INTRODUCTION GENERALE
En Afrique, le malaise socio-économique a exercé
de puissants effets sur les modes d'accès au marché du travail.
Comme palliatif, l'exploitation de l'activité commerciale par tous comme
source de revenus est comptée parmi les activités du secteur
informel les plus prisées. De plus on voit se développer dans de
nombreuses villes africaines, le phénomène de commerce de
pièces détachées s'est intégré dans le
secteur du commerce et a envahi l'espace urbain de certains pays africains.
D'autant plus qu'ils y ont trouvé une forte clientèle qui leur a
permis de s'implanter progressivement même si le succès est
jusqu'ici mitiger. Au Cameroun, et comme dans beaucoup d'autres pays d'Afrique
et plus principalement dans une ville comme Maroua, la diffusion de la vente
des pièces détachées a bénéficié des
conditions somme toute particulières: la recrudescence du chômage
suite au gel des recrutements et concours administratifs, la dégradation
des voiries urbaines (présence des nids de poules sur les
voies de communication), entrainant la dégradation rapide des engins des
usagers, l'entrée sur le marché Camerounais de nouvelles marques
de moto d'origine asiatique, conviviales, flexibles ainsi que leurs
pièces de rechange, et vendues au prix relativement bas par rapport aux
anciennes marques, la multiplication des usines locales de montage, de vente de
motos et des pièces détachées. Face à l'aggravation
des effets de la précarisation de l'emploi et de la baisse des revenus,
de nombreux jeunes qualifiés ou non s'y sont investis pour s'assurer
d'un revenu.
Les frontières, cicatrices de l'histoire, ont longtemps
été appréhendées sous leurs aspects politiques. Ces
frontières sont perçues comme fondatrices de la construction des
territoires des Etats. Leur développement et leur maintien s'appuient
sur la réunion de plusieurs réalités qui,
enchevêtrées les unes aux autres, donnent aux frontières le
statut du sacré, d'éléments intangibles. Aujourd'hui, le
voisinage qu'elle crée entre les groupes humains ayant les mêmes
pratiques culturelles et religieuses, renforce une certaine cohésion
sociale, économique et culturelle. Ces dernières, à
travers plusieurs motivations, commerce, migration de travail, temporaire ou
définitive se la sont appropriées. Elles l'ont
intégrée à leur vécu, à leur discours et
à leur pratique (Dabié, 2005). Les données actuelles
rendent cependant peu compte de l'importance de ces flux dans
l'intégration économique régionale et dans la mise en
complémentarité des bassins de production. Cependant, on
distingue deux types de commerce entre le Nigeria et le Cameroun à
savoir le commerce officiel et le commerce illicite.
Dans les principales villes des trois régions du Grand
Nord, la contrebande qui sévit de manière endémique est la
partie la plus visible et la plus répandue du commerce illicite. Cette
contrebande se caractérise essentiellement par l'entrée massive
des marchandises en provenance du Nigéria. Elle prend son fondement sur
des pratiques commerciales ancestrales, encouragée par
l'hostilité des populations aux contrôles douaniers et entretenue
par des complicités actives et une solidarité entre
commerçants. Les composantes sociologiques, la porosité des
frontières et la misère ambiante de la majorité de la
population constituent des éléments qui encouragent la
contrebande. De tous les entretiens, il ressort un constat clair, la
contrebande dans le grand Nord est très ancrée dans les
mentalités et dans les moeurs et est un phénomène connu de
tous. Pire, c'est un phénomène normal et toléré par
tout le monde (Kuaté, 2008).
Aujourd'hui la ville de Maroua revêt un aspect plus
évolué à l'ère du modernisme. Plusieurs
études géographiques ont montré qu'elle est l'un des plus
grands pôles d'attraction du pays (source). Cela s'explique par le simple
fait que la ville regorge de multiples potentialités économique
qui font d'elle un centre attractif. On peut ainsi affirmer que les villes dans
le monde entier connaissent une extension économique au fur et à
mesure que s'écoule le temps.
La filière est donc comme « un ensemble
structuré de transformation de biens par des opérations
d'acteurs, de modes de coordination (par les prix de marché, par les
conventions, par les contrats, par les règles et
réglementation..), de modes de régulation (domestiques, marchand,
capitaliste, administrée). Le déploiement des stratégies
des acteurs (firmes, offices publics, paysanneries, pouvoirs publics...) en
charge des opérations se caractérise par une régulation du
fonctionnement de la chaîne; celle-ci est pilotées par une
concertation entre plusieurs acteurs ou l'un d'entre eux ayant une position
hégémonique » (Hugon, 1989, 1994). L'analyse de la
filière pièces détachées de moto et de voiture
à Maroua la rend, ainsi, particulièrement opérationnelle
pour les villes caractérisées par des défaillances de
marché et par des défaillances des Etats et des règles.
Elle permet de repérer les noeuds stratégiques de valorisation et
également les goulets d'étranglement au niveau des producteurs,
des fournisseurs de produits d'amont, des opérations de collecte, de
transport, de transformation, de distribution et d'utilisation finale des
produits. Elle prend en compte les articulations entre les échelles
locales et globales et permet notamment de voir les concurrences ou les
complémentarités entre les filières de produits
importés et les filières locales, régionales ou nationales
(Lançon et al., 2004). Elle dépasse la division entre secteur
traditionnel et moderne, rural et urbain ou secteur primaire, secondaire et
tertiaire souvent peu significatifs. Elle permet également de
relativiser le débat entre les conceptions libérale et
volontariste des politiques publiques.
En effet le commerce officiel est celui qui est
réglementé, reconnu par les autorités administratives du
Cameroun et du Nigéria. Mais entre ces deux pays s'est
développé un commerce d'un autre genre qui n'est pas
maîtrisé par les autorités et qui relève
malheureusement de l'illégalité. Cette illégalité
concerne les produits dont la commercialisation est interdite ; c'est le
cas du carburant de contrebande d'origine Nigériane communément
appelé « zoua zoua ». Ce carburant frelaté
est le premier produit par ordre d'importance issu de la contrebande qui entre
sur le territoire camerounais (Aboubakar et al., 2010). Ainsi l'analyse du
phénomène de commercialisation des pièces
détachées fera l'objet de notre travail, car il est devenu une
sérieuse activité dans la ville de Maroua. Cette activité,
dont l'explosion est remarquable depuis les années 2000, reste
diversement appréciée par les usagers, les conducteurs, les
autorités administratives et alimentent des débats
contradictoires dans les médias publics et privés. Autant elle
constitue un "vivrier d'emploi" pour certains commerçants
actifs, il n'en demeure pas moins qu'elle engendre de nombreux problèmes
et les autorités administratives ne cessent d'entretenir la
polémique sur une bonne réglementation de ce secteur
d'activité.
I.PRESENTATION DU SUJET
A l'heure actuelle, les Etats se trouvent confrontés
à d'importantes difficultés pour assurer leur mission
régalienne en matières de santé, d'éducation voir
de sécurité dans leurs périphéries et sont parfois
passifs face à ces lacunes y relatives. Les acteurs locaux initient et
développent de multiples coopérations au delà des
frontières, des promoteurs se mobilisent pour l'aménagement des
vallées frontalières et des commerçants s'organisent pour
faciliter la circulation de leurs marchandises de part et d'autres. C'est ainsi
qu'en Afrique en général, les pays frontaliers effectuent des
transactions, s'entre-aident avec des produits abondants vers les pays ou ils
sont rares. Aussi l'ouverture à la mer est d'une grande importance. En
Afrique de l'ouest, le Nigeria est un exemple palpable, car son ouverture
à la mer permet de ravitailler les pays enclavés environnants,
par ailleurs sa monnaie permet d'accroitre son économie. Cet
accroissement est l'apanage du secteur formel et informel. Au Cameroun, le
commerce informel est d'une grande ampleur et donne un coup de pousse à
l'économie du pays. Cependant, la périphérie du pays ne
dispose pas du privilège qu'a le centre du pays, c'est ainsi que les
régions ont tendances à s'approvisionner dans les pays
limitrophes, c'est le cas de la région de l'Extrême-nord du pays
qui se ravitaillent avec des produits en provenance du Tchad et du Nigeria pour
la plupart. Maroua est le chef lieu de la région de l'Extrême-Nord
et dont le marché est un repère pour certains produits ;
c'est l'exemple des pièces détachées de moto et de voiture
dont le commerce prend une ampleur considérable dans la ville.
En effet les commerçants des pièces
détachées à Maroua mettent des moyens en oeuvre pour
rendre ce secteur d'activité plus florissant, ceci s'observe par
l'expansion de cette activité dans la ville. Ce qui nous amène
à nous intéresser à la filière pièce
détachée dans la ville de Maroua.
I.1. DELIMITATION DE
L'ETUDE
I.1.1. Délimitation thématique de
l'étude
La mondialisation et l'ouverture du commerce extérieur
à amener les Etats à coopérer. Le Cameroun et ses voisins
effectuent des échanges, que ce soit officiels ou frauduleuses.
L'Extrême-Nord pour sa part avec le privilège d'être voisins
avec le Nigeria économiquement stable (Herrera 1997) se ravitaille des
produits qui y proviennent (appareils électroniques, produits de
premières nécessités, engins, carburants, textiles...).
C'est la raison pour laquelle de nombreux auteurs tels que Herrera, Bennafla,
Dadier, Gottman, Rafesten ont travaillé sur les échanges entre
ces deux pays. La ville de Maroua est inondée de ces produits en
provenance du Nigeria. Ceci s'explique par son éloignement avec le
centre du pays, ou l'achat de la marchandise, prend en compte le prix de la
marchandise, les frais de transport et le prix d'achat, ce qui revient
automatiquement chère à Maroua. Cependant les marchandises
étant diversifiés, nous nous sommes intéressés aux
secteurs des engins. En effet la vente des pièces de rechange de moto
et de voiture attire l'attention car elle occupe une place primordiale dans
l'entretien des engins des consommateurs. C'est une activité commerciale
qui s'inscrit dans le domaine de la géographie économique. Ce
commerce est d'une grande importance, il prend de l'ampleur dans la ville de
Maroua, pour s'en rendre compte il suffit d'observer la multiplicité
des boutiques dans le marché et dans les quartiers et prendre en compte
le nombre de garages qui sont dans la ville. Ce commerce est
bénéfique pour le Cameroun et le Nigeria, puis que les deux pays
en tirent avantages sociaux et économiques.
La ville de Maroua semble devenir ainsi un pôle de
pièces détachées de moto et de voiture. C'est la raison
pour laquelle notre étude s'attellera sur l'analyse de cette
filière. Cette étude centrée sur la filière
pièces détachées dans la ville de Maroua va s'articuler
sur la typologie des pièces; ses acteurs; l'organisation de ces
acteurs ; les circuits de ravitaillements ; l'impact
socio-économique de cette commercialisation dans la ville de Maroua.
Elle s'inscrit ainsi dans un souci de décryptage des différents
changements ayant affectés ou qui affectent les sociétés
et l'économie de cette ville de l'Extrême-Nord du Cameroun
|
|