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Les déterminants du faible taux de référence des CSI (centre de santé intégré) ruraux vers le CHD (centre hospitalier départemental), dans le district sanitaire de Tahoua, zone d'intervention du projet ALAFIA/GTZ au Niger.

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par Idrissa CHEIFOU
Université Abdou Moumouni de Niamey Niger - Maà®trise en sociologie 2003
  

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RESUME

La présente étude sur le système de référence entre les centres de santé et l'hôpital de référence a été menée au district sanitaire de Tahoua. Les différents acteurs sur le terrain, notamment les infirmiers, les patients et la population en général ont été approchés pour mieux comprendre leur attitude et difficultés par rapport au système de référence.

Le transport et les coûts de soins en général comme les frais de transport, les coûts secondaires et les tarifs de soins constituent probablement les barrières les plus importantes par rapport à la référence.

Néanmoins d'autres barrières ont pu être identifiées avec certitude, plus particulièrement l'attitude négative des infirmiers envers les références (parce qu'elles diminueraient leur prestige), le déficit de dialogue entre l'infirmier et ses patients, la corruption au niveau de l'hôpital et les visites des malades culturellement obligatoires pour la population. D'autres barrières culturelles sont la résignation et le recours aux guérisseurs traditionnels.

Cette étude nous a permis de mieux comprendre les enjeux du système de référence. Il reste maintenant à voir comment les services sanitaires peuvent renforcer le système en vue d'agir sur les différents déterminants favorables au changement.

SUMMARY

A study was conducted on the referral system between health centres and the referral hospital in Tahoua district, Niger. The different actors in the field, nurses as well as patients and the general population, have been interviewed in order to understand better the determinant factors of the referral system.

Transport and financial problems, whether for transport, for buying drugs or the indirect costs like buying food in town are definitely the most important barriers for the referral process.

Other factors have been identified as well : the negative attitude of the nurses because referrals would decrease their credibility, the restricted dialogue between the nurses and their patients, corruption at the hospital level, and finally the obligatory visits of the patient by the people of the village. Other minor barriers are of religious nature or the traditional believes that make patients consult first traditional healers.

The present study has enabled a better understanding of the referral system. Now, one has to look into the problem on how to influence the referral process in order to transfer patients in need more rapidly to the hospitals.

Introduction et objectifs de l'étude

Le présent travail est réalisé en vue de répondre à une des exigences du système universitaire : la rédaction d'un mémoire en année de maîtrise. Il n'a pu se concrétiser que grâce à l'appui du projet Alafia-GTZ (Promotion de la Santé de la Mère et de l'Enfant).

L'étude s'inscrit dans le cadre des réflexions visant à améliorer la qualité des soins notamment en matière d'évacuations/références sanitaires, dans le district sanitaire de Tahoua, une des zones d'intervention du dit projet au Niger. Globalement, l'étude porte sur l'orientation d'un patient qui a consulté un centre de santé de premier niveau (Centre de Santé Intégré - CSI par exemple) vers le niveau secondaire ou structure de référence (hôpital de district ou Centre Hospitalier Départemental (CHD)) comme le cas du district de Tahoua. Son objectif est la compréhension des facteurs déterminant le système de référence afin de formuler des recommandations pour améliorer la performance du système de santé.

Elle vise également à décrire avec plus de précision les problèmes relatifs au système de référence à travers une étude des patients référés et les patients « mis en observation » au niveau des CSI. Son objet est également de déterminer les barrières qui empêchent aux agents de santé de référer les patients et/ou leur famille d'accepter la référence. Elle devrait enfin permettre de formuler des propositions pour améliorer le système de référence dans les districts sanitaires du Niger et de déterminer jusqu'à quel point les hospitalisations au niveau des CSI peuvent constituer une alternative à la référence.

L'étude se veut beaucoup plus qualitative que quantitative, c'est-à-dire que nous essayerons de présenter les résultats sous forme de récits qui sont beaucoup plus accessibles à toute personne intéressée, puisqu'ils exposent clairement les discours des informateurs.

Le travail s'articule autour de quatre grandes parties : le cadre théorique et méthodologique, les généralités, la présentation des résultats de l'étude et la discussion.

I- CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE

1.1. Cadre théorique

1.1.1. Problématique

La décentralisation des systèmes de santé nationaux dans les pays en voie de développement a conduit à l'avènement du système de santé de district.

