Mémoire, identité et dynamique des générations au sein et autour de la communauté harkie. Une analyse des logiques sociales et politiques de la stigmatisation.( Télécharger le fichier original )par Emmanuel BRILLET Université Paris IX Dauphine - Doctorat de sciences politiques 2007 |
b) Indéterminations savantesL'histoire contribue-t-elle en France à la perpétuation d'une vision, sinon "orientée", du moins connotée - négativement s'entend - des anciens supplétifs musulmans de l'armée française ? Donc au maintien d'un climat intellectuel peu favorable à la sortie hors d'une configuration sociale et politique stigmatisante à leur endroit ? La question peut sembler provocante. Elle ne l'est pas si l'on prend soin de distinguer entre la visée de l'histoire comme discipline académique d'une part, et sa réalité comme produit "daté" et "situé" du travail des historiens d'autre part. En tant que discipline académique, l'histoire commande en son principe une visée d'objectivité. Est ici ambitionné « la fidélité épistémique à l'égard de ce qui est advenu »1762(*), la coïncidence parfaite entre la chose passée et son ressouvenir. En cela, l'histoire prend clairement ses distances avec la mémoire qui, individuelle ou collective, officielle, collégiale ou familiale, vise à la symbolisation du passé, donc à sa subjectivation. Certes, les tierces mémoires d'un même événement sont des matériaux par excellence de l'histoire immédiate. Mais c'est précisément dans cette mise en perspective que se situe la vocation propre de l'histoire : "com-prendre", appréhender ensemble les différents espaces de sens, temporalités et significations vécues d'un même événement pour en rendre toute la complexité. Paul Ricoeur : « À l'histoire revient le pouvoir d'élargir le regard dans l'espace et dans le temps, la force de la critique dans l'ordre du témoignage, de l'explication et de la compréhension, la maîtrise rhétorique du texte, et plus que tout l'exercice de l'équité à l'égard des revendications concurrentes des mémoires blessées et parfois aveugles au malheur des autres »1763(*). Aussi l'historien n'entre-t-il pas dans une relation de rejet par rapport à la mémoire, mais dans une dynamique de décentrement par rapport à l'éventail des mémoires qui chacune pour son compte prétend à l'exclusive de la reviviscence des faits. Guy Pervillé : « La vérité historique ne se confond pas avec la mémoire particulière qu'un groupe considère comme son patrimoine, mais elle doit se construire en confrontant et en combinant sans exclusive les témoignages et les documents de toutes les tendances »1764(*). Cette visée d'objectivation est prise en charge par un corps d'experts, censément à même de « s'abstraire radicalement des contingences du monde »1765(*) et, à ce titre, « prétendants à la fonction du tiers »1766(*). Spécialistes de l'exhumation et de la recension du souvenir, ils tendent non à la célébration mais à la reconstitution de la chose passée, chacun d'eux se faisant « spectateur bienveillant et impartial de ce monde dans lequel nous ne sommes qu'un parmi quelques milliards »1767(*). Bien que souhaitable, cette démarche de "décentrement" - ce que Paul Ricoeur appelle « la prétention de l'histoire à se situer hors de tout point de vue particulier »1768(*) - est, dans les faits, éminemment difficile à tenir puisque, à l'instar d'autres discours, le discours historien - en France et en Algérie - est un discours situé. Olivier Mongin nous invite ainsi prudemment à « considérer que l'histoire ne parvient jamais à s'émanciper totalement de la mémoire »1769(*). Et ce plus encore s'agissant d'un conflit qui, aujourd'hui comme hier, a déchaîné les « passions françaises », à commencer par celles des clercs, et où les frontières entre démarche savante et démarche militante sont apparues - et apparaissent encore - éminemment labiles. De fait, nous l'avons vu, la geste "protestataire" au moment de la guerre d'Algérie fut avant tout une geste intellectuelle ou, plutôt, une geste d'intellectuels. Autrement dit, ceux qui aujourd'hui écrivent l'histoire de la guerre d'Algérie sont, bien souvent, ceux-là mêmes qui, hier, ont pris parti. La frontière entre le "prosélyte" et le "savant" apparaît ainsi pour le moins incertaine dans les propos d'un Pierre Vidal-Naquet (« Pour l'enseignement, je constate que la plupart des manuels parlent de la torture pendant la guerre d'Algérie en se référant soit à mes propres travaux ou à La question d'Henri Alleg. Il ne faut pas charger les professeurs de tous les péchés d'Israël ! »1770(*)) qui, du reste, assume assez ouvertement cette indétermination : « Mohammed Harbi et moi sommes qualifiés de témoins-historiens. Il va sans dire que nous ne le sommes pas au même niveau. Dans cette période, Harbi [NDA : qui fut l'un des rédacteurs du Programme de Tripoli] a exercé des