproduire et à assurer leur
pérennité dans le temps. De part la nouvelle constitution de
2008, l'Etat devrait intervenir en faveur de ces économies paysannes
pour contrer cette dynamique d'exode rural, de paupérisation des
campagnes.
Il est important de définir des lois protégeant
ces exploitations familiales en termes d'accès à la terre,
appuyer de meilleures filières de commercialisation pour une meilleure
redistribution de revenu, ainsi que mettre à disposition des services
agricoles pour une meilleure valorisation de leur effort de travail.
Au contraire du Semi Prolétaire, le Moyen et Grand
Diversifié génèrent un revenu total,
générée à plus de 77% par leur RAN, deux à
quatre fois plus élevé (jusqu'à plus de 29 000$) que le
seuil de survie. Néanmoins, leurs systèmes de culture peuvent
être vulnérables aux fluctuations de marché, aux
périodes de sécheresse, etc. Le fait d'avoir un titre de
propriété donne accès à des lignes de
crédits, donc à des opportunités, par manque de capital de
départ, pour planter de nouvelles cultures.
De plus, pour ces types d'exploitation familiale, la SAU est
un facteur essentielle de développement. Du fait d'une grande pression
foncière dans le canton, il est important légaliser sa SAU afin
de sécuriser son exploitation aux yeux de l'Etat. Dans le cas contraire,
ces producteurs peuvent avoir tendance à fragmenter leur
propriété foncière et donc devenir Paysan
Semi-prolétaire.
Rappel : les titres de propriétés sont
encore très peu présents chez ces économies paysannes (40%
des producteurs du canton n'en ont pas).
Le Grand Diversifié est le type de producteur le plus
adapté à la zone amont de notre étude. Bien que
l'état devrait développer les réseaux de communication,
ainsi qu'avoir une main mise sur les centre de commerce, afin de réguler
les prix et de les développer, à l'heure d'aujourd'hui où
cette zone est isolée de croissance économique, il est important
que les économies paysannes puissent se suffire à elle-même
en termes de travail à l'année dans l'exploitation, ce que fait
ce système de production (son RAN est générée
à plus de 93% par la force de travail familiale).
Dans un contexte d'une majorité de petites
exploitations familiales en processus de fragmentation des terres, donc de
fragilité de leur système de production dans le temps, il est
important que l'Etat mette en place des manoeuvres politiques et
institutionnelles permettant de légaliser plus aisément leur
exploitation.
|
Ainsi, avec un accès à la terre et à des
services, la tendance des Producteurs Diversifiés sera le
|
Grand Diversifié : son système de production
permet de fixer les populations rurales (sa RAN représente 95% du revenu
total). Il garantit un bon niveau de vie des familles paysannes dans le canton
avec une SAU peu élevé (voir annexe 3). De plus, il
alimente le marché local par une diversité de produits vivriers,
jouant donc un rôle de sécurité alimentaire à
l'échelle locale et de souveraineté alimentaire au niveau
nationale.
|
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Grâce à un bon accès à la terre (44
ha), la stratégie de l'éleveur traditionnel repose en partie sur
un système extensif (83% de sa SAU). Il obtient un revenu total de 16
313 $ (deux fois moindre qu'un Grand Diversifié ayant une SAU de 9 ha),
provenant donc à plus de 41% de son travail hors exploitation. Son
système de production alimente qu'une petite partie du marché
locale par la vente de lait et de fromage frais et ne génère que
peu d'emplois extérieurs. Pour autant, ce système fait bien
travailler sa famille.
A l'inverse, l'éleveur Semi technicisé, ayant un
plus grand accès à la terre (155 ha) et de meilleure
qualité, a un revenu total de plus de 35 000 $ reposant à 88% sur
son système d'élevage. De part une mécanisation du
travail, il génère beaucoup moins de travail à l'hectare
que l'éleveur traditionnel. Pour autant sa mains d'oeuvre est à
97% salariale. Son système de production assure une production de lait
et de viande plus importante, vendue sur le marché local et national.
Remarque : à fur et à mesure, la tendance
de cet éleveur pourra devenir un grand patronal, du fait qu'il remplace
petit à petit son pâturage par de la palme.
Bien que ces Eleveurs produisent une quantité de lait
et viande non négligeable pour la population rurale et nationale, leur
système de production ne répond pas à la fonction sociale
(ne génère que peu de travail comparé à d'autres
type d'exploitation), économique (peu de valeur ajoutée à
la terre) et environnementale (ces systèmes d'élevage concentre
la terre et l'eau) de la terre supposé par l'Etat30.
Faut-il redistribuer une partie de leur terre à de
petits paysans diversifiés ? Ou faut-il laisser perdurer ces
systèmes d'élevage et se préoccuper des grands
propriétaires terriens via la redistribution de terre et via les fronts
de colonisation des terres en friche ?
Grâce à la présence de services, de
crédits dans une zone à fort dynamisme économique, le
Petit Producteur a eu un coût d'opportunité pour mettre en place
ce système de production. Il génère un revenu totale moyen
de 18 679 $ assurée à 88% par sa RAN. Ce type d'exploitation
répond aux fonctions de la terre et aux problématiques du
canton.