Ce dernier est généralement composé de deux niveaux opérationnels : le premier niveau comprenant les formations sanitaires à l'échelon de la communauté, (les dispensaires, les centres de santé intégrés, les cabinets privés) et le niveau secondaire, avec un ou plusieurs hôpitaux.

Ces deux niveaux doivent fonctionner de manière interdépendante afin que le système soit efficace et puisse assurer la continuité des soins entre ses différents échelons.

Au Niger, et particulièrement dans le district sanitaire de Tahoua, zone d'intervention du projet Alafia- GTZ (Promotion de la santé de la mère et de l'enfant), les responsables du dit Projet ont observé que cette continuité des soins n'était pas du tout satisfaisante. En effet, en dépit de l'équipement des centres de santé ruraux d'un système de radiophonie qui les relie à l'hôpital de district, d'une ambulance qui facilite les évacuations des patients en cas d'urgence d'une part, et de multiples formations données aux infirmiers sur les SPT d'autre part, trop peu de patients sont référés du premier vers le deuxième échelon (hôpital) : environ 0,98% des nouveaux consultants (plan annuel de développement sanitaire de Tahoua).

Comparativement à d'autres régions d'Afrique (Zambie, Zimbabwe) où le taux de références sanitaires est d'environ 2% en milieu rural et 5% en milieu urbain, ce taux est assez faible.

Cette situation de faible référence, observée dans le district cité plus haut, ne va pas sans poser de problème : celui de la sous- utilisation de l'hôpital de district.

Face à ce problème, quelques questions, auxquelles des tentatives de réponses seront apportées, méritent d'être posées.

Comment les acteurs de la référence (les prestataires de soins, les populations et/ou les patients) appréhendent-ils le problème ? Ont-ils une part de responsabilité par rapport au phénomène ?

Quels peuvent être les obstacles pour les populations et/ou les patients à l'adhésion à la décision de référence faite par les infirmiers dans les CSI ?

Au regard de cette série de questions, quelques hypothèses peuvent être formulées en guise de réponses provisoires.

1.1.2. Hypothèses

La défaillance de la relation des infirmiers avec les patients (la qualité de la communication n'est pas bonne) les empêche de les convaincre pour accepter une référence. Ils craignent de perdre la face en référant des patients et/ou espèrent augmenter leur prestige vis à vis de la population à travers les hospitalisations dans les CSI, acte ne relevant pas de leur compétence.

Les populations préfèrent recourir beaucoup plus aux guérisseurs traditionnels qu'aux formations sanitaires de leur niveau. Elles ne comprennent généralement pas les enjeux d'une référence et affichent leur préférence pour les hospitalisations dans les CSI.

Certains patients, du fait de leur perception de l'hôpital comme centre supérieur préfèrent s'auto-référer. D'autres, pour des raisons diverses, n'adhèrent pas à la proposition de référence faite par les infirmiers.

1.1.3. Définition des concepts

Le système de référence dans le contexte d'un système de santé de district organisé en deux niveaux, pourrait être défini comme le processus de transfert d'un patient d'un échelon à l'autre. En général, on parle de référence dans le cas où le patient est transféré du niveau « inférieur », périphérique, vers un niveau supérieur qui est représenté en général par un hôpital de district. La contre-référence représente le contraire. Dr H. Görgen ( Gorgen, 1994) souligne que « le système de référence ne porte pas uniquement sur le transfert et le re-transfert des patients, mais également sur le système d'information, sur le système de financement et sur les mécanismes de coopération au sein de l'équipe cadre ». Pour la présente étude, ces aspects additionnels ne sont pas étudiés en dehors de certains détails sur le système de référence, notamment sur la lettre de référence et contre-référence.

Plusieurs aspects dans la définition ne sont pas tellement évidents et méritent une clarification.

Ø On parle d'une référence `légitime' quand c'est l'infirmier du centre de santé qui a pris l'initiative. On parle d'une auto-référence quand le patient se présente directement au centre de référence ( l'Hôpital de district ou le CHD). Cette auto-référence peut être due au fait que le patient n'a pas raisonnablement accès à un CSI pour se faire soigner, mais peut constituer aussi un choix conscient d'une personne qui refuse d'utiliser les services du CSI (un patient qui a contourné le système).

Ø Par référence en urgence (ou évacuation), il faut entendre une évacuation immédiate d'un patient nécessitant le recours à l'ambulance parce qu'il existe danger de vie dans un délai court.

Ø Un patient ayant accepté la référence, se définit comme un patient qui s'est présenté `de facto' au niveau du centre de référence et qui a donc adhéré à la recommandation de l'infirmier.