fonctions de responsabilité directe. Il a été membre de la fédération de France du FLN et conseiller de la délégation algérienne lors des pourparlers d'Evian. Il s'est ensuite reconverti dans la pratique historienne. Pour ma part, si j'ai eu des responsabilités dans l'opposition à la guerre d'Algérie, j'étais un citoyen-historien qui pensait qu'un historien doit produire de l'histoire. En tant qu'historien engagé dans la bataille, je m'intéressais à d'humbles vérités. A la fin de la guerre d'Algérie, paraissait chez Maspero une revue à laquelle je participais et qui s'appelait Partisans. J'étais un partisan. Est-ce compatible avec le métier d'historien ? Il est clair que nous nous heurtions à d'autres obstacles. A l'illusion de la révolution, d'une part, et surtout à cet énorme obstacle que représentait pour nous la très mythique unité du FLN. Tout cela a-t-il volé en éclats en 1962 ? Pas entièrement puisque beaucoup d'entre nous - partisans - se raccrochèrent à telle ou telle faction. Je me réfugiais dans la figure de Boudiaf. Mais Boudiaf n'était la révolution que parce qu'assurément Ben Bella ne l'était pas, et Boumediene encore bien moins. Mais un homme comme Michel Raptis - Pablo - crut jusqu'en 1965 que l'ALN de l'extérieur, porte-parole de la paysannerie, était la classe porteuse de la révolution. Mais il était certain que leur révolution n'avait que de lointains rapports avec ce que nous mettions dans ce mot. Nous sommes tout de même débarrassés de cette mythologie, mais pas tous, et pas complètement »1771(*). Cette confusion possible des registres, assumée ou non par les intéressés, ne peut cependant être sans conséquences sur la manière dont s'opère la démarche de "décentrement" par rapport à l'éventail des mémoires en lutte pour imposer leur vision de l'événement, démarche dont nous avons vu qu'elle était censément au coeur de l'éthique professionnelle des historiens. A cet égard, l'initiative prise par un certain nombre d'historiens de relancer, à la veille du 46ème anniversaire de l'insurrection du 1er novembre 1954 (et avec l'appui direct du journal L'Humanité1772(*) et plus indirect du Monde), les débats autour de la torture pendant la guerre d'Algérie, initiative connue sous le nom d' « Appel des Douze » (31 octobre 2000), est illustrative de la perméabilité du discours historien aux joutes mémorielles. Dans ce cas d'espèce comme dans d'autres, l'historien n'est plus seulement un technicien de la restitution du passé mais un acteur qui s'estime en droit - à la fois au nom de son expertise et de ses engagements militants - à définir et à imposer une vision "légitime" du passé. Ainsi en va-t-il, par exemple, de l'historienne et ancienne militante du P.C.F. Madeleine Rebérioux1773(*), signataire de l' « Appel des Douze » aux côtés de Pierre Vidal-Naquet et Henri Alleg, qui estime d'un côté que le « colonialisme » devrait faire l'objet d'un traitement formellement analogue à celui de la Shoah au collège et au lycée1774(*), mais qui, d'un autre côté, n'avance qu'avec prudence son espoir de pouvoir « parler des crimes du FLN sans insulter les Algériens ». Or, l'on pourrait tout autant incliner à penser - par exemple avec Pascal Bruckner1775(*) ou Alfred Grosser1776(*), lesquels pointent l'écueil d'un ethnocentrisme renversé (ou d'un tiers-mondisme mal compris) invitant à considérer les crimes commis par des non-Occidentaux comme plus facilement "excusables" ou "assimilables" par les intéressés - que c'est précisément le fait de se garder d'en parler (ou de ne le faire qu'avec une extrême circonspection ou affectation) qui est "insultant" ou dommageable pour les Algériens. Guy Pervillé notait ainsi que « le travail des historiens sur ce sujet brûlant [NDA : la guerre d'Algérie] est de plus en plus perturbé par les conflits qui s'exaspèrent entre les groupes porteurs de mémoires antagonistes, qui font pression sur eux pour les inviter ou les obliger à prendre leur parti. Et les historiens eux-mêmes semblent disposés à céder à ces sollicitations »1777(*). Et il ajoutait : « Prise entre deux feux, exposée aux pressions contraires des deux camps, comment la communauté des historiens de métier a-t-elle réagi ? Elle a malheureusement beaucoup perdu de la cohésion qui était la sienne auparavant. Ses membres se sont laissés entraîner de plus en plus souvent dans des controverses et même des polémiques réciproques, dont les enjeux et les arguments sont au moins autant politiques qu'historiques. Et cela parce que la plupart d'entre eux ont vécu la guerre d'Algérie en tant que citoyens avant de l'étudier comme historiens »1778(*). Bien entendu, cette "tessiture" mixte de la démarche historienne, écartelée à des degrés divers entre enjeux politiques et historiques, se double de logiques de gratification mutuelle consistant à reconnaître - et à faire reconnaître - par privilège les qualités professionnelles de ceux des historiens qui s'inscrivent dans un même courant d'opinion : « De même que Che Guevara disait que le devoir d'un révolutionnaire c'est de faire la révolution, je dirai que le devoir d'un historien c'est de faire de l'histoire. Et là, il n'y en a pas beaucoup. Un des seuls à faire de l'Histoire en profondeur, c'est Mohammed Harbi et sur ce point, il mérite tout notre soutien. J'ajouterai aussi un homme comme Gilbert Meynier qui lui aussi fait véritablement de l'Histoire »1779(*). Aussi nous a-t-il semblé utile d'éclairer les opinions qui s'expriment au sujet des harkis - notamment celles qui s'expriment sous couvert de l'expertise historienne - par des éléments de biographie de leurs auteurs. Car l'inappétence intellectuelle de certains historiens pour la destinée des harkis - considérée comme un objet d'analyse de second ordre - et/ou la tendance corrélative à relativiser (sans nier tout à fait) son caractère dramatique, peuvent témoigner de préventions certainement moins heuristiques que biographiques (et pourtant non explicitées comme telles1780(*)). Ainsi en va-t-il également, a fortiori, des présentations exagérément dépréciatives (ou laudatives) des anciens harkis. Il s'agira, en somme, de "désacraliser" la posture de l'historien en pointant aussi souvent que nécessaire « l'intrication de la mémoire et du savoir historique »1781(*). Parmi les travaux historiques qui, à leur manière, font obstacle au « cheminement de l'esprit de pardon » dans le cas d'espèce du massacre des harkis, les travaux de Charles-Robert Ageron occupent une place à part. D'abord parce qu'à la différence de nombre d'historiens professionnels autrefois engagés « contre » la guerre d'Algérie ou se réclamant des luttes anticolonialistes, Charles-Robert Ageron n'a pas choisi d'ignorer la destinée des harkis (et, par là, de la construire comme objet de "second ordre" ou de "second rang"), mais de démonter - avec les outils de l'historien - ce qu'il considère être des exagérations ou des reconstructions quant à la manière dont cet objet a pu être traité par d'autres que lui. Ensuite parce que ces travaux - principalement trois articles publiés dans la revue d'histoire Vingtième siècle1782(*) - font "autorité" auprès de ses pairs, notamment ceux qui se reconnaissent dans ses engagements anticolonialistes. Ainsi, dans un article publié dans Confluences Méditerranée en réaction à la parution du livre de Georges-Marc Benamou, Un mensonge français, les historiens Mohammed Harbi et Gilbert Meynier, ulcérés par le « travail rapide » de Benamou, mais qui n'ont eux-mêmes jamais consacré plus que des incidentes à la question des harkis, renvoient expressément le lecteur aux travaux de Charles-Robert Ageron : « Et Benamou ignore les trois articles fondamentaux de Charles-Robert Ageron qui, à notre avis, font autorité, ou devraient faire autorité sur le sort des harki(s) », écrivent-ils1783(*). Pour sa part, Guy Pervillé, soulignant que « Charles-Robert Ageron ne se cache pas d'approuver globalement la politique algérienne du général de Gaulle, et son aboutissement les accords d'Evian », rappelle que l'intéressé « s'était longtemps refusé à écrire sur les événements de 1954 à 1962, car il se méfiait de sa subjectivité de témoin engagé » 1784(*). Dans « Le drame des harkis en 1962 »1785(*), article explicitement fait en réponse à la publication de la thèse de Mohand Hamoumou chez Fayard1786(*), Charles-Robert Ageron, qui sous-entend que ce livre pourrait faire la part belle « aux souvenirs déformés des mémoires » et, ce faisant, se prêter à une « [exploitation] à des fins politiques et médiatiques », entend pour sa part « rappeler quelques faits sûrs et révéler certains textes » conformément aux canons de « l'histoire scientifique ». Sa démonstration va pourtant plus loin qu'une simple réfutation méthodique de certaines affirmations de Mohand Hamoumou puisque l'auteur entend d'une part, dénoncer « l'abandon prétendu des harkis » et, d'autre part, relativiser l'ampleur des massacres de l'après-indépendance pour se démarquer de ceux qui - tel Mohand Hamoumou - les qualifient de « génocide des harkis » :(1) en premier lieu, donc, l'auteur, qui rappelle les différentes options offertes aux ex-supplétifs et rapporte les chiffres des transferts opérés dans le cadre du "plan général de rapatriement" (soit 21.000 sur l'ensemble de l'année 1962), et qui produit deux documents émanant pour l'un du Premier ministre Georges Pompidou (lequel invite les autorités militaires à transférer en métropole les anciens supplétifs et membres de leurs familles réfugiés dans les casernements français en Algérie) et l'autre de l'ambassade de France en Algérie (faisant part des protestations du gouvernement français eu égard aux sévices infligés aux anciens supplétifs et, surtout, à l'inaction apparente des nouvelles autorités)1787(*) s'étonne que l'on puisse qualifier d' « abandon » l'attitude des autorités françaises d'alors à l'égard des musulmans qui, à un titre ou à un autre, s'étaient engagés aux côtés du colonisateur. Cette courte démonstration souffre pourtant de nombreuses insuffisances : (1.1) il n'est fait mention dans cet article : ni de l'exclusion de toute partie autre que le FLN et l'Etat français du processus de négociation d'Evian (les pieds-noirs et les musulmans pro-français étant exclus, ès qualités, de cette négociation), ni de l'absence de garantie autre qu'une clause de non-représailles très générale et dénuée de toute menace de rétorsion en cas de violation par la partie algérienne, ni enfin de l'exclusion automatique de la nationalité française des Algériens de statut civil de droit local au jour de l'indépendance. Bref, Charles-Robert Ageron ignore la fragilité des garanties statutaires (politiques et juridiques) offertes aux musulmans non inféodés au FLN dans ce contexte de transition brutale (du 19 mars au 3 juillet il s'écoule à peine plus de trois mois). (1.2) l'auteur ne fait pas davantage mention ni la "lettre" ni de "l'esprit" qui président à l'élaboration puis à la mise en place du plan général de rapatriement : les directives Messmer et Joxe sont ignorées, de même que les instructions du général de Gaulle au Comité des Affaires algériennes ; les conditions de célibat nécessaires à l'engagement dans l'armée ne sont pas davantage mentionnées (voir la Partie 1). En outre, s'il cite le chiffre de 21.000 rapatriements opérés par les voies officielles (pour l'année 1962), Charles-Robert Ageron ne s'étonne guère de la lenteur des opérations : certes, un peu moins de la moitié de ce total est évacué "préventivement" fin juin-début juillet, avant la première grande vague de massacres (qui s'étale de mi-juillet à fin août), mais cette opération est alors conçue comme quasi-définitive ; par suite, c'est sous la pression des événements qu'un deuxième contingent d'environ 2.500 personnes est évacué fin juillet, puis un troisième d'environ 1.500 personnes entre la mi-septembre et la mi-octobre (plusieurs semaines après la première grande vague de massacres) ; et c'est seulement à ce moment (le 19 septembre précisément), qu'est édictée la directive Pompidou citée par l'auteur ; enfin, un reliquat important de 6 à 7.000 personnes est évacué en novembre-décembre (8 à 9 mois après la signature des accords d'Evian, et plus de 4 à 5 mois après l'accession de l'Algérie à l'indépendance), alors que la seconde grande vague de massacres s'est abattue sur l'Algérie, à compter de la mi-octobre (et alors que les camps d'hébergement accueillent encore 20 à 25 personnes par jour). Ce n'est d'ailleurs que le 13 novembre qu'est adressé le message de protestation de l'ambassade de France cité par Charles-Robert Ageron. Encore ce total de 21.000 transferts sur l'année 1962 comprend-il les proches parents des anciens supplétifs : ce ne sont en fait que 3 à 4.000 chefs de familles au maximum - les anciens supplétifs proprement dits - qui sont donc concernés ; (1.3) et s'il mentionne les instructions de Georges Pompidou en date du 19 septembre 1962, qui « estime nécessaire d'assurer le transfert des anciens supplétifs qui sont venus chercher refuge [de leur propre initiative] auprès des forces françaises », il omet de rappeler en contrepoint qu'ordre avait été donné aux forces françaises encore présentes en Algérie de s'abstenir de toute intervention d'initiative pour porter assistance à leurs anciens compagnons d'armes : seuls ceux qui parviendraient par leurs propres moyens à gagner les casernements seraient secourus (et c'est ainsi que des tortures et des exécutions en place publique furent pratiqués à proximité des postes français sans entraîner la moindre réaction) (voir la Partie 1). Car c'est là un point fondamental : c'est la gestion du fait accompli qui a prévalu, non une attitude proactive ; (2) en second lieu, si l'auteur s'attache à dénoncer les chiffres-slogans outranciers tendant à exagérer le bilan du massacre des harkis (tel celui de 150.000, qui procède d'extrapolations hasardeuses ; voir la Partie 1), il tend lui-même à accréditer une évaluation que la plupart des historiens tiennent pour exagérément basse ou partielle, celle avancée sur le moment par le journaliste Jean Lacouture pour la seule période comprise entre le 19 mars et le 1er novembre 1962, soit 10.000 victimes. Mais Charles-Robert Ageron - qui reproche à Mohand Hamoumou d' « [être] brouillé avec les chiffres » - n'explique pas comment Jean Lacouture a pu produire une telle évaluation ; pis, il semble ignorer que ce dernier parle aujourd'hui de 30.000, voire de 100.000 victimes au gré de ses publications ou interviews. Une référence bien fragile, donc, que l'auteur justifie pourtant de la sorte : « Puis-je signaler que cette évaluation de 10.000 harkis massacrés était celle-là même du porte-parole de l'armée et de l'ambassadeur [de France en Algérie] Jean-Marcel Jeanneney ? ». Et Charles-Robert Ageron de conclure - et c'est essentiel pour ce qui nous concerne ici - de la manière suivante : « Est-ce là vraiment une page honteuse de notre histoire ? ». Par ailleurs, dans un autre article, intitulé « Le «drame des harkis». Histoire ou mémoire ? » (les guillemets sont de l'auteur), publié peu après la visite controversée d'Abdelaziz Bouteflika en France, en juin 2000, Charles-Robert Ageron revient plus en longueur sur la séquence immédiatement postérieure à la signature des accords d'Evian et à la démobilisation des harkis aux fins, écrit-il, de « s'informer et d'établir un bilan scientifique d'événements que les Français tiennent parfois pour un «lâche abandon de musulmans fidèles» », et de présenter « ce que furent les attitudes de l'armée et du gouvernement algériens vis-à-vis du sort qu'ils entendaient réserver aux ex-supplétifs »1788(*). Si, à la différence de ses précédents articles, l'auteur fait cette fois-ci ouvertement état de certaines des directives et instructions gouvernementales tendant à limiter le flux des rapatriements de supplétifs (à savoir celles visant à interdire les opérations de transfèrement opérées en dehors du plan général et à sanctionner leurs auteurs), ainsi que de celles visant à interdire les opérations de secours dans le bled, il n'en continue pas moins à battre en brèche ce qu'il appelle les « accusations «d'abandon de nos fidèles harkis» »1789(*), arguant de ce que « l'action de transfert » conduite par le gouvernement n'avait pas été insuffisante mais « trop discrète » pour être reconnue à sa juste valeur1790(*). La raison en est, selon lui, la décision du ministère des armées de ne pas diffuser « une étude préparée par le haut commandement en juin 1963 expliquant «le problème des supplétifs» et les solutions apportées », étude classée sans suite afin de ne pas apporter « de l'eau au moulin des nostalgiques de l'Algérie française et de l'OAS » : « Ainsi s'explique peut-être, ajoute Charles-Robert Ageron, le silence officiel, finalement maladroit, qui laissa libre cours aux pires accusations, sur la lâcheté du gouvernement et la faiblesse des rapatriements »1791(*). "Défaut de communication" plutôt qu'"abandon" ? Encore une fois, l'auteur, s'il produit dans cet article une documentation abondante sur le "double jeu" du FLN dans les semaines qui suivent la signature des accords d'Evian (promesses publiques de pardon et appels officieux à la vengeance), fait par contre l'impasse sur les effets de la propagande officielle française tendant à présenter les accords d'Evian comme une panacée en matière de garanties offertes aux personnes et aux biens, et sur les possibilités plus que ténues offertes aux anciens supplétifs pour bénéficier de la protection de l'armée (notamment l'absence de possibilité réelle d'engagement pour ceux qui n'étaient pas célibataires, le retour à la vie civile avec prime de recasement étant dans ce cas systématiquement encouragé). Ceci étant passé sous silence, Charles-Robert Ageron en vient naturellement à établir un "audacieux" quorum des responsabilités pour ce qui a trait aux massacres de l'été et de l'automne 1962 : outre le FLN, qu'il désigne comme principal responsable, la co-responsabilité du drame tiendrait selon lui moins aux autorités françaises qu'aux anciens supplétifs eux-mêmes, qui « ne voulurent pas s'expatrier ». Sa conclusion vaut d'être citée dans son intégralité : « Les associations de harkis qui se sont multipliées en France ont développé la légende du «génocide» des harkis victimes du colonialisme. Les responsables en seraient, selon elles, l'armée et le gouvernement français qui auraient volontairement abandonné au massacre leurs fidèles soldats et limité au maximum l'accueil des réfugiés. La France coupable de «non-assistance à personne en danger devrait faire publiquement repentance». Il n'appartient pas à un historien de cacher ce qu'une recherche minutieuse lui a appris. Les harkis confiants dans les promesses du FLN ne voulurent pas, pendant longtemps, s'engager dans l'armée régulière, ni s'expatrier. Quand ils s'y décidèrent devant les violences subies, ils furent finalement, sans doute trop tardivement, reçus en France et peu à peu réinstallés ». Et il ajoute, sans dire un mot des camps ni des effets pervers des dispositifs d'aide spécifiques qui ont succédé à la politique de mise sous tutelle initiale : « Une aide spécifique fut accordée pour faciliter leur insertion économique et sociale et celle de leurs enfants. Ainsi la République française a témoigné solennellement, par la loi du 11 juin 1994, «la reconnaissance prioritaire de la dette morale de la nation à l'égard de ces hommes et de ces femmes qui ont directement souffert de leur engagement au service de notre pays» »1792(*). Il est à noter que cette argumentation est très exactement la même que celle développée rétrospectivement par Pierre Messmer, alors ministre des Armées (voir ci-après la section II.B.2.c de la Partie 4 : « Obstructions étatiques »), qui, dans une interview au Monde le 24 septembre 2001 (à la veille de la première Journée d'hommage national aux harkis), entendait établir « une hiérarchie dans les responsabilités » : « Le principal responsable, c'est le FLN, qui a trompé les harkis et les a massacrés ; ensuite, ce sont les harkis eux-mêmes qui se sont laissé tromper ; en troisième lieu, ce sont ceux qui n'ont pas été les délivrer pour ne pas mettre en danger le cessez-le-feu [entendre le gouvernement français] ». Cette coïncidence de vue vient-elle de ce que Charles-Robert Ageron a largement puisé dans les archives personnelles de Pierre Messmer pour écrire cet article ? Toujours est-il que ces deux analyses, l'une produite par un historien professionnel, l'autre par un ancien responsable politique, aboutissent l'une et l'autre à considérer comme injustifiée toute demande de repentance adressée à l'Etat français pour cette même raison que les anciens harkis seraient finalement davantage responsables de leur malheur que leurs anciennes autorités de tutelle. « L'historien n'est pas un pur esprit détaché de la société, écrit Alfred Grosser dans Le crime et la mémoire. Il n'acquiert et ne présente pas un pur savoir. Il est tributaire de sa propre mémoire. (...) Il risque ainsi d'infléchir ses analyses pour rendre anodin tel crime, pour exalter le souvenir de telle catégorie de victimes plutôt que de telle autre »1793(*). Pour ce qui le concerne, et à rebours des analyses de Charles-Robert Ageron (qui incriminent prioritairement le FLN), le professeur algérien de sociologie de l'IEP de Lyon, Lahouari Addi, tendait - au prix d'une analyse systémique - à relativiser la responsabilité propre du FLN. Posant d'une part que « les courants nationalistes modérés n'ayant obtenu aucune réforme, le courant radical s'enracina dans la population, ce qui lui permit de lancer l'insurrection de 1954 », et posant d'autre part que « le FLN a été la réponse à la rigidité du système colonial qui ne réagissait et ne comprenait que le langage de la violence », Lahouari Addi en vient à cette conclusion : « Les victimes du FLN ne sont-elles pas, au fond, des victimes du système colonial qui a laissé exploser la révolte populaire dont le FLN a été l'expression ? »1794(*). De l'incrimination indifférenciée du « système colonial » à l'euphémisation des crimes du FLN (et notamment du massacre des harkis), l'espace du pardon dans les rapports entre la communauté harkie et l'Etat algérien est, là encore, à l'aune d'une analyse qui brouille l'imputabilité des faits jusqu'à les rendre inassignables, réduit à la portion congrue. Même raisonnement, mais poussé plus loin encore du côté de Mohammed Harbi et Gilbert Meynier, dans l'article précédemment cité, en réponse au livre de Georges-Marc Benamou, Un Mensonge français. Les auteurs y établissent une nette distinction entre les violences « industrielles » de l'armée française et la violence du FLN, qualifiée de « fondamentalement artisanale » et, qui plus est, dirigée vers « l'affranchissement des Algériens » : « L'armée française fut plus massivement et plus industriellement tortionnaire que certains éléments d'une ALN, fondamentalement artisanale dans sa violence, et qui, au moins, luttait pour l'affranchissement des Algériens ; et que les Algériens se défendaient contre un conquérant qui les avait conquis dans la brutalité. Quand on ne se contente pas de l'écume des aboutissements factuels, c'est la violence française qui fut première »1795(*). A cette aune, donc, le massacre des harkis n'est qu'un « aboutissement factuel », l' « écume » de cette causalité (maléfique) première qu'est le « système colonial ». Pourquoi s'attarder sur le premier (le massacre des harkis, objet historique de second rang), comme sur les voies et moyens du FLN, quand, en première comme en dernière instance, c'est l'analyse du second (le système colonial) qui devrait être par privilège l'objet des investigations historiques (puisque tout en découle) ? Fort d'une expertise "infrastructurelle" qui voit plus loin que - ou en deçà de « l'écume des aboutissements factuels », l'historien se sent ainsi légitimé à qualifier de « fondamentalement artisanale » une violence qui a coûté la vie à 30.000 civils musulmans et un peu moins de 4.000 civils européens entre le 1er novembre 1954 et le 19 mars 1962 (soit une victime européenne pour sept à huit victimes musulmanes), ainsi qu'à plusieurs dizaines de milliers d'ex-supplétifs musulmans (et membres de leurs familles) et quelque 2 à 3.000 civils européens après le 19 mars 1962 (voir la Partie 1). Toutes les violences ne se valent pas, cela est clairement expliqué. Mais cela signifie-t-il aussi qu'il faille distinguer entre les victimes ? A ce propos, Guy Pervillé dit partager le « malaise » exprimé par cet autre historien qu'est Daniel Rivet : « Gardons-nous de croire, écrit Guy Pervillé, que la campagne de dénonciation de la torture française en Algérie, lancée par Le Monde et relayée par L'Humanité depuis juin 2000, ait divisé la France en deux camps bien définis : celui de la vérité, et celui du mensonge. L'historien Daniel Rivet n'est pas le seul à estimer que «la lecture du Monde depuis juin 2000 installe le lecteur dans le malaise. Une fixation s'y opère sur la torture, les viols, les sévices exercés par la seule armée française au cours de la guerre d'Algérie. Les autres dimensions de la guerre sont occultées» »1796(*). * 1762 Paul Ricoeur, La mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, Seuil, 2000. * 1763 « L'écriture de l'histoire et la représentation du passé », conférence à la Sorbonne, 13 juin 2000, cité in Guy Pervillé, Pour une histoire de la guerre d'Algérie, Paris, Picard, 2002, p.313. * 1764 Guy Pervillé, Pour une histoire de la guerre d'Algérie, Paris, Picard, 2002, p.321. * 1765 Thomas Nagel [1991], Egalité et partialité, Paris, P.U.F., 1994, cité in Paul Ricoeur, « Les rôles respectifs du juge et de l'historien », Esprit, n°266-267, août-septembre 2000, p.50. * 1766 Paul Ricoeur, « Les rôles respectifs du juge et de l'historien », Esprit, n°266-267, août-septembre 2000, p.50. * 1767 Thomas Nagel [1991], Egalité et partialité, Paris, P.U.F., 1994, cité in Paul Ricoeur, « Les rôles respectifs du juge et de l'historien », Esprit, n°266-267, août-septembre 2000, p.51. * 1768 Paul Ricoeur, « Les rôles respectifs du juge et de l'historien », Esprit, n°266-267, août-septembre 2000, p.51. * 1769 Olivier Mongin, « Les discordances de l'histoire et de la mémoire », Esprit, n°266-267, août-septembre 2000, p.8. * 1770 « La guerre d'Algérie. Bilan d'un engagement », entretien avec Pierre Vidal-Naquet, Confluences Méditerranée, N°19, Automne 1996. * 1771 Intervention faite dans le cadre du colloque « La guerre d'Algérie dans la mémoire et l'imaginaire » organisé sur le campus de Jussieu, à Paris, les 14 et 15 novembre 2002 (retranscription opérée sur la base d'un enregistrement fait par nous). C'est nous qui soulignons. * 1772 Le texte de l' « Appel des Douze » a été rédigé par Charles Silvestre, journaliste à L'Humanité. * 1773 Madeleine Rebérioux, professeur d'histoire à Paris VIII (Vincennes, puis Saint-Denis) de 1969 à 1988, a été adhérente au PCF entre 1946 et 1969 avant d'en être exclue pour « gauchisme », après avoir participé à la fondation de la revue d'extrême-gauche Politique aujourd'hui. Très engagée aux côtés du FLN pendant la guerre d'Algérie, elle fut membre active du « Comité pour la défense des libertés en Algérie » (issu du « Comité pour les libertés » qu'elle co-fonda en 1952) ; secrétaire du Comité Maurice-Audin (1959-1962) ; collaboratrice de Vérité-Liberté ; signataire du « Manifeste des 121 ». Professeur d'Histoire à Paris VIII (Vincennes, puis St Denis) de1969 à 1988. Elle animera le « Collectif interuniversitaire contre la guerre au Vietnam » (1965-1969) et militera au FSI (Front de solidarité Indochine, émanation de la LCR d'Alain Krivine). Elle est aussi administrateur de l'association Henri-Curiel. * 1774 « La Ligue des droits de l'homme pense, et les Douze sont d'accord, que l'enseignement doit éclairer les adolescents sur ce qu'a été le système colonial, sur la manière dont il fonctionnait, associé à l'histoire de la République. Ce sont des choses qui doivent être dites, connues, comprises au même titre que la Shoah. Il y a eu de l'antisémitisme. Il y a eu un système colonial en France doublement articulé, pendant la guerre, sur la démission du politique devant l'armée et le refus d'admettre l'état de guerre » (« Torture : et les politiques ? », entretien avec l'historienne Madeleine Rebérioux, L'Humanité, 3 Juillet 2001. C'est nous qui soulignons). * 1775 Pascal Bruckner, Le Sanglot de l'Homme blanc. Tiers-Monde, culpabilité, haine de soi, Paris, Seuil, 1983. * 1776 Alfred Grosser, Le crime et la mémoire, Paris, Flammarion, 1989. * 1777 Guy Pervillé, « Les historiens de la guerre d'Algérie et ses enjeux politiques en France », communication au colloque Les usages politiques de l'histoire dans la France contemporaine, des années 70 à nos jours, Paris, 25-26 septembre 2003 ; article consultable à cette adresse : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3?id_article=20. * 1778 Ibid. * 1779 « La guerre d'Algérie. Bilan d'un engagement », entretien avec Pierre Vidal-Naquet, Confluences Méditerranée, N°19, Automne 1996. * 1780 D'où le parti pris qui est le nôtre, à titre personnel, de nous livrer dès l'introduction de ce mémoire à ce que nous avons appelé un "contre-transfert". Nous en assumons les risques, nous en mesurons également les bénéfices. Libre au lecteur de relativiser ce qui est dit - et de souligner ce qui n'est pas dit - au regard de nos résistances biographiques. Libre à nous d'en accepter l'augure avec sérénité puisque, par définition, un discours situé et reconnu comme tel par son auteur le dispense d'arborer l'attitude fausse (et parfois infatuée) de ceux qui, soucieux d'exercer un magistère moral sur leur lectorat, se livrent à d'opportuns écarts d'identité : hier encore militants, acteurs ou héritiers, aujourd'hui historiens sans passé. * 1781 Olivier Mongin, « Les discordances de l'histoire et de la mémoire », Esprit, n°266-267, août-septembre 2000, p.9. * 1782 Charles-Robert Ageron, « Le drame des harkis en 1962 », Vingtième siècle. Revue d'histoire, Presses de la F.N.S.P., n° 42, avril-juin 1994, p.3 à 6 ; Charles-Robert Ageron, « Les supplétifs algériens dans l'armée française pendant la guerre d'Algérie », Vingtième siècle. Revue d'histoire, Presses de la F.N.S.P., n° 48, octobre-décembre 1995, p.3 à 20 ; Charles-Robert Ageron, « Le «drame des harkis». Mémoire ou histoire ? », Vingtième siècle. Revue d'histoire, Presses de la FNSP, n°68, octobre-décembre 2000, p.3 à 15. * 1783 Mohamed Harbi et Gilbert Meynier, « Réflexions sur le livre de Benamou Georges-Marc, Un Mensonge français. Enquête sur la guerre d'Algérie. La dernière frappe du révisionnisme médiatique », Confluences Méditerranée, n°48, Jeudi 12 février 2004. * 1784 Guy Pervillé, « Les historiens de la guerre d'Algérie et ses enjeux politiques en France », communication au colloque Les usages politiques de l'histoire dans la France contemporaine, des années 70 à nos jours, Paris, 25-26 septembre 2003 ; article consultable à cette adresse : http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3?id_article=20. Pour sa part, Alain Maillard de La Morandais rapporte que Charles-Robert Ageron fut membre du « Comité d'action des universitaire libéraux » aux côtés d'André Mandouze ou du docteur Pierre Chaulet (L'honneur est sauf, Paris, Seuil, 1990, p.74). * 1785 Ageron (Charles-Robert), « Le drame des harkis en 1962 », Vingtième siècle. Revue d'histoire, Presses de la F.N.S.P., n° 42, avril-juin 1994, p.3 à 6. * 1786 Hamoumou (Mohand), Et ils sont devenus harkis, Paris, Fayard, 1993. * 1787 Ces deux documents sont cités dans la Partie 1 de cette thèse. * 1788 Charles-Robert Ageron, « Le «drame des harkis». Mémoire ou histoire ? », Vingtième siècle. Revue d'histoire, Presses de la FNSP, n°68, octobre-décembre 2000, p.3. * 1789 Ibid, p.5. * 1790 Ibidem. * 1791 Charles-Robert Ageron, « Le «drame des harkis». Mémoire ou histoire ? », Vingtième siècle. Revue d'histoire, Presses de la FNSP, n°68, octobre-décembre 2000, p.5. * 1792 Ibid, p.14-15. * 1793 Alfred Grosser, Le crime et la mémoire, Paris, Flammarion, 1989, p.31. * 1794 Lahouari Addi, « Les colonies, terres de torture », Libération du 7 décembre 2000, p.6. * 1795 Mohamed Harbi et Gilbert Meynier, « Réflexions sur le livre de Benamou Georges-Marc, Un Mensonge français. Enquête sur la guerre d'Algérie. La dernière frappe du révisionnisme médiatique », Confluences Méditerranée, n°48, Jeudi 12 février 2004. C'est nous qui soulignons. * 1796 Guy Pervillé, « Les sciences historiques et la découverte tardive de la guerre d'Algérie : d'une mémoire conflictuelle à la réconciliation historiographique ? », exposé prononcé lors d'un colloque algéro-germano-français organisé par le Georg Eckert Institut à Braunschweig (Allemagne) en février 2004 ; article consultable à cette adresse: http://guy.perville.free.fr/spip/article.php3?id_article=40. De la même manière, Jack Lang, alors ministre de l'Education nationale, qui s'était exprimé ès qualités dans le cadre de l'université d'été « Apprendre et enseigner l'Algérie et le Maghreb contemporain organisée le 29 août 2001 par le ministère de l'Education nationale, soulignait - dans un contexte de réactivation par L'Humanité et Le Monde des polémiques autour des exactions perpétrées par l'armée française au cours de la guerre d'Algérie - que « l'historien doit s'attacher à l'objectivité des faits et à l'équité des jugements. Il lui appartient de dénoncer le procédé qui consiste à juger des actes semblables en utilisant "deux poids et deux mesures", avec indulgence ou avec sévérité, selon qu'il s'agit de son camp ou du camp opposé, ce qui revient à autoriser l'emploi de "tous les moyens" à ceux dont on estime qu'ils ont raison et à dénoncer la méthode chez ceux auxquels on donne tort ». |
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