En effet, son système de production lui assurent un
travail et un bon niveau de vie stable. De plus, il participe à
réduire la pauvreté et le chômage dans le canton en
employant des salariés permanents. Il contribue à la
souveraineté alimentaire de part ses systèmes de cultures
diversifiés, et il cultive pour moitié de superficie, la palme
profitant à la stratégie économique de l'Etat, recevoir
ses devises à l'exportation. De plus, sa SAU a une moyenne de 17 ha ce
qui ne crée pas de pression foncière, et donc, il ne participe en
aucun cas au problème de concentration de terre présent dans la
zone (voir annexe 4).
Cet équilibre entre peu d'utilisation des ressources
naturelles et richesse produite, entre autonomie et travail
généré, entre sécurité alimentaire et profit
de l'Etat, doit être un exemple d'exploitation type pour l'Etat, à
le promouvoir, et à le fixer dans le temps pour les systèmes
d'exploitations dans la zone avale du canton.
30 la fonction de la terre sera expliquée dans la partie
suivante
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ISTOM 2010 Mémoire de fin d'études
Cycle INGENIEUR
Le revenu total est très important chez le Grand
Patronal, plus de 110 000 $ provenant à 89% de sa RAN (voir annexe
5). Le temps qui n'est pas consacré à l'administration et au
contrôle de ses travailleurs est dédié à son propre
négoce qui se trouve généralement dans la ville de
Quininde. Sa stratégie actuelle est de remplacer, ses parcelles
dédiées à l'élevage par de la palme. C'est pourquoi
il a une RAN trois fois plus élevé que l'éleveur
semi-technicisé. Sa vision future serait donc de devenir un Grand
Capitaliste.
Les Palmiculteurs tirent leurs revenus totaux uniquement de
leur RAN étant elle-même générée par un seul
système de culture, la palme africaine (voir annexe 6). Du
faite qu'ils ont les meilleures terres du canton, des accès à de
grands investissements de départ (capital propre, crédit), ainsi
que des services importants (semences améliorées, « package
» agrochimiques de part les extracteurs, formation agricole), et une bonne
filière de commercialisation, ces avantages les placent, d'un point de
vue économique, dans les systèmes de production les plus
performants.
De plus, de part leurs performances économiques, le
Moyen et Grand Capitaliste, mais aussi le Grand Patronal,
génèrent au total le plus d'emplois contractualisés du
canton. A première vue, cette création de travail est un avantage
pour absorber la population sans travail. Avec plus de recul, on se rend compte
que la main d'oeuvre employée fut celle dépossédée
de leur terre. En effet, pour la plupart, anciens Producteurs
Diversifiés, par manque de sécurité foncière, ils
durent vendre leur propriété et migrer lors de l'implantation
massive de ces grandes propriétés « agro-business »,
créant cette pression foncière actuelle au niveau du canton.
Leurs impacts dans la zone provoquent des
inégalités énormes au niveau du foncier (concentration des
terres, dépossession et paupérisation des agricultures
familiales). Leur impact environnemental n'en est pas moins important : il y a
de plus en plus de pollution des rivières, du fait que les intrants
chimiques pour ces cultures « extensives et intensives » sont
énormes, contaminant les nappes phréatiques étant de plus
en plus exploitées.
Bien que ces trois types de producteurs ont des exploitations
durables, en pleine expansion économique et de superficie dans le temps.
En rapport avec tous les problèmes que cette monoculture extensive
engendre, l'Etat devrait mettre en place des restrictions et des
contrôles réguliers pour limiter leur accès au foncier et
à l'eau. Ces producteurs n'entrent pas dans une logique d'égale
répartition des terres, des ressources naturelles ni d'un
développement global pour tous. De plus, les grandes exploitations
capitalistes ne participent en rien à la souveraineté alimentaire
du pays, au contraire, elles la dégradent.
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De part les performances économiques, nous avons pu
expliquer les typologies de producteurs dans la zone et ainsi, montrer leur
stratégie de développement propre à chacune d'elle.
En contexte d'augmentation croissante des systèmes
agro-entrepreneuriales, les systèmes diversifiés des
économies familiales sont de plus en plus vulnérables,
forcés de disparaître pour certains, à changer leur main
d'oeuvre familiale par une force ouvrière dans des grandes
exploitations.
Cette dynamique industrielle augmente donc les
inégalités foncières, les répartitions des
richesses provoquant un exode rural croissant et donc, une pauvreté des
campagnes. On assiste à une perte de diversification des systèmes
de culture au profit de la monoculture de la palme africaine au sein de ce
canton :
89
Figure 15: Evolution dans le temps de la situation
du canton de Quininde (étude SIPAE, 2009)
Les systèmes diversifiés, pouvant valoriser au
mieux la richesse de la terre ainsi que le temps de travail à l'hectare,
participent pour beaucoup à l'alimentation des villes et des campagnes,
ainsi qu'ils participent à une utilisation équitable et durable
des ressources naturelles.
De part la prise de conscience récente de l'Etat via
les problèmes socio-économiques et environnementales qu'engendre
cette politique agro-exportatrice non réécrite depuis 1994, cette
nouvelle constitution, qui est mise en place depuis 2008, doit
réellement inverser la tendance, ou tout du moins trouver un
équilibre entre l'agro-industrie et les exploitations familiales.
Dans le point suivant, nous allons montrer les
opportunités, les alternatives qu'ont les économies paysannes
à l'heure actuelle pour se développer, et aussi, insister sur les
points importants de cette nouvelle constitution afin de créer
réellement, un environnement de développement global et durable
entre toutes les typologies de producteur dans le canton.
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