Ø On parle aussi de référence quand un médecin envoie un patient au-delà de son district vers par exemple un hôpital régional ou national. Ce système ne fait pas partie de cette étude.

Ø Le taux de référence se définit quant à lui par le nombre de malades référés sur le nombre de nouveaux cas (premier traitement).

Ø Par déterminant du taux de référence, il faut entendre l'ensemble des facteurs qui influencent l'acceptabilité de la référence.

Ø Le district sanitaire peut être défini comme le niveau opérationnel essentiel du système de santé, avec comme éléments principaux les centres de santé intégrés et l'hôpital de district. Au Niger, géographiquement, le district sanitaire correspond aux frontières administratives des arrondissements.

Ø Les soins curatifs sont des soins offerts à des patients atteints d'affections aiguës et chroniques. Les soins préventifs par contre représentent tous les soins offerts en guise de prévention de certaines maladies aux `clients' à priori en bonne santé.

Ø Les `Stratégies Plainte-Traitement' (SPT) sont des arbres décisionnels développés pour les

infirmiers des centres de santé qui doivent guider les décisions cliniques de ceux-ci.

1.1.4. Revue de la littérature

1.1.4.1. L'origine et la rationalité d'un système de référence

Figure N°1 : Les raisons de la centralisation et décentralisation du système de santé..

Raisons de centralisation :

Investissement en équipement

Ressources humaines limitées

Masse salariale limitée

Organisation plus facile, moins de coûts opérationnels

Avantage d'échelle

Raisons de décentralisation :

Rapprocher les services de la population (accessibilité physique, réduire les distances)

Personnaliser la relation entre l'agent de santé et le patient

Faciliter un traitement précoce, prévention des complications

Système de Santé

Source :Dr Bossyns P. 2000

L'origine, voire l'obligation, d'avoir un système de référence dans un district sanitaire peut être résumée avec la platitude que « tout le monde ne peut pas disposer d'un hôpital dans son jardin ». Dès lors que le système de santé ne peut pas exécuter tous les soins proches de la population, mais seulement une partie, il est obligé de s'organiser dans ce sens. En ce moment le système doit identifier quels soins peuvent être organisés et à quel niveau. Il s'agit donc de trouver une balance entre une tendance à décentraliser le plus possible les soins, afin de les rendre accessibles à la majorité de la population et une force de centralisation pour un meilleur coût-efficacité qui veut que les soins trop coûteux ne puissent être répliqués partout. En termes économiques, on parle aussi d'avantage d'échelle : la production en série revient souvent moins chère. Le coût des soins dépend non seulement des médicaments mais aussi de l'équipement, la nécessité d'hospitalisation et le niveau de compétence nécessaire. Par rapport aux compétences, les pays en voie de développement et le Niger en particulier, travaillent avec des infirmiers sur le premier échelon des soins. Ces infirmiers doivent exercer la médecine, sans pour autant avoir été formés complètement. De préférence, ils devraient exécuter des tâches standardisables et avec une fréquence assez haute pour maintenir leur compétence.

Cette logique empirique amène le système de santé à s'organiser en deux ou plusieurs échelons complémentaires, c'est-à-dire les soins qui ont été définis pour être exécutés au niveau périphérique ne devraient pas s'organiser au niveau central puisque ce niveau travaille avec un coût plus élevé. Cette complémentarité est défendue pour éviter une compétition entre l'hôpital et les CSI (Lamboray et al. , 1997). Elle doit être recherchée consciemment par exemple à travers un système de tarification des services sanitaires qui est avantageux pour les patients qui respectent la hiérarchie des services sanitaires.

Puisque le système de référence essaie ainsi de créer le meilleur système de santé en terme d'accessibilité et de coût-efficacité, il dépend largement des ressources disponibles (financières et humaines) dans un pays ou région. Par exemple, il y a des pays où les centres de santé sont animés par des médecins (Europe, Tunisie, Algérie), dans d'autres (la plupart des pays en Afrique) ils sont animés par des infirmiers. Un CSI géré par un médecin dispose d'autres possibilités de diagnostic et de suivi des malades, mais ce système coûte plus cher en terme de salaires, formation, exigences d'équipement, etc.

En Europe, le système de référence est considéré comme un moyen de baisser les coûts de fonctionnement du système de santé et une arme contre la sur-médicalisation des patients (Sweeney; 1994).

1.1.4.2- La place du système de référence dans le système de santé

Figