Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 2
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Université Jean Moulin Lyon 3
Relations Internationales et Diplomatie
Master 2 (Parcours Recherche)
« LA CEDEAO DANS LA CRISE
IVOIRIENNE : 2002-2007 »
|
Année académique :
2009-2010
Mémoire soutenu le 05 juin 2010 à Lyon,
France
Nom de l'impétrant Sous la direction de
:
BAPIDI-Mbon Professeur DOUMBE
Didier Parfait BILLE Stéphane
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 3
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
REMERCIEMENTS
Nos remerciements vont d`abord au Professeur DOUMBE BILLE
Stéphane le directeur du Mémoire dont les précieux
conseils, orientations et réorientations ont été d`une
grande importance.
Nos remerciements vont aussi à M. UDRESCU Florin pour ses
orientations et sa disponibilité durant les sessions d`échange
Remerciements également à Madame BENEDICT Karine
pour sa promptitude à répondre à nos sollicitations.
Merci enfin à mon épouse Nadia pour ses
encouragements et son assistance.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 4
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
SOMMAIRE
4
5
6
10
17
18 18 18 22 29
34
35
37
41
44
45 45 45 48 54 64 64 68 72 77 81
83
84
REMERCIEMENTS ..
SOMMAIRE
SIGLES ET ABREVIATIONS
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LA CRISE IVOIRIENNE ET LA
CEDEAO
I-Aperçus et significations
A- Les causes de la crise ivoirienne
1) Les causes socio-politiques .
2) Les causes économiques .
3) La question de l`armée
B- La sécurité collective en Afrique : le cas de la
CEDEAO
1) Contexte et justifications dans le maintien de la paix
2) Instruments normatifs pour la prévention et le
maintien de la paix
3) Les expériences passées de maintien de la paix
DEUXIEME PARTIE : LA GESTION DE LA CRISE
II-La CEDEAO dans la crise ivoirienne : 2002-2007
A- Implication et rôle de la CEDEAO dans la crise
ivoirienne .
1) La CEDEAO en sapeur-pompier
2) La France à la rescousse de la CEDEAO .
3) La CEDEAO se remet en scène
B- Bilan et perspectives
1) Bilan dans la gestion de la crise
2) Perspectives .
3) L`internationale sécuritaire
CONCLUSION GENERALE
Table des annexes
Bibliographie
Table des matières
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 5
SIGLES ET ABREVIATIONS
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
AAPS : Architecture africaine de paix et de
sécurité
ACDA: United States Arms Control and
Disarmament Agency
ACPP : African Conflict Prevention Pool
ACOTA : Aide et Entraînement aux
Opérations de Crises Africaines
ACRI : Initiative de Réponse aux
Crises Africaines
ADM : Archer Daniels Midland
AFP : Agence France presse
AFRI : Annuaire français des relations
internationales
ANC : African National Congress
BGF : Budget général de
fonctionnement
BIDC : Banque d'Investissement et de
Développement de la CEDEAO
BM : Banque Mondiale
CAD : Comité d`aide au
développement
CCI : Centre de commandement
intégré
CEA : Comité d`évaluation et
d`accompagnement
CEDEAO : Communauté Economique des
Etats de l'Afrique de l'Ouest/ ECOWAS Economic Community of West African
States
CEEAC : Communauté Economique des Etats
d'Afrique Centrale
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 6
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
CEI : Commission électorale
indépendante
CEREMS : Centre d`études et de recherche
de l`école militaire
CIA : Central Intelligence Agency
CNRD : Congres national de la résistance
pour la démocratie
CODESRIA : Conseil pour le développement
de la recherche en sciences sociales en Afrique
CPC : Cadre permanent de concertation
CPS : Conseil de paix et
sécurité
CSSPPA : (CAISTAB) Caisse de stabilisation et de
soutien des prix des productions agricoles
CURDIF : Cellule Universitaire de Recherche et
de diffusion des idées et des actions
politiques du président Henri Konan Bédié
DFID : ministère britannique du
Développement international
ECOMOG: Economic Community for West African
States Cease-fire Monitoring Observer Group
ECOWARN ECOWAS: Early Warning and Response
System
EDF : Electricité de France
FACI : Forces armées de Côte
d`Ivoire
FAFN : Forces armées des Forces
nouvelles
FANCI : Forces armées nationales de
Côte d'Ivoire
FDS : Forces de défense et de
sécurité
FRIPC : Force d`intervention rapide des paras
commandos
FMI : Fonds monétaire international
FN : Forces Nouvelles
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 7
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
FPI : Front populaire ivoirien
GRIP : Groupe de recherche et d`information
sur la paix et la sécurité
GTI : Groupe de Travail International
ICG : International Crisis Group
INS : Institut National des Statistiques
IRIN : Integrated Regional Information
Networks
MFA : Mouvement des forces d`avenir
MINURCA : Mission des Nations Unies en
République centrafricaine
MINUSIL : Mission des Nations unies en
Sierra-Léone
MJP : Mouvement pour la justice et la paix
MPCI : Mouvement Patriotique de Côte
d`Ivoire
MPIGO : Mouvement populaire du grand ouest
NEPAD : Nouveau Partenariat pour le
Développement de l'Afrique
OMD : Objectifs du millénaire pour le
développement
OCDE : Organisation de coopération et
de développement économique
OIF : Organisation internationale de la
Francophonie
ONU : Organisation des Nations Unies
OUA : Organisation de l'Unité
Africaine
PDCI : Parti Démocratique de Cote
d`Ivoire
PCF : Parti communiste français
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 8
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
PIB : Produit intérieur brut
PNB : Produit national brut
PNUD : Progamme des Nations Unies pour le
développement
RECAMP : Renforcement des capacités
africaines de maintien de la paix
RHDP : Rassemblement des
houphouétistes pour la démocratie et la paix
RDA : Rassemblement démocratique
africain
RDR : Rassemblement pour les
républicains
RFI : Radio France Internationale
UA : Union Africaine
UDPCI : Union pour la démocratie et la
paix en Côte d`Ivoire
UEMOA : Union économique et
monétaire ouest-africaine
UNOWA : Bureau des Nations Unies pour
l'Afrique de l'ouest
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 9
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
INTRODUCTION
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 10
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Après la guerre froide et l`avènement du
multipartisme en Afrique au début des années 90, des
conflictualités internes ont abouti notamment dans certains pays de
l`Afrique de l`Ouest, à des guerres fratricides. Au Liberia, en
Sierra-Léone, en Guinée-Bissau et en Côte d'Ivoire entre
autres. Dans toutes ces crises, la Communauté Economique des Etats
d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a joué un rôle
prépondérant pour ramener l`ordre et éviter le pire. Sa
force d`intervention l`ECOMOG1 a mis un terme à la guerre
civile au Liberia (1990), en Sierra Leone (1997 et 2003), en
Guinée-Bissau (1998) et en Côte d`Ivoire
(2003)2. « Toujours préoccupée
par la paix et la stabilité dans son espace, la CEDEAO s`est
intéressée, en dehors des opérations militaires, aux
crises politiques qui ont secoué certains de ses Etats membres. Il
s`agit de la Guinée Bissau en 2000 et 2003, du Togo en 2005 et de la
Guinée Conakry en 2007 où elle a initié plusieurs actions
politiques et diplomatiques pour un retour à la normalité dans
ces différents Etats3 ». Ce sont ces actions politiques
et diplomatiques que l`organisation sous-régionale a commencé
à mener au lendemain du coup d`état manqué du 19 septembre
2002 en Côte d`Ivoire. Une posture constante qui conforte l`idée
selon laquelle,
l' « appropriation » africaine de la
sécurité collective est devenue un concept-clé pour la
gestion des crises sur le continent : les puissances extérieures
encouragent cette prise de responsabilité et y voient un gage de
légitimité et un moyen de « partager le fardeau »,
tandis que pour leur part, les Etats africains y expriment la prise en mains de
leur destin4.
Ce renouveau de l`afro-appropriation de la gestion des crises
tire ses racines au début des années 90. Dans son Agenda
pour la paix publié en 1992, le
Secrétaire-général de
1 ECOMOG : Economic Community for West African States
Cease-fire Monotoring Observer Group. De groupe de supervision, l`ECOMOG est
devenu une force d`interposition en 1999. Composé de plusieurs modules
polyvalents (civils et militaires) en attente dans leurs pays d`origine et
prêts à être déployés dans les meilleurs
délais , l`ECOMOG est chargé entre autres :de la mission
d`observation et de suivi de la paix; du maintien et rétablissement de
la paix; de l`action et de l`appui aux actions humanitaires; du
déploiement préventif; des opérations de consolidation de
la paix, du désarmement et de la démobilisation.
2 DOUKOUA MAHAMIDOU Alassane : Le rôle des acteurs
sous-régionaux dans l'intégration économique et politique
: l'étude de cas de la CEDEAO, Université des Sciences
Sociales de Toulouse 1, 2006-2007, p.14
3. MAHANOUN Maurice: La CEDEAO dans les crises et conflits
ouest africains, Institut de Recherches et d`Etudes en Relations
Internationales et Européennes, juin 2007, p.23
4 DULAIT André (dir), HUE Robert (dir), POZZO di BORGO
Yves (dir) et BOULAUD Didier (dir) : La France et la gestion des crises
africaines : quels changements ?, Rapport d`information au Senat
français en juillet 2006, p.18
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 11
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
l'ONU, Boutros Boutros Ghali, consacre un chapitre à la
« coopération avec les acteurs et organismes régionaux
» dans le cadre du chapitre VIII de la Charte des Nations Unies. C`est un
peu ce que Luk Van Langenhove5 appelle l`« ordre mondial
régional ». Si les organisations régionales prennent
désormais autant d`importance dans les questions internationales, c`est
parce que beaucoup de pays, en Afrique de l`Ouest notamment, sont instables
pour des raisons diverses. Fort opportunément, Michael W. Doyle et
Nicholas Sambanis6, annoncent que l`ONU et les
organisations régionales auront fort à faire, si on s`en tient
aux prévisions de la Central Intelligence Agency (CIA ) pour qui, d`ici
2015, les conflictualités internes seront la menace la plus
fréquente pour la sécurité internationale. Ce qui
signifierait que les conditions de leur émergence seront les mêmes
ou alors pourraient s`empirer.
Nous essayerons de comprendre cette logique de transfert de la
responsabilité de protéger de la communauté internationale
à la lumière de la théorie des « Etats fragiles
» ou des « Etats faillis », (Failed States)7. Pour
Jean-Loup Samaan8, l`effondrement d`un État
se définit par l`incapacité des dirigeants de ce dernier,
généralement minés par la corruption et le
patrimonialisme, à assurer un minimum de régulation politique,
à fonder un pacte social et à conquérir une
légitimité minimale. Mais, la définition d` « Etat
failli » est très large, englobant autant les aspects politique,
économique, humanitaire ou sécuritaire. Dans la théorie,
postule Jean-Marc Châtaigner9, « le mot est souvent
employé sans que son sens
5. VAN LANGENHOVE Luk : (Vers un ordre mondial régional),
Essai in Chroniques ONU, N0 3,2004
6. Site de l`Université de Princeton [accès le
25/10/2009] W. DOYLE Michael et SAMBANIS Nicholas, Making War and Building
Peace :United Nations Peace Operations, 2006,
www.press.princetown.edu
7. Un État en déliquescence ou État
défaillant ou État failli ou État
déstructuré ou État en échec (anglais : failed
state) est un État qui ne parvient pas à assurer ses missions
essentielles, en particulier de respect de l`état de droit. Une
proposition de définition des États déstructurés
est donnée par le Fund for Peace, qui a construit un indicateur, le
« Failed State Index », au moyen de 12 indicateurs. La notion --
controversée -- d`« État en déliquescence » est
apparue au début des années 1990 lorsque, après la chute
de l'URSS et sa rapide décomposition, les théoriciens de la
géopolitique internationale constatent que, depuis 1945, ce sont plus
souvent des guerres civiles que conventionnelles que les États auront eu
à affronter. Au premier rang de ces penseurs du nouvel ordre mondial,
l'historien israélien Martin Van Creveld postule dans son ouvrage La
Transformation de la guerre que la guerre « non-clausewitzienne
» est désormais le type de conflit dominant. Source Wikipedia
8. « Etats en faillite : un concept clé pour la
sécurité internationale ? », Défense et
Sécurité Internationale, No 14 avril 2006
9 CHATAIGNER Jean-Marc, « Agir en faveur des acteurs et
des sociétés fragiles. Pour une vision renouvelée des
enjeux de l`aide au développement dans la prévention et la
gestion de crises, Agence Française de Développement, septembre
2005, p.5
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 12
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
soit en fait précisé. La définition
minimale du ministère britannique du Développement international
(DFID) insiste sur la non-réalisation des Objectifs du millénaire
pour le développement (OMD) comme critère principal d`une «
fragilité » calculée à partir de l`échelle de
la Banque mondiale et qui concernerait 14 % de la population mondiale (870
millions d`habitants, principalement en Afrique subsaharienne). La doctrine
américaine, en revanche, refuse toute réalité à un
ensemble d`« Etats fragiles» qui se confondrait essentiellement avec
le groupe des pays les moins avancés (PMA), lorsqu`on compare les
agrégats économiques aux agrégats de gouvernance. Elle
insiste sur la spécificité absolue des cas individuels de «
fragilité », des pays démunis mais en paix relative, ne
devant pas être traités de manière similaire à des
Etats potentiellement riches mais ravagés par des guerres civiles
(République démocratique du Congo, Côte d`Ivoire, Soudan)
». Mais le débat n`est pas pour autant clos. Shahrbanou
Tadjbakhsh10 rappelle que deux écoles de pensée sont
à l`origine de la littérature sur les Etats fragiles. «
L`école réaliste conceptualise les Etats fragiles comme
étant dangereux pour la sécurité nationale et
internationale. Les Etats faibles précise-t-elle, sont
déterminants pour la sécurité internationale dans le sens
où leur faiblesse peut "déborder" par effet de spill-over et
menacer les Etats voisins. En revanche, l`école
développementaliste s`intéresse à l`efficacité de
l`aide dans les "environnements difficiles". L`on retrouve ici les institutions
financières internationales (IFI) qui évaluent la
possibilité d`accorder de l`aide aux Etats dits fragiles ».
Néanmoins, remarque-t-elle, « les deux visions ont eu tendance
à se rapprocher, entraînant ainsi des réponses qui mettent
l`accent tant sur la lutte contre le terrorisme que sur l`éradication de
la pauvreté et sur le renforcement de la démocratie ».
Beaucoup plus précisément, Janine Krieber11
définit l`État fragile comme un État qui connaît une
crise de ses trois fonctions principales qui sont : (1) assurer la
sécurité de la population, (2) garantir une répartition
équitable des ressources et (3) assurer la représentation
politique des différents groupes qui évoluent au sein de la
société. L`incompétence de l`État à
gérer ces fonctions précise-t-elle, permet à certains
groupes d`utiliser des moyens qui autrement seraient non légitimes, tels
que la violence ou le terrorisme. « Ainsi, la fragilité
étatique ne doit pas se résumer à la pauvreté et au
sous-développement, elle doit avant tout se comprendre en termes
d`incapacité à gérer la compétition politique
interne et à imposer un état de paix acceptable pour tous les
groupes ». La comparaison avec la Côte d`Ivoire n`est pas fortuite.
A un moment donné ou à un autre, elle est apparue ou
apparaît encore comme un « Etat failli ». En 2006, elle est
ainsi considérée par la Banque mondiale. En 2009, la Côte
d`Ivoire est 11e parmi les 14 États classés comme
« en situation critique »12.
10. SHAHRBANOU Tadjbakhsh, a présenté une
communication lors de la Conférence sur le thème : Les «
Etats fragiles » constituent-ils une menace pour la sécurité
internationale? Conférence organisée par le Center for Peace an
Human Security (CPHS), Paris, 27 mars 2007, Centre d`études et de
recherches internationales sur la Paix et la Sécurité Humaine
(CERI). Compte-rendu d`Oumar Ba, Dorly Castaneda et Maria Gabrielsen.
11. Rapport final d`activités du Colloque
international « Etats fragiles, conflits et terrorisme »,
Québec, 16-17 novembre 2007, Université Laval.
12. C`est en 2005 que le Think Tank americain Fund for Peace
et le magazine Foreign Policy ont commencé à publier un indice
annuel intitulé Failed States Index.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 13
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 14
Problématique
Malgré les apparences, avant le 19 septembre 2002, la
Côte d`Ivoire était déjà un Etat fragile. Vu son
poids économique (1er dans l`espace UEMOA13, 2e
après le Nigeria dans la CEDEAO) et la menace qu`elle fait peser
à la paix et à la sécurité régionale et
internationale, il était indispensable qu`elle fut l`objet de toutes les
attentions et en premier lieu de la CEDEAO. C`est d`ailleurs ce que cette
dernière a entrepris au lendemain du déclenchement des
hostilités le 19 septembre 2002. L`organisation sous-régionale a
eu la bénédiction de l`Union Africaine et de la communauté
internationale, bénédiction consécutive au nouveau
schéma de l`afro-appropriation des crises et des conflits par les
organismes régionaux. Tant bien que mal, la CEDEAO est apparue
incontournable. Comment s`y est-elle prise ? Comment a-t-elle
géré les divisions parmi ses membres ? A-t-elle
véritablement contribué à éviter à la
Côte d`Ivoire le pire ? (Selon les Nations unies, le bilan des
affrontements oscillait-en septembre 2003- entre 1 000 et 2 000
morts14 tous bords confondus, mais l`ampleur de la crise se mesurait
surtout en nombre de personnes déplacées : entre 600 000 et 800
000 au Nord et au Centre du pays et 300 000 dans l`Ouest15 ). Bref,
quel bilan présente-t-elle dans son implication dans la crise ivoirienne
? Ces à toutes ces questions et à d`autres que nous tenterons de
répondre dans ce Mémoire. Les axes de travail porteront notamment
sur les causes de la crise ivoirienne, la prévention et la
résolution des conflits en Afrique de l`Ouest et particulièrement
en Côte d`Ivoire. Mais aussi, les défis de l`appropriation
africaine du maintien de la paix, les leçons des
précédentes interventions de la CEDEAO dans les conflits
ouest-africains et le nouveau schéma sécuritaire des grandes
puissances et de l`ONU dans le maintien de la paix en Afrique.
13. L`UEMOA est composé de huit pays : Burkina Faso,
Côte d`Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal,
Togo.
14. Rapport de la mission d`urgence des Nations unies sur la
situation des droits de l`homme en Côte d`Ivoire(S/2003/90).
15. IRIN, « Côte-d'Ivoire: Humanitarian Operations
Threatened by Lack of Funds », Abidjan, 4 février
2003. Selon les Nations unies, environ 500 000 personnes
avaient également quitté le pays depuis le début de la
crise. Parmi celles-ci, on comptait environ 150 000 Burkinabé, 60 000
Guinéens, quelque 40 000 Maliens, plusieurs centaines de
Nigérians et environ 45 000 Libériens. 40 000 Ivoiriens avaient
également traversé la frontière pour chercher refuge
à l`étranger, surtout au Liberia et en Guinée.
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Nous avons limité cette implication de la CEDEAO dans
le temps (2002-2007) parce qu`après la signature de l`Accord de
Ouagadougou en mars 2007, il est apparu que les deux principaux protagonistes
(le président Laurent Gbagbo et le secrétaire
général des Forces Nouvelles Guillaume Soro) ont voulu et
réussi ( ?) à reléguer la communauté internationale
(ONU) au second plan (La résolution 1765 de juillet 2007 déroule
le tapis rouge devant l`accord de Ouagadougou que le Conseil de
Sécurité a entériné quatre mois plus tôt).
Non seulement l`Opération des Nations Unies en Côte d`Ivoire
(ONUCI) est priée de soutenir l`accord, mais il est mis fin au mandat du
Haut représentation aux élections (HRE), une demande
émanant clairement du camp présidentiel.
Enfin, le GTI, le Groupe de Travail International16
disparaît sans qu`il soit besoin de l`annoncer et est remplacé par
« un organe consultatif international (...) chargé d`accompagner
les forces politiques ivoiriennes et le Facilitateur dans la mise en oeuvre de
l`accord politique de Ouagadougou ». L`initiative vient clairement de
changer de mains et l`ONU retourne à son rôle d`appui à des
acteurs nationaux redevenus maîtres du processus de paix17.
Par conséquence, ils ont décidé d`appliquer une «
solution ivoirienne » en vue de sortir définitivement la Côte
d`Ivoire de la crise. La communauté internationale a donc pris
malgré elle, le rôle d`accompagnateur. Après avoir
traité de la crise ivoirienne, nous nous intéresserons aux
mécanismes de la CEDEAO visant à garantir la
sécurité collective en Afrique de l`Ouest (I), puis nous nous
intéresserons à son implication dans la crise ivoirienne et
à sa gestion entre 2002 et 2007 (II).
16. Le Groupe de Travail international a été
créé le 6 octobre 2005 à Addis Abeba en Ethiopie lors de
la réunion du Conseil de Paix et de Sécurité de l`Union
africaine et avalisé par le Conseil de sécurité des
Nations unies par la résolution 1633 du 21 octobre 2005. Il a pour
mission d`évaluer et suivre la transition en Côte d`Ivoire et
d`apporter au gouvernement ivoirien l`assistance nécessaire à la
poursuite du processus de paix et à la tenue d`élections avant le
31 octobre 2006. Le GTI regroupe alors les représentants du
Bénin, du Ghana, de la Guinée, du Niger, de l`Afrique du Sud, du
Royaume-Uni, des Etats-Unis, de la France, les États-Unis, la
Grande-Bretagne, ainsi que des organisations internationales : ONU, UA, CEDEAO,
Francophonie, UE, FMI et Banque Mondiale.
17. ZEEBROEK Xavier, « Côte d'ivoire : la
paix malgré l'Onu ? » Rapport du Groupe de recherche et
d'information sur la paix et la sécurité -GRIP-, Février
2008.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 15
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
PREMIERE PARTIE :
LA CRISE IVOIRIENNE ET LA CEDEAO
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 16
Programme d'Enseignement à Distance Master 2
Science Politique
I-Aperçus et significations
La CEDEAO est impliquée depuis le début dans la
crise ivoirienne, de près ou de loin. Certains de ses membres (Burkina
Fao et Mali) ont été accusés à tort ou à
raison de l`avoir suscitée et alimentée. Mais, les causes
endogènes offrent une meilleure grille de lecture et de
compréhension.
A. Les causes de la crise ivoirienne
La Côte d`Ivoire est un pays francophone situé en
Afrique de l`Ouest. Elle a une population d`environ 20 millions d`habitants et
tire la majorité de ses ressources de l`agriculture18.
Une crise est « une situation dérivant d`un
changement dans l`environnement interne ou externe d`un Etat qui donne
naissance aux perceptions d`un décideur d`une menace contre les valeurs
de bases, le temps court pour répondre, et la vraisemblance d`une
implication dans des hostilités militaires19 ». La
guerre. C`est ce qu`a connu la Côte d`Ivoire dans la nuit du19 septembre
2002. Les rebelles (un peu plus de 700) issus du Mouvement Patriotique de
Côte d`Ivoire (MPCI), attaquèrent simultanément les grandes
villes du pays dont Abidjan, Yamoussoukro, Korhogo et Bouaké.
Repoussés d`Abidjan et de Yamoussoukro notamment, par les forces
loyalistes, ils replièrent dans les zones Centre, Nord et Ouest du pays
qu`ils contrôleront désormais avec deux autres groupes rebelles,
le Mouvement populaire du grand Ouest (MPIGO) et le Mouvement pour la justice
et la paix (MJP) apparus le 28 novembre (ces trois mouvements fusionneront
quelques mois plus tard pour devenir « Les Forces Nouvelles »). Ce
qui apparaitra après comme une tentative de coup d`état est le
point culminant d`une combinaison de facteurs aussi belligènes les uns
que les autres.
18. La Côte d`Ivoire est le premier producteur mondial
de cacao. Voir aussi en annexe « No 1 » la fiche-pays de la
Côte d`ivoire.
19. BRECHER Michael, WILKENFIELD Jonathan, « Crises in
World Politics », World Politics, n°35, 1982, p.383,
traduits par VIRET Jacques, PERRIER Gregory, DURIN Guillaume, in Module «
Crises
Internationales », Master II RID, Lyon 3, année
académique 2009-2010
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 17
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
1) Les causes socio-politiques
Dans un entretien à la Documentation
française en 2003, Marc Le Pape et Claudine
Vidal20 sont sans équivoque : « Il faut se souvenir que
Félix Houphouët-Boigny (le premier président de la
Côte d`Ivoire) montra une extraordinaire capacité à
occulter le passé, celui d'une décolonisation dont il profita
pour forger son pouvoir personnel en brisant tout ce qui pouvait le contester,
celui des premières années de l'indépendance pendant
lesquelles, recourant à la tactique des faux-complots, il fit
emprisonner et torturer ceux qu'il pouvait suspecter de non-soumission
absolue... Ensuite, les crises furent contenues par la force, par l'argent, par
l'habileté politique d'Houphouët Boigny, et aussi grâce
à une situation économique favorable jusqu'à la fin des
années 70 ». Tiemoko Koulibaly21 se situe dans la
même perspective : « En Côte-d`Ivoire dit-il, la
rébellion qui a éclaté le 19 septembre 200 « n`est
que la dernière manifestation, après bien d`autres crises
politico-ethniques sanglantes, de la fragilité d`un Etat qui s`est
construit sur des préjugés ethniques. Derrière une
apparente stabilité, le pays et ses institutions sont, depuis
l`indépendance, travaillés par des forces centripètes. En
effet, l`Etat n`a jamais été ni impartial ni démocratique
; il a toujours pratiqué la discrimination ethnique, et a donc
été perçu par les groupes exclus du pouvoir comme la
propriété d`une ethnie ». Revenant sur les
répressions du passé, l`historien rappelle que sous le
régime de Félix Houphouët-Boigny déjà, des
velléités de sécession s`étaient manifestées
: « la crise dite du Sanwi en 1966 oppose, à l`intérieur
même du groupe ethnique akan, détenteur du pouvoir, les deux
principaux sous-groupes de celui-ci : les Agnis et les Baoulés, dont est
issu le président Houphouët-Boigny. Les premiers, supportant de
plus en plus mal l`hégémonie politique des seconds, qu`ils
accusent de tribalisme, se révoltent et tentent de faire
sécession pour se rattacher au Ghana, berceau des Akans. Cette tentative
de sécession sera réprimée dans le sang. En 1970, la crise
du Guébié oppose les Baoulés aux Bétés, qui
contestent la domination politique des premiers. Kragbé Gnagbé,
originaire d`un village guébié, exigera, en vain du
président, la création d`un parti politique d`opposition
conformément à l`article 7 de la Constitution. Accusant
Kragbé de vouloir faire sécession, Houphouët-Boigny organise
une répression farouche en pays bété. On estime
habituellement qu`elle aurait fait entre 4 000 et 6 000 morts ». Tiemoko
Coulibaly rappelle aussi que les
20. LE PAPE Marc et VIDAL Claudine co-auteurs de Côte
d'Ivoire, l'année terrible, 1999-2000, Karthala, Paris,
octobre 2002.
21. « Lente décomposition en Côte-d`Ivoire
», Le Monde diplomatique, novembre 2002
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 18
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
populations du Nord, se font très souvent
référencées comme des « étrangers
»22. Tiburce Koffi23 n`est pas très
éloigné de cette analyse et affirme que le conflit ivoirien a un
fondement réel de crise identitaire : « une situation qui a
existé avant Houphouët, elle s`est altérée sous le
règne prestigieux du premier président, pour se réveiller
sous celui d`Henri Konan Bédié et s`exprimer par des oriflammes
sous Laurent Gbagbo ».
a) L'ivoirité
La disparition de Félix Houphouët-Boigny le 7
décembre 1993 va entrainer une lutte épique pour sa succession et
partant, pour le pouvoir, entre les dauphins constitutionnel (Henri Konan
Bédié alors président de l`Assemblée Nationale) et
putatif (Alassane Dramane Ouattara, premier ministre). Le second tenta de
rester au pouvoir en saisissant la Cour Suprême et déclara qu`il
ne quitterait pas son poste avant l`annonce officielle de la vacance de la
présidence. Le 8 décembre, Henri Konan Bédié se
proclama président dans la précipitation. Alassane Dramane
Ouattara remit sa démission le lendemain24. Henri Konan
Bédié fit alors feu de tout bois pour évincer le second,
c`est ce qui justifia en partie la politisation du concept de l` «
Ivoirité ». Le néologisme « Ivoirité » est
solennellement officialisé et développé lors d`un
congrès du Parti Démocratique de Cote d`Ivoire (PDCI), le 26
août 1995. Henri Konan Bédié aspire selon ses termes,
à refonder une nouvelle Côte d`Ivoire. Pour lui, l`ivoirité
est un « concept fédérateur, socle sur lequel doit reposer
la nation ivoirienne ». Il crée la Cellule Universitaire de
Recherche et de diffusion des idées et des actions politiques du
président Henri Konan Bédié (CURDIF), constituée
d`intellectuels pour conceptualiser l`ivoirité. Ces entrepreneurs
identitaires vont développer un véritable concept
d`ivoirité qui s`appuie tout d`abord sur le modèle
Akan25. La CURDIF justifie ce choix par l`ancienneté du
groupe Akan.
Bédié a fait de l`ivoirité un outil de
discrimination nationale, justifiant de la division entre les « vrais
ivoiriens » et les « faux ivoiriens ». L`ivoirité
définit en quelque sorte un rapport entre le « eux » et le
« nous ». Le concept s`est focalisé sur la question de
l`immigration dès le départ. C`est en ce sens qu`il fait figure
de principe de discrimination collective, postulant la
22. Ibid
23 KOFFI Tiburce, Côte d'Ivoire, L'agonie du jardin, du
grand rêve au désastre, CEDA/NEI, Abidjan 2006, p.312
24. JOLIVET Elen, « L'ivoirité : de la
conceptualisation à la manipulation de l'identité ivoirienne
», Mém. IEP : Rennes 1, IEP, 2003, p. 20
25. Ibid., p. 27
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 19
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
négation ou la mise à distance de l` «
Autre » en l`occurrence de l` « Etranger26 ». De
cause à effet, les étrangers issus de l`Afrique de l`Ouest qui
avaient le droit de vote se le voient interdit à partir de 1994 et le
nouveau code électoral stipule de plus que pour être candidat
à l`élection présidentielle, il faut être né
ivoirien, de père et de mère eux-mêmes nés
ivoiriens. Explicitement donc, ils deviennent avec les autres, des
étrangers27.
Pour Amélie Armand28, la Côte d`Ivoire
est dans une logique obsidionale. En 1998, le Conseil Economique et Social s`en
mêle. Dans un rapport intitulé «Immigration en Côte
d`Ivoire: le seuil du tolérable est largement dépassé
», ses rédacteurs affirment notamment que « L`immigration qui
a commencé en Côte d`Ivoire pendant la période de la
colonisation (1930), s`accroît d`année en année pour
engendrer aujourd`hui une population d`origine étrangère dont
l`importance dépasse de très loin le seuil de tolérance
acceptable pour un peuple. Une présence étrangère aussi
massive ne peut manquer d`avoir des répercussions diverses sur tous les
plans de la vie socioculturelle, économique et politique...
L`immigration devient de plus en plus une des causes structurelles de
l`accroissement de la pauvreté des Ivoiriens...29 ».
L`indexation touche en premier lieu l`ancien premier ministre originaire du
Nord et par ricochet toute une communauté. Parti du PDCI avec un certain
nombre d`autres cadres, Alassane Dramane Ouattara rejoint le Rassemblement pour
les républicains (RDR) officiellement né en septembre 1994,
élargissant ainsi le champ politique qui met désormais en
présence trois grandes formations politiques : le PDCI, le Front
populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo et le RDR. Ces partis politiques
vont se servir chacun à sa façon de l`ivoirité. « Le
paysage politique s`est constitué autour des trois personnages
représentant chacun une région doublée d`un clan politique
dans l`imaginaire populaire : Henri Konan Bédié,
l`héritier du mythe de l`aristocratisme akan disposant
d`électeurs, localisés de façon substantielle dans le
Centre, le Sud et le Sud-Est ; Laurent Gbagbo, le prophète de la rupture
radicale avec l`houphouétisme et continuateur, pour certains, de
l`oeuvre de Kragbé Gnagbé, symbole de ralliement des populations
bété et d`une frange importante des populations de l`Ouest, et
enfin
26. Ibid.
27. CONCHIGLIA Augusta : (La Côte d`Ivoire tente la
réconciliation nationale : Rôle central de l`immigration), Le
Monde Diplomatique, décembre 2007. En Afrique de l`Ouest, les
migrants représentent 8 millions de personnes, soit 2,9 % de la
population totale. C`est la plus forte concentration de migrants
intrarégionaux du continent et la première zone
d`émigration vers l`Europe.
28. ARMAND Amélie : « Les
Ivoiriens et l`Étranger, le complexe obsidional de la Côte
d`Ivoire », Etude-février 2007, CEREMS (Centre
d`études et de recherche de l`école militaire, France)
29. « Côte d`Ivoire, la tentation
ethnonationaliste », Politique Africaine , No 78, juin 2000.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 20
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Alassane Dramane Ouattara, le candidat des dissidents du PDCI
et surtout des ressortissants du Nord en majorité musulmans30
».
b) L'exploitation de l'ivoirité
Ce positionnement politique du Nord explique Francis Akindes,
laisse poindre à l`horizon la mobilisation de l`énergie
fédératrice religieuse, la région Sud étant
considérée comme l`alliée naturelle du christianisme et la
région Nord, le fief des musulmans. C`est dans cet esprit qu`intervient
la présidentielle de 1995 avec l`annulation de la candidature d`Alassane
Dramane Ouattara, le boycott de Laurent Gbagbo et la victoire de Henri Konan
Bédié. « Les mois qui ont précédé le
coup d`État du 24 décembre 1999 furent caractérisés
par une atmosphère politique lourde et tendue : un mandat d`arrêt
international était lancé contre Alassane Dramane Ouattara, le
leader du RDR, accusé de faux et usage de faux sur des doutes sur son
identité « composée et incertaine » ; certains
militants de ce parti furent arrêtés et jetés en prison ;
dans la foulée de la révision des listes électorales, les
ressortissants du Nord musulmans dénonçaient les humiliations
dues aussi bien aux tracasseries policières dont ils étaient
l`objet qu` à la mise en cause insidieuse de leur appartenance à
la nation ivoirienne. Par le biais de la nationalité, la question de la
citoyenneté était posée au sens plein du terme, mais ne
trouvait de réponse politique que dans une mobilisation
récurrente du monopole de la violence légitime au service de ce
que les populations du Nord vivaient comme étant des frustrations,
sources de crispations identitaires31 ».
Parvenu au pouvoir en décembre 1999 à la faveur
d`un coup d`Etat, le général Robert Gueï va au départ
critiquer et dénoncer l`ivoirité pour s`en servir quelques mois
après à l`approche des élections présidentielles
d`octobre 2000. Il suit ainsi le chemin tracé par son
prédécesseur et son successeur s`y embarquera également.
L`attitude de Henry Konan Bédié, Robert Guei et Laurent Gbagbo
(président issu des élections de 2000, qualifiées
lui-même de calamiteuses) se caractérise par des prises de
position sur lesquelles ils reviennent en fonction des circonstances, utilisant
un concept « remodélable » en fonction de leurs
intérêts politiques respectifs. Les préoccupations se
focalisent sur la conquête du pouvoir plutôt que sur
l`élaboration d`un projet politique32. C`est dans ce climat
socio-politique délétère, accentué
30. AKINDES Francis : « Les racines de la crise
militaro-politique en Cote d`Ivoire », Conseil pour le
développement de la recherche en sciences sociales en Afrique -CODESRIA,
2004, p. 21
31. Ibid., p. 21-22
32. JOLIVET Elen, Op.cit., p. 47
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 21
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
par les violences post-électorales (au moins 170 morts
selon un rapport de l`ONU)33 qu`intervient la tentative de coup
d`État de septembre 2002. Elle n`est pas dénuée de
fondement économique.
2-Les causes économiques
Présentée comme la première
économie en Afrique francophone, la Côte d`Ivoire a
charrié, depuis environ 50 ans, croissance, prospérité,
décroissance et pauvreté. Un climat caractérisé par
une gestion sans transparence, liée à l`absence de tout
contrôle budgétaire de l`Assemblée nationale34.
Le modèle initial conçu par le premier président
Félix Houphouët Boigny lui a survécu mais sa reproduction
à l`identique a échoué dû notamment au manque de
projets politiques réels et fédérateurs, à la
conjoncture économique et au déclenchement de la rébellion
en 2002 . « Près de 3 000 personnes ont été
tuées au cours de la guerre civile en Côte d`Ivoire, et 700 000
ont été déplacées. La Côte d`Ivoire est
classée 163e sur 182 pays sur l`indice du
développement humain (2009) du Progamme des Nations Unies pour le
développement (Pnud). La pauvreté a augmenté, passant de
38,2 % juste avant la crise en 2002, à 48,9% en 200835
». Avant 2002 donc, les risques de conflit étaient certains si on
s`en tient à l`analyse de la Banque Mondiale : « La guerre engendre
la pauvreté mais la raison
33. Côte d`Ivoire : Rapport de la Commission
d`enquête internationale pour la Côte d`Ivoire Février-mai
2001. La Commission d`enquête internationale pour la
Côte d`Ivoire a été établie par le Secrétaire
général de l`Organisation des Nations Unies suite à des
consultations avec les autorités ivoiriennes pour faire la
lumière sur les allégations de violations des droits de l`homme
ayant suivi les élections présidentielles d`octobre 2000.
34. En effet, un décret présidentiel de 1967
(décret n° 67-575 du 15 décembre 1967) avait donné
une interprétation particulière de la loi organique n°
59-249 du 31 décembre 1959 (article 12 nouveau) qui
faisait du ministre de l`Économie et des Finances le seul
ordonnateur des dépenses de fonctionnement de l`État. Le
décret de 1967 prenait la liberté non seulement de modifier
partiellement la nomenclature des comptes publics, mais aussi d`autoriser le
transfert des déficits au solde du Budget général de
fonctionnement (BGF) de l`État. Le ministre pouvait également
décider seul d`imputer au BGF, sous la rubrique
«imprévus», des dépenses effectuées hors budget
par le gouvernement dirigé par le président
Houphouët-Boigny. Le ministre de l`Économie et des Finances de
l`époque, entré en fonction en 1966 avant la parution du
décret, était alors Henri Konan Bédié, qui allait
succéder à Houphouët-Boigny fin 1993. In Politique africaine
n° 78 - juin 2000, Réinvention du politique en Côte d`Ivoire
et responsabilité des bailleurs de fonds multilatéraux
35. Fiche-pays/Côte d`Ivoire, Banque Mondiale, janvier
2010
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 22
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
essentielle de sa concentration dans les pays pauvres est que
la pauvreté accroit le risque de guerre civile36 ».
a) Les débuts de l'économie
ivoirienne
Au commencement du modèle économique ivoirien,
l`idée du « développement au détriment de
l`indépendance » du futur président Félix
Houphouët Boigny affirment J.-F. Médard et Y.-A. Fauré.
«Au début des années 1950, la décision de
Houphouët-Boigny de mettre fin à l'apparentement du Rassemblement
démocratique africain (RDA) au Parti communiste français (PCF)
amorce une transformation fondamentale des rapports de la Côte-d'Ivoire
avec son environnement international, rapports qui ne sont pas remis en cause
lorsque le pays accède à l'indépendance dix années
plus tard. Pour reprendre la formule de J.-C. Gautron, la France figure
désormais au coeur d'une stratégie institutionnelle de
développement par la dépendance, que les dirigeants se montrent
prêts à assumer dans toutes ses implications37 ».
Fort à propos, Houphouët-Boigny estime que « La
Côte-d'Ivoire ne pourrait pas par elle-même, se procurer les
capitaux nécessaires à une expansion à la fois rapide et
soutenue. Pendant de nombreuses années - dix, vingt, cinquante - elle
aura besoin d'une aide en capital suffisamment importante pour permettre
à ses habitants de franchir les obstacles sérieux que la nature
impose aux pays tropicaux. Nous souhaitons rester dans l'Union française
car elle nous fournit une telle assistance et (...) nous paraît (...) le
plus susceptible de contribuer au progrès social et technique de notre
peuple38 ».
Partie sur cette lancée, de 1960 à 1980,
l`économie ivoirienne sera une référence en Afrique et un
pari réussi pour Houphouët-Boigny. Selon Francis
Akindes39, au cours de ces deux
36. Banque Mondiale, Briser la spirale des conflits,
Guerre civile et politique de développement, Nouveaux Horizons,
2005, p. 74
37. MEDARD J.-F. et FAURE Y.-A. (dir.), « Etat et
Bourgeoisie en Côte d'Ivoire », Cahiers d'études
africaines, Année 1983, Volume 23, Numéro 89 p. 217.
38. Ibid.
39. AKINDES Francis, Op.cit., p. 13
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 23
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 24
premières décennies après les
indépendances, Félix Houphouët-Boigny mit en place un savant
mécanisme de patronage politique doublé d`un patrimonialisme.
L`objectif était de créer une bourgeoisie nationale capable de se
transformer en classes d`investisseurs et d`entrepreneurs locaux. A cet effet,
la multiplication des organismes para-étatiques a été un
puissant instrument dans le jeu de la régulation de la clientèle
politique. Toujours selon Francis Akindes, le secteur public fut le
siège du patrimonialisme ivoirien dont F. Houphouët-Boigny
définit les fondements à travers une parabole devenue
célèbre: « on ne regarde pas dans la bouche de celui qui
grille des arachides ». Griller l`arachide suppose qu`à un moment
donné de la cuisson, le grilleur en apprécie la teneur en sel.
Symboliquement, la relation entre l`acte de griller et la bouche qui goutte
tient dans le privilège du grilleur d`appartenir au cercle restreint de
la clientèle politique, bénéficiaire de la
répartition inégale mais socialement légitime, du fait de
son positionnement explique Akindes. Cette analyse est partagée par
Bernard Conte40 qui parle de clientélisme «
éclairé » et précise que le système «
houphouétiste » était un régime fondé sur
« le prélèvement et la redistribution de la rente agricole
principalement issue des filières cacao-café. Au coeur du
système de prélèvement se trouvait la Caisse de
stabilisation (Caistab41), monopsone étatique, qui assurait
la commercialisation des produits de l`agriculture de rente. Le
différentiel entre le prix officiel d`achat aux planteurs et les cours
mondiaux générait un volume important de rente dont la
distribution répondait à des règles officieuses respectant
des équilibres politiques, géographiques et ethniques. Le
contrôle du système était assuré par le Parti
démocratique de
40. CONTE Bernard : « Côte d`Ivoire :
clientélisme, ajustement et conflit », Université
Montesquieu Bordeaux IV/Centre d`économie du développement, 2004,
p. 7
41. La Caisse de stabilisation et de soutien des prix des
productions agricoles (CSSPPA), plus connue sous le diminutif Caistab
était l'organisme étatique ivoirien chargé de
gérer les filières du coton, du cacao et du café à
l'échelle nationale depuis sa création dès 1960 par
Félix Houphouët-Boigny jusqu`à son
démantèlement en août 1999. Son rôle était de
constituer un intermédiaire de poids entre les producteurs et les
négociants en vue de stabiliser les cours. (
Wikipedia.fr)
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Côte d'Ivoire (PDCI), parti unique fortement
structuré jusque dans les plus petits villages de la brousse ». Ce
mode de fonctionnement sera en roue libre jusqu`au début des
années 80 quand les premières fissures commencent à
apparaitre dues notamment à « de nombreux chocs extérieurs
(chute des prix des matières premières agricoles,
renchérissement du cours du dollar et du pétrole, hausse des taux
d`intérêts internationaux), une dégradation
considérable du taux d`épargne intérieure et du taux
d`investissement passant de 25% du PIB en 1980 à 4% du PIB en 1990 et 8%
en 1993, des déséquilibres des finances publiques, un endettement
public excessif dans un environnement de surliquidité internationale,
d`où l`explosion de la dette publique qui atteint 196% du PNB en 1990 et
243% en 199342 ». Le sentiment de dépit du premier
président ivoirien en dit long : « L'Occident commet des
maladresses graves envers l'Afrique et surtout envers les pays amis et
prospères comme la Côte d'Ivoire qui exporte beaucoup vers lui. La
plus grave maladresse c'est de ne pas payer comme il convient les
matières premières des amis qui sont attachés à
l'Occident par la culture, la langue, l'économie libérale... Ce
qui risque d'arriver avec cette politique égoïste de l'Europe,
c'est l'appauvrissement et la déstabilisation de son meilleur ami, la
Côte d'Ivoire43 ». Face à des difficultés
toujours croissantes, et au désengagement de la France à soutenir
seule la Côte d`Ivoire, l`intervention des institutions de Bretton Woods
s`imposa.
b) Les institutions de Bretton Woods au chevet de la
Cote d'Ivoire
La Banque Mondiale et le FMI mettent donc le pays
sous-ajustement structurel. Bernard Conte44 explique que, pour les
Institutions Financières Internationales, étant donné le
retard accumulé dans le processus d`ajustement, imputable en partie
à la France, il s`agit d`imposer un big push, une
libéralisation au pas de charge. Cette libéralisation a pour
objectif premier de défaire l`ancien système clientéliste.
Pour ce faire, il convient d`abord, d`ôter tout contrôle à
l`Etat sur la commercialisation des produits agricoles, lieu de pompage
principal de la rente. Ensuite poursuit-il, il s`agit de viser le volet
redistributif du clientélisme pour en réduire les
42. AKINDES Francis, Op.cit., p. 19
43. MEDARD J.-F. et FAURE Y.-A. (dir.), Op.cit.
44. CONTE Bernard : « La responsabilité du FMI et de
la Banque mondiale dans le conflit en Côte d`Ivoire »,
Études internationales, vol. 36, n° 2, 2005, p. 225.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 25
possibilités notamment à partir du secteur
public (rétrécissement du périmètre de
l`État, privatisations...) et de mettre sous contrôle
renforcé la dépense publique à l`aide des
conditionnalités liées à l`ajustement. Bernard Conte
relève par ailleurs que, tandis que l`introduction du marché,
caractérisé par des dysfonctionnements instrumentalisés
par les multinationales du Nord (et particulièrement
états-uniennes), a pour effet d`autoriser l`extraction d`un volume
maximal de rente et son drainage vers le centre capitaliste sans aucun effet
positif sur l`économie locale, la conséquence est l`accroissement
de la paupérisation. En effet, explique-t-il, malgré les
gaspillages, la corruption, la faible efficacité économique, le
système clientéliste antérieur permettait de retenir sur
le territoire national une part non négligeable de la rente dont la
diffusion, même restreinte, irriguait le tissu social à travers
les réseaux de solidarité familiale, tribale et ethnique. Pour
lui donc, en voulant privatiser les gains et socialiser les coûts, les
institutions de Bretton Woods ont une responsabilité à assumer
dans la crise ivoirienne. Décriant aussi le rôle des institutions
financières internationales, David Sogge45 conclut que
quelles qu`aient été les concessions mutuelles entre citoyens et
Etats, elles se sont mises à s`effriter. Comme prévu, la taille
de l`Etat a bel et bien été réduite ». Une analyse
que partage Bonnie Campbell46 qui estime que la Banque Mondiale et
le FMI notamment, auraient dû s`interroger sur la conception des
programmes mis en place et sur la compatibilité entre le processus
d`ajustement et le mode de régulation social, politique et
économique spécifique au pays. Face à cet échec et
à l`amplification des problèmes, la Côte d`Ivoire sombre et
suspend unilatéralement en 1987, le remboursement de sa dette
extérieure. Selon Denis Cogneau et Sandrine Mesplé-Somps,
l`une des manifestations de la crise des années 1980 et du
début des années 1990 est une chute drastique du niveau de vie de
l`ensemble de la population. Ils concluent que : « Dans le contexte
ivoirien de forte croissance démographique, le système
néocolonial de distribution de rentes ne peut se maintenir que si la
rente est en accroissement constant. L`épuisement progressif et
anticipé des rentes d`une part, la surveillance accrue des bailleurs de
fonds du pays d`autre part, vouaient toutefois le partage à devenir plus
serré et à fragiliser l`assise sociale des élites
politiques. La question de la succession du "père de la nation" a
accéléré la montée de la compétition
politique. Celle-ci a dégénéré dans une escalade de
comportements de corruption et de manipulation qui ont détruit tour
à tour le capital symbolique et la
45. SOGGE David, Les mirages de l'aide internationale,
Tunis, Groupe Céres Productions, 2003, p.168
46. CAMPBELL Bonnie : « Réinvention du politique en
Côte d`Ivoire et responsabilité des bailleurs de fonds
multilatéraux », Politique africaine, n° 78 - juin
2000 p.147
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 26
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
légitimité de chacun des
prétendants47 ». Une autre explication à la crise
résiderait dans le rôle des entreprises multinationales.
c) La crise sous le prisme des multinationales
Certains autres auteurs comme Yves Ekoue Amaizo48,
trouve une autre explication (économique) à la crise ivoirienne
et indexe directement les multinationales occidentales qui, après le
démantèlement de la CAISTAB, se sont accaparées de la
filière cacao-café. Ce changement souligne-t-il, a eu deux
conséquences : les producteurs ont vu leurs revenus fondre de
moitié, et les grandes sociétés multinationales
spécialisées dans l`exportation - dont le Groupe Bolloré,
Cargill, Archer Daniels Midland (ADM), Delmas Vieljeux (Socopao), Amjaro, Aig
Fund, etc. - ont pris le contrôle des filières agricoles - cacao,
café, coton, karité, hévéa -, poumons
économiques du pays. Ici comme ailleurs, les institutions de Bretton
Woods poussent à la substitution des monopoles d`Etat par des monopoles
privés, qui font de la « responsabilité sociale » le
cadet de leurs soucis. « Plus grave, ces multinationales post-coloniales
se sont mises en tête de contrôler tout le secteur productif et de
commercialisation des pays en voie de développement. Elles ont ainsi
construit, en peu de temps et souvent avec la complicité (ou
l`ignorance) des autorités locales, des « capacités
d`influence » tant sur les dirigeants africains que sur certains des
dirigeants des pays d`origine de ces multinationales. Comment ? Principalement
en finançant les campagnes électorales et autres services, avec
en retour, la capacité d`influer sur les décisions au sommet.
Yves Ekoue Amaizo conclut que c`est ce système que l`équipe de M.
Laurent Gbagbo a perturbé en remettant en cause les marges exorbitantes
des sociétés multinationales par le recours à des appels
d`offres internationaux ». Boubacar Boris Diop49 s`inscrit dans
la même logique. La Côte d`Ivoire estime-t-il, n`en est pas
là juste parce que Dioulas et Bétés ont découvert
qu`ils ne peuvent plus vivre ensemble. Les intérêts
français explique-t-il, représentent un tiers des investissements
étrangers et 30 % du produit intérieur brut (PIB) ivoirien.
Depuis 1960, grâce à des contrats léonins, les
sociétés françaises rapatrient 75 % de la richesse
produite. En 1994,
47. COGNEAU Denis et MESPLE-SOMPS Sandrine : « Les
illusions perdues de l`économie ivoirienne et la crise politique
», Afrique contemporaine - Eté 2003
p.96
48 . EKOUE AMAIZO Yves : « Crises et rébellions dans
le « pré carré » français : Ce qui paralyse le
pouvoir ivoirien », Le Monde Diplomatique, Janvier 2003
49. DIOP BOUBACAR Boris : « Fractures dans l`ex-empire
colonial : Avertissement ivoirien à la Françafrique», Le
Monde Diplomatique , mars 2005
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 27
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
le président Henri Konan Bédié,
successeur désigné de Félix Houphouët-Boigny, tente
de corriger ces anomalies par la rétrocession de contrats d`exportation
de café et de cacao à des géants américains et
d`une licence de prospection de pétrole à la compagnie
américaine Vanco : il sera destitué par un coup d`Etat, fin 1999.
M. Gbagbo chercha, lui aussi, à desserrer l`étau des entreprises
françaises, dans un pays où Saur, EDF, Orange et Bouygues
contrôlent les transports, l`eau, l`électricité et les
voies de communication, tandis que la Société
générale, la BNP et le Crédit lyonnais dominent le secteur
bancaire. Une ouverture des marchés à la concurrence
internationale a été amorcée : pour le troisième
pont d`Abidjan et l`aéroport de San Pedro, Bouygues se
révélait nettement moins compétitif que les Sud-Africains
et les Chinois. Et la découverte d`un important gisement de
pétrole à Jacqueville n`a pas été de nature
à calmer les nerfs. Les pressions sur M. Gbagbo -
soupçonné de vouloir se rapprocher des Etats-Unis - ont
été si fortes qu`il a dû reculer fin 2004 et confirmer
certains contrats français ». En l`absence d`un
développement et d`une gestion auto-centrés, la création
des richesses et la prise des décisions sont passées ou sont
restées dans les mains des étrangers, justifiant ainsi leur main
mise sur les économies africaines50. Mamadou Koulibaly semble
adhérer à cette analyse et en élargit le champ
d`application : « La situation actuelle de crise de la Côte d'Ivoire
s'inscrit dans la philosophie de recolonisation de la Planète par les
pays occidentaux. La globalisation des marchés à l'échelle
mondiale n'a pas de dimension humaine. "Globalisation, oui, dans les pays
développés mais monopolisation dans les pays pauvres d'Afrique".
Elle (cette globalisation) vise, précise-t-il, à transformer les
multinationales des pays déjà riches en entreprises
transnationales en leur donnant un passeport universel pour devenir
propriétaires des ressources des pays déjà pauvres, sans
aucune référence à la liberté des
marchés51 ». Le politique et l`économique en
péril, une société suffocante, l`armée bien qu`elle
aussi mal en point (crise de légitimité, exclusion des postes
civils...), se croit obliger d`arrondir les angles. Elle ne fera qu`ajouter
à la confusion.
3-La question de l'armé
Dans l`histoire des coups d`état en Afrique de l`ouest
en particulier, la Côte d`Ivoire ne fait pas exception. A l`observation,
14 pays sur 16 dans la sous-région ont connu des régimes
50. ZARTMAN I.William : « Sub-Saharan Africa : Implosion or
Take-off ? », Politique étrangère, numéro
spécial, 2008, p.104
51. Site de l`organisation Humanvoice [accès le
16/03/2010], KOULIBALY Mamadou, Président de l`Assemblée
Nationale ivoirienne, Professeur d`économie, La guerre de la France
en Côte d'Ivoire, mai 2003,
www.africa-humanvoice.org/europe/guerrefrci/
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 28
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
militaires. Sur l'ensemble des chefs d'Etat (91) qu'ont connu
ces 16 pays, 48 sont des militaires soit un pourcentage de près de 53
%52.
a) Théâtre des opérations
Les Forces armées nationales de Côte d'Ivoire
(FANCI), sont devenues plus tard les Forces de défense et de
sécurité (FDS). En août 2007, les FDS comptaient 50 000
hommes en plus des 3000 volontaires recrutés en 200253
(Armée de l'air : 1 200 hommes ; Marine : 2 800 hommes ; Armée de
terre : 30 000 hommes ; Gendarmerie nationale ivoirienne : 13 000 hommes). Mais
d`autres sources comme le site internet du département d`état
américain avance plutôt le chiffre de 30 000, pour un total
d`à peine 40 000 hommes54. Quoi qu`il en soit, ces effectifs
sont largement supérieurs à ceux d`il y a 15 ou 30 ans (en 1987,
l`armée comptait 14 920 hommes, militaires, gendarmes, paramilitaires,
garde et milice présidentielles)55.
L`armée ivoirienne est la mieux payée et la
moins équipée en Afrique de l`ouest. Jusqu'à la fin des
années 80, sa mission principale était l`auto-défense.
Elle n`était préparée ni par doctrine ni par ses
ressources aux opérations offensives : elle avait une mobilité
réduite sur l`ensemble du pays, une artillerie légère et
des défenses aériennes limitées ; la marine n`était
que destinée à la protection des côtes et l`armée
aérienne équipée seulement d`une petite flotte, ne pouvait
effectuer que des missions symboliques de défense, de transport et de
soutien. L`armée de l`air n`avait aucun hélicoptère de
mobilité tactique ou d`attaque. Par exemple, en 1984, sur 144
pays, la Côte d`Ivoire est classée 128e en terme de
dépenses militaires alignées sur le budget du gouvernement et
124e par rapport aux dépenses militaires en fonction du
PNB56. En 1996, le budget de l`armée est de 96 millions$ et
représente seulement 1% du budget total. Tout comme l`économie,
le premier président ivoirien avait choisi de placer l`armée sous
la coupole de la France (à travers entre autres, à l`accord sur
le Conseil de l`Entente de 1959 et à l`Accord d`Assistance technique et
militaire de 1961) tant en matière de formation, d=équipements,
de matériels que de stratégie de protection du pays masquant
ainsi sa relation ambiguë (de peur-respect) avec son armée.
52. NDIAYE Mame Gnilane : « La militarisation des
régimes politiques en Afrique », Numéro 68 Pambazuka
News, 09-04-2008,
www.pambazuka.org/fr
53.
www.Wikipedia.fr
54.
www.state.gov/p/af/ci/iv/
, (accès le 25/03/2010)
55.
www.country-data.com ,
(accès le 27/03/2010)
56. United States Arms Control and Disarmament Agency (ACDA)
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 29
Suite aux allégations de tentatives de coup
d`état de 1962 et 1963, Houphouët Boigny réduit les
effectifs de l`armée de 5 500 à 3 000 hommes, tout en
créant une milice du parti forte de
6 000 hommes57. En fait, il désarme,
démobilise, réorganise l`armée et s`attribue les
portefeuilles de la défense et de l`intérieur. Il forme aussi une
milice composée majoritairement des Baoulé pour maintenir l`ordre
à Abidjan et pour sa propre sécurité, met en place la
Garde présidentielle séparée de
l`armée58.
Après une autre allégation de tentative de coup
d`état en 1973, en fait une forme de revendication des militaires
à plus d`implication dans la gestion du pays, il lâche du lest. En
1974, il limoge les commandants des FACI (Forces armées de Côte
d`Ivoire) et de l`académie militaire de Bingerville qui étaient
français et les remplace par des officiers ivoiriens qui sont aussi
nommés à d`autres postes importants dans l`armée mais
également pour la première fois au gouvernement, dans
l`administration préfectorale et l`administration civile, les douanes et
les entreprises publiques. Les réformes engagées lors de la
même année par Mathieu Ekra le ministre de l`intérieur
entrainent d`autres nominations dans l`administration territoriale et la
police. A la fin de l`année 1974, un nouvel équilibre ethnique
apparait au sein des forces de sécurité. Les nordistes exercent
les plus hautes fonctions dans l`armée; les Akans dont une
majorité de Baoulé dominent la sécurité nationale
et la police; et les ressortissants de l`ouest dans leur grande majorité
dans la police et la gendarmerie nationale. Cette architecture
bénéficiant aussi des retombées de l`houphouétisme
sera ébranlée dès le début des années 90 par
les effets de la crise économique, le multipartisme et les manipulations
politiennes. En 1990 effectivement, Houphouët-Boigny dut faire face
à une fronde des appelés qui, après leur temps de service
militaire, refusaient de quitter l`armée. « C`est que le
chômage sévissait et ces jeunes gens ne voulaient pas se retrouver
sans emploi après avoir passé dix-huit mois sous les drapeaux.
Après qu`ils eurent tiré des coups de feu dans la rue et
occupé la radio, « le Vieux » (c`est ainsi qu`on appelait le
président Houphouët) céda et ils furent incorporés
dans l`armée. Depuis ce jour, l`armée ivoirienne n`a cessé
de demander toujours plus. Le 24 décembre 1999, les soldats ivoiriens
prirent à nouveau la rue. Bédié refusa de céder
à toutes leurs exigences59 ». En effet, l'action qui a
abouti à la chute du régime Bédié n'était
qu'un
57. Institut Panos Afrique de l`Ouest, « Comprendre et
traiter la crise ivoirienne », Dakar, Novembre 2004, p.36
58. Ibid.
59. KORE KOFFI Yéo : « La grande muette fait
entendre sa voix », Afrique-Asie, octobre 2007
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 30
problème de non-paiement d`arriérés de
soldes et de primes des militaires ivoiriens ayant participé à la
force onusienne de maintien de la paix en Centrafrique (MINURCA). Une somme de
500 millions de francs CFA payée par l`ONU depuis 1997 que le
gouvernement
tarde à reverser aux 250 militaires ayant
participé à cette force60 ». En fait, le coup
d`état de 1999 n`était que la somme des frustrations subies par
l`armée depuis neuf ans.
b) Le quatuor (Ouattara, Bédié,
Gueï, Gbagbo) et les militaires
Pour répondre à la demande du PDCI qui
souhaitait que les civils récupèrent les emplois
réservés aux militaires, Alassane Dramane Ouattara sous sa
primature, puis Henri Konan Bédié sous sa présidence, ont
mis en oeuvre un processus de marginalisation de l`armée61.
Conte soutien qu`en ce qui concerne Alassane Dramane Ouattara, «
L`exclusion progressive des militaires de la vie civile ivoirienne au profit
des technocrates et des financiers est allée de pair avec
l`émergence d`une nouvelle vision du rôle de l`armée au
sein de l`État ivoirien. Ainsi, jusqu`à la fin du gouvernement
Ouattara, une certaine forme de consensus s`est nouée entre les
militaires et le pouvoir politique : quelques officiers supérieurs
participaient encore à la gestion de l`État, mais, en
contrepartie, l`armée acceptait de servir de force de maintien de la
paix intérieure. En d`autres termes, les militaires, dans la
dernière période du régime Houphouët- Boigny, ont
servi de supplétifs à des forces de police mal
équipées et mal entraînées pour contrôler soit
des manifestations politiques (agitation du FPI), soit des mouvements sociaux
(grèves des fonctionnaires) ou estudiantins (grève des
universités du début des années 90). Le
général Gueï, chef d`état-major depuis juin 1990, n`a
pas hésité, sous la primature Ouattara, à mettre
l`armée à la disposition du gouvernement pour réprimer
avec une particulière violence les grèves
étudiantes62 ».
60. KPATINDE Francis : « Le film du coup d`état
de noël d`heure en heure », Jeune Afrique ,
hors-série n°2, Janvier 2000. Nuit du mercredi 22
au jeudi 23 décembre. Un petit groupe de soldats s`empare, sans
difficulté, de la poudrière du camp d`Akouédo, sur la
route de Bingerville, à l`est d`Abidjan. À la tête du
commando, les sergents-chefs Souleymane Diomandé et Boka Yapi,
épaulés par les caporaux Issa Touré, Neman Gnepa, Oumar
Diarra Souba et Yves Gnanago. Les six hommes ont en commun de bien
connaître les lieux - ils appartiennent à une unité
d`élite, la Force d`intervention rapide des paras commandos (Firpac) -
et d`être des vétérans de la Minurca, la Mission des
Nations unies en République centrafricaine. Les auteurs de cette
opération spectaculaire, qui ont séjourné onze mois
à Bangui, entendent obtenir le paiement d`arriérés de
soldes et de primes et, au-delà, l`amélioration de la situation
des hommes du rang. Le caporal Issa Touré va plus loin : « Nous
entendions également profiter de l`occasion, explique-t-il dans un
français impeccable, pour protester contre les brimades et les
injustices dont nous autres, hommes du rang, sommes victimes, depuis plusieurs
années, de la part de certains de nos chefs. Par exemple, l`avancement
ne se faisait plus au mérite et à l`ancienneté, mais selon
des critères ethniques. »
61. KPATINDE Francis, Op.cit.
62. CONTE Bernard, Op.cit., p. 9
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 31
Après avoir succédé à
Houphouet-Boigny en 1993 à la tête du pays, Henri Konan
Bédié reste dans la perspective de la redéfinition du
rôle de l`armée, sans réussite. Il refuse notamment de
revaloriser la solde des militaires après la dévaluation du franc
CFA en 1994. Par ailleurs, « la poursuite de l`éviction des
militaires des derniers postes «civils» à l`occasion de la
vague de privatisation des sociétés d`État à partir
de 1994 confirmait leur marginalisation. Par ailleurs, la concurrence entre
militaires et administrateurs civils au sein de la préfectorale
était définitivement réglée au profit des seconds,
en partie sous la pression du PDCI, qui s`est toujours montré
défiant à l`égard de l`armée remarque Bernard
Conte. Ces différents facteurs ont contribué à un
changement d`attitude, et une partie de la hiérarchie militaire a alors
estimé que l`armée n`avait pas pour mission de mener des
opérations de répression intérieure. En
conséquence, lorsque le président Bédié a
demandé à l`armée d`intervenir dans le contexte
troublé de préparation des élections
générales de 1995, le général Gueï a
clairement refusé d`impliquer la troupe en déclarant:
«l`armée n`intervient que lorsque la République est en
danger [...]. Dès l`instant où la compréhension guide les
pas de chacun, qu`il soit du parti au pouvoir ou de l`opposition, je ne vois
pas pour l`armée des raisons de s`exciter dans la rue ». La rupture
était consommée. Le général Gueï est
limogé en octobre 1995 et remplacé par le général
Lassana63 ». Guy-André Kieffer en conclut qu`à
partir de cette date, le régime Bédié va s`employer
à mettre à l`écart, sans affectation valorisante, tous les
officiers supérieurs de l`entourage immédiat
d`Houphouët-Boigny. « De même, les officiers et sous-officiers
ayant été en contact direct avec Alassane Ouattara lorsque ce
dernier assumait la charge de Premier ministre seront écartés des
postes de commandement. Cette reprise en main s`est traduite par la nomination
d`officiers supérieurs baoulé à la plupart des postes
clés (notamment les régions militaires), rompant ainsi avec la
tradition d`habile dosage régional pratiqué par
Houphouët-Boigny. Les fractures avec le corps social militaire, largement
composé d`originaires de l`Ouest et du Nord, ne pouvaient dès
lors que s`accroître ».
Porté au pouvoir en décembre 1999 par les jeunes
militaires auteurs du coup d`état, le général Robert
Gueï va traiter toute la corporation aux petits soins, revalorisant les
soldes et réintégrant les officiers supérieurs à
des postes civils et dans le gouvernement. Mais, le divorce surviendra juste
après le début de la proclamation des résultats de la
présidentielle de 2000. Yéo Koré Koffi64
souligne que, lorsqu`à l`issue des élections d`octobre 2000
Guéï se proclama vainqueur, il bénéficia dans un
premier temps du soutien d`une partie importante de
63. KIEFFER Guy-André : « Armée ivoirienne :
le refus du déclassement », Politique Africaine, N0 78,
juin 2000
64. KORE KOFFI Yéo, Op.cit
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 32
l`armée, qui n`hésita pas à tirer sur la
foule. Mais devant la détermination du peuple et la fuite de
Guéï, l`armée, menée par le général
Mathias Doué - qui était pourtant membre de la junte
dirigée par Guéï -, se rangea derrière Gbagbo qui
avait à son tour annoncé sa victoire. Doué fut
nommé chef d`état-major et l`armée conserva tous ses
avantages. Le nouveau chef de l`État promit de lui donner plus de
moyens. Mais il n`en fit rien - ou n`en eut pas le temps. Le 19 septembre 2002,
une partie des militaires que Guéï avait accusés d`avoir
attenté à sa vie et qui s`étaient réfugiés
dans les pays voisins revinrent avec des armes pour renverser Gbagbo se
rappelle Yéo Koré Koffi pour qui, l`armée loyaliste, mal
armée, mal entraînée et peu motivée, ne put, avec le
soutien de l`armée française, qu`empêcher les rebelles de
descendre sur Abidjan. Ces derniers occupèrent tout le nord de la
Côte d`Ivoire, pratiquement sans combattre ». Les observateurs
avertis estiment aujourd`hui qu`il y a au sein des FDS en Côte d`Ivoire,
quatre armées: celle de Laurent Gbagbo, celle d`Henri Konan
Bedié, celle d`Alassane Dramane Ouattara et celle de Guei. A
celles-là, il faut ajouter l`armée des Forces Nouvelles
(ex-rébellion). La question de l`armée ivoirienne se posera donc
toujours dans la perspective du retour du pays à la normale. Une
donnée inscrite en bonne place sur l`agenda des opérateurs
internationaux de la paix et plus localement, de la Communauté
Economique des Etats de l`Afrique de l`Ouest (CEDEAO)65.
B. La sécurité collective en Afrique :
l'exemple de la CEDEAO
Les organisations régionales africaines d`aujourd`hui
doivent leur existence à l`Organisation de l`Unité Africaine
(OUA) 66 qui, en 1976, décida de doter le continent de cinq
organisations régionales qui recouvraient déjà des
entités économiques réelles : La Communauté
Economique des Etats d`Afrique Centrale (CEEAC), et la CEDEAO notamment. En
2002, l`Union Africaine remplace l`OUA. La nouvelle organisation se voit
assigner des objectifs ambitieux dans le domaine de la paix et de la
sécurité et, à cette fin, décide de mettre en place
un dispositif institutionnel dénommé Architecture africaine de
paix et de sécurité (AAPS).Celui-ci est placé sous la
direction du Conseil de paix et sécurité (CPS),un organe de
décision permanent lequel, à l`instar du Conseil de
sécurité de l`ONU
65. Basée à Abuja au Nigeria, la Communauté
Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) est un regroupement
régional de quinze pays créé en 1975. Bénin,
Burkina Faso, Côte d`Ivoire, Guinée, Mali, Niger,
Sénégal, Togo, Gambie, Ghana, Liberia, Nigeria, Sierra Leone et
Cap Vert, Guinée-Bissau.Voir « annexe No 2 »
66 . L`Organisation de l`Unité Africaine a
été créée en 1963. Elle a été
remplacée en 2002 par l`Union Africaine.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 33
compte 15 membres et est chargé de la
prévention, de la gestion et du règlement des
conflits67. Ce faisant, l`UA opère une rupture avec le dogme
de la non-intervention qui prévalait dans le cadre de l'OUA.
L'Acte constitutif de l'Union africaine prévoit ainsi le droit
« d'intervenir dans un Etat membre sur décision de la
Conférence, dans certaines circonstances graves, telles que les crimes
de guerre, le génocide et les crimes contre l'humanité
», ou de répondre au « droit des Etats membres de
solliciter l'intervention de l'Union pour restaurer la paix et la
sécurité68 ». Pour Alain
Deletroz69, l`Union Africaine soutient les structures
régionales et va jusqu'à considérer les communautés
économiques régionales comme les pierres angulaires de son
architecture pour la paix et la sécurité, dans lesquelles seront
basées par exemple, les cinq forces africaines d`intervention (African
Stand by Forces). Nous aborderons dans cette sous-partie les instruments
normatifs dont dispose la CEDEAO pour s`investir dans la prévention et
le maintien de la paix. Il sera aussi question des expériences de
maintien de la paix de la CEDEAO et de la justification de ce rôle
à travers notamment sa coopération avec l`Organisation des
Nations Unies (ONU).
1-Contexte et justifications dans le maintien de la
paix
Les organisations sous-régionales en Afrique ont connu
des fortunes diverses. Sur le terrain complexe de la prévention et de la
gestion des crises, la CEDEAO se distingue de ses consoeurs estime Alain
Deletroz et d`expliquer qu`elle est certainement la seule organisation
régionale capable d`émettre des résolutions, souvent
reprises par l`Union Africaine et parfois relayées par le Conseil de
Sécurité des Nations Unies70. Depuis environ une
vingtaine d`années, le rôle des organisations régionales
dans les relations internationales, particulièrement dans le domaine de
la paix, est en très forte progression et correspond à la mise en
place d`un nouvel ordre mondial, encore en gestation71. Si la paix
et la sécurité
67 .LIEGEOIS Michel : (Les capacités africaines de
maintien de la paix : entre volontarisme et dépendance), Bulletin du
Maintien de la Paix, no 97, janvier 2010
68. LIEGEOIS Michel, Ibid.,
69 .DELETROZ Alain, L'Union Africaine et les acteurs
sociaux dans la gestion des crises et conflits armés, in BANGOURA
Dominique (dir.) et A.BIDIAS Emile Fideck (dir.), Paris, L`Harmattan,
2006, P. 23
70 .Ibid.
71. MARION Julia, « La coopération des Nations
Unies et les organisations régionales dans le domaine de la paix et de
la sécurité internationales », Conférence
à l`Ecole des Hautes Etudes Internationales, 30 mai 2006
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 34
internationales restent du ressort exclusif du Conseil de
Sécurité, le Chapitre VIII de la Charte de l`ONU définit
le cadre de coopération entre l`ONU et les organisations
régionales.
a) L'ONU et les acteurs régionaux dans le
maintien de paix
En 1992 et 1995, le Secrétaire général de
l`ONU, Boutros Boutros Ghali a reconnu dans l`Agenda pour la paix
et son supplément, que les organisations régionales
possèdent dans de nombreux cas, un potentiel qui pourrait contribuer
à l'accomplissement des fonctions examinées dans son rapport :
diplomatie préventive, maintien de la paix, rétablissement de la
paix et consolidation de la paix après les conflits. Boutros Boutros
Ghali a précisé quelles étaient les organisations qui
rentraient dans le cadre de la Charte : « Les associations ou
entités en question peuvent être des organisations
créées par un traité, avant ou après la fondation
de l`Organisation des Nations Unies, ou bien des organisations
régionales de sécurité et de défense mutuelles...
Ce peut être encore des groupes créés pour traiter d`une
question particulière, qu`elle soit politique, économique ou
sociale, posée au bon moment ». Par conséquent, face
à cette tendance à l`autonomisation des organisations
régionales, l`ONU chercha à développer de nouvelles formes
de coopération. La doctrine onusienne tente d`élaborer un cadre
conceptuel pouvant intégrer une évolution qui n`avait clairement
pas été anticipée par la Charte. Cette tâche n`est
pas facilitée par la multiplicité et
l`hétérogénéité des organisations
régionales et sous-régionales72. Parallèlement,
l`ONU s`implique dans le soutien des organisations régionales qui
souhaitent s`engager en matière de sécurité, sans pour
autant en avoir les moyens. Cette situation est particulièrement
observable dans le cas des organisations régionales africaines qui,
à l`origine, avaient davantage une vocation économique. Certaines
d`entre elles se munissent de moyens institutionnels pour agir dans un contexte
où la conception de la paix, de la sécurité et de
l`intervention change.
b) Matérialisation de la coopération
entre l'ONU et les acteurs régionaux dans le maintien de paix
Dans son rapport paru en 2000, le Groupe d`étude sur
les opérations de paix de l`ONU présidé par Lakhdar
Brahimi se penche aussi sur la coopération entre les Nations Unies et
les organisations régionales. Il met notamment l`accent sur
l`intérêt pour l`ONU d`entretenir des
72. Site internet du Réseau francophone des
opérations de maintien de la paix [accès le 17/01/2010]
GNANGUENON Amandine, Docteur en Science Politique :
La pratique du maintien de la paix par les organisations
régionales depuis 1990, 16 octobre 2008,
www.operationspaix.org
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 35
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
liens étroits avec les organisations compétentes
dans de nombreux domaines (la prévention des conflits, le
rétablissement de la paix, les élections et l`assistance
électorale, la surveillance du respect des droits de l`homme et de
l`action humanitaire, ainsi qu`à d`autres activités de
consolidation de la paix). Cette coopération s`est
matérialisée en 2002 par la création du Bureau des Nations
Unies pour l'Afrique de l'ouest (UNOWA), afin d`apporter une dimension
régionale et intégrée aux différents efforts de
paix de l`ONU dans cette zone73. Les relations entre l`ONU et les
organisations régionales et sous-régionales connaissent une autre
avancée en octobre 2005 avec l`adoption par le Conseil de
sécurité de la résolution 1631 qui reconnaît le
rôle des organisations régionales dans le maintien de la paix et
la sécurité internationale en général et dans le
règlement pacifique des différends, dans la lutte contre le
terrorisme ou celle contre le commerce illicite des armes légères
en particulier. Ces relations se sont bonifiées au fil des années
comme l`affirmait le secrétaire général de l`ONU dans son
rapport devant l`Assemblée Générale en août
200874. Ban-Ki-moon relève notamment que L`ONU et l`UA ont
convenu que la mise en oeuvre du programme décennal de renforcement des
capacités de l`Union devrait commencer par les activités portant
essentiellement sur la paix et la sécurité. C`est fort de tous
ces soutiens et accords réglementaires de l`ONU que la CEDEAO s`est
résolument inscrite dans la diplomatie préventive, le maintien et
la consolidation de la paix. A cela il faut ajouter le mandat à lui
accordé par l`Union Africaine dans la sécurité et la
promotion de la paix en Afrique de l`Ouest. Pour ce faire, la CEDEAO s`est
dotée d`un arsenal de textes et de structures.
2- Instruments normatifs pour la prévention et la
résolution des conflits de la CEDEAO
Initialement, la CEDEAO avait pour objectifs de
développer la coopération et l`intégration dans les
domaines économique, social et culturel, en vue d`aboutir à une
union économique et monétaire par l`intégration totale des
économies nationales de ses États membres...Mais suite aux
tensions entre ses différents membres, la CEDEAO décida en 1978
d'adopter un Protocole
73. Dirigé par un Représentant spécial du
Secrétaire général pour l'Afrique de l'ouest, l`UNOWA est
le premier bureau régional de l`ONU chargé de la
prévention des conflits et la consolidation de la paix. En plus de
surveiller et de rendre compte des développements politiques dans la
région, le Bureau travaille en étroite collaboration avec la
CEDEAO et d`autres partenaires pour développer des programmes qui
couvrent une large gamme de questions affectant la paix et la
sécurité entre les pays de la région et à
l`intérieur de leurs frontières. Le mandat du Bureau court
jusqu'au 31 décembre 2010.
74. Coopération entre l`Organisation des Nations Unies et
les organisations régionales ou autres, Rapport du Secrétaire
général, 63e session 8 août 2008.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 36
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
de non agression. Suivi en 1981 par le Protocole d'assistance
en matière de défense et une Déclaration des principes
politiques en juillet 199175. En 1993, le Traité pour une
Communauté Économique des États d`Afrique de l`Ouest
(Traité de Lagos) révisé donna formellement à la
Communauté la responsabilité de prévenir et de
régler les conflits régionaux. C`est en décembre 1999 que
l`organisation sous régionale se dota d`un véritable instrument
pour la paix et la sécurité dans ses frontières : le
Protocole relatif au Mécanisme de la CEDEAO pour la Prévention,
la Gestion, le Règlement des Conflits et la Sécurité.
« Les dispositions du présent Protocole remplacent toutes celles du
Protocole du 29 mai 1981 relatif à l`Assistance mutuelle en
matière de Défense, qui lui sont contraires. Les dispositions du
Protocole de Non-agression du 22 avril 1978, qui sont incompatibles avec celles
du présent Protocole sont nulles et sans effet... » souligne le
Protocole dans ses dispositions spéciales. Il lui sera ajouté en
2001 le Protocole sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance. En plus de
ces deux piliers de la CEDEAO pour assurer la paix et la
sécurité, il y a la Convention de la CEDEAO sur les armes
légères et de petit calibre, leurs munitions et autres
matériels connexes adoptée en juin 2006. Des textes qui
épousent dans l`ensemble ceux de l`Union Africaine, de l`ONU et de
certaines autres organisations internationales. Que recouvrent le Protocole
relatif au Mécanisme de la CEDEAO pour la Prévention, la Gestion,
le Règlement des Conflits et la Sécurité, son additif sur
la démocratie et la bonne gouvernance et la Convention de la CEDEAO sur
les armes légères et de petit calibre, leurs munitions et autres
matériels connexes?
a) Le Mécanisme pour la Prévention, la
Gestion, le Règlement des Conflits et la Sécurité
Destiné à assurer la sécurité et
la paix collectives, ce Mécanisme a notamment pour objectifs : le
renforcement de la coopération dans les domaines de la prévention
des conflits, de l`alerte précoce, des opérations de maintien de
la paix, de la lutte contre la criminalité transfrontalière, le
terrorisme international ; le maintien et la consolidation de la paix, de la
sécurité et de la stabilité au sein de la
Communauté; la promotion d`une coopération étroite entre
les Etats membres dans les domaines de la diplomatie préventive et du
maintien de la paix; la constitution et le déploiement, chaque fois que
de besoin, d`une force civile et militaire pour maintenir ou rétablir la
paix dans la sous région.
75. MAHOUNOUN Maurice, Op.cit., p. 38
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 37
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Le chapitre 5 du Protocole précise dans quelles
conditions s`opère le Mécanisme : en cas d`agression ou de
conflit armé intervenu dans un Etat membre, ou de menace d`un tel
conflit; en cas de conflit entre deux ou plusieurs Etats membres; en cas de
conflit interne qui menace de déclencher un désastre humanitaire;
constitue une menace grave à la paix et à la
sécurité dans la sous région; en cas de renversement ou de
tentative de renversement d`un Gouvernement démocratiquement
élu.
Au terme de l`article Article 26, le Mécanisme est mis
en oeuvre: sur décision de la Conférence des Chefs d`Etat et de
gouvernement, à l`initiative du Secrétaire Exécutif
(devenu Commissaire en 2007), sur décision du Conseil de
Médiation et de Sécurité qui sont les institutions du
Mécanisme, mais aussi, à la demande d`un Etat membre, et à
la demande de l`UA ou des Nations Unies. Sont créés aux fins
d`assister et d`appuyer le Conseil de Médiation et de
Sécurité, les organes suivants (aticle17) : la Commission de
Défense et de Sécurité; le Conseil des Sages; et le Groupe
de Contrôle du Cessez-le-feu de la CEDEAO-ECOMOG76. A la suite
de ce Protocole, la CEDEAO a adopté en 2001 le protocole sur la
démocratie et la bonne gouvernance, additif à celui du
Mécanisme.
b- Le Protocole sur la Démocratie et la bonne
Gouvernance, additionnel au Protocole relatif au Mécanisme de
prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de
la paix et de la sécurité
Ce protocole a été signé en
décembre 2001 à Dakar au Sénégal. Il renferme un
large éventail de domaines, allant du respect des droits de l`homme, de
la place de femmes, des jeunes, de la bonne gouvernance, en passant par la
culture, l`éducation, la lutte contre la pauvreté et la
corruption. Cependant, les aspects les plus importants sont relatifs au respect
des constitutions des Etats membres, à l`organisation des
élections justes et équitables et au rôle de
l`armée.
Dans le cadre de ce qui est qualifié de principes de
convergences constitutionnelles, le Protocole sacralise la séparation
des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire et souligne
notamment la valorisation, le renforcement des Parlements et la garantie de
l`immunité
76. Le Mécanisme pour la Prévention, la Gestion, le
Règlement des Conflits et la Sécurité créé
aussi un système d`observation de la paix et de la
sécurité sous régionale appelé pré alerte ou
le Système? qui comporte: un Centre d`observation et de suivi base au
siège du Secrétariat; et quatre zones d`observation et de suivi
dans la sous région.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 38
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
parlementaire (article 1er).Toujours selon cet
article, toute accession au pouvoir doit se faire à travers des
élections libres, honnêtes, et transparentes et tout changement
anti-constitutionnel est interdit de même que tout mode non
démocratique d`accession ou de maintien au pouvoir. Par ailleurs, le
document relève que l`armée est apolitique et soumise à
l`autorité politique régulièrement établie...Le
protocole prône aussi la laïcité de l`Etat et stipule que,
sur le plan militaire, tout militaire en activité ne peut
prétendre à un mandat politique électif. L`armée
est républicaine et au service de la Nation. Sa mission est de
défendre l`indépendance, l`intégrité du territoire
de l`Etat et ses institutions démocratiques (article 19) et l=article
suivant précise que les autorités civiles doivent respecter
l`apolitisme de l`armée ; toutes activités et propagande
politiques, ou syndicales sont interdites dans les casernes et au sein des
forces armées. A propos de la lutte contre la pauvreté et la
promotion du dialogue social, le Protocole souligne que les Etats membres
conviennent que la lutte contre la pauvreté et la promotion du dialogue
social sont des facteurs importants de paix (article 25). Article 32 : les
Etats membres conviennent de ce que la bonne gouvernance et la liberté
de la presse sont essentielles pour la préservation de la justice
sociale, la prévention des conflits, la sauvegarde de la
stabilité politique et de la paix et le renforcement de la
démocratie. Le Protocole est finalement assorti d`un régime de
sanctions en cas de rupture de la Démocratie par quelque
procédé que ce soit et en cas de violation massive des Droits de
la Personne dans un Etat membre (Article 45).
c- La Convention de la CEDEAO sur les armes
légères et de petit calibre, leurs munitions et autres
matériels connexes
La Convention de la CEDEAO « sur les armes
légères et de petit calibre, leurs munitions et autres
matériels connexes » adoptée le 14 juin 2006 est le
résultat du processus de transformation du Moratoire de la CEDEAO sur
l'importation, l'exportation et la fabrication des armes légères
en une convention légalement contraignante. Le Moratoire a une
durée limitée et est un engagement de nature
politique77. La Convention définit les armes
légères comme des armes portables, destinées à
être utilisées par plusieurs personnes travaillant
en équipe et comprenant notamment : les mitrailleuses
lourdes, les lance-grenades portatifs, amovibles ou montés, les canons
antiaériens portatifs, les canons antichars portatifs, fusils
77. Rapports du Groupe de recherche et d'information sur la paix
et la sécurité, GRIP , La Convention de la CEDEAO sur les armes
légères et de petit calibre : Analyse et recommandations pour un
plan d'action, février 2007, p.12
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 39
sans recul, les lance-missiles et lance-roquettes antichars
portatifs, les lance-missiles aériens portatifs et les mortiers de
calibre inférieur à 100 millimètres. La Convention
définit aussi ce que sont les armes de petits calibres, les munitions et
autres matériels connexes78.
Composée de 32 chapitres, la Convention a notamment
pour objectifs de : prévenir et combattre l`accumulation excessive et
déstabilisatrice des armes légères et de petit calibre
dans l`espace CEDEAO ; pérenniser la lutte pour le contrôle des
armes légères et de petit calibre dans la CEDEAO ; consolider les
acquis du Moratoire sur l`importation, l`exportation et la fabrication des
armes légères et de son Code de conduite ; promouvoir la
confiance entre les États Membres grâce à une action
concertée et transparente dans le contrôle des armes
légères et de petit calibre dans la CEDEAO. Le chapitre 11
concerne l`établissement d`un registre d`armes pour les
opérations de paix. A cet effet, les États Membres s`engagent
entre autres à : déclarer à cet égard au
Secrétaire exécutif (Commission) de la CEDEAO toutes les armes
légères et de petit calibre utilisées dans le cadre des
opérations de paix, a et toutes les armes légères et de
petit calibre saisies, collectées et ou détruites lors de ces
opérations de paix sur leur territoire et dans la région de la
CEDEAO. Sur un autre plan, la Convention prévoit le renforcement de la
coopération et le dialogue avec les producteurs et fournisseurs
nationaux et internationaux d`armes ainsi qu`avec les organisations
internationales et régionales compétentes afin de s`assurer de
leur soutien, de leur respect et de leur adhésion à l`esprit et
à la lettre de la présente Convention. La Convention aborde
beaucoup d`autres questions dont celles liées à la corruption,
à la gestion et la sécurisation des stocks, la collecte, la
destruction, le marquage et le traçage des armes.
C`est sur ces instruments légaux que s`est
reposée la CEDEAO jusqu`ici pour s`interposer dans les conflits et
crises de ses Etats membres. Une interposition qui a connu des fortunes
diverses.
78. Les armes de petit calibre sont des armes destinées
à être utilisées par une personne et comprenant notamment :
les armes à feu et toute autre arme ou dispositif de destruction tel que
bombe explosive, bombe incendiaire ou bombe à gaz, grenade, lance
roquette, missile, système de missile ou mine ; les revolvers et les
pistolets à chargement automatique ; les fusils et les carabines ; les
mitraillettes ; les fusils d`assaut ; les mitrailleuses
légères.
Munitions : Ensemble des éléments
destinés à être tirés ou lancés au moyen
d`une arme à feu ou à partir d`un vecteur, comprenant, entre
autres : les cartouches; les projectiles et les conteneurs mobiles avec
missiles ou projectiles pour système anti-aérien ou antichar
à simple action.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 40
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
3-Les expériences passées de maintien de la
paix de la CEDEAO
C`est depuis le début des années 90 que la
CEDEAO s`est démarquée sur le domaine de la
sécurité collective. Il fallait apporter une réponse
efficace dans un environnement sous-régional ou la théorie des
dominos se produisait inexorablement. Une de ses premières initiatives a
consisté à envoyer une mission militaire placée sous la
direction du Nigéria au Libéria en 1990, au début de la
guerre civile qu'a connue ce pays. Mandatée par la Communauté
économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), cette mission a
duré six ans, mais a eu beaucoup de mal à endiguer le conflit,
qui a entraîné le déplacement de plus de la moitié
de la population du Libéria. Avec l'appui de l'ONU, la CEDEAO a
proposé un plan de paix qui a mené aux élections de 1997,
remportées par le plus puissant des seigneurs de guerre, M. Charles
Taylor79. L`ECOMOG intervient par la suite en Sierra Leone (1998),
en Guinée Bissau (1998-1999) et plus tard en Côte d`Ivoire (2003).
« Mais, contrairement aux conflits où c`est la force
militaire qui accompagne souvent les actions diplomatiques, les dirigeants
ouest africains, pour ce qui concerne les crises, privilégient
plutôt la voie strictement pacifique » soutient Maurice
Mahounoun80 et de citer notamment les cas de la Guinée-Bissau
en 2000, du Togo en 2005 et de la Guinée Conakry. Il estime
néanmoins que les actions de la CEDEAO en vue d`un retour à la
paix en Afrique de l`Ouest si louables soient elles, ont tout de même
laissé des séquelles. Des « séquelles » pour ne
pas dire échecs. Mais cette réalité apparaît un peu
comme la règle en Afrique remarque Tom Porteous81. L`Afrique
a vu échouer plus d`initiatives internationales ou régionales en
faveur de la paix que tous les autres continents affirme-t-il et d`expliquer
que, dans les années 1990, la Somalie, l`Angola et le Rwanda furent des
échecs spectaculaires dans ce domaine. Il en va aussi des
opérations de la CEDEAO au Liberia et en Sierra Leone. Epousant cette
analyse, Bastien Nivet82 souligne que les leçons de la toute
première expérience de maintien de la paix de la CEDEAO sont la
pauvreté de la définition et du respect du mandat, les
difficultés de financement d`une force multinationale, une
légitimité incertaine de l`ECOMOG et un excès de
dépendance vis-à-vis d`un seul pays, le Nigéria. Ce
dernier aspect est aussi l`une des causes des difficultés de l`ECOMOG en
Sierre Leone...ajoute-t-il. Un sentiment d`échec que
79 . HARSCH Ernest : « L'Afrique se dote de forces de
maintien de la paix », Afrique Relance, Vol.17, 3 octobre
2003.
80 .MAHOUNOUN Maurice, Op.cit., p.123
81. PORTEOUS Tom, « L'évolution des conflits en
Afrique subsaharienne », Politique étrangère,
Année 2003, Volume 68, Numéro 2, p. 313
82. NIVET Bastien: « Security by proxy? The
EU and (sub-) regional organisations: the case of ECOWAS», No
63, March 2006, Institut for Security Studies/Institut
d`études de Sécurité
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 41
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
semble partager Hugo Sada83 : « L`intervention
au Liberia a été laborieuse et ne s`est pas vraiment
soldée par un bilan positif. L`intervention en Sierra Leone a
été un échec, conduisant au déploiement des troupes
britanniques et à la mise en place d`une force des nations Unies, la
MINUSIL, pour parvenir à mettre un terme au conflit. Quant à
l`intervention en Guinée-Bissau, elle n`a duré que quelques mois
et s`est terminée par le renversement du président Joao Bernardo
Vierira par une junte militaire. La faible efficacité, le mauvais
comportement des troupes, le pilotage politique, et le rôle dominateur du
Nigeria ont constitué autant de facteurs négatifs pour la
crédibilité de la CEDEAO, forgeant une mauvaise réputation
à l`ECOMOG, y compris dans la région » déplore Hugo
Sada. Apportant un bémol à son analyse, il rappelle cependant
que, « le contexte international et les efforts déployés par
la CEDEAO elle-même pour mieux structurer son volet défense et
sécurité, ont pourtant fait de cette dernière, le facteur
central de l`équation politico-militaire régionale en Afrique de
cette l`Ouest et une référence pour l`ensemble du continent.
Autre fait notable, toutes les missions de maintien de la paix de la CEDEAO ont
été remplacées d`une manière ou d`une autre par
l`ONU. L`exemple ivoirien n`échappe pas à ce constat et nous
verrons aussi dans les prochaines pages que d`autres facteurs vont rentrer en
ligne de compte, pour ce qui est de l`implication de l`organisation
sous-régionale dans la crise ivoirienne.
83. SADA Hugo, « Le conflit ivoirien : enjeux
régionaux et maintien de la paix en Afrique », Politique
étrangère, Année 2003, Volume 68, Numéro 2, p.
329.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 42
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 43
DEUXIEME PARTIE :
LA GESTION DE LA CRISE
Programme d'Enseignement à Distance Master 2
Science Politique
II-La CEDEAO dans la crise ivoirienne : 2002-2007
Selon le Mécanisme de Prévention, de Gestion, de
Règlement des Conflits, de Maintien de la Paix et de la
Sécurité de la CEDEAO, un « Etat membre en crise,
est un Etat membre confronté à un conflit armé,
mais aussi tout Etat membre se heurtant à des problèmes graves et
persistants, ou se trouvant plongé dans une situation de tension
extrême pouvant entraîner des risques importants de désastre
humanitaire ou des menaces à la paix et à la
sécurité dans la sous région, ou tout Etat membre dans
lequel interviendrait un renversement ou une tentative de renversement d`un
régime démocratiquement élu ». C`est principalement
sur cette base que la CEDEAO décida d`une intervention en Côte
d`Ivoire en 2002. Nous analyserons l`implication et le rôle de la CEDEAO
dans la crise ivoirienne (A) puis nous établirons son bilan et
évoquerons les perspectives (B).
A. Implication et rôle de la CEDEAO dans la crise
ivoirienne
Au lendemain du coup d`état manqué, la CEDEAO a
clairement pris position pour les institutions républicaines en
Côte d`Ivoire. Dans un communiqué le 19 septembre, Le
Secrétaire Exécutif de la Communauté, Mohamed Ibn Chambas
a condamné fermement les violences perpétrées en
Côte d`Ivoire. C`est une attitude anti-constitutionnelle avait-il
ajouté. « Aussi, voudrions-nous évoquer l'aspect sacro-saint
des dispositions du protocole sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance
aux termes desquelles, les Etats Membres se sont engagés à
appliquer la tolérance zéro pour tout pouvoir obtenu ou maintenu
avec des moyens non constitutionnels ».
1-La CEDEAO en sapeur-pompier
Le 23 septembre, un sommet extraordinaire des chefs d`Etat et
de gouvernement de la CEDEAO est annoncé à Dakar au
Sénégal. Le président en exercice de l`organisation est
alors Abdoulaye Wade le chef de l`Etat sénégalais.
a) Prompte réaction de la CEDEAO
Le sommet prévu à Dakar se tiendra finalement le
29 septembre à Accra au Ghana. Au terme de cette réunion d`un
jour, « les dirigeants de la CEDEAO ont invité les Etats Membres
à apporter immédiatement leur soutien politique, matériel
et logistique aux autorités légales de la Côte d'Ivoire,
afin de mettre un terme à la crise politique qui frappe ce pays »
indique le
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 44
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
communiqué final qui précise que les dirigeants
ont déclaré qu'un tel soutien permettrait au gouvernement de
protéger la constitution et de maintenir l'ordre et la loi, ainsi que la
paix, la sécurité, l'unité et la cohésion
nationales ». Les chefs d`Etat réitèrent aussi leur
attachement aux principes du Mécanisme de prévention et de
gestion des conflits et rejettent tout gouvernement issu du renversement d`un
gouvernement démocratique élu.
Dans le but de trouver une solution (politique) au
différend entre le gouvernement et les insurgés, ils demandent
à ces derniers de s'abstenir d'exercer des violences ou attaquer les
habitants des villes qu`ils occupent et d'engager immédiatement le
dialogue avec la mission de médiation de la CEDEAO alors présente
en Côte d`Ivoire. C`est également lors de ce sommet que les
dirigeants ouest-africains ont décidé d'envoyer une force de paix
en Côte d'Ivoire pour s'interposer entre troupes gouvernementales et
militaires rebelles afin de créer des conditions propices aux
négociations84. La dernière décision tout aussi
importante est la mise en place d`un Groupe de Contact dit de haut niveau
composé des Chefs d'Etat du Ghana, de la Guinée Bissau, du Mali,
du Niger, du Nigéria et du Togo, avec pour mandat de chercher une
solution à l'insurrection en Côte d'Ivoire, d'établir le
contact avec les rebelles, en vue de mettre un terme aux hostilités et
de rétablir une vie normale en Côte d'Ivoire85.
b) Le cessez-le-feu du 17 octobre 2002
La CEDEAO va poursuivre ses efforts diplomatiques entre les
rebelles et le pouvoir. Le 17 octobre 2002, elle obtient des mutins (MPCI)
à Bouake une déclaration de cessation des hostilités et
d'acceptation du dialogue avec le gouvernement. En attendant la mise en place
du dispositif de la CEDEAO, les mutins et les forces gouvernementales
s'engagent à demeurer sur leurs positions actuelles. Les mutins
s'engagent aussi à ce que la vie administrative et le ravitaillement
normal des villes soient rétablis86. Même si le
gouvernement ivoirien ne signe pas cet accord, il annonce néanmoins
aussi de son côté, la cessation des hostilités et
l`acceptation du dialogue. Selon le ministre sénégalais des
Affaires étrangères, cet accord
84. Baptisée ECOFORCE, cette force d`interposition devait
garantir le respect du cessez-le-feu avec la Force française Licorne et
bénéficier d`une aide logistique de la part de quelques pays
européens, prévoir la participation des troupes du Togo, du
Bénin, du Niger, du Ghana et du Sénégal. Elle était
composée initialement de 1.250 soldats.
85.Communiqué final du sommet extraordinaire des chefs
d`Etat de la CEDEAO, Accra, 29 septembre 2002
86. Accord de cessation des hostilités du 17 octobre
2002.Les signataires sont : Pour la coordination des mutins et pour le MPCI,
Adjudant Tuo Fozié. Pour le président en exercice de la CEDEAO,
M. Abdoulaye Wade, Cheikh Tidiane Gadio, ministre (sénégalais)
des Affaires étrangères. En présence du secrétaire
exécutif de la CEDEAO Mohamed Ibn Chambas.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 45
devrait permettre "dans les plus brefs délais" le
déploiement du "mécanisme de la CEDEAO" qui doit superviser la
trêve. En attendant leur arrivée, les soldats français
déployés en Côte d'Ivoire pourraient participer à
l'application du cessez-le-feu. Une semaine plus tard, Le président
togolais Gnassingbé Eyadéma est nommé coordonnateur de la
médiation entre militaires rebelles et gouvernement ivoiriens par le
groupe de contact de la Communauté économique des Etats d'Afrique
de l'Ouest (CEDEAO), réuni à Abidjan. Les membres de
la CEDEAO ont également "exprimé leur reconnaissance" à la
France pour son déploiement militaire dans l'attente d'une relève
par la force africaine garante du cessez-le-feu87.
Aussitôt installé, le coordonnateur de la
médiation ouest-africaine dans la crise ivoirienne, noue le contact avec
les différentes parties et les amène à la table de
négociations directes dès le 30 octobre. Mais, face aux
prétentions des uns (le pouvoir) qui veut une reddition sans condition
des rebelles, et les autres (MPCI) réclamant un débat politique,
l'organisation de nouvelles élections, le départ du
président Gbagbo et une révision de la constitution, les
négociations sont suspendues. Jusqu`à l`annonce de la
tournée africaine du ministre français des affaires
étrangères Dominique de Villepin le 23 novembre, ces
négociations restent au point mort et l`irruption le 28 novembre dans la
crise de deux nouveaux groupes rebelles, le Mouvement populaire ivoirien du
grand ouest (MPIGO) et le Mouvement pour la justice et la paix
(MJP)88, qui revendiquent la prise des villes de Man et
Danané, à l'extrême Ouest du pays, complique davantage la
situation. A tel point que le sommet extraordinaire de
la CEDEAO sur la crise en Côte d'Ivoire prévu le
7 décembre à Accra, a été reporté à
une date ultérieure. Pratiquement au même moment, Dominique de
Villepin achevait (par Dakar) une tournée de deux jours dans six Etats
d'Afrique. Tournée visant à impliquer les pays voisins de la
Côte d'Ivoire dans la recherche d'une solution à la crise ouverte
dans ce pays depuis le 19 septembre89. Au terme de cette
tournée, l`idée d`une réunion organisée par la
France et regroupant les principaux acteurs ivoiriens se précise. Dans
un communiqué du 12 décembre 2002, le gouvernement
français est sans équivoque sur la tenue de cette rencontre :
"Face à la détérioration de la situation de la Côte
d'Ivoire, la France tient à exprimer sa
87. Source AFP
88. MPIGO et MJP s`allieront en janvier 2003 au MPCI pour
devenir les Forces Nouvelles. Voir « annexe no 3», les forces en
présence.
89. AFP, dépêche du 29 novembre 2002, M. de
Villepin, parti le 26 novembre pour Lomé (Togo), s'est rendu le 27
à Abidjan (Côte d'Ivoire), Ouagadougou (Burkina Faso) et Bamako
(Mali) et le 28 à Libreville (Gabon) et à Dakar
(Sénégal).
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 46
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
préoccupation et sa conviction qu'il n'est pas de
solution durable à la crise en dehors d'un règlement politique
général rassemblant l'ensemble des forces politiques ivoiriennes.
A l'appui de la médiation africaine, des efforts de la CEDEAO et dans le
souci d'encourager une solution politique, la France est disposée
à accueillir à Paris les chefs d'Etat africains concernés
et, parallèlement, à organiser une réunion des
représentants des forces politiques ivoiriennes.»
Parallèlement à cette annonce, il semble de plus en plus que la
CEDEAO ne parvient pas à avancer dans sa médiation au Togo.
Emblématique de ce constat, le sommet extraordinaire de la CEDEAO tenu
à Dakar le 18 décembre 2002 n`a réuni que quatre chefs
d`Etat sur 15. En effet, ce sommet consacré à la crise majeure
qui menace de déstabiliser l`ensemble de la sous-région a
été boudé par la plupart des chefs d`Etats de
l`organisation rapporte Radio France Internationale (RFI)90. Mais
pour le président Wade, ce sommet est une réussite et ses
décisions (par exemple, fixer au 31 décembre la date limite pour
le déploiement de la force de la CEDEAO en Côte d`Ivoire) engagent
tous les membres de la CEDEAO. Malgré cet optimisme, nombreux sont ceux
qui au sein même de l`organisation sous-régionale sont favorables
à la proposition française. Ce qui n`empêche pas l`Union
africaine91 suivant sa ligne politique de priorité aux
initiatives régionales, à fortement encourager les parties
à trouver un accord de paix et à exprimer son soutien
inconditionnel aux pays membres de la CEDEAO engagés dans la
médiation diplomatique92
2- La France à la rescousse de la CEDEAO : les
accords de Marcoussis et de Kleber
Dès le 22 septembre, Paris envoie les premiers renforts
français pour dit-elle assurer la sécurité de ses
ressortissants et des autres étrangers occidentaux. Le dispositif
français, constitué à partir du 43e Bataillon d'infanterie
de marine stationné à Port Bouët, près d'Abidjan, est
baptisé "Opération Licorne".
90. Site internet de Radio France Internationale [accès le
25/04/2010]
COUVE Philippe, Côte d'Ivoire, Sommet de Dakar :
grande ambitions, faible mobilisation, 19/12/2002,
www.rfi.fr
91.GRAMIZZI Claudio et DAMIAN Mathieu, « La crise
ivoirienne : de la tentative de coup d`Etat au gouvernement de
réconciliation nationale, Rapport du Groupe de recherche et
d`information sur la paix et la sécurité (GRIP), février
2003, p. 17
92. Extrait du communiqué final de la réunion du
Conseil exécutif de l`UA le 23 décembre 2002. Reprenant
pratiquement les termes de la CEDEAO, l`Union africaine insiste sur « la
nécessité de rechercher une solution négociée a la
crise dans le respect de la légalité constitutionnelle et exhorte
les parties en conflit de coopérer pleinement avec la médiation
».
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 47
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
a) Justifications
Officiellement, la France réagit sur la tentative de
coup d`Etat en Côte d`Ivoire le 28 septembre. Dans un communiqué,
le ministère des affaires étrangères souligne que, la
France est déterminée à agir pour préserver la
stabilité et l'unité de la Côte d'Ivoire et souhaite la
mise en oeuvre rapide d'une force d'interposition africaine entre troupes
loyalistes et rebelles. Par ailleurs, le document précise que le
gouvernement français veut éviter que les troupes
françaises mobilisées pour des missions d'évacuation ne se
retrouvent en situation d'arbitrage, qui serait considérée comme
une ingérence dans les affaires de la Côte d`Ivoire. Et
finalement, Paris rappelle que « la mise en oeuvre des accords de
coopération militaire entre la France et la Côte d'Ivoire et la
fourniture de matériels logistiques à l'armée
régulière ivoirienne, ne doivent pas être perçus
comme une implication dans le conflit. ». En effet, lors d`une adresse
à la nation le 8 octobre, le président ivoirien confirma ce
soutien français et précisa qu`il s`agit d`un "soutien
logistique" militaire, fourni sur sa demande par Paris, en véhicules,
moyens de transmission et rations alimentaires. La position du juste milieu ou
presque de la France avait cependant été critiquée autant
par le camp présidentiel qui y voyait un refus s`appliquer (intervention
armée contre les rebelles) les accords de défense avec la
Côte d`Ivoire et les rebelles qui estimèrent que l`interposition
de la force française les avait empêchés d`avancer sur
Abidjan la principale ville du pays et siège des institutions.
Suite au bocage des négociations directes entre
ivoiriens au Togo, l`idée avancée quelques jours avant par
Dominique de Villepin commence à prendre corps malgré les
réticences du camp présidentiel. « La France maintient sa
proposition d`organiser rapidement à Paris un sommet des chefs d`Etat de
la région auxquels pourraient s`adjoindre le président gabonais,
Omar Bongo, le Sud-Africain Thabo Mbeki, ainsi que le secrétaire
général de l`ONU et le président de la Commission de
l`Union africaine. Dans la foulée, la France souhaite pouvoir organiser
«une table ronde des différentes forces politiques
ivoiriennes». Comme lors de toutes les négociations difficiles de
ce type, Paris estime que le fait de délocaliser les discussions
permettra aux représentants de chaque partie d`échapper à
l`emprise des plus radicaux de son camp pour parvenir à des solutions de
compromis93. Dans une interview accordée le 16
décembre 2002 au quotidien La Croix, le ministre français des
Affaires étrangères explicite la position de Paris. Dominique de
Villepin réaffirme qu`«il n`existe pas
93. AFP, « La France pousse le Président Gbagbo
à la négociation », 9 octobre 2002.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 48
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
de solution militaire durable» et que «la solution
ne peut être que politique». Le chef de la diplomatie
française précise que l`action de la France repose sur trois
principes: «le soutien aux autorités légitimes»,
«la préservation de l`intégrité du territoire»
et «le respect des droits de l`Homme». Il séjournera de
nouveau en Côte d`Ivoire du 3 au 4 janvier 2003 pour rencontrer les
différents acteurs politiques devant participer à la
réunion de Marcoussis. Les pourparlers se tiendront du 15 au 24 janvier
2003. La Table ronde de Linas-Marcoussis et la Conférence des chefs
d`Etats africains de Paris (Kléber) ont eu lieu respectivement du 15 au
24 et du 25 au 26 janvier 2003. Le premier rendez-vous avait pour but de
dégager un consensus entre les différentes forces politiques
ivoiriennes et les rebelles. Le deuxième devait avaliser les accords
issus de la Table ronde devant la communauté internationale. Pour Hewane
Serequeberhan94 « L`engagement français ne traduit donc
pas une volonté originelle d`intervention. En somme, si la France a fait
le choix du réengagement en Afrique, elle le conçoit comme
supplétif des solutions africaines, c`est-à-dire en tant que
palliatif de ces dernières; son implication directe doit donc être
envisagée comme une sorte d`ultime recours, après que toutes les
autres options africaines possibles ont été
épuisées et avec l`espoir qu`à terme, son intervention ne
sera plus un passage obligé ». A contrario, Claudio Gramizzi et
Matthieu Damian remarquent : « force est de constater que cette initiative
diplomatique aura tronqué les efforts politiques qui avaient pu
naître au sein de la CEDEAO et qui avaient obtenu, en un premier temps,
une avancée concrète par la signature d`un accord de
cessez-le-feu entre les deux parties. Ce premier résultat, qui, il est
vrai, présentait une faiblesse de taille, était cependant
d`autant plus positif qu`il laissait espérer une résolution
à la crise par le concours des pays de la
sous-région95 »
Dix jours de discussions plus tard, les différentes
délégations signèrent l`accord de Marcoussis et son
annexe. L`accord aborde plusieurs points importants dont : la formation d`un
gouvernement de réconciliation nationale qui devra être mis sur
pied dès la clôture de la Conférence de Paris ; la
préparation des échéances électorales et de leur
calendrier ; La nomination d`un Premier ministre de consensus qui disposera des
prérogatives de l`exécutif... Les annexes de l`Accord tracent
quant à elles, les priorités du programme du gouvernement en
question, en fixant neuf axes prioritaires : Nationalité, condition des
étrangers ; Eligibilité à la présidence de la
République ; Régime foncier ; Regroupement - désarmement -
démobilisation entre autres. Loin s`en faut, l`Accord de Marcoussis ne
fera pas
94. SEREQUEBERHAN Hewane, « Le réengagement
français dans les conflits africains et le défi ivoirien »,
AFRI, 2005, volume VI. p.332.
95. GRAMIZZI Claudio et DAMIAN Mathieu, Op.cit., P.26
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 49
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
l`unanimité. « ...Nous pouvons en tirer deux
conclusions principales relèvent Claudio Gramizzi et Matthieu Damian.
Premièrement, il apparaît clairement que le pouvoir
présidentiel de Gbagbo en ressort fortement affaibli. Le gouvernement de
réconciliation nationale qui sera nommé aura en effet des
prérogatives de l`exécutif, ce qui devrait être du seul
domaine du chef de l`Etat dans un tel système présidentiel.
Deuxièmement, il est impossible de faire abstraction du fait que ces
Accords constituent un précédent qui pourrait s`avérer
particulièrement dangereux pour l`avenir. En invitant les rebelles aux
négociations et en les insérant de facto dans le groupe
des forces politiques qui participeront au gouvernement de
réconciliation nationale, les textes de Marcoussis légitiment
dans une certaine mesure le recours aux armes comme moyen de lutte politique et
confient aux groupes armés insurrectionnels, par la même occasion,
le statut d`interlocuteurs politiques attitrés96 ».
Serge Lorougnon97 ne partage pas cet avis car pour lui, si l`on veut
éviter une rébellion chez soi, il faut savoir créer les
conditions d`émergence d`une démocratie véritable. Par
ailleurs, il rejette l`idée selon laquelle les Accords de Marcoussis
sont contre la constitution : « Qui oserait dire aux populations
déplacées de l`Ouest, qui commencent à retourner chez elle
grâce aux Accords de Marcoussis qu`elles n`ont pas le droit d`y retourner
parce que ces accords violeraient la constitution ? » s`interroge-t-il.
Légitimation de la rébellion ou soutien au pouvoir légal?
S`interroge Yann Bedzigui98. Cette constante reflète dit-il,
les contradictions de la société internationale, qui
hésite entre soutien au pouvoir légal et légitimation de
la rébellion imposée par les événements. Si la
formation d`un tel gouvernement a pour objectif d`«adapter le
fonctionnement des différents pouvoirs et des différentes
institutions aux intérêts et aux forces en présence»,
elle étend d`une certaine manière la division du pays à
l`appareil institutionnel, par l`inclusion en son sein d`acteurs qui tirent
leur légitimité des armes. La difficulté poursuit-il de
l`Accord de Linas-Marcoussis de 2002 à être appliqué par le
pouvoir ivoirien s`inscrit dans cette logique. En proposant et en obtenant
l`attribution du portefeuille de la défense aux mouvements rebelles sans
concertation avec l`armée ivoirienne, la France a davantage donné
l`impression de légitimer la rébellion tout en
délégitimant le Président en exercice ». Une question
qui montre à suffire qu`en Côte d`Ivoire, ces accords
96. Ibid. Voir en « annexe No 4 » les Accords
de Marcoussis
97. LOROUGNON Serge, Côte d'Ivoire : chronique d'une
crise (2002-2008), in BAMBA Kassimi (dir.) et ADOU Kevin (dir.), Abidjan,
Les Editions du CERAP, 2008,p.64
98. BEDZIGUI Yann, « Les conflits en Afrique, une
résolution improbable ? » AFRI, 2008, volume IX ,24
juillet 2008, p.168
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 50
sont différemment appréciés selon que
l`on est du camp présidentiel, de l`opposition ou de la
société civile...
b) Réactions aux Accords de Marcoussis
Nombreux, ceux qui sont interrogés et indignés
sur l`opportunité de voir ainsi la France prendre en main les
négociations inter ivoiriennes et de les organiser à Paris. Les
conclusions de ces négociations ont tout autant soulevé la
polémique parmi ceux qui en étaient favorables ou non. Dès
l`annonce des décisions de la rencontre de Marcoussis le 24 janvier
2003, des centaines de milliers de partisans du président de la
république descendent dans les rues à Abidjan pour les
dénoncer. Les manifestants identifiés comme les « jeunes
patriotes » conduits par Charles Blé Goudé accusent la
France de vouloir opérer un coup d`état constitutionnel. Ils sont
aussi révoltés à l`idée de voir les
ministères de la sécurité et de la défense revenir
aux forces Nouvelles99. « Qui pouvait seulement imaginer que
les décisions dictées par la France à des
délégations ivoiriennes dans un centre de rugby de la banlieue
française pouvaient passer comme lettre à la poste en Côte
d`Ivoire ? » s`interroge Blé Goudé. Participant aux
négociations, le président d l`Assemblée nationale Mamadou
Koulibaly claqua la porte longtemps avant leur terme. « A Lomé,
relève-t-il, les deux parties réunies autour de la table de
négociation étaient, d'un côté, les assaillants et,
de l'autre côté, une délégation républicaine
conduite par le président du Conseil économique et social. A
Marcoussis, le nombre de parties convoquées à été
élargi...A la lumière des événements en cours, il
est clair que si l'Accord de Marcoussis constitue un progrès dans la
recherche de la paix, il ne peut pas être considéré comme
la solution finale, puisque les parties prenantes à cet accord ne
représentent pas la République tout entière. L'accord de
Marcoussis n'engage que les signataires. Il n'engage pas les autres
institutions de la République non conviées aux
négociations100 ». Koulibaly faisait explicitement
allusion a l`Armée, a l`Assemblée Nationale « et de
façon ultime que si le peuple est d'accord ». A cette opposition
radicale, aux Accords de Marcoussis des « jeunes patriotes » et du
président de l`Assemblée Nationale, il faut ajouter celle du FPI
le parti au pouvoir, malgré la position de Pascal Affi Nguessan l`un de
ses ténors, ancien premier ministre et négociateur à
Marcoussis qui avait estimé que ces Accords étaient « une
bonne voie de sortie de la crise » et a organisé une rencontre le
12 février pour que les partis harmonisent leurs positions afin de
parler d`une seule voix. Une attitude
99. BLE GOUDE Charles : Crise ivoirienne : Ma part de
vérité, Abidjan, Leaders Team Associated, 2006, p.103
100. KOULIBALY Mamadou, Op.cit
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 51
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
épousant celle de l`opposition qui disait s`en tenir
à ces Accords et réclamait leur application effective et totale.
Totalement légitimés au terme de ces négociations, les
ex-rebelles demandaient aussi l`application intégrale des Accords. Par
contre, leurs frères d`armes restés fidèles au pouvoir n`y
étaient pas favorables : « Assimilée aux rebelles dans les
textes des Accords et devant se soumettre aux mêmes mesures de
désarmement et de démobilisation que ses ennemis, placée
devant la perspective d`une restructuration et frustrée de ne pas avoir
été invitée aux pourparlers de paix, l`armée
ivoirienne à très mal réagi à la divulgation des
contenus des Accords de Marcoussis ».
Pendant tout le temps qu`ont duré les manifestations
contre les Accords de Marcoussis, le président Laurent Gbagbo est
resté publiquement silencieux, donnant l`impression qu`il soutenait ces
manifestations alors que deux semaines plus tôt il déclarait lors
du point de presse à l`occasion du Sommet des chefs d`Etats de Paris le
25 janvier : « Il y a deux manières de sortir d`une guerre. On fait
la guerre et on la gagne militairement. Mais quand on ne l`a pas gagnée,
on discute et on fait des compromis ». Le président ivoirien n`est
pas constant. Alternant souvent les propos conciliants avec des discours
radicaux, le président Gbagbo porte certainement des
responsabilités dans l`exacerbation des tensions et l`instauration d`un
climat de terreur relèvent Claudio Gramizzi et Matthieu
Damian101. Et d`ajouter : « Poussé à regagner
subitement Abidjan avant même la clôture officielle du sommet des
chefs d`Etat afin de faire revenir au plus vite le calme sur le terrain et
expliquer le contenu des accords de Marcoussis à la population, Gbagbo
se limitera à faire des tours de consultations privées et
à repousser son discours jusqu`au soir du 7 février. Le contenu
de ce discours, dans lequel le président se dit prêt à
respecter les principes de base des Accords à condition que la
Constitution prime pour l`application des points litigieux, aura le
mérite d`apaiser effectivement le climat interne en Côte d`Ivoire
et d`officialiser la prise de fonction du Premier ministre M. Seydou Elimane
Diarra. »
La position officielle de la France est connue le 25 janvier
à l`ouverture du Sommet des chefs d`Etat. Dans son
allocution102, le président français soutenant que la
France n`a ménagé ni ses efforts, ni son soutien à la
Côte d`Ivoire, souligne: « Les représentants des partis
politiques ivoiriens ont pu débattre dans la
sérénité, dans la franchise, débattre de toutes les
questions qui leur paraissaient essentielles au dénouement de la crise.
C'est pleinement
101. GRAMIZZI Claudio et DAMIAN Mathieu, Op.cit., p.32
102. Allocution disponible sur le site internet de la
présidence française,
www.elysee.fr/archives de
M.Chirac
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 52
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
conscientes de la très grande gravité des
enjeux, comme des attentes des populations inquiètes, que ces
délégations se sont accordées sur des dispositions qui
ouvrent les voies d'un retour rapide à la sécurité,
à une vie normale pour tous les Ivoiriens et à la
légalité ». Et Jacques Chirac de préciser : «
Gardons à l'esprit qu'un accord, même sincère, vaut autant
par la manière dont il est observé que par sa substance
».
Invitée et présente à ces
négociations, la communauté internationale (ONU, UA, CEDEAO...) a
entériné les Accords de Marcoussis et appelé à leur
application. C`est une forme de renouveau dans le rapport de la France avec ses
anciennes colonies semble dire Hewane Serequeberhan103 : « La
conception même de l`engagement français comme supplétif
des solutions dégagées par la CEDEAO et l`appui qu`il a
impliqué à cette organisation ainsi que la volonté
d`impliquer les Nations Unies empêchent d`apparenter l`intervention
française en Côte d`Ivoire à l`interventionnisme qui avait
prévalu entre 1960 et 1990 ». Cette grille de lecture permet de
comprendre pourquoi les africains reprennent la main dans la crise ivoirienne
un peu plus tard. D`ailleurs la Table Ronde (de Marcoussis) a salué la
médiation exercée par la CEDEAO et les efforts de l`Union
Africaine et de l`ONU. Un comité de suivi de l`application des Accords
sera mis en place afin de s`assurer du respect des engagements pris. La CEDEAO
fait partie de ce comité composé en outre des
représentants de l`UA, de l`ONU, de l`Union Européenne (UE), de
l`Organisation internationale de la Francophonie (OIF), du FMI et de la Banque
mondiale, du G8 et de la France. La CEDEAO et la communauté
internationale sont aussi appelées à « veiller à la
sécurité des personnalités ayant participé aux
négociations et si nécessaire, à celle des membres du
gouvernement de réconciliation nationale tant que ce dernier ne sera pas
à même d`assurer pleinement cette mission » recommandent les
Accords. Ce qui préfigure du prochain rôle de l`organisation
sous-régionale dans la crise ivoirienne.
3-La CEDEAO se remet en scène
L`idée de l`appropriation de la gestion des crises par
les organisations régionales justifie en grande partie la distance que
la France veut prendre dans le cas ivoirien. C`est pourquoi un consensus de
toutes les organisations internationales ayant participé aux
négociations inter ivoiriennes de Marcoussis se dégage
aisément en faveur de la CEDEAO, afin qu`elle poursuivre sa
médiation en Côte d`Ivoire. Le 1er février 2003,
juste après le sommet extraordinaire de la CEDEAO à Dakar
(Sénégal), le Groupe de contact désormais élargi
au
103. SEREQUEBERHAN Hewane, Op.cit., p.328
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 53
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Sénégal se rend à Abidjan pour rencontrer
le président Laurent Gbagbo et tient informées l`UA et l`ONU.
La résolution 1464 votée à
l`unanimité le 4 février par le Conseil de Sécurité
des Nations Unies salue les efforts de la CEDEAO, et se félicite des
décisions du 26e sommet extraordinaire des chefs
d`État et de gouvernement de l`organisation tenu le 31 janvier 2003
à Dakar104. Cette résolution autorise par ailleurs le
déploiement de la force de la CEDEAO et de la force française qui
la soutient pour six mois105 . Sur place à Abidjan, la
situation reste tendue à cause des différences
d`interprétations des Accords de Marcoussis et des prétentions
des deux principaux acteurs (le pouvoir et la rébellion). Il faudra donc
aller une fois encore chercher la paix à l`extérieur, à
Accra au Ghana voisin précisément.
a) Les Accords d'Accra II et III
C`est sur invitation du président ghanéen John
Kuofor, président en exercice de la CEDEAO que les protagonistes de
Marcoussis et le président Gbagbo se rendent à Accra pour
s`accorder finalement sur la formation du gouvernement de réconciliation
dont deux moutures avaient déjà été rejetées
par le chef de l`Etat ivoirien. Le conclave se tient du 6 au 8 mars 2003 et
aboutit à ce que certains ont appelé « le compromis d`Accra
» : partis politiques, mouvements rebelles (qui se font appeler depuis
Marcoussis les Forces Nouvelles) et présidence ivoirienne s`accordent
sur la formation du gouvernement. Les pommes de discorde
104. « La Conférence a exprimé sa vive
préoccupation face à la persistance de la crise en Côte
d`Ivoire. Les Chefs d`Etat et de Gouvernement ont réaffirmé leur
décision du 29 septembre 2002 à Accra de privilégier le
règlement de cette crise par des voies pacifiques. Ils ont
décidé d`apporter leur soutien aux résultats des travaux
de la Table ronde sur la Côte d`Ivoire qui s`est tenue à Linas
Marcoussis du 15 au 24 janvier 2003 et ont invité les parties
concernées à travailler ensemble en vue de mettre scrupuleusement
en oeuvre l`Accord qui en a résulté. Les Chefs d`Etat et de
Gouvernement ont lancé un appel pressant au Président de la
République de Côte d`Ivoire, Son Excellence Laurent Gbagbo pour
qu`il s`investisse pleinement dans l`aboutissement du processus de paix.
»
105. A son 9e point, la résolution 1464
stipule que, « Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations
Unies, et conformément à la proposition contenue au paragraphe 14
des conclusions de la Conférence des chefs d`État sur la
Côte d`Ivoire (S/2003/99), autorise les États Membres participant
à la force de la CEDEAO en vertu du Chapitre VIII, de même que les
forces françaises qui les soutiennent, à prendre les mesures
nécessaires pour assurer la sécurité et la liberté
de circulation de leurs personnels et pour assurer, sans préjudice des
responsabilités du Gouvernement de réconciliation nationale, la
protection des civils immédiatement menacés de violences
physiques à l`intérieur de leurs zones d`opérations et en
fonction de leurs moyens, pour une période de six mois à l`issue
de laquelle le Conseil évaluera la situation sur la base des rapports
mentionnés au paragraphe 10 ci-dessous et discutera du bien-fondé
du renouvellement de l`autorisation.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 54
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
que sont l`attribution des ministères de
l`Intérieur et de la Défense reviennent à un Conseil
National de Sécurité composé notamment des signataires de
Marcoussis106.
La dernière étape à franchir avant
l`instauration effective du gouvernement de réconciliation nationale
dans les termes fixés par les textes fut le transfert de certaines
prérogatives de l`exécutif au premier ministre.
Conformément à l`article 53 de la Constitution ivoirienne, le
président Gbagbo délégua certaines de ses
compétences au gouvernement par voie d`un décret signé le
10 mars. Les pouvoirs ainsi attribués à Seydou Elimane Diarra,
seize au total, recoupent presque entièrement les missions du
gouvernement de réconciliation nationale ainsi qu`elles figurent dans
les textes des Accords signés à Marcoussis. Mais cette
délégation de pouvoir au premier ministre porte en elle les
germes d`un gouvernement clopin-clopant et se retrouvera quelques mois
après dans l`impasse, incapable d`appliquer les réformes
prévues par l`Accord de Marcoussis. Du fait notamment des accusations de
mauvaise foi et de refus d`appliquer ces accords portées par
l`opposition et les Forces Nouvelles contre le président Gbagbo. Du fait
aussi de la politique de la chaise vide pratiquée par l`opposition et
les ex-rebelles qui tergiversent à désarmer. Par exemple, les
neuf ministres FN suspendirent leur participation au gouvernement le 22
septembre 2003 pour ne revenir que le 6 janvier 2004. Deux mois après,
les FN se joignent à l`opposition et boycottent le gouvernement pendant
quatre mois. La manifestation qu`elle organise les 25 et 26 mars 2003 est
violemment réprimée par le pouvoir (au moins 120 morts selon
l`ONU). Dans la résolution 1479, adoptée le 13 mai 2003, le
Conseil de sécurité crée la Mission des Nations Unies en
Côte d`Ivoire (MINUCI). Le Conseil de sécurité justifie
cette résolution par « l`existence de défis pour la
stabilité de la Côte d`Ivoire et considère que la situation
en Côte d`Ivoire constitue une menace à la paix et à la
sécurité internationales dans la région107
». Sur demande du président
106. Le " Conseil de sécurité ", indique le
communiqué final, comprendra " le président de la
République, le Premier ministre, un représentant de chacune des
forces politiques signataires de l`accord de Marcoussis, un représentant
des Fanci (Forces armées nationales de Côte d`Ivoire), de la
gendarmerie nationale et de la police nationale ". C`est sur proposition de ce
conseil que les futurs ministres de l`Intérieur et de la Défense
seront désignés par le président Laurent Gbagbo.
107. L` ONUCI aura une durée initiale de 12 mois à
compter du 4 avril 2004 et comprendra, en sus de l`effectif civil, judiciaire
et pénitentiaire approprié, une force de 6 240 militaires des
Nations Unies au maximum, dont 200 observateurs militaires et 120 officiers
d`état-major, et jusqu`à 350 membres de la police civile. En
coordination avec les forces françaises l`ONUCI sera notamment
chargé de : observation du cessez-le-feu et des mouvements de groupes
armés ; Désarmement, démobilisation, réinsertion,
rapatriement et réinstallation ; appui à la mise en oeuvre du
processus de paix ; assistance dans le domaine des droits de l`homme ;
information et ordre public.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 55
Laurent Gbagbo et de la CEDEAO entre autres, la MINUCI
deviendra en février 2004 une opération de maintien de la paix :
l`Opération des Nations Unis en Côte d`Ivoire (ONUCI).
Face au blocage et aux risques d`escalade, John Kuofor
président du Ghana et président en exercice de la CEDEAO et le
secrétaire général de l`ONU Kofi Annan, invitent à
nouveau tous les participants du précédent sommet à
revenir ibidem. En présence d`une dizaine de chefs d`Etat africains dont
Thabo Mbeki d`Afrique du Sud et Blaise Compaore du Faso, les forces politiques
ivoiriennes vont se réunir du 29 au 30 juillet 2004 pour s`entendre sur
ce qui sera appelé les Accords d`Accra III108. Elles disent
notamment réitérer leur engagement aux principes et programme de
gouvernement contenu dans les accords de Linas-Marcoussis et d`Accra II. Elles
ont aussi réaffirmé leur détermination à s`engager
résolument dans la voie d`une application intégrale et
inconditionnelle desdits accords. Le 9 août, le conseil des ministres se
tient avec 41 membres sur 42. Les trois ministres FN limogés quelques
mois avant par le président de la république ont
été réintégrés dans leurs fonctions. Le
processus de sortie de crise paraîtra se mettre une fois sur les rails
mais les dissensions ont la peau dure. Le 20 octobre, la CEDEAO tire la
sonnette d`alarme et dit exprimer avec préoccupation l'absence de
progrès enregistré dans le processus de paix en Côte
d'Ivoire. On en était là lorsqu`intervint l`Opération
Dignité : l`aviation des FANCI bombarda les villes de Korhogo et Bouake,
tuant civils (86 selon les FN) et neuf militaires
français109.Violation flagrante du cessez-le-feu, ce
bombardement a été condamné à l`intérieur et
à l`extérieur du pays. Le 15 novembre 2004, sur proposition de la
France, le Conseil de Sécurité vote la résolution 1572 sur
les armes en Côte d`Ivoire et un régime de sanctions contre des
individus des deux camps considérés comme des obstacles à
la paix. Mais, quelques jours avant (le 6 novembre) le président
nigérian, Olusegun Obasanjo, président en exercice de l`UA a eu
à Ota au Nigeria, des consultations avec la Commission de l`UA et Nana
Addo Akufo-Addo, le ministre ghanéen des Affaires
étrangères, représentant le président John Kufuor,
président de la CEDEAO. Au terme de cette rencontre, le président
Thabo Mbeki reçoit mandat du président en exercice de l`UA
d`entreprendre d`urgence en Côte d`Ivoire une mission en consultation
avec la
108. Accra III revient sur tous les points des Accords
antérieurs et notamment les conditions d`éligibilité
à la présidence.
109. La riposte de la Licorne détruisit l`aviation
ivoirienne au sol à Yamoussoukro. Cette réaction française
entraina à son tour de violentes manifestations antifrançaises
à Abidjan notamment. Les militaires français tueront pendant ces
manifestations 67 personnes, des milliers de blessés seront aussi
dénombrés. Plus de 8000 fiançais et environ 2000 autres
européens quittèrent la Côte d`Ivoire à la suite ces
événements.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 56
Commission de l`Union africaine, en vue de promouvoir une
solution politique110. L'Union africaine qui jusque là avait
simplement mandaté un envoyé spécial pour suivre les
différentes initiatives de la CEDEAO et les appuyer se saisit
résolument du dossier ivoirien. Thabo Mbeki, sera l`artisan des
négociations et Accords de Pretoria...
b) De Pretoria à Ouagadougou
C`est lors du sommet des chefs d`Etat et de gouvernement de
l`UA début novembre 2004 à Abuja au Nigéria que le
président sud africain est officiellement désigné
médiateur dans la crise ivoirienne. S`il accepte cette mission, il est
tout aussi conscient des difficultés et même des risques
d`échec. Dans sa lettre hebdomadaire publiée sur le site de son
parti le Congres national africain (ANC), Thabo Mbeki, faisait
référence à la Côte d`Ivoire avant l`annonce
officielle de son voyage le 9 novembre. « En tant qu`africains, nous
devons admettre ouvertement que nous n`avons pas réussi à aider
les Ivoiriens à mettre fin à la crise », écrit le
président sud-africain et d`ajouter : « c`est
précisément à cause de l`échec africain que la
France est intervenue militairement, politiquement et diplomatiquement pour
aider le pays à trouver le chemin de la paix ».
Le premier Accord inter ivoirien est signé à
Pretoria le 6 avril 2005 avec cette fois-ci, uniquement le président
Laurent Gbagbo, le premier ministre Seydou Diara, le secrétaire
général des FN Guillaume Soro et les deux principaux opposants,
Henri Konan Bedie et Alassane Dramane Ouattara. Les cinq signataires
s`accordent sur une déclaration commune de fin de guerre et
réitèrent notamment leur attachement aux Accords de
Linas-Marcoussi, d`Accra II et III et à toutes les résolutions
des Nations Unies sur la Côte d`Ivoire. Ils expriment aussi leur
volonté quant à la nécessité d`organiser
l`élection présidentielle en octobre 2005 et les élections
législatives qui suivront. L`Accord consacre également la
réforme de la Commission électorale indépendante (CEI), la
formation de 600 gendarmes FN par l`ONUCI pour la sécurité et les
conditions d`éligibilité à la présidence. Le 26
avril 2005, le président Gbagbo accepte finalement de régler la
question de l`éligibilité d`Alassane Ouattara en utilisant
l`article 48 de la Constitution. Cette décision apparaît comme
déterminante pour le processus de sortie de crise étant
donné que Laurent Gbagbo s`y était opposé depuis
Marcoussis. Cependant, dans son allocution du 26 avril, le président
ivoirien avait aussi annoncé que l`établissement de la liste
électorale et la distribution des cartes
110. SAVARIAUD Stéphanie, Les bons offices de Thabo
Mbeki, 09/11/2004,
www.rfi.fr
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 57
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
d`électeurs seraient confiés à l`Institut
National des Statistiques (INS), une structure que l`opposition
soupçonne d`être à la solde du pouvoir. Deux jours plus
tard, l`opposition (PDCI-RDA, RDR, l`Union pour la démocratie et le
progrès en Côte d`Ivoire (UDPCI), le Mouvement pour les Force
d`avenir -MFA...) et les FN regroupées dans le Groupe des Sept (G7)
dénoncent dans une déclaration, « l`usage abusif » de
l`article 48 par M. Gbgabo. Le processus s`enlise de nouveau et le massacre
d`une cinquantaine de personnes dans la nuit du 31 mai au 1er juin
à Duékoué et Guitrozon111 dans l`Ouest du pays,
ne viendra que compliquer davantage la situation. Sans visibilité sur le
processus et à l`approche du 1er tour de l`élection
présidentielle le 30 octobre, il y a urgence à recadrer les
positions des uns et des autres et à rester fixer sur l`essentiel.
Direction une fois encore à Pretoria.
L`Accord de Pretoria II est conclu par les mêmes
protagonistes, le 29 juin 2005. Ils reconnaissent tous le retard qu`accuse le
processus et s`engage à y remédier pour la tenue de la
présidentielle le 30 octobre. A cet effet, un certain nombre de mesures
sont prises dont le désarmement et le démantèlement
effectifs des milices qui devrait « commencer immédiatement pour
s`achever d`ici le 20 août 2005 », le début de
l`encasernement des ex-rebelles fin juin et le début du fonctionnement
de la CEI au plus tard le 31 juillet 2005. Ce calendrier de bonnes intentions
sera sévèrement perturbé dès le 15 juillet avec les
lois sur l`identification et le rôle de la CEI dans l`organisation des
élections. Opposition et FN s`y opposent et contestent l`arbitrage de la
médiation. Les FN la jugent partiale, en faveur du président
Gbagbo. Le blocage est à nouveau consommé. Alors que les FN et
l`opposition disent ne plus reconnaitre comme chef d`Etat Laurent Gbagbo,
celui-ci déclare dans un message à la Nation le 29 septembre,
qu`il se maintiendrait à son poste au delà du 30 octobre (date de
la fin de son mandat de cinq ans). Si à l`intérieur du pays c`est
l`impasse, à l`extérieur, sur le plan diplomatique, la dynamique
est maintenue.
Le 6 octobre 2005, à l`issue de la 40e
réunion du Conseil de Paix et de sécurité de l`UA au
niveau des chefs d`Etat et de Gouvernement, ils « Prennent note du rapport
soumis par la CEDEAO à l`issue du Sommet extraordinaire des chefs d`Etat
et de Gouvernement tenu à Abuja le 30 septembre 2005, et des
recommandations adoptées à cette occasion et ce,
conformément à la décision adoptée par la
38ème réunion du CPS, tenue à New York le 14
septembre 2005 ». Constatant par ailleurs comme la classe ivoirienne
l`impossibilité
111. Le camp présidentiel accuse les rebelles et ces
derniers, l`opposition avec, accusent a leur tour les milices du pouvoir. Ces
massacres sont parmi les nombreux cas de violation des droits de l`homme dont
il faudra un jour trouver et juger les responsables.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 58
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
d`organiser l`élection présidentielle le 30
octobre, l`UA proroge le mandat du président Gbagbo pour un an à
compter du 31 octobre 2005. Elle recommande aussi la nomination d`un «
nouveau premier ministre acceptable pour toutes les parties signataires de
l`Accord de Linas-Marcoussis »112 .
Le 21 octobre 2005, la résolution 1633 du Conseil de
sécurité de l`ONU endosse toutes les recommandations de la CEDEAO
et de l`UA et fait du futur premier ministre (Charles Konan Banny nommé
le 4 décembre après moult tractations et pression de la
communauté internationale), un alter ego du
président113. C`est principalement cette disposition de la
résolution 1633 qui sera à l`origine du énième
blocage du processus de sortie de crise, le président Gbagbo ne voulant
pas se laisser conter fleurette. A juste titre souligne Yann
Bedzigui126. Pour lui, « cette décision, qui
reflétait les hésitations et les contradictions de la
communauté internationale, posait problème, tant du point de vue
de la légalité que de la légitimité du Premier
ministre ainsi désigné. D`un point de vue légal, la
nomination de Charles Konan Banny sous la pression internationale, revenait
à affirmer la primauté des résolutions des Nations Unies
sur la constitution ivoirienne, donc la mise sous tutelle du pays. En effet, la
résolution 1633 du Conseil de sécurité transférait
l`essentiel des pouvoirs du Président ivoirien au nouveau Premier
ministre. De manière indirecte, elle faisait de Laurent Gbagbo le
principal obstacle à la paix ». Fidèle donc à sa
logique, le président ivoirien estime que c`est à lui que revient
en exclusivité le pouvoir exécutif comme le stipule la
constitution. Les mêmes causes produisant les mêmes effets,
l`élection présidentielle ne sera pas organisée le 30
octobre 2006 comme convenu dans la résolution précédente.
La résolution 1721 adoptée le 1er novembre 2006 par le
Conseil de sécurité de l`ONU, suivant le même parcours
(CEDEAO, UA, ONU) buttera sur les mêmes problèmes que la 1633 et
ne durera qu`à peine trois mois. « Elle ne marchera pas »
avait d`ailleurs prévenu Laurent Gbagbo après son adoption. Il
avait déjà pensé à une solution de rechange. Fin
décembre, il propose donc au
112. Le Premier Ministre ne sera pas éligible aux
élections qui seront organisées, et ce conformément
à l`Accord de Linas-Marcoussis.
113. Dans son article 8, la résolution souligne que le
Premier Ministre doit disposer de tous les pouvoirs nécessaires,
conformément à l`Accord de Linas-Marcoussis, ainsi que de toutes
les ressources financières, matérielles et humaines voulues, en
particulier dans les domaines de la sécurité, de la
défense et des affaires électorales, en vue d`assurer le bon
fonctionnement du Gouvernement, de garantir la sécurité et le
redéploiement de l`administration et des services publics sur l`ensemble
du territoire ivoirien, de conduire le programme de désarmement, de
démobilisation et de réintégration et les
opérations de désarmement et de démantèlement des
milices, et d`assurer l`équité de l`opération
d`identification et d`inscription des électeurs, ce qui permettrait
d`organiser des élections libres, ouvertes, régulières et
transparentes, avec l`appui de l`Organisation des Nations Unies).
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 59
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
secrétaire général des FN un dialogue
direct. Et c`est encore à l`étranger, au Burkina Faso cette fois,
qu`il faudra aller la rechercher la paix.
c) L'Accord politique de Ouagadougou (APO)
Avant l`avènement de l`Accord politique de Ouagadougou,
plusieurs faits significatifs vont le précéder. Le 10 janvier
2007, le Conseil de sécurité de l`ONU proroge les mandats de
l`ONUCI et de la force française Licorne jusqu`au 30 juin 2007 à
travers la résolution 1739. Trois jours plus tard, à l`issue de
sa 12e réunion mensuelle, le Groupe de travail international
sur la Côte d`Ivoire dit constater une impasse totale dans le processus
de paix dans le pays. Selon le GTI, l`impasse est « due principalement au
refus de certaines parties ivoiriennes d`accepter et d`appliquer la
résolution 1721 » de l`ONU. Participant à cette
réunion, le chef de la rébellion, Guillaume Soro dira quelques
heures après « être disposé à accepter l`offre
de dialogue direct » du président Laurent Gbagbo. Une offre qu`il
avait rejetée quelques jours plus tôt estimant que la
résolution 1721 était le cadre idéal pour la sortie de
crise. Réunie pour sa part à Ouagadougou sur la situation en
Côte d`Ivoire et pour la désignation d`un nouveau président
de l`organisation, la CEDEAO « invite le président de la CEDEAO
à faciliter ce dialogue pour dynamiser le processus de paix ». Ce
nouveau président est Blaise Compaoré le chef de l`État
Burkinabé. « Nos Etats doivent impérativement consolider la
paix et la stabilité en soutenant particulièrement la Côte
d`Ivoire dans la relance du dialogue entre les parties114»
affirme-t-il. « Agissant sur mandat exprès » de la CEDEAO, son
nouveau président ouvre donc les négociations le 5 février
à Ouagadougou. Elles mettent en présence des représentants
du président ivoirien Laurent Gbagbo et des Forces nouvelles. Ces
négociations aboutissent à la signature de l`Accord politique de
Ouagadougou le 4 mars, entre le président Laurent Gbagbo et le
secrétaire général des FN. «Nous devons tout mettre
en oeuvre pour sauvegarder cet accord, le premier conclu à l`initiative
des ivoiriens, entre ivoiriens et pour les ivoiriens115 »
affirme le président Laurent Gbagbo qui a toujours vu d`un mauvais oeil
les autres accords parce que n`émanant pas directement des ivoiriens.
Salué par tous, à l`intérieur comme
à l`extérieur, l`APO endosse tous les accords
précédents (Marcoussis, Accra, Pretoria) et toutes les
résolutions de l`ONU dont la 1633 (2005) et la
114. Chronologie 2007, ONUCI,
www.onuci.org
115. BAMBA Kassimi, L'Accord politique de Ouagadougou :
dernière carte pour la Côte d'Ivoire ?, in ADOU Kevin (dir.),
Abidjan, Les Editions du CERAP, 2008, p.217
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 60
1721(2006). Sous une aire de
pardon-réconciliation116, les signataires savourent la
réconciliation, annoncent la fin officielle de la guerre et se donnent
10 mois pour parvenir aux élections. L`APO prévoit notamment la
formation d`un nouveau gouvernement cinq semaines après son
entrée en vigueur, la suppression progressive de la zone de confiance
qui marque la partition du pays, la création d`une ligne verte avec des
postes d`observation occupés par des forces impartiales, dont le nombre
sera réduit de moitié tous les deux mois jusqu`à leur
retrait total. Il prévoit aussi l`identification générale
des populations, l`établissement de la liste électorale, le
désarmement, le démantèlement des milices et
l`intégration des ex-rebelles à la future armée
ivoirienne, avec notamment la création d`un Centre de commandement
intégré (CCI) avec la participation des états-majors des
deux armées loyalistes (FANCI) et Forces nouvelles (FAFN). « Aux
fins du suivi du présent Accord et de la poursuite du Dialogue direct,
les Parties conviennent de créer un Cadre permanent de concertation
(CPC) et un Comité d`évaluation et d`accompagnement
(CEA)117 .
Le 28 mars, Soro Guillaume est nommé premier ministre
par le président Gbagbo. Le secrétaire général des
FN remplace à ce poste Charles Konan Banny. A peine installé et
passée l`euphorie suscitée par l`APO, son
opérationnalité a commencé à occuper les esprits et
les débats. Réussira-t-il en dix mois là où tous
les autres accords ont échoué en cinq ans ? Il faut rester
à tout le moins prudent conseille International Crisis Group (ICG). Dans
un rapport sur la Côte d`Ivoire118. ICG postule que «
L`accord signé à Ouagadougou est davantage un compromis entre
deux camps qui veulent une sortie de crise préservant leurs
intérêts particuliers qu`un accord qui garantirait une paix
durable. Il ne traduit pas une volonté d`abandonner les pratiques
politiques qui ont conduit à la guerre ». Trois mois après
la signature de l`APO, il accuse déjà du retard dans
l`application de ses dispositions mais ses
116 . GAZOA Germain, Les conflits en Afrique noire, quelles
solutions ? Frat Mat Editions, Abidjan, 2006,
p.41. Pour l`auteur, la vie africaine est la
célébration quotidienne de la réconciliation, de la
fraternisation ou de la familiarisation.
117. Le Cadre permanent de concertation (CPC) est un organe de
veille et de Dialogue permanent dans le but de renforcer la cohésion
nationale. Il est composé du président Laurent Gbagbo, de
Secrétaire général des Forces Nouvelles Guillaume K. Soro
d`Alassane Dramane Outtara, le président du RDR, d`Henri Konan
Bédié le président du PDCI et de Blaise Compaore,
président en exercice de la CEDEAO, en sa qualité de
Facilitateur. Le CPC est compétent pour examiner toute question relative
au présent Accord.
Le Comité d`évaluation et d`accompagnement (CEA)
est quant a lui chargé de l`évaluation périodique de la
mise en oeuvre des mesures prévues dans le présent Accord. Il est
également chargé de suggérer toutes dispositions pratiques
et nécessaires à la bonne exécution du présent
Accord. Il est composé ainsi qu`il suit : Président : le
Facilitateur ou son Représentant. Membres : trois représentants
pour chacune des deux parties signataires...Voir « annexe No 5 »,
l`APO
118. Rapport Afrique N°127, Côte d'Ivoire :
faut-il croire à l'accord de Ouagadougou ? , 27 juin 2007
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 61
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
signataires sont optimistes et répètent
inlassablement que cet accord est le seul capable de ramener la Côte
d`Ivoire à la paix. Sur le terrain effectivement, on note une certaine
décrispation après le démantèlement de la zone de
confiance, la réduction (500 hommes) de la Licorne,
l`opérationnalité des brigades mixtes (FDS, Forces armées
FN) et le début du démantèlement des milices. Mais le 29
juin, l`avion du premier ministre Guillaume Soro essuie des tirs de roquette
à son atterrissage à l`aéroport de Bouake. Il s`en sort
indemne mais trois personnes de son entourage y trouvent la mort. Pendant
près d`un mois, on ne parlera que de cette tentative d`assassinat dont
les auteurs ne sont pas officiellement connus, peut-être ne le seront-ils
jamais. Dans tous les cas, c`est un mois en moins pour un processus
chronométré qui veut aboutir aux élections en janvier
2008.
Un mois aussi après les événements de
Bouake, le président Laurent Gbagbo s`y rend pour la première
fois depuis le déclenchement de la crise en 2002. Il y va avec le
premier ministre, tout le gouvernement, la facilitation et la communauté
internationale pour célébrer le retour de la paix et la
réunification du pays. D`autres actes de ce type vont s`inscrire dans
cette logique mais ne resteront pour de nombreux sceptiques et surtout
l`opposition, que « symboliques ». La communauté
internationale est, elle, partagée entre un soutien franc de l`APO ou la
critique de ses égarements. Le 10 octobre 2007 dans un rapport, le
Secrétaire général de l`ONU, Ban Ki-moon, se dit «
vivement préoccupé » par la mise en oeuvre de l`accord de
paix en Côte d`Ivoire dont le « ralentissement (...) risque de
compromettre la bonne application ». Selon M. Ban, « le processus de
paix dans son ensemble et l`amélioration de la situation en
matière de sécurité demeureront précaires tant
qu`ils ne seront pas étayés par des progrès concrets
». Deux semaines plus tard, le Conseil de sécurité se dit
préoccupé devant les retards constatés du processus de
paix en Côte d`Ivoire et « appelle fortement les parties à
mettre en oeuvre (...) leurs engagements ». Critiqués à
l`intérieur et pressés à l`extérieur, les
signataires de l`APO se réunissent de nouveau à Ouagadougou,
constatent les retards, annoncent un nouvel échéancier des
actions à accomplir et par conséquent, retouchent ledit accord.
« Des accords complémentaires destinés à
accélérer la sortie de crise par la tenue d`élections
avant la fin du premier semestre 2008 » précisent leurs signataires
qui ne tiendront donc pas leurs promesses d`aller aux élections en
janvier 2008. Il serait néanmoins assez prématuré de
conclure comme certains que malgré quelques avancées, cet accord
a échoué comme les précédents, car évaluer
l`APO ne se comprendrait que dans le cadre général du bilan de la
CEDEAO dans la crise ivoirienne.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 62
B. Bilan et Perspectives...
Que retenir de l`implication de la CEDEAO dans la crise
ivoirienne? Les avis sont tellement divergents que répondre
objectivement à cette question impose d`examiner cette intervention
à la lumière des faits et des aspirations de l`organisation
sous-régionale auprès du patient ivoirien. Cependant, il faut
garder à l`esprit que le médiateur doit être capable
d`éviter l`escalade, amener les parties en conflit à abandonner
toute velléité ou tout acte de provocation afin de s`assurer non
seulement que le conflit est interrompu mais qu`il ne resurgira plus. En fait,
le médiateur est aussi un participant, un distributeur de pouvoir qui
oblige une partie récalcitrante à faire un compromis qu`il ne
veut pas. Il poursuit en soulignant que dans un effort d`identification des
compromis et des compensations, le processus de médiation doit faire
attention aux griefs fondés sur les besoins matériels et les
obédiences culturo-religieuses des protagonistes. La médiation de
la CEDEAO dans la crise ivoirienne (2002-2007) s`est confrontée à
ces exigences. Nous verrons comment elle s`en est sortie (1), qu`y a-t-il lieu
de faire (perspectives) en terme d`amélioration (2) et quelle place pour
les partenaires extérieurs dans la sécurité internationale
en rapport avec l`Afrique (3) ?
1-Bilan dans la gestion de la crise entre 2002 et 2007
Dans un entretien que nous accordé le chargé
principal des Affaires Politiques de la représentation de la CEDEAO
à Abidjan, le bilan de l`organisation dans la période
indiquée est positif. Selon l`ambassadeur Abraham Doukoure, la mission
principale de la CEDEAO, tout au moins jusqu`en 2005, était
d`éviter la reprise des hostilités entre les belligérants.
Malgré des actes hautement bellicistes (comme le bombardement des zones
FN en novembre 2004 par le pouvoir), cet objectif a été atteint
premièrement avec la signature de cessez-le-feu le 17 octobre 2002 par
le principal mouvement rebelle et début juillet 2003, la
déclaration de cessation des hostilités conjointe des FANCI et
des forces rebelles réglant ainsi la composante militaire de la crise
bien plus rapidement que le volet politique. Deux principaux groupes d`acteurs
sont comptables de ce bilan : la communauté internationale (CEDEAO, UA,
ONU) et bien évidemment les parties en conflit.
a) La CEDEAO : comptes et mécomptes
Des petits problèmes d`ego (problèmes
crypto-personnels pour reprendre l`expression du président Abdoulaye
Wade, indexé par certains de ses homologues) entre certains chefs
d`Etat
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 63
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
de la CEDEAO sont apparus au début de la
médiation de l`organisation. Heureusement ces détails
émotifs ont très tôt disparu. On a justement noté
dès Accra II, un regain d`union et à chaque sommet des chefs
d`Etat, les efforts des uns et des autres ont été salués.
Les incompréhensions de départ sont surtout à mettre sur
le plan de leur mauvaise coordination et d`une envie égoïste pour
certains, de paraître comme des deus ex machina. Une trajectoire
aléatoire et laborieuse estime Hugo Sada119 sans toute fois
faire abstraction du bien fondé de cet intervention qui selon lui
comporte trois aspects positifs : le premier est la rapidité de
mobilisation politique en dépit des réticences ivoiriennes ; le
2e est celui de l`accord des pays membres pour mettre a la
disposition de la force armée régionale des unités de leur
propres forces et enfin, le soutien unanime des pays occidentaux en particulier
de la France, et de l`Union européenne, des Nations unies, de l`Union
africaine pour que la CEDEAO par ses interventions politiques et militaires,
devienne un élément central du dispositif de gestion de la sortie
de crise. La coopération avec l`UA a aussi bien fonctionné,
l`organisation panafricaine laissant libre cours à la
sous-régionale et n`intervenant que dans des situations de blocage
extrême.
Au passif de la CEDEAO, il y a surtout le retard de plus de
six mois qu`elle a accusé pour envoyer effectivement ses troupes sur le
terrain en Côte d`Ivoire. En effet les premiers éléments de
sa force, la Mission de la CECEAO en Côte d`Ivoire (MICECI),
baptisée ECOFORCE, composée de 1200 hommes venant de cinq pays
(Benin, Ghana, Niger, Sénégal, Togo) n`ont été
déployés qu`en mars 2003. Sur le terrain donc, cette force n`a
pas joué son rôle avant cette date, laissant la mission de
surveillance du cessez-le-feu à la Licorne. Le retard du
déploiement de l`ECOFORCE s`explique principalement par le manque de
financement promis entre autres par la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni
et l`Allemagne, soit 18.5 millions de dollars. A cet effet, en novembre 2003,
le président de la CEDEAO, a invoqué la faiblesse des moyens
financiers dont dispose sa Communauté pour contraindre les parties
à respecter leurs engagements. Il a donc demandé au Conseil de
sécurité d`envisager la possibilité de créer une
force de maintien de la paix et d`y intégrer la mission de la CEDEAO qui
opère aux côtés des Forces françaises (3 800). Cette
présence des forces françaises, bien que demandée par la
CEDEAO et autorisée par la résolution 1464 a été
qualifiée de partiale par le pouvoir et la rébellion. La
proposition d`organiser des négociations inter ivoiriennes à
Paris lui a aussi été reprochée à la France,
certains estimant que c`est à cause en partie de cette annonce que les
ivoiriens réunis (depuis le 30 octobre) au Togo n`ont
119 - SADA Hugo, Op.cit., p.327
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 64
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
pas pu s`entendre. D`autres ont simplement vu dans cette
combinaison de diplomatie et de défense120, la poursuite des
intérêts français. Une vision partagée par Herwane
Serequeberhan : « la France est incontestablement intervenue en Côte
d`Ivoire pour protéger ses nombreux intérêts
(investissements, ressortissants...), mais également dans le cadre d`une
logique de puissance visant à affirmer son rang sur la scène
internationale en démontrant sa capacité à intervenir et
résoudre les conflits qui relèvent de sa sphère
d`influence : or, sur ce dernier point, l`image de son intervention au niveau
international n`est pas celle d`une réussite121 »,
d`où peut-être, la déduction de Michel Galy122
« De l`imbroglio ivoirien où s`est piégée
l`ex-puissance coloniale, une vérité fragmentaire se fait jour :
on ne gouverne plus - par prétoriens, diplomates ou relais locaux - un
pays africain comme dans le demi-siècle précédent : des
forces politiques autochtones se sont affirmées contradictoirement, sans
que l`on sache qui, des rébellions périphériques ou de
l`étatisme néonationaliste, l`emportera ». Depuis
février 2003, les forces françaises agissent pourtant au nom des
Nations unies.
Le bilan de la CEDEAO doit aussi s`établir en fonction,
et des problèmes et des acteurs en présence.
b) Les parties en conflit : « le dos du nageur est
visible »
En Côte d`Ivoire, l`expression « voir le dos du
nageur » signifie prévoir ou connaitre les intentions de quelqu`un
en fonction de ce qu`il recherche, de son parcours, de sa position, de sa
fonction, de ses actions et de ses promesses antérieures, tenues ou non.
C`est sous ce prisme qu`on peut tenter de percer les motivations, et les
ambitions des principaux acteurs du landerneau politique ivoirien et leur
impact sur le processus de paix.
Depuis le déclenchement de la crise en septembre 2002,
les rebelles (Forces nouvelles), le pouvoir (camp présidentiel) et
l`opposition se disputent invariablement la scène, s`accusant
mutuellement de tous les maux, dans le but avoué ou non pour chacun, de
prendre le pouvoir
120. ZIPPER de FABIANI Henry, « Vers une nouvelle symbiose
entre diplomatie et défense », AFRI 2002, volume III,
p.614-629. Etablissant un rapport entre la défense et la diplomatie, il
affirme que peu importe qu`on qualifie de politique ou de stratégie leur
point de jonction dans la conduite des affaires : défense et diplomatie
sont semblablement soumises au Politique, ainsi qu`aux stratégies, par
définition globales, que celui-ci définit afin de promouvoir les
intérêts d`un Etat sur la scène internationale.
121.SEREQUEBERHAN Hewane, Op.cit., p.330
122. GALY Michel, « Qui gouverne la Côte-d`Ivoire ?
Internalisation et internationalisation d`une crise politico-militaire »,
Politique étrangère, 2005/4, Hiver, p. 806.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 65
s`il le faut, en éliminant politiquement ou
physiquement les autres123. Le général Gueï
disparu, les trois hommes qui se regardent très souvent en chiens de
faïence ont continué a se disputer le haut du pavé tout au
long de ces cinq années (2002-2007).Henri Konan Bédié du
PDCI et Alassane Dramane Ouattara du RDR plus deux autres partis politiques le
MFA et l`UDPCI se sont regroupés au sein du Rassemblement des
houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP).Cette
opposition non armée a à chaque fois que l`occasion s`est
présentée, fait bloc pour, soit contester une décision du
président, soit organiser des manifestations dans la rue pour protester
énergiquement en vue de renverser le rapport de force. Des
manifestations qui d`ailleurs ont été violemment
réprimées par le pouvoir en mars 2005 et en en novembre 2004
notamment faisant des centaines de morts. De par ce type d`actions ou d`autres,
visant par exemple à claquer la porte du gouvernement, cette opposition
a à sa façon contribué au blocage du processus de paix. En
rejoignant cette opposition pour former le Groupe des sept (G7), les FN vont
lui donner un surcroît de force politique radicalisant davantage les
positions. De leur côté, les partisans du président ont
créé le Congres national pour la résistance et pour la
démocratie (CNRD) pour donner le change au G7. Ce régime
d`affrontement qui fait feu de tout bois cristallise les passions des
affidés et des suiveurs des différents leaders. Malheureusement,
la compétition entre ces derniers qui devrait se dérouler autour
de projets de société fondés sur l`inclusion des divers
segments de la communauté nationale se réduit à un combat
pour l`affermissement des uns et l`exclusion des autres124.
C`est dans cette perspective qu`il faut situer les
différentes impasses dans lesquelles se sont trouvés les accords
successifs devant consacrer le retour définitif de la paix en Côte
d`Ivoire. Les deux belligérants se partagent quasiment à part
égale, la responsabilité de l`échec (jusqu`en mars 2007).
Accusant chacun l`autre de n`avoir pas tenu ses promesses, ils semblent se
plaire dans cette situation. Cette cohabitation qui fonctionne non sans heurt,
permet à ces deux partenaires-adversaires et à leurs «
hommes » respectifs, de tirer chacun profit du statu quo125.
Pour le président Gbagbo, par leur refus de désarmer, les
ex-rebelles sont la cause du blocage du processus de sortie de crise. Ceux-ci
lui retournent l`accusation, affirmant qu`il joue à un double jeu dans
lequel, par moment il donne l`impression d`être
123. Le général Robert Guéï a
payé les frais de ce manichéisme exacerbé aux
premières de la tentative du coup d`Etat. Huit ans après son
décès, ni les circonstances, ni les commanditaires, encore moins
les auteurs de son assassinat ne sont connus.
124. BAMBA Kassimi, « Les balbutiements de la
démocratie en Afrique de l`Ouest », Débats, courrier
d'Afrique de l'Ouest, No 66-67, juillet-août 2009, p.37
125.ADOU Kevin, « Côte d`Ivoire : sans
visibilité ! », Débats, courrier d'Afrique de
l'Ouest, No 64, avril 2009, p.3.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 66
sincère et en d`autres occasions, il fait exactement le
contraire de ce qu`il a promis, il en est par exemple du
démantèlement des milices. Renvoyant pratiquement les deux
principaux protagonistes dos-a-dos, Yann Bedzigui126 relève
que « le déroulement des conflits africains porte en germe
l`échec de toute tentative extérieure d`imposer la paix. En
l`absence d`une victoire de l`une des parties, toute sortie de crise est
vouée à être un consensus mou, préalable à de
futurs affrontements...ou à la stagnation, l`étape ultime ».
Si les deux camps continuent à se plaire dans cette situation, la sortie
de crise restera encore un lointain horizon. C`est une donnée que la
CEDEAO n`a peut-être pas intégrée dans ses plans à
court terme. Dans une approche prospective, elle doit y penser et se donner les
moyens pour.
2-Perspectives
Nous l`avons dit plus haut dans ce travail, à
l`origine, la CEDEAO avait une vocation d`intégration à base
économique mais les aléas et les vicissitudes de la vie de ses
membres l`ont amenée presque sans préparation, dans la gestion de
la sécurité collective. Son intervention dans quatre pays
(Liberia, Sierra Leone, Guinée-Bissau et Côte d`ivoire) a
précédé la théorie127. Les leçons
de ces diffringentes expériences doivent proprement être retenues
pour instaurer une « Pax West Africana » dans cette région
troublée affirment Adebajo Adekeye et Rashid Ismail. Pour le cas
ivoirien, les leçons retenues vont de la mauvaise organisation au manque
de financement en passant par le manque de logistique et d`expérience
des « casques verts » de la CEDEAO. Pour leur prise en compte, ces
leçons devraient épouser des perspectives managériales et
logistiques, et bénéficier du soutien des partenaires
extérieurs.
Dans une interview à Afrique Relance128, en
2004, Mohamed Ibn Chambas le Secrétaire exécutif (devenu
Commissaire en 2007) de la CEDEAO a reconnu implicitement les limites de
l`organisation en situations de crise. « Nous devons mener une action plus
préventive, anticiper et mettre en place des systèmes d'alerte
rapide. Nous renforçons nos capacités dans ce domaine. Nous
disposons maintenant de quatre bureaux régionaux, d'observatoires, qui
sont censés faire des analyses plus approfondies de la situation dans
les pays couverts par
126. BEDZIGUI Yann, Op.cit., p.173
127. ADEBAJO Adekeye and RASHID Ismail, « Pax West Africana
? Regional Security Mechanisms », Boulder and London : Lynne
Rienner, 2004,p.16
128. Afrique Relance, Vol.18#1, avril 2004, p. 12
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 67
chaque bureau (...) Nous utilisons aussi le mécanisme
que constituent nos réunions de chefs d'Etat pour voir comment ils
peuvent se parler en toute franchise pour empêcher que les
situations ne dégénèrent.
Malheureusement, nous n'avons pas fait preuve du courage et de
détermination nécessaires pour intervenir au moment opportun afin
d'empêcher les situations de crise d'empirer ». Apprenant de ses
erreurs, la CEDEAO a commencé à se mouvoir plus rapidement et a
attire l`attention au moment opportun. Tout n`est certes pas parfait comme nous
avons essayé de le montrer mais grâce au volontarisme de plus en
plus affiché de ses membres, l`horizon va continuellement se
dégager pour plus d`efficacité autant sur le plan militaire que
de la gouvernance démocratique.
a) Plus d'efficacité sur le plan
sécuro-militaire
La crise ivoirienne revêt un aspect régional
indiscutable. Autant les rebelles que le pouvoir ont eu recours a un moment
donne ou a un autre aux mercenaires libériens ou sierra léonais
quasiment au chômage depuis le début d`accalmie dans leurs pays
respectifs. Ce phénomène s`accompagne d`une prolifération
des armes légères aux frontières qui de par leur
porosité restreignent leur contrôle. En plus des richesses
naturelles abondantes dans la sous-région, ces deux facteurs sont les
dénominateurs communs des guerres et crises qu`ont connues le Liberia,
la Sierra Leone, la Guinée-Bissau, la Guinée Conakry et la Cote
d`Ivoire. « L`évolution de la géostratégie
sous-régionale a conduit les acteurs collectifs, en particulier les
communautés économiques régionales (CER) à prendre
en compte la dimension sécuritaire de leur politique commune dans les
protocoles de coopération. Les récentes adaptations
institutionnelles conduites par la Cedeao et l`engagement d`une force militaire
ouest-africaine dans la crise politicomilitaire en Côte d`Ivoire sont
emblématiques de cette prise de conscience129 ». Dans le
cadre des réformes entamées au moins deux ans avant, les chefs
d`Etat et de gouvernement ont entériné en 2007 la transformation
du Secrétariat de la CEDEAO en une Commission qui devient un organe
décisionnel. Ses attributions sont ainsi renforcées pour prendre
des mesures visant la prévention, la gestion, le règlement des
conflits, le maintien de la paix et la sécurité dans la
sous-région. A cet effet, le système d`alerte précoce de
la CEDEAO connu sous le sigle ECOWARN (ECOWAS Early Warning and Response
System) est d`une importance capitale. L`alerte précoce implique une
réponse rapide. « Les décideurs doivent accepter l`analyse,
décider d`agir rapidement et soutenir
129-AUGE Axel, « Les réformes du secteur de la
sécurité et de la défense en Afrique sub-saharienne
», Afrique contemporaine, no 218, février
2006.p.54.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 68
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
financièrement l`opération ».
Présent dans quatre grandes zones (Banjul. Ouagadougou, Monrovia et
Cotonou) couvrant l`ensemble de l`espace CEDEAO, le système apporte des
réponses sous forme de médiation, aux niveaux humanitaire et
militaire. C`est dans cette perspective qu`il a été adopté
en juin 2004, le principe de la création d`une force de 6500
hommes déployable immédiatement dans la sous
région en cas de troubles130. En plus du système
d`alerte précoce, la CEDEAO dispose pour son
opérationnalité de la Commission de défense et de
sécurité qui réunit les chefs d`Etat major de la
sous-région, les chefs de la gendarmerie et de police, du Conseil des
Sages, et de l`ECOMOG qui n`existe plus en tant que tel mais qui adapte son
acronyme au nom du pays en question comme ECOMICI pour la Côte
d`Ivoire131. Toujours sur le chantier de la prévention et de
la gestion des conflits, la CEDEAO sera par ailleurs dotée d`une des
cinq brigades régionales de 5 000 hommes chacune, pour un total de 25
000 hommes pour constituer la Force africaine permanente qui devrait être
opérationnelle en 2010 selon les plans de l`UA. Les militaires occupent
également une place de choix dans le protocole additionnel sur la
démocratie et la bonne gouvernance.
b) Plus de place à la démocratie et au
respect de ses règles
La CEDEAO a manqué de cohérence et de leadership
par moment dans sa gestion de la crise ivoirienne. Du fait de son polymorphisme
politique et économique (le concept de démocratie est très
variable parmi ses membres dont certains partagent en commun la
pauvreté). En effet, selon qu`on est vu comme un pays
démocratique par la communauté internationale ou prospère
sur le plan économique, sa voix compte plus au sein de l`organisation
pourtant c`est sur la base de l`égalité de ses membres que la
CEDEAO fonctionne. A côté de la carte démocratique que
jouent certains (Ghana, Mali, Benin, Sénégal) il y a les
affinités, les soupçons et accusations de déstabilisation
qui plombent aussi souvent l`organisation. Pour plus d`efficacité, la
CEDEAO devrait donc réfléchir sur ces dysfonctionnements
structurels en interne afin de mieux appréhender l`externe, la
réalité individuelle de ses membres.
130. Cette force encore embryonnaire sera composée d`un
contingent d`intervention rapide ou force expéditionnaire de la CEDEAO
d`un effectif de 1500 hommes, d`un groupe complémentaire de 3500 hommes
et d`une force de réserve de 1500 hommes. Ladite force sera
opérationnelle en 90 jours et pourra intervenir dans un délai de
30 jours.
131. Colonel KONE Yoro, Directeur du Centre d`observation et de
suivi de la CEDEAO. Il a présenté une communication lors du
séminaire sur les « Instruments régionaux de gouvernance
démocratique et de prévention des conflits en Afrique de l`Ouest
» (Synthèse, p.17), Dakar (Sénégal),
16 au 19 octobre 2007.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 69
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Le Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne
gouvernance est le levier de la CEDEAO pour inciter ceux-ci à plus de
démocratie. Il condamne notamment toute forme d`accession au pouvoir qui
ne soit pas issue des urnes et insiste sur l`organisation d`élections
libres et transparentes. Le protocole consacre aussi la séparation des
trois pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) et la
laïcité de l`Etat. A propos de la bonne gouvernance, l`article 42
stipule que les Etats membres conviennent de ce que la bonne gouvernance et la
liberté de la presse sont essentielles pour la préservation de la
justice sociale, la prévention des conflits, la sauvegarde de la
stabilité politique et de la paix et le renforcement de la
démocratie. A côté de ce cadre juridique presque parfait,
la réalité laisse souvent à désirer : «
Persistance de la grande corruption dans nombre de pays malgré les
dispositifs et d`éventuelles actions de lutte, graves déficits
démocratiques et, dans certains cas, persistance de graves crises de
gouvernance politique avec comme corollaire l`instabilité,
l`insécurité et la stagnation économique et sociale,
faiblesse de l`Etat et du secteur de sécurité touché dans
certains cas par la dislocation ou la fragilisation des forces de
défense et de sécurité en rapport avec des
rébellions ou des crises politiques. Conséquemment, 9 Etats sur
15 membres de la CEDEAO sont classés parmi les =`États
fragiles«, selon les critères du Comité d`aide au
développement (CAD) de l`Organisation de coopération et de
développement économique (OCDE)132 ». Ces maux
deviennent très souvent malheureusement la règle dans beaucoup de
pays en Afrique et particulièrement dans la CEDEAO. Plus gravement
encore, l`organisation se retrouve généralement dans
l`impossibilité d`y mettre un terme ou de les anticiper afin de mieux
les combattre. Les raisons de ce constat d`échec sont entre autres la
souveraineté des Etats membres et la faiblesse des sanctions. Par
exemple, au terme de l`article 45 du Protocole, il est dit qu`en cas de rupture
de la démocratie par quelque procédé que ce soit et en cas
de violation massive des Droits de la Personne dans un Etat membre, la CEDEAO
peut prononcer à l`encontre de l`Etat concerné des sanctions. Des
sanctions qui vont du refus de soutenir les candidatures
présentées par l`Etat membre concerné à des postes
électifs dans les organisations internationales, au refus de tenir toute
réunion de la CEDEAO dans ledit Etat. La sanction suprême est la
suspension de l`Etat membre concerné dans toutes les Instances de la
CEDEAO. Le piétinement des règles démocratiques et de la
gouvernance rend instables les membres de l`organisation et cette
instabilité déteint sur son efficacité. Veiller donc a
leur respect doit être une priorité de la CEDEAO parce qu`elle y a
tout à gagner, ses Etats membres surtout comme le suggère l`ONU :
dans son Rapport d`activités de 2005, le Groupe
132. Ibid., p.10
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 70
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
de travail spécial du Conseil de sécurité
sur la prévention et le règlement des conflits en
Afrique133 souligne que « renforcer la gouvernance et les
capacités permet de promouvoir la démocratie, l`état de
droit et une gestion saine des affaires publiques, et contribue à
prévenir les conflits. En outre, assurer le bon fonctionnement des
institutions publiques pour garantir l`état de droit, la
sécurité du public et la prestation de services de base est une
entreprise de longue haleine, primordiale pour parvenir à gérer
les conflits et à consolider la paix. Il faut aussi soutenir les mesures
visant à améliorer la gestion des ressources naturelles par les
pays d`Afrique vulnérables aux conflits, et lutter contre le commerce
illicite d`armes légères ». Le travail est une course
d`obstacles et la situation économique de la majorité des pays
africains en est l`un des premiers que la CEDEAO doit surmonter...avec l`aide
de ses partenaires extérieurs.
3) L'internationale sécuritaire
A chaque fois que la force CEDEAO s`est interposée pour
rétablir l`ordre et la paix dans un pays en crise, elle a toujours
été remplacée par les casques bleus onusiens, souvent
à la demande des africains. Les raisons sont généralement
d`ordre financier et logistique. C`est pourquoi l`apport des partenaires
extérieurs est continuellement souhaité et attendue.
a) Raisons de soutenir la CEDEAO
La CEDEAO a prouvé qu`elle peut effectivement s`occuper
de la sécurité dans sa sphère géographique. Ses
deux moyens traditionnels son la diplomatie et le maintient de la paix. Elle
devra à court terme intégrer aussi la consolidation de la paix.
Si sur le plan diplomatique elle s`en sort assez bien, elle a encore du chemin
à faire sur les plans de la prévention et de la gestion des
crises. Elles vont de paire, ne s`embarrassent pas d`amateurisme et le
volontarisme à lui seul ne suffit pas. Sur le plan théorique, la
CEDEAO a bien conçu la gestion de la sécurité globale
même si on peut déplorer qu`il n`y ait pas de corrélation
évidente et pertinente avec le local qui pourtant auprès duquel
s`abreuve la CEDEAO. Dans le
133. Le Groupe de travail spécial du Conseil de
sécurité sur la prévention et le règlement des
conflits en Afrique a été créé par une note du
Président du Conseil du 1er mars 2002 , lui conférant le mandat
entre autres de: Examiner, en particulier, les questions régionales et
les questions se posant dans différents conflits qui ont une incidence
sur les travaux du Conseil relatifs à la prévention et au
règlement des conflits en Afrique; Faire des recommandations au Conseil
de sécurité en vue d`améliorer la coopération en
matière de prévention et de règlement des conflits entre
l`Organisation des Nations Unies et les organisations régionales (UA) et
sous-régionales. Le Conseil de sécurité, dans une note de
son président du 31 décembre 2007, avait prorogé ce mandat
jusqu`au 31 décembre 2008.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 71
cadre de la gestion des conflits, le Mécanisme stipule
que les Etats membres conviennent de mettre a la disposition de I`ECOMOG des
unités dotées de moyens adéquats, des armées de
terre et de l`air, de la marine, de la gendarmerie, de la police, ou de toutes
autres formations militaires, para-militaires, ou civiles pour
l`accomplissement des missions assignées. Chaque Etat membre est tenu de
libérer immédiatement sur demande, les modules de force en
attente avec les équipements et le matériel
nécessaires.
Pour financer toutes ces opérations, il est
prévu un pourcentage de prélèvement auprès des
Etats qui n`est pas connu. Mais la CEDEAO dit explicitement (chapitre 32,2)
qu`une demande de financement spéciale sera adressée à
1`ONU et à d`autres agences internationales. Le financement des
opérations peut également provenir de l`UA, de contributions
volontaires, de subventions, ainsi que de la coopération
bilatérale et multilatérale. Il apparait donc que la CEDEAO n`a
vraisemblablement pas les moyens de sa politique. « Peu de pays africains
sont à même de déployer un bataillon dans le cadre d`une
opération de maintien de la paix ou d`une force multinationale sans
l`apport d`une assistance considérable. Par ailleurs, rares sont les
pays qui disposent d`unités spécialisées dotées de
matériel ou de connaissances spécialisées suffisants pour
assurer les services nécessaires : organisation technique,
communications, services médicaux ou contrôle des
mouvements134 ». Eric G. Berman et Katie E. Sams ajoutent que
les États africains doivent s`efforcer d`avancer progressivement et
résister à la tentation de passer d`un plan ambitieux à
l`autre sans effet. Les organisations régionales et
sous-régionales africaines devraient se montrer plus pragmatiques sur ce
qu`elles peuvent accomplir ou pas à court et à moyen termes. Les
projets trop ambitieux détournent des ressources déjà
limitées de projets plus réalistes ». Des difficultés
que reconnait l`ONU en mars 2008. Présentant son Rapport sur les
relations entre l`ONU et les organisations régionales, le
secrétaire général dit que si les organisations
régionales font preuve d`une volonté politique louable de faire
face aux conflits existants et nouveaux, il leur est souvent difficile de
réagir à temps, faute de ressources financières et
logistiques suffisantes. Il avait alors été décider de
doter l`Union africaine et les communautés économiques
régionales des capacités de gestion appropriées pour mener
des opérations de paix et de sécurité, mobiliser
efficacement les ressources financières et logistiques, en mettant
l`accent sur la mobilisation des ressources internes, accroître le
rôle de la société civile dans l`éducation pour la
paix et la promotion d`une culture de paix, créer des
134. G. BERMAN Eric et E. SAMS Katie, « Le maintien de la
paix en Afrique ».Forum du désarmement, mars 2000, p.23-34
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 72
conditions favorables au secteur privé...Si l`ONU se
focalise davantage sur la diplomatie et le « light support » (appui
léger) sur le plan militaire, les pays occidentaux eux s`invertissent
dans des programmes et des formation plus conséquents. En 2005, une
dizaine de pays occidentaux avait genre d`appuis en Afrique
b) Apports des partenaires extérieurs
Deux principales raisons expliquent généralement
les programmes de formation et de soutien des pays occidentaux aux pays
africains et à leurs organisations panafricaine et
sous-régionales. Il y a d`abord le dédain de plus en
fréquent de l`occident à s`impliquer directement dans les
conflits africains. Il y a ensuite la préservation de leurs
intérêts ou pour certains de la gestion de leur héritage
colonial. Les principaux pays soutenant des initiatives de formation militaire
en Afrique sont les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne. Dans
l`ensemble ces initiatives n`ont qu`une différence de degré.
Les programmes américains : l'ACRI et
l'ACOTA
L`initiative de Réponse aux Crises Africaines (ACRI) et
l`Aide et Entraînement aux Opérations de Crises Africaines (ACOTA)
sont les deux programmes militaires initiés par les Etats-Unis en
Afrique. Après la fin de l`ACRI, l`ACOTA bénéficie depuis
février 2007, du soutien technique et logistique
d`AFRICOM135, le Commandement des Etats-Unis pour l`Afrique. Selon
Vincent Laborderie « depuis l`échec de l`intervention en Somalie en
19921995, la doctrine américaine consiste clairement à
éviter l`envoi de soldats dans des missions de maintien de la paix en
Afrique. La solution trouvée a consisté à aider les pays
africains à fournir des troupes aux opérations de maintien de la
paix de l`ONU sur le continent136 ». Sur le document de
présentation de l`ACOTA produit par AFRICOM sur son site137,
le Commandement américain présente l`ACOTA comme le successeur de
l`ACRI qui en 1997 inaugura le programme de maintien de la paix des Etats-Unis
dans quatre pays africains.
135. Sur
www.africom.mil, le site
d`Africom, « Ce Commandement pour L`Afrique est le résultat de la
réorganisation de la structure du Commandement militaire des Etats-Unis,
établissant ainsi un seul Etat-major administrative responsable au
Secrétaire de la Défense pour toutes relations militaires avec
les 53 nations Africaines. Contraire au Commandements Unifiés
traditionnels, le Commandement des Etats-Unis pour l`Afrique se centralisera
sur la prévention des conflits au lieu de combattre une guerre. Le
Commandement des Etats-Unis pour l`Afrique compte travailler avec les nations
et les organisations Africaines pour édifier la sécurité
régionale et la capacité de répondre au conflit supportant
les efforts des Etats-Unis en Afrique ».
136. site internet du réseau francophone de recherche sur
les opérations de paix (accès le 11/06/2010), LABORDERIE
Vincent, ACRI/ACOTA,
www.operationpaix.org
137.
www.africom.mil, Op.cit,
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 73
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
« Depuis lors, l`ACOTA a intégré 21 pays
africains partenaires. Même si l`objectif immédiat est de soutenir
l`érection d`une force d`alerte de l`UA courant juin 2010, son objectif
à long terme est d`assister l`UA, les brigades régionales et les
soldats des pays africains contributeurs de troupes dans les opérations
de paix aussi longtemps que ces pays le voudront. Depuis 2004, l`ACOTA a
formé environ 45.000 soldats africains et 3.200 formateurs qui ont
contribué au lancement des opérations de paix en
République démocratique du Congo, au Libéria, Burundi,
Liban, en Côte d`Ivoire et en Somalie ». Mais, selon Jacques Aben,
« au contraire de RECAMP, les pays bénéficiaires du
programme sont le résultat d`une sélection. La stratégie
consiste à faire bénéficier des zones
particulièrement visées de programmes d`assistance militaire
(Algérie, Maroc, Tunisie, Egypte ; Sénégal, Mali,
Mauritanie, Niger, Tchad ; Kenya), à s`implanter militairement pour
contrôler le Golfe de Guinée et l`entrée de
la Mer Rouge (bases de Sao Tomé et Djibouti) et
à prolonger l`entente avec l`Afrique du Sud 138 ».
Le programme britannique
Le Royaume Uni conçoit sa politique et son action en
faveur de la prévention des conflits à travers le système
de l`Africa Conflict Prevention Pool (ACPP). « Existant depuis 2001,
l`ACPP est conjointement dirigé par le DFID, le Foreign and Commonwealth
Office (FCO) et le Ministry of Defence (MOD). Il conduit des analyses
conjointes et attribue des ressources. L`ACPP disposait d`un budget de
64,5M£ pour 2007/2008 : le MOD en met en oeuvre environ 30M£ , et ce
annuellement, au profit du renforcement des capacités africaines pour
les Opérations de Soutien de la Paix (OSP) et d`actions de
réforme du secteur de sécurité, destinées à
promouvoir en Afrique des forces armées professionnelles et
démocratiquement responsables139 ». Par ailleurs, «
au niveau continental, le Royaume Uni soutient (avec d`autres donateurs)
l`Union Africaine et son projet de développement de la Force Africaine
en Attente (FAA), en apportant une assistance technique et financière
à sa Division des Opérations de Soutien de la Paix (PSOD). Au
niveau régional, le Royaume Uni est actuellement impliqué plus
étroitement au profit des composantes est- et ouest-africaines de la
Force Africaine en Attente (FAA). Le Royaume Uni assiste la Communauté
Economique des Etats d`Afrique de l`Ouest (CEDEAO) dans sa mise en place du PC
et de l`Etat-Major de
138. ABEN Jacques, La gestion des crises, in BEIU
Gabriela (dir.), LEBAS Colomban (dir.), Centre d`études et de recherches
de l`enseignement militaire (CHEM-CEREMS), Paris, 2005,p.23
139. « Actions au profit des capacités africaines
pour les opérations de soutien de la Paix : l`approche britannique
», dossier paru le mercredi 14 novembre 2007 sur le site
www.diplomatie.gouv.fr
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 74
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
planification de la Brigade en Attente de la
CEDEAO140 ». Enfin, Jacques Aben précise que «
l`ACPP agit en quatre zones centrées autour des foyers de crises et des
traditionnels alliés britanniques : à l`Ouest, Sierra Leone,
Nigeria, Ghana ; à l`Est, le Soudan, l`Erythrée, l`Ouganda, la
Somalie et l`Ethiopie ; vers les Grands Lacs, la RDC et le Burundi ; enfin au
Sud, l`Angola, le Zimbabwe et l`Afrique du Sud. Les Britanniques se
déploient moins et envoient peu d`aide « en nature » mais
financent beaucoup les missions africaines de paix, notamment dans les pays
anglophones. Quant aux équipes britanniques de soutien à la paix
(BPST), elles ont pour objectif de former 17 000 soldats africains, issus en
particulier des pays anglophones puissants (Ghana, Nigeria, Afrique du
Sud)141 ».
La France et son RECAMP
La France a conçu et proposé le Renforcement des
capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP) en 1997. Le concept
RECAMP « en adéquation avec les besoins exprimés par les
pays africains en matière de maintien de la paix et en pleine
cohérence avec l`action des Nations Unies, de l `Union
européenne, du G8 et de l `Union africaine, RECAMP vise à
contribuer au renforcement des capacités militaires des pays africains
afin de leur permettre, s`ils le désirent, de concevoir et de mener des
opérations de paix sur leur continent. RECAMP contribue également
au développement et au renforcement du rôle des organisations sous
régionales africaines en matière de sécurité dans
un climat de confiance mutuelle...142 ».
Le programme s`articule autour de trois axes : la
coopération, l`entrainement et l`engagement. « Le volet
coopération technique de RECAMP s`applique aux niveaux politique,
politico-militaire et militaire. Il vise à participer à la mise
en place des outils et des capacités de prévention et de gestion
des crises africaines au sein des organisations sous-régionales, en
liaison avec le département des opérations de maintien de la paix
de l`ONU (DOMP) et avec l`Union Européenne dont l`implication tend
à croître143 ». En ce qui concerne
l`entraînement, il est « Co-organisé par un ou plusieurs pays
africains et la France, exécuté au niveau sous-régional et
associant de nombreux partenaires internationaux, l`entraînement vise en
priorité d`une part la prise de décision et la planification aux
niveaux stratégique et opératif et d`autre part
l`interopérabilité des forces. Il s`organise en cycles de deux
ans autour de trois axes : un exercice majeur, des cycles
intermédiaires, des exercices hors cycle144». Finalement
l`engagement se manifeste lorsqu`une crise survient : « une organisation
sous-régionale engage une force interafricaine autorisée par
l`ONU et en accord avec l `UA, RECAMP offre alors son expertise, ses
capacités, voire ses équipements, pour mettre sur pied et
soutenir une partie de la force, en coopération avec d`autres
partenaires non africains145 ».
140. Ibid.
141. ABEN Jacques, Op.cit., p.25
142. Source , site internet Recamp 4 :www.recamp4.org
143.Ibid. 144.Ibid. 145.Ibid.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 75
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
A l`analyse, ces différents programmes et bien d`autres
servent d`abord les intérêts de leurs initiateurs et
subsidiairement ceux de l`Afrique. Certes l`internationale sécuritaire
n`a pas de limite et personne n`est à l`abri d`une déconvenue.
C`est peut-être sur ce point que les africains devraient davantage
s`appesantir dans les pourparlers avec ceux qui les aident à combattre
toutes formes d`insécurité sur le continent et
particulièrement en Afrique de l`Ouest. Si pour les occidentaux la
sécurité concerne d`abord l`approvisionnement en pétrole
et la lutte contre le terrorisme, pour les africains, la lutte doit être
axée contre la pauvreté, la corruption et pour le
développement. Pour G. Berman Eric et E. Sams Katie, en fournissant
à l`Afrique une formation et du matériel utiles pour le maintien
de la paix, les pays occidentaux espèrent se soustraire à
l`obligation d`intervenir directement en Afrique. Mais, nuancent-ils, si l`on
veut vraiment rendre les africains plus autonomes, il est indispensable de leur
fournir du matériel qui les aide à maintenir la paix et une
assistance logistique sur le terrain; or ce sont là les
éléments qui tiennent le moins de place dans les programmes
occidentaux existants. Apporter aux soldats de la paix africains le type et la
quantité de matériel ainsi que l`appui logistique qui leur sont
nécessaires pour s`attaquer vraiment aux crises du continent n`est
à l`heure actuelle possible ni sur le plan financier ni sur le plan
politique 146 ».
L`alternative serait donc pour la CEDEAO
singulièrement, de chercher les voies et moyens pour trouver localement
des financements à ses opérations. Cependant, parce que
très onéreuses, les africains de l`Ouest pourraient en faire
l`économie en capitalisant sur une gestion saine et honnête des
biens publics, en investissant beaucoup dans l`éducation, en promouvant
davantage la démocratie et en fortifiant l`intégration
sous-régionale. Un, deux pays en crise signifie partager plus de
problèmes, moins de développement et simplement la
pauvreté en commun...
146.G. BERMAN Eric et E. SAMS Katie, Op.cit.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 76
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
CONCLUSION GENERALE
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 77
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Au moment où (mai 2010) nous bouclons ce travail, la
Côte d`Ivoire est encore incertaine quant à son avenir. Les
élections présidentielles ont déjà
été reportées six fois depuis octobre 2005. Bien malin qui
dirait si elles seront finalement organisées en 2010. Les mêmes
causes pour lesquelles elles n`ont jamais eu lieu jusqu`ici sont à
nouveau rassemblées. Il s`agit de l`identification et du recensement des
électeurs, la question du désarmement des ex-rebelles, les
relents d`exclusion, le pouvoir effréné pour l`héritage de
la « dépouille » du système clientéliste, la
pauvreté dont le taux s`élève désormais à
près de 49% au niveau national. A cela il faut ajouter des limites
structurelles (la dépendance à la France et une économie
très portée vers l`extérieur...) Toutes proportions
gardées, ce sont ces mêmes causes qui ont provoqué la crise
de 2002. La catharsis tant attendue ne s`est pas produite. Six Accords et une
vingtaine de résolutions plus tard, on a avancé à peine
d`un pas. Faute collective, faute non assumée. Entre 2002 et 2007,
pouvoir, ex-rebelles, opposition et médiations, tout le monde a
tergiversé, nolens volens. D`où le sentiment
général d`échec malgré des acquis comme les
audiences foraines ou le redéploiement de l`administration dans les
zones occupées (40% du territoire) par la rébellion.
Pour la CEDEAO, son but qui était d`arrêter les
hostilités et éviter une nouvelle escalade entre
belligérants a été atteint. De ce point de vue (elle n`en
avait pas d`autres), le bilan de son implication dans cette crise est donc
positif. Mais il est loisible de relever aussi qu`elle aurait pu faire mieux.
Après avoir tant bien que ma géré ses querelles
paroissiales, elle n`a jamais haussé le ton, jamais fait de
déclaration condamnant fermement la non application des accords. Elle
n`a jamais mis les principaux protagonistes devant leurs
responsabilités...Trois ans après la signature de l`Accord
politique de Ouagadougou, il apparait donc que, finalement, le problème
n`était pas les accords, suscités par les ivoiriens ou non. La
solution aurait dû résider et réside dans leur application.
Une application biaisée par les principaux acteurs (pouvoir et
rébellion). C`est une constance en Afrique déplore notamment Yves
Alexandre Chouala qui invoque la mauvaise volonté des
belligérants mais aussi, « sans doute parce qu`ils (les accords)
sont imposés par une intervention assez rapide de la communauté
internationale au moment où les rapports de force sur les champs de
combat n`indiquent pas encore la supériorité militaire d`une
partie au conflit. Et, dans des contextes où aucune partie n`estime
avoir perdu la guerre, il est difficile d`obtenir une application rapide et
totale
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 78
d`accords de paix dont certaines dispositions - celles
touchant au désarmement et à la démobilisation -
s`apparentent à des actes de capitulation147 ».
C`est quasiment le tableau que présente la Côte
d`Ivoire en 2007... Réfractaires au désarmement, les ex-rebelles
continuent de considérer la question comme un détail qui ne
saurait être un préalable pour aller aux élections.
Auto-suffisantes en ressources naturelles, financières (elles
prélèvent les impôts dans les zones qu`elles
contrôlent) et agraires, en cacao notamment (3% de la production mondiale
selon Global Witness), les Forces nouvelles peuvent continuer d`entretenir
leurs troupes et s`armer. Leur numéro 1, Guillaume Soro, premier
ministre depuis 2007, est en même temps joueur et arbitre. Le processus
de sortie de crise dépend beaucoup de lui. En face ou à
côté de lui, le président Laurent Gbagbo qui, en faisant
une fixation sur le désarmement sait qu`il obtiendra en retour une
réponse ambiguë ou tout simplement un refus de la part des FN. Une
situation qui l`arrange, donnant de lui l`image d`une victime qui s`est
officiellement réconciliée d`avec ceux qui voulaient sa chute et
qui en retour ne veulent pas déposer les armes. La principale
retombée pour Laurent Gbagbo est de rester indéfiniment au
pouvoir car dans le fond, des élections régulières et
transparentes ne lui seraient pas forcément favorables. Sur le terrain,
le RHDP, la grande coalition des partis de l`opposition est majoritaire dans le
pays à 65 ou 70% (résultats des élections municipales de
2001 et départementales de 2002 auxquelles tous les grands partis
politiques ont participé).
L`impasse pourrait encore durer longtemps. Et la
communauté internationale (ONU) devra alors mettre un terme à sa
politique de l`autruche qui consiste à continuer à jouer le
rôle d`accompagnement (suivisme) auquel les anciens belligérants
l`ont réduit. Étant à la base des résolutions 1633
et 1721, la CEDEAO et l`UA devraient déclarer l`urgence à
résoudre la crise ivoirienne et s`y mettre effectivement, en saisissant
le Conseil de sécurité de l`ONU afin d`imposer la paix en
Côte d`Ivoire. A défaut, il faudra continuer à se contenter
d`expédients et de demi-mesures (ICG) ou alors, commencer d`abord par
une transition du genre que propose Francis Wodie148 pour qui, peu
importe le type de solution à la crise ivoirienne (juridique ou
147. CHOUALA Yves Alexandre, « Puissance,
résolution des conflits et sécurité collective à
l`ère de l`Union Africaine », AFRI, 2005, p. 298
148. WODIE Francis, Le conflit ivoirien : solution
juridique ou solution politique ? Abidjan, Les Editions du CERAP, 2007,
p.21
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 79
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
politique), l`essentiel c`est la paix...C`est le moins que
l`on puisse souhaiter à un « Etat fragile » comme la
Côte d`Ivoire.
Finalement, l`attitude de la France. Soupçonnée
d`avoir financé la rébellion à partir des Etats voisins de
la Côte d`Ivoire, refusant de faire la guerre aux « assaillants
» comme le souhaitait le pouvoir, elle est restée longtemps sur la
défensive. Guidée très souvent plus par ses
intérêts économiques, elle a pris l`initiative sur toutes
les résolutions sur la Côte d`Ivoire à l`ONU
(peut-être parce qu`elle connait mieux le terrain...). Certains ivoiriens
lui sont toujours opposés et les réactions au cours des cinq
dernières années le prouvent à suffire. C`est l`une des
raisons expliquant la nouvelle attitude de Paris : rester loin des projecteurs,
mesurer toute déclaration publique, bref cesser de se comporter comme si
la Côte d`Ivoire était une partie de la France. « Les
français ne peuvent pas vouloir plus notre bien que nous-mêmes
a-t-on coutume de dire en Côte d`Ivoire ». Les nouvelles
dispositions diplomatiques de la France sont bonnes pour les affaires. Mais
Paris peut-elle ouvertement fermer les yeux sur les dérapages
démocratiques en Côte d`Ivoire (comme le font certains) pour
préserver ses intérêts économiques ? Quelle serait
la viabilité d`une telle option ? A contrario, la France peut-elle avoir
le courage de se désengager ne serait-ce qu`émotionnellement et
culturellement de la Côte d`Ivoire ?
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 80
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
TABLE DES ANNEXES
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 81
1-
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Fiche-pays Côte d`Ivoire
2- Carte des Etats membres de la CEDEAO
3- Forces en présence
4- Accords de Marcoussis
5- Accord politique de Ouagadougou
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 82
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
BIBLIOGRAPHIE
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 83
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
TABLE DES MATIERES
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 84
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
4
REMERCIEMENTS
5
6
10
14
16
17
17
18
19
21
22
23
25
27
28
29
31
33
34
35
35
SOMMAIRE
ABREVIATION .
INTRODUCTION
Problématique .
PREMIERE PARTIE : LA CRISE IVOIRIENNE ET LA
CEDEAO ..
I- Aperçus et significations
A. Les causes de la crise ivoirienne
1) Les causes socio-politiques ..
a) L`ivoirité
b) L`exploitation de l`ivoirité
2) Les causes économiques
a) Les débuts de l`économie ivoirienne
b) Les institutions de Bretton Woods
c) La crise sous le prisme des multinationales
3) La question de l`armée
a) Théâtre des opérations
b)Le quatuor (Ouattara, Bédié, Guei, Gbagbo) et les
militaires .
B. La sécurité collective en Afrique : le cas de la
CEDEAO
1) Contexte et justifications dans le maintien de la paix ..
a) L`ONU et les acteurs régionaux dans le maintien de la
paix
b) Matérialisation de la coopération entre l`ONU
et les acteurs régionaux
2) Instruments normatifs de la CEDEAO pour la prévention
et la résolution
36
des conflits a-Le Mécanisme pour la
prévention, la Gestion, le Règlement des Conflits
37
38
et la Sécurité
b-Le Protocole sur la Démocratie et la bonne Gouvernance,
c-Convention de la CEDEAO sur les armes légères et de petit
calibre, leurs munitions
39
41
et autres matériels connexes
3) Les expériences passées de maintien de la paix
de CEDEAO .
43
44
DEUXIEME PARTIE : LA GESTION DE LA CRISE
II- La CEDEAO dans la crise ivoirienne : 2002-2007
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 85
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
A. Implication et rôle de la CEDEAO dans la crise
ivoirienne . 44
1) La CEDEAO en sapeur-pompier ...
44
a) Prompte réaction de la CEDEAO ....
44
b) Le cessez-le-feu du 17 octobre 2002 ....
45
2) La France a la rescousse de la CEDEAO : Les Accords de
Marcoussis ....
47
a) Justification ....
48
b) Réactions aux Accords de Marcoussis ...
51
3) La CEDEAO se remet en scène ....
53
a) Les Accords d`Accra II et III ...
54
b) De Pretoria à Ouagadougou .... 57
c) L`Accord politique de Ouagadougou ...
60
B. Bilan et perspectives .....
63
1) Bilan dans la gestion de la crise (2002-2007) ....
63
a) CEDEAO : comptes et mécomptes ...
63
b) Les parties en conflit : « Le dos du nageur » est
visible ....
65
2) Perspectives .
67
a) Plus d`efficacité sur le plan sécuro-militaire
....
68
b) plus de place à la démocratie et au respect de
ses règles ...
69
3) l`internationale sécuritaire ...
71
a) Raisons de soutenir la CEDEAO .. 71
b) Apports des partenaires extérieurs .... 73
CONCLUSION GENERALE 77
Table des annexes ....
81
Bibliographie ...
83
Table des matières ...
84
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 86
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Table des Annexes
Annexe (1)
Fiche pays/Cote d'Ivoire
Fiche-pays/Cote d'Ivoire
Dernière mise à jour : Janvier
2010
Données de base
La Côte d'Ivoire est classée 163e sur 182 pays sur
l'indice du développement humain (2009) du Pnud.
Classement Doing Business (2010) : Aucune réforme
majeure n'a été mise en oeuvre et le classement de la Côte
d'Ivoire s'est détérioré, plaçant le pays à
la 168ème place sur 183 États.
Près de 3 000 personnes ont été tuées
au cours de la guerre civile en Côte d'Ivoire, et 700 000 ont
été déplacées.
Le taux de prévalence du VIH/SIDA, qui est actuellement
estimé à 4,7 %, est inférieur aux
évaluations précédentes, mais reste
très élevé dans les zones de guerre en raison de la
violence sexuelle et de l'augmentation de la prostitution.
La pauvreté a augmenté, passant de 38,2 % juste
avant la crise en 2002, à 48,9% en 2008. Bien qu'il s'agisse d'une des
économies les plus importantes de la région (elle
représente près de 40 % de l'activité économique de
l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine, l'UEMOA), le
conflit a été un obstacle au développement
économique de la Côte d'Ivoire. Entre 2000 et 2006, la croissance
économique moyenne est devenue négative (-0,4 %) et était
inférieure à celle des autres pays de l'UEMOA (4,1 %) et de
l'Afrique subsaharienne (4,9 %).
En 2007 et 2008, l'économie a connu une reprise
favorisée par la réunification. Le taux de croissance réel
de la production s'est situé à 1,6% en 2006 et 2,3% en 2008. Les
perspectives macroéconomiques de moyen terme sont basées sur
l'hypothèse d'une résolution durable du conflit et d'une solide
reprise économique. La croissance du PIB réel devrait
progressivement passer de la stagnation (-0,4% en moyenne), pendant les
années de crise, soit entre 2000-2006, à 3,7 % en 2009.
Le 2 avril 2008, les arriérés de paiement dus
à la Banque ont été réglés et une
Stratégie intérimaire (2008-2009) a été
endossée par le Conseil d'administration de la Banque mondiale,
permettant l'Association Internationale de développement de reprendre
son appui financier au pays
Le DSRP complet a été préparé en
janvier 2009 et présenté aux conseils d'administration de la
Banque mondiale et du Fonds monétaire international en mars 2009, date
à laquelle le pays a également atteint le point de
décision de l'Initiative PPTE. Au titre de cette initiative
d'allègement de dette, le Gouvernement a négocié et
signé des accords d'allègement de dette avec le Club de Paris et
le Club de Londres ainsi qu'avec certains partenaires bilatéraux et
multilatéraux. (Source :Institut de la Banque
mondiale)
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 87
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 88
Fiche pays/Cote d'Ivoire (suite)
Capitales (politique):Yamoussoukro
(économique) : Abidjan
Nature de l'Etat : République
unitaire
Chef de l'Etat : Laurent GBAGBO, (depuis le
22/10/2000).
Premier Ministre : Guillaume Soro (Forces
Nouvelles), depuis avril 2007
Superficie : 322460 km2
Population (2009): 19.997.000 d'habitants.
Population de Moins de 15 ans : 41,8%
Densité de la population : 48,8 hab/
km2
Population urbaine : 44,4%
Espérance de vie : 45 ans
Mortalité infantile : 11,6%
Alphabétisation : 49,7%
Scolarisation : 42%
Langues : Français (officielle),
Dioula, Baoulé, bété, senoufo...
Peuplement : Sénoufos, Dans, Agris,
Bétés, Baoulés, Dioulas, Malinkés,
Odiennékas....
Religions : Chrétiens, Musulmans.
Indépendance de la France le 7 aout
1960
Economie.
Monnaie : franc CFA
Parité : 1euro = 656 francs CFA, 1 dollar
américain =483 ,6 francs CFA.
PNB par habitant : 840 dollars/hab.
Répartition du PNB : Primaire 27,6%,
Secondaire 20,8%, Tertiaire 51,6 %
Inflation : 3,3%
Investissement intérieur brut : 10% du
PIB.
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Investissement direct étranger : 389
millions de dollars.
Principales ressources : Cacao(1er
producteur mondial), Café, Coton, Pétrole
Sources :- DIKA Pierre-Paul « Côte d'Ivoire :
scénarios pour une paix durable »,Université de
Reims
-Wikipedia
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 89
Programme d'Enseignement à Distance Master 2
Science Politique
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 90
Annexe (2)
CARTE ETATS MEMBRES CEDEAO
La communauté économique des États de
l'Afrique de l'ouest est composée de 15 Etats membres. De 315
millions d'habitants en 2007, sa population devrait atteindre 480
millions en 2030 puis entre 650 et 700 millions en 2050. La population
est majoritairement jeune, voire très jeune (60 % a moins de 25
ans) et le restera jusqu'en 2050.
|
|
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 91
Programme d'Enseignement à Distance Master 2
Science Politique
Annexes (3)
Forces en présence L'armée
ivoirienne
Les Forces armées nationales ivoiriennes (FANCI)
comptent environ 18 000 hommes, dont 8 000 gendarmes. S'y ajoutent la Garde
présidentielle forte de 1 100 hommes et les forces de réserve
qui comptent 12 000 hommes. Renforcées début décembre
2002 par environ 3 000 jeunes volontaires, les FANCI ont en outre
été appuyées par une cinquantaine de mercenaires
étrangers, dont le retrait a été annoncé par le
gouvernement.
Les mouvements rebelles
Le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire
(MPCI)
Né de la crise qui a débuté le 19
septembre 2002, le MPCI est majoritairement formé
d'éléments originaires du nord musulman, mais il ne se
réclame pas d'une appartenance ethnique et l'ensemble de la
population ivoirienne y est représentée.
Bénéficiant du soutien d'officiers supérieurs, et
fort d'une dizaine de milliers de combattants, le mouvement contrôle
la moitié nord du pays et une partie du centre, soit 40% du
territoire. Ses chefs politiques sont : Guillaume Soro Kigbafori, le
secrétaire général, ancien dirigeant
étudiant, et Louis Dacoury-Tabley, chargé des relations
extérieures, ancien dirigeant du Front populaire ivoirien
(FPI). Le MPCI est signataire du cessez-le-feu du 17 octobre 2002 et a
participé aux négociations inter- ivoiriennes tenues fin 2002
à Lomé sous l'égide du président togolais
Gnassingbé Eyadéma. Il est signataire de l'accord de
Marcoussis du 24 janvier 2003.
Le Mouvement populaire du grand ouest
(MPIGO)
Apparu le 28 novembre avec la prise de la ville de
Danané, près de la frontière libérienne, le
MPIGO est majoritairement composé d'éléments Yacouba,
ethnie commune au Liberia et à la Côte d'Ivoire. Animé
par le sergent Félix Doh, le mouvement dément la présence
de combattants libériens en son sein, un fait néanmoins
rapporté par des observateurs. Proche de l'ex-junte dirigée par
le général Robert Gueï, le mouvement affirme vouloir
venger ce dernier. Présent uniquement dans le grand ouest où
les 6 000 hommes dont il dispose ont pris le 28 novembre 2002, Man, la grande
ville de la région, le MPIGO s'est par la suite opposé aux
troupes françaises dans la "boucle du cacao" le 6 janvier 2003. A la
suite de ces combats qui ont fait 30 morts dans ses rangs, le mouvement a
conclu le 8 janvier un arrêt des hostilités avec l'armée
française. Il est signataire de l'accord de Marcoussis du 24 janvier
2003. Le chef du mouvement, Félix Doh, a été tué
fin avril 2003 au cours d'une embuscade près de la frontière
libérienne.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 92
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Le Mouvement pour la justice et la paix
(MJP)
Apparu conjointement au MPIGO le 28 novembre 2002 en
revendiquant la prise de la ville de Man, à l'ouest du pays, le MJP
est limité au grand ouest et compte 250 hommes dont 50 Dozos,
des chasseurs traditionnels, dirigés par le commandant Gaspard
Déli. Proche du MPCI (ses dirigeants sont d'anciens membres de ce
mouvement), le MJP a conclu un accord de cessez-le-feu avec les
troupes françaises et a signé l'accord de Marcoussis du 24
janvier 2003.
N.B : Les trois mouvements vont s'unir pour devenir Les
Forces Nouvelles lors des pourparlers de Marcoussis.
Les forces françaises
Présente en permanence dans le pays avec les 600 hommes
du 43e Bataillon d'infanterie de marine (BIMA) stationné à
Port-Bouët, près d'Abidjan, la France a progressivement
renforcé ses effectifs à partir de septembre 2002. La mission
initiale de l' "Opération Licorne", la protection des ressortissants
français et étrangers, a été
complétée par le contrôle du cessez-le-feu du 17
octobre 2002 et la surveillance de la "ligne de non-franchissement" (LNF)
qui traverse le territoire ivoirien. Fin mai 2003, les forces
françaises, aux côtés de l'armée
régulière ivoirienne, des forces rebelles et de celles de la
CEDEAO, lançaient une opération visant à sécuriser
l'Ouest ivoirien en créant une "zone de confiance" de 60 km sur 40,
jusqu'alors théâtre d'exactions. En augmentation progressive,
les effectifs des troupes françaises s'élevaient, au printemps
2004, à 4 700 hommes. Les troubles de novembre 2004 conduisent
l'état-major français à renforcer de 600 soldats et 70
gendarmes l'Opération Licorne qui passe à plus de 5 300 hommes. A
la date du 15 février 2006, les forces françaises
étaient stabilisées à 4 000 hommes environ.
Fin octobre 2006, à la suite d'une tendance à
l'apaisement et de la neutralisation d'un certain nombre de contentieux, les
effectifs de l'opération Licorne sont estimés à un peu
plus de 3 000
hommes.
Fin mars 2007, l'armée française annonce la
prochaine réduction du contingent en Côte d'Ivoire
à moins de 3 000 hommes, dans un contexte d'apaisement politique.
La Communauté économique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest
(CEDEAO)
Décidé le 29 septembre 2002 à Accra
(Ghana) par la CEDEAO, l'envoi d'une force de paix pour trouver une solution
à la crise ivoirienne a été confirmé le 18
décembre lors d'un sommet des chefs d'Etat des pays membres de
l'organisation, à Dakar. Initialement prévue pour la fin novembre
2002, la mise en place de la force d'interposition s'est
avérée lente ; un contingent de 172 militaires
sénégalais arriva le 18 janvier 2003 à Abidjan,
complété par un renfort de 1 100 hommes débarqué le
6 mars. Cette Mission de la CEDEAO en Côte d'ivoire (MICECI) a
remplacé les forces françaises sur la ligne de cessez-le-feu,
le 30 mars 2003. Elle comptait 1 300 "casques blancs" originaires du
Sénégal, du Ghana, du Togo, du Niger et du Bénin. La
MICECI est passée depuis le 5 avril 2004 sous le commandement de l'ONU
dans le cadre de l'Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire
(ONUCI), mission nouvelle créée par la
résolution 1528.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 93
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
La galaxie « patriotique »
Dès le 2 octobre, une marche de soutien au
président Gbagbo et aux institutions réunit des centaines de
milliers de jeunes ivoiriens, souvent désoeuvrés, Place de la
République, à Abidjan. Le pouvoir prend conscience de la force
que représente cette jeunesse et la récupère pour en faire
son porte-voix. Des mouvements de jeunes que l'on pourrait qualifier de
circonstanciels, sont créés un peu partout. Marches, sit-in,
meetings et « parlements populaires de quartier sont organises a
intervalles réguliers pour « sensibiliser la jeunesse »
à la cause nationale et la préparer à défendre la
patrie dans cette « sale guerre » imposée a la Cote d'ivoire
par d'obscurs intérêts estrangers au pays. Le chef de file de cet
élan patriotique, Charles Ble Goude, est l'ancien secrétaire de
la FESCI, la toute puissance fédération universitaire et scolaire
qui fait régner sa propre loi sur les campus et dans les
établissements d'enseignement, un mouvement très proche du
Pouvoir en place. Assertion vraie ou fausse, dans tous les cas, la
réalité est que, dans cette crise ivoirienne, les mouvements de
jeunesse ont vole la vedette aux hommes politiques. Les « jeunes patriotes
» ont fait et continuent de faire la pluie te le beau temps avec, selon
toute vraisemblance, le soutien du pouvoir présidentiel. Les antennes de
la radio et de la télévision leur ont été longtemps
ouvertes et toutes leurs manifestations et déclarations ont
été radio-télévisées. On eut dit que
c'étaient eux, avec l'une ou l'autre organisation de femmes, les vrais
détenteurs du pouvoir, tant ils parlaient et agissaient avec assurance
au nom de l'Etat. Ceux des jeunes qui ne partageaient pas leur opinion
étaient considérés comme des traitres, voire des
sympathisants et complices des rebelles ». Kassimi Bamba et Kevin Adou :
Cote d'Ivoire : chronique d'une crise 2002-2008 (ouvrage collectif), Les
Editions du CERAP. P 37-38
L'Organisation des Nations unies (ONU)
Le 13 mai 2003, le Conseil de sécurité des
Nations unies avait décidé la création de la Mission
des Nations unies en Côte d'Ivoire (MINUCI). Dotée d'un mandat
de six mois renouvelable, la Mission était constituée de deux
groupes : un premier formé de 26 officiers militaires, que 50
autres pouvaient rejoindre en cas de besoin, le second groupe était
une équipe civile chargée de superviser l'application de
l'accord de Marcoussis. La MINUCI a laissé place le 4 avril 2004
à l'ONUCI, Opération des Nations unies en Côte
d'Ivoire. Créée par la résolution 1528 du 27
février 2004, cette force de maintien de la paix est composée de
6 240 hommes dotés d'une autorisation de recours à la force et
appuyée par un millier d'agents civils. La résolution 1609 du
24 juin 2005 autorise une augmentation des effectifs de 850
personnes supplémentaires pour la composante militaire de la force et
de 725 policiers supplémentaires pour la composante civile.
Sources :-site internet présidence
ivoirienne -site internet Forces Nouvelles
-documentation française
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 94
Programme d'Enseignement à Distance Master 2
Science Politique
Annexe N0 4
Accord Politique de Ouagadougou
PREAMBULE
A l'invitation de Son Excellence Monsieur Blaise COMPAORE,
Président du Burkina Faso, en sa qualité de
Président en exercice de la Conférence des Chefs
d'Etat et de Gouvernement de la Communauté
Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), agissant
sur mandat exprès de celle-ci, deux
délégations de la République de Côte
d'Ivoire, l'une représentant le Président de la République
et l'autre les
Forces Nouvelles, se sont rencontrées à Ouagadougou
du 05 février au 03 mars 2007...
Cette rencontre fait suite à l'annonce, le 19
décembre 2006, du plan de sortie de crise du Président Laurent
GBAGBO qui a saisi, le 23 janvier 2007, le Président en
exercice de la CEDEAO pour faciliter le dialogue
direct entre les ex-belligérants du conflit armé en
Côte d'Ivoire.
Le Président Blaise COMPAORE, après avoir
consulté le Secrétaire Général des Forces
Nouvelles,
Monsieur Guillaume SORO, les différents acteurs de la
scène politique ivoirienne, ainsi que le Premier
Ministre, Monsieur Charles Konan BANNY, y a marqué son
accord et a préconisé que ce dialogue direct
s'inscrive dans le cadre de la résolution 1721 (2006)
adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies le
1er novembre 2006.
Au cours de leurs échanges, la Délégation de
la Présidence de la République de Côte d'Ivoire, conduite
par
Monsieur Désiré T AGRO, Conseiller Spécial
du Président Laurent GBAGBO, Porte-parole de la Présidence
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 95
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
de la République de Côte d'Ivoire, et la
Délégation des Forces Nouvelles, conduite par Monsieur
Louis-André
DACOURY-TABLEY, Secrétaire Général Adjoint
des Forces Nouvelles et Ministre de la Solidarité et des
Victimes de guerre, profondément attachées à
une sortie heureuse de la crise en Côte d'Ivoire, ont
procédé à
une analyse de la situation intérieure.
Elles ont souligné l'impérieuse
nécessité de construire la paix et la stabilité ; de
lutter contre l'insécurité
grandissante, le chômage et la pauvreté ; de
restaurer l'autorité de l'Etat sur l'ensemble du territoire national
et de garantir la libre circulation des personnes et des biens
sur toute l'étendue du territoire national.
En raison de la responsabilité particulière
qu'elles ont dans la conduite du processus de sortie de crise, les
deux Parties au conflit armé en Côte d'Ivoire ont
reconnu l'impérieuse nécessité de se mettre ensemble
pour
consolider la paix, promouvoir une véritable
réconciliation nationale et parvenir à une normalisation
politique
et institutionnelle, à travers un dialogue permanent et
une confiance mutuelle.
Après avoir identifié les problèmes
rencontrés dans la mise en oeuvre des Accords de Linas-Marcoussis,
d'Accra et de Pretoria, ainsi que des Résolutions de l'ONU
sur la Côte d'Ivoire, les Parties, en vue d'arrêter
des décisions, ont réaffirmé :
- leur attachement au respect de la souveraineté, de
l'indépendance, de l'intégrité territoriale et de
l'unité de
la Côte d'Ivoire ;
2/15
- leur attachement à la Constitution ;
- leur attachement aux Accords de Linas-Marcoussis, d'Accra et de
Pretoria ;
- leur attachement à toutes les Résolutions des
Nations Unies sur la Côte d'Ivoire, en particulier aux
Résolutions 1633 (2005) et 1721 (2006) du Conseil de
Sécurité de l'ONU ;
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 96
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
- leur volonté de créer les conditions
d'élections libres, ouvertes, transparentes et démocratiques ;
- leur volonté de mettre en commun leurs efforts et leurs
énergies en vue d'un fonctionnement normal des
Institutions de la Côte d'Ivoire et d'un retour à la
normalité politique, administrative et militaire en Côte
d'Ivoire.
Pour faciliter la mise en oeuvre des Accords et des
résolutions ci-dessus visés, notamment la Résolution
1721 (2006), les Parties ont arrêté les
décisions suivantes :
1. DE L'IDENTIFICATION GENERALE DES
POPULATIONS
Les Parties signataires du présent Accord ont reconnu que
l'identification des populations ivoiriennes et
étrangères vivant en Côte d'Ivoire constitue
une préoccupation majeure. Le défaut d'une identification
claire
et cohérente, de même que l'absence de pièces
administratives uniques attestant l'identité et la nationalité
des individus constituent une source de conflits. Elles ont, en
conséquence, décidé de mettre fin à cette
situation par les mesures suivantes :
1.1. La relance des audiences foraines
d'établissement de jugements supplétifs d'actes de naissance
1.1.1. Les audiences foraines seront relancées sur
l'ensemble du territoire national dès la mise en place du
nouveau Gouvernement issu du présent Accord. Dans le but
d'accélérer la délivrance des jugements
supplétifs d'acte de naissance, les magistrats
appelés à animer les nouvelles juridictions créées
pour les
besoins des audiences foraines seront nommés par
décret Présidentiel et dotés de moyens nécessaires
pour
leur mission.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 97
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
1.1.2. Les opérations exceptionnelles d'audiences foraines
qui dureront trois (03) mois délivreront
uniquement des jugements supplétifs tenant lieu d'actes de
naissance aux personnes nées en Côte d'Ivoire
qui n'ont jamais été déclarées
à l'état civil.
1.1.3. A l'occasion de la relance des audiences foraines, une
campagne de sensibilisation, d'information et
de mobilisation impliquant les acteurs politiques, les Etats
Majors Militaires et la Société civile sera organisée
pour inviter les personnes concernées à se
présenter devant les juridictions foraines de leur lieu de
naissance pour se faire délivrer un jugement
supplétif tenant lieu d'acte de naissance.
3/15
1.1.4. Les Parties s'engagent à garantir la
sécurité des opérations d'audiences foraines sur toute
l'étendue du
territoire national.
1.2. La reconstitution des registres de naissance perdus ou
détruits
Parallèlement aux audiences foraines
d'établissement de jugements supplétifs d'actes de naissance,
les
registres d'état civil perdus ou détruits dans
certains centres d'état civil seront reconstitués
conformément
aux dispositions de l'Ordonnance du 17 janvier 2007 et de son
Décret d'application qui devra être pris dans
les meilleurs délais.
1.3. L'organisation d'une opération
d'établissement de nouveaux titres d'identité (cartes
nationales
d'identité et titres de séjour)
Les Parties s'engagent à organiser une opération
exceptionnelle d'établissement de nouveaux titres d'identité
selon les modalités ci-après. 4
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 98
Programme d'Enseignement à Distance Master 2
Science Politique
1.3.1.1. Les ivoiriens, assujettis à l'obligation de
détention de la carte nationale d'identité, disposant d'un
certificat de nationalité et d'un acte de naissance ou
d'un jugement supplétif d'acte de naissance en tenant
lieu, pourront bénéficier de la nouvelle carte
nationale d'identité.
1.3.1.2. Les non ivoiriens disposant d'un acte de naissance
ou d'un jugement supplétif d'acte de naissance
en tenant lieu et d'un document consulaire indiquant leur
nationalité pourront bénéficier d'un nouveau titre
d'identité correspondant à leur statut.
1.3.2. Identification sur la base de la nouvelle liste
électorale
1.3.2.1. Dans un souci d'accélération de
l'identification et compte tenu de la situation actuelle
de
l'Administration en Côte d'Ivoire et des
nécessités subséquentes de la sortie de crise, les Parties
conviennent
de privilégier l'identification basée sur la liste
électorale.
1.3.2.2. A l'issue des audiences foraines, la CEl
procèdera, sur la base de la liste électorale de 2000, à
un
recensement électoral, avec collecte des données
biométriques sur toute l'étendue du territoire national.
Pourront s'inscrire sur la liste électorale les ivoiriens
âgés de dix-huit (18) ans au moins, munis d'un extrait
d'acte de naissance ou d'un jugement supplétif d'acte de
naissance en tenant lieu.
1.3.2.3. Tous les citoyens qui se seront fait enrôler
sur la liste électorale se verront délivrer un
récépissé
comportant leur numéro d'identification unique qui sera
nécessaire pour le retrait de la carte d'électeur et de
la nouvelle carte nationale d'identité.
4/15
1.3.2.4. Après la procédure de validation de
la liste électorale par la CEl, un décret pris en Conseil des
ministres autorisera l'attribution de la nouvelle carte nationale
d'identité à tous ceux qui figureront sur la liste
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 99
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
électorale définitive. Celle-ci servira de base de
données commune pour la délivrance des nouvelles cartes
nationales d'identité et de la carte d'électeur.
1.3.3. Normes sur les nouveaux titres d'identité
1.3.3.1. Les nouveaux titres d'identité seront
infalsifiables, hautement sécurisés et comporteront un
numéro
d'identification unique pour chaque titulaire.
1.3.3.2. La confection et la délivrance des nouveaux
titres d'identité seront assurées par l'Office National
d'Identification (ONI), sous la supervision de la Commission
nationale de supervision de l'Identification
(CNSI).
1.3.3.3. Pour l'opération d'identification, le
Gouvernement fera appel, avec l'accord des deux (02) Parties, à
un opérateur technique désigné par
décret pris en Conseil des Ministres.
II. DU PROCESSUS ELECTORAL
Soucieuses de parvenir, dans les meilleurs délais,
à une paix durable et à une normalisation politique et
institutionnelle en Côte d'Ivoire, les Parties au Dialogue
Direct réaffirment leur engagement à préparer, à
l'issue de l'opération d'identification, des
élections Présidentielles ouvertes, démocratiques et
transparentes,
conformément aux accords de Linas Marcoussis, d'Accra et
de Pretoria par les Forces politiques ivoiriennes.
A cette fin, elles décident ce qui suit :
2.1. L'inscription sur la liste électorale
2.1.1. Les Parties conviennent que l'inscription sur la liste
électorale sera établie par l'Institut National de la
Statistique (INS) et l'opérateur technique
désigné par le Gouvernement pour l'identification. Ces deux
opérateurs accompliront leur mission sous la
responsabilité de la CEl.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 100
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
2.1.2. Tous les citoyens ivoiriens en âge de voter pourront
s'inscrire sur la liste électorale. A cet effet, ils
devront se munir d'une des pièces suivantes : un extrait
d'acte de naissance ou un jugement supplétif d'acte
de naissance en tenant lieu.
2.1.3. Un décret pris en Conseil des Ministres fixera les
modalités d'inscription sur la liste électorale
conformément aux dispositions du Code électoral.
2.2. La publication de la liste électorale
définitive
5/15
2.2.1. La liste électorale définitive,
validée par la CEl, sera publiée conformément aux
dispositions de l'article
11, al. 2 du Code électoral, ou par toute autre voie
convenue par les Parties.
2.3. L'établissement et la distribution des cartes
électorales
2.3.1. Après sa publication, la liste électorale
définitive donnera lieu à l'établissement des cartes
d'électeurs
sous la responsabilité de la CEl.
2.3.2. La distribution des cartes d'électeurs sera
assurée par la CEl à travers ses démembrements deux
semaines au plus tard avant la date des élections,
conformément à l'article 5 du Code électoral.
2.3.3. L'électeur qui n'aura pas pu retirer sa carte
d'électeur dans le délai prévu dans le paragraphe
ci-dessus
pourra néanmoins voter avec sa nouvelle carte nationale
d'identité, s'il est régulièrement inscrit sur la liste
électorale.
2.4. Collaboration entre les structures intervenant dans le
processus électoral
2.4.1. Dans un souci de transparence et d'efficacité, sous
l'autorité de la CEl, l'INS et l'Opérateur technique
désigné par le Gouvernement collaboreront pour
l'établissement des cartes d'électeur.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 101
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
2.4.2. Un décret pris en Conseil des ministres
précisera les modalités de cette collaboration.
III. DES FORCES DE DEFENSE ET DE SECURITE DE CÔTE
D'IVOIRE
Les Parties au présent Accord, conscientes que
l'Armée nationale doit être le reflet de l'unité et de
la
cohésion nationales et la garante de la stabilité
des institutions républicaines, se sont engagées à
procéder à
la restructuration et à la refondation des deux
armées en vue de la mise en place de nouvelles forces de
défense et de sécurité attachées aux
valeurs d'intégrité et de moralité républicaine.
Un mécanisme spécial de restructuration et de
refondation de l'Armée sera adopté par ordonnance pour fixer
le cadre général d'organisation, de composition et
de
fonctionnement des nouvelles Forces de Défense et de
Sécurité. En conséquence, les deux Parties
décident
de procéder à l'unification des deux forces en
présence par la création d'une structure opérationnelle
intégrée.
3.1. La mise en place d'un Centre de commandement
intégré (CCI)
3.1.1. Dans un esprit de cogestion des questions
liées à la Défense et à la Sécurité,
les deux (02) Parties
ex-belligérantes conviennent de créer un Centre de
commandement intégré chargé d'unifier les forces
combattantes en présence et de mettre en oeuvre les
mesures de restructuration des Forces de Défense et
6/15
de Sécurité de Côte d'Ivoire.
3.1.2. Le Centre de commandement intégré adoptera
son organigramme et sera placé sous
le
commandement conjoint du Chef d'Etat Major Général
des FANCI et du Chef d'Etat Major des FAFN. Il sera
paritairement composé d'Officiers désignés
par les deux (02) Chefs d'Etat Major.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 102
Programme d'Enseignement à Distance Master 2
Science Politique
3.1.3. Le Centre de commandement intégré aura
pour missions essentielles : - la contribution à l'élaboration de
la politique de défense et de sécurité ;
- la mise en oeuvre du Programme National de Désarmement,
de Démobilisation et de Réinsertion (PNDDR),
sous la supervision des Forces impartiales ;
- l'opérationnalisation des tâches militaires et de
sécurité liées au processus de sortie de crise ;
- la sécurisation des audiences foraines, des
opérations d'identification, ainsi que la sécurité du
processus
électoral ;
- la mise en place d'unités militaires et paramilitaires
mixtes ;
- la coordination des mesures visant à garantir la
protection et la libre circulation des personnes et des biens
sur toute l'étendue du territoire national.
3.2. Du Programme National de Désarmement, de
Démobilisation et de Réinsertion 3.2.1. Les Parties
au présent Accord conviennent de procéder, dans les
meilleurs délais, au désarmement des forces en
présence conformément aux
recommandations des Accords de Linas-Marcoussis et aux
modalités prévues dans les accords militaires
suivants :
Le Plan Conjoint des Opérations du DDR (PCO) signé
le 09 janvier 2004 et actualisé lors du séminaire sur le
désarmement organisé du 02 au 06 mai 2005 à
Yamoussoukro sous l'égide de la médiation Sud-Africaine ;
Le Programme national de Désarmement, de
Démobilisation et de Réinsertion (PNDDR/RC) et son
chronogramme, adoptés le 9 juillet 2005 à
Yamoussoukro ;
Les conclusions de la séance de travail tenue à
Yamoussoukro le samedi 14 mai 2005 entre les Chefs
d'Etat-major (CEM) des FOS et des FAFN.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 103
Programme d'Enseignement à Distance Master 2
Science Politique
3.2.2. Les Parties conviennent d'accélérer le
démantèlement et le désarmement des milices.
7/15
3.2.3. Les Parties conviennent d'accélérer le
processus de regroupement sur les dix sept (17) sites
préalablement localisés et d'exécuter le
chronogramme du PNDDR actualisé.
3.3. Le Service civique
3.3.1. Les deux (02) Parties conviennent que le Service civique,
destiné à encadrer toute la jeunesse de Côte
d'Ivoire et à la former en vue d'un emploi, accueillera
également tous les jeunes qui se sont familiarisés avec
le maniement des armes pour les besoins de la guerre, dans le but
de les encadrer et de les former pour de
futurs emplois civils ou militaires.
3.3.2. L'organisation et le fonctionnement du Service civique
seront définis par décret pris en Conseil des
Ministres.
IV. DE LA RESTAURATION DE L'AUTORITE DE L'ETAT ET DU
REDEPLOIEMENT DE L'ADMINISTRATION SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE
NATIONAL
4.1. Fermement déterminées à parvenir
à la normalisation politique et institutionnelle en Côte d'Ivoire,
les
Parties au présent Accord s'engagent à
restaurer l'autorité de l'Etat et à
redéployer l'administration et tous les services publics sur l'ensemble
du
territoire national.
4.2. Le redéploiement de l'administration et des services
publics se fera par l'ensemble des ministères
concernés, sous l'autorité du Premier Ministre,
dès la suppression de la zone de confiance et l'établissement
des postes d'observation. Le redéploiement de
l'administration concernera l'ensemble des services publics, y
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 104
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
compris les services sociaux de base, notamment ceux de
l'éducation, de la santé, de l'eau et de
l'assainissement.
4.3. La désignation des responsables des principaux
services administratifs se fera après concertation entre
les deux Parties.
4.4. Les Forces de Police et de Gendarmerie, comprenant les 600
éléments issus de l'Accord de Pretoria,
seront chargées d'assurer la sécurité de
l'ensemble du corps préfectoral et des services techniques
déployés.
V. DU CADRE INSTITUTIONNEL D'EXECUTION
5.1. Les deux (02) Parties au Dialogue Direct exerçant un
contrôle effectif, administratif et militaire, de part et
d'autre de la zone de confiance, conscientes de leurs hautes
responsabilités dans le fonctionnement de l'Etat
et déterminées à parvenir à une
normalisation politique et institutionnelle fondée sur la gestion
concertée du
pouvoir politique et la réconciliation nationale,
décident de mettre en place un nouveau cadre institutionnel
d'exécution.
8/15
5.2. Le Gouvernement de transition travaillera dans un esprit de
concertation permanente,
de
complémentarité et d'ouverture aux autres forces
politiques de Côte d'Ivoire pour aboutir à la réunification
de
la Côte d'Ivoire, au désarmement et à
l'organisation d'élections ouvertes, transparentes et
démocratiques,
tels que prévus dans les différents accords et
résolutions relatifs à la sortie de crise.
VI. MESURES VISANT A CONSOLIDER LA RECONCILIATION
NATIONALE, LA PAIX, LA SECURITE ET
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 105
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
ET LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES ET DES
BIENS
Afin de consolider la paix, la réconciliation nationale et
la libre circulation des personnes et des biens, les
Parties au Dialogue direct conviennent des mesures
ci-après :
6.1. De l'embargo sur l'importation des armes
6.1.1. Les deux Parties au Dialogue direct conviennent de
demander au Conseil de Sécurité des Nations
Unies, avec le concours du Facilitateur et de la CEDEAO, la
levée de l'embargo sur les armes qui pèse sur la
Côte d'Ivoire dans un délai de trois mois
après l'organisation de l'élection Présidentielle.
6.1.2. Elles conviennent aussi de demander au Conseil de
Sécurité de l'ONU, avec le concours du
Facilitateur et de la CEDEAO, une autorisation spéciale
immédiate d'importer les armements légers
nécessaires au maintien de l'ordre et de la
sécurité publique, sous le contrôle du Centre de
commandement
intégré visé dans le paragraphe 3.1.
ci-dessus.
6.2. De la zone de confiance
6.2.1. Les deux Parties au Dialogue direct, dans le but de
permettre la libre circulation des biens et des
personnes, conviennent de demander aux Forces impartiales de la
Licorne et de l'ONUCI la suppression de
la zone de confiance, conformément au paragraphe A.4. du
document portant « Gestion de la zone de
confiance », dénommé Le « Code 14
».
6.2.2. A titre transitoire, une ligne imaginaire, dite ligne
verte, allant d'Est en Ouest suivant la ligne médiane
de la zone de confiance, sera établie et sera
jalonnée par des postes d'observation installés sur les axes
d'infiltration. Les postes d'observation seront occupés
par les Forces impartiales et seront réduits de moitié
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 106
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
tous les deux mois jusqu'à leur suppression totale.
6.2.3. Des unités mixtes, composées
paritairement des membres des FAFN et des FDS et chargées
d'assurer les missions de police et de sécurité,
seront déployées dans la zone de confiance. Ces unités
seront supprimées avec la réforme et la
restructuration de l'Armée.
6.3. De la loi d'amnistie
Afin de faciliter le pardon et la réconciliation nationale
et de restaurer la cohésion sociale et la solidarité entre
les Ivoiriens, les deux Parties au Dialogue direct conviennent
d'étendre la portée de la loi d'amnistie adoptée
9/15
en 2003. A cet effet, elles ont décidé d'adopter,
par voie d'ordonnance, une nouvelle loi d'amnistie couvrant
les crimes et délits relatifs aux atteintes à la
sûreté de l'État liés aux troubles qui ont
secoué la Côte d'Ivoire
et commis entre le 17 septembre 2000 et la date d'entrée
en vigueur du présent Accord, à l'exclusion des
crimes économiques, des crimes de guerre et des crimes
contre l'humanité.
6.4. Des sanctions
Les Parties au présent Accord conviennent de saisir
l'Union Africaine, par l'intermédiaire de la CEDEAO,
pour demander au Conseil de Sécurité des Nations
Unies la levée immédiate des sanctions individuelles
frappant les acteurs de la crise Ivoirienne.
6.5. Du Programme d'aide au retour des
déplacés de la guerre
Dans la perspective de la réconciliation nationale et de
la normalisation politique et institutionnelle, les Parties
au Dialogue direct conviennent de mettre en place, dans les
meilleurs délais, un Programme d'aide au retour
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 107
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
des déplacés de la guerre. Ce Programme vise
à assurer la réinsertion sociale des personnes et des familles
qui ont abandonné leur domicile ou leurs biens du fait de
la guerre. Les deux (02) Parties conviennent de
donner au Ministère technique concerné les moyens
de mise en oeuvre de ce Programme.
6.6. Du Code de bonne conduite
En raison de l'impérieuse nécessité
d'apaiser et de moraliser la vie publique, d'instaurer un nouvel
environnement politique en Côte d'Ivoire et d'éviter
toute interprétation partisane et démagogique du
présent
Accord, les Parties s'engagent à observer un code de bonne
conduite.
6.6.1. Les Parties s'engagent à organiser une vaste
campagne d'information et de sensibilisation auprès des
populations vivant en Côte d'Ivoire, afin de les
amener à adhérer pleinement au processus de sortie
de crise et de réconciliation nationale.
6.6.2. Elles s'interdisent toute propagande, notamment
médiatique, tendant à nuire à l'esprit de la
cohésion et
de l'unité nationales. Elles font appel à la presse
nationale et internationale pour qu'elle accompagne, de
manière constructive, la consolidation de la paix et
l'esprit de tolérance.
6.6.3. Les Parties s'engagent à entretenir entre elles un
esprit de dialogue permanent basé sur la confiance
mutuelle, à s'abstenir de toute attitude
belligérante et outrageante et à appeler leurs militants
respectifs à
adopter des comportements empreints de respect et de retenue.
6.6.4. Elles conviennent de conjuguer leurs efforts en vue de
renforcer l'éthique et la moralité républicaines
au sein de leurs forces respectives, dans le respect de la
dignité et des droits fondamentaux de la personne
humaine. Elles s'engagent à conduire leurs forces
respectives à travailler ensemble en bonne intelligence.
10/15
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 108
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
6.6.5. Les Parties s'interdisent toute utilisation abusive et
contraire à l'esprit du présent Accord de la
société
civile et des organisations syndicales.
VII. DES MECANISMES DE SUIVI ET DE
CONCERTATION
Aux fins du suivi du présent Accord et de la poursuite du
Dialogue direct, les Parties conviennent de créer un
Cadre permanent de concertation (CPC) et un Comité
d'évaluation et d'accompagnement (CEA).
7.1. Le Cadre permanent de concertation (CPC)
Le Cadre permanent de concertation est un organe de veille et de
Dialogue permanent dans le but de
renforcer la cohésion nationale.
Il est composé ainsi qu'il suit :
- Monsieur Laurent GBAGBO, Président de la
République ;
- Monsieur Guillaume K. SORO, Secrétaire
général des Forces Nouvelles ;
- Monsieur Alassane Dramane OUATTARA, Président du RDR
;
- Monsieur Henri Konan BEDIE, Président du PDCI ;
- Monsieur Blaise COMPAORE, Président en exercice de la
CEDEAO, en sa qualité de Facilitateur.
Hormis le Président Laurent GBAGBO et le Président
en exercice de la CEOEAO, les autres membres du
CPC ont rang de Président d'institution.
Le CPC est compétent pour examiner toute question relative
au présent Accord.
7.2. Le Comité d'évaluation et
d'accompagnement (CEA)
Le Comité d'évaluation et d'accompagnement est
chargé de l'évaluation périodique de la mise en oeuvre
des
mesures prévues dans le présent Accord. Il est
également chargé de suggérer toutes dispositions
pratiques
et nécessaires à la bonne exécution du
présent Accord.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 109
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 110
Il est composé ainsi qu'il suit :
11/15
- Président : le Facilitateur ou son Représentant
;
- Membres : trois (3) représentants pour chacune des deux
(02) Parties signataires ; - Observateurs : les six (06) autres signataires de
l'Accord de Linas Marcoussis ;
En outre, le Facilitateur fera appel à tout autre
observateur, représentant de pays et d'organisations
internationales ou interafricaine qu'il jugera
nécessaire.
Le CEA est présidé par le Facilitateur ou son
représentant. Il se réunit au moins une fois par mois en
session
ordinaire et, en tant que de besoin, en session extraordinaire,
sur convocation de son Président.
Aux fins de l'exécution de sa mission, le CEA rendra
compte au CPC de la mise en oeuvre de l'Accord et en
informera le Représentant spécial du
Secrétaire général des Nations Unies.
VIII. DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES
8.1. Les Parties s'engagent à s'en remettre à
l'arbitrage du Facilitateur en cas de litige sur l'interprétation ou
la mise en oeuvre du présent Accord.
8.2. Les Parties conviennent de demander des troupes
militaires africaines supplémentaires pour participer à
la mission de paix des Forces impartiales en Côte
d'Ivoire.
8.3. Le chronogramme joint au présent Accord en fait
partie intégrante. Les Parties conviennent d'exécuter
les opérations convenues conformément à ce
chronogramme.
8.4. Le présent Accord entre en vigueur dès
sa signature par les Parties. Les Parties conviennent de
demander au Facilitateur, en sa qualité de
Président en exercice de la CEDEAO, de saisir, par le biais de
l'Union Africaine, le Conseil de Sécurité des
Nations Unies aux fins d'entériner le présent Accord.
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Fait à Ouagadougou, le 04 mars 2007
Laurent GBAGBO
Président de la République de Côte
d'Ivoire
Guillaume KiÇJbafori SORO
Secrétaire général des Forces Nouvelles
de la République de Côte d'Ivoire
12/15
Blaise COMPAORE,
Président du Burkina Faso,
Président en exercice de la CEDEAO,
Facilitateur
ANNEXE CHRONOGRAMME DE MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD DE
OUAGADOUGOU
1. Signature de l'Accord politique de Ouagadougou Jour J
2. Mise en place du Centre de commandement intégré
Commence deux (02) semaines après le jour J
3. Mise en place du cadre institutionnel d'exécution Se
fait quatre (04) semaines après la signature de l'Accord.
4. Formation du Gouvernement
Se fait cinq (05) semaines après la signature de
l'Accord
5. Suppression de la zone de confiance et mise en place des
unités mixtes Commencent une (01) semaine après la formation du
Gouvernement
6. Démantèlement des milices
Commence deux (02) semaines après la formation du
Gouvernement et dure deux semaines
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 111
7. Programme d'Enseignement à Distance Master 2
Science Politique
- Regroupement (rassemblement par unité des ex-combattants
dans les sites de regroupement et
stockage des armes sous la supervision des Forces Impartiales) -
Redéploiement de l'Administration
- Début des audiences foraines
Commencent deux (02) semaines après la formation du
Gouvernement et durent trois (03) mois
8. Enrôlement en vue de l'inscription sur la liste
électorale et de l'identification Commence un (01) mois après le
début des audiences foraines
13/15
9. Unification des forces en présence et enrôlement
pour le Service civique Commence quinze jours après le début de
"enrôlement
10. Etablissement et distribution des nouvelles cartes
nationales d'identité et des cartes d'électeurs à
partir
de la liste électorale
Commencent à l'adoption officielle de la liste
électorale définitive
11. Fin du processus DDR et organisation des élections
L'ENSEMBLE DU CHRONOGRAMME PREVU CI-DESSUS SE DEROULERA DANS UN
DELAI DE DIX (10)
MOIS.
SOMMAIRE
PREAMBULE 2
I. DE L'IDENTIFICATION GENERALE DES POPULATIONS
3
1.1. LA RELANCE DES AUDIENCES FORAINES D'ETABLISSEMENT DE
JUGEMENTS SUPPLETIFS
D'ACTES DE
NAISSANCE .4
1.2. LA RECONSTITUTION DES REGISTRES DE NAISSANCE PERDUS OU
DETRUITS .4
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 112
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 113
1.3. L'ORGANISATION D'UNE OPERATION D'ETABLISSEMENT DE NOUVEAUX
TITRES D'IDENTITE
(CARTES
NATIONALES D'IDENTITE ET TITRES DE SEJOUR) .4 1.3.1.
Identification ordinaire 5
1.3.2. Identification sur la base de la nouvelle liste
électorale 5 1.3.3. Normes sur les nouveaux titres d'identité
6
Il. DU PROCESSUS ELECTO RAL 6
2.1. L'INSCRIPTION SUR LA LISTE ELECTORALE 6
2.2. LA PUBLICATION DE LA LISTE ELECTORALE DEFINITIVE 7
14/15
2.3. L'ETABLISSEMENT ET LA DISTRIBUTION DES CARTES ELECTORALES
7
III. DES FORCES DE DEFENSE ET DE SECURITE DE CÔTE
D'IVOlRE 7 3.1. LA MISE EN PLACE D'UN CENTRE DE COMMANDEMENT INTEGRE
(CCI) 8
3.2. Du PROGRAMME NATIONAL DE DESARMEMENT, DE DEMOBILISATION ET
DE REINSERTION 8
3.3. LE SERVICE CIVIQUE 9
IV. DE LA RESTAURATION DE L'AUTORITE DE L'ETAT ET DU
REDEPLOIEMENT DE L'ADMINISTRATION SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE NATIONAL
9
V. DU CADRE INSTITUTIONNEL D'EXECUTION
s 10
VI. MESURES VISANT A CONSOLIDER LA RECONCILIATION
NATIONALE, LA PAIX, LA SECURITE ET ET LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNES ET DES
BIENS 11 6.1. DE L'EMBARGO SUR L'IMPORTATION DES ARMES 11
6.2. DE LA ZONE DE CONFIANCE.. 11
6.3. DE LA LOI D'AMNISTIE 12
6.4. DES SANCTIONS 12
Programme d'Enseignement à Distance Master 2 Science
Politique
6.5. Du PROGRAMME D'AIDE AU RETOUR DES DEPLACES DE LA GUERRE.. 12
6.6. Du CODE DE BONNE CONDUITE 12
VII. DES MECANISMES DE SUIVI ET DE CONCERTATION
13
7.1. LE CADRE PERMANENT DE CONCERTATION (CPC) 13
7.2. LE COMITE D'EVALUATION ET D'ACCOMPAGNEMENT (CEA) 14
VIII. DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES 15
ANNEXE CHRONO GRAMME DE MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD DE
OUAGADOUGOU 16
SOMMAIRE
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 114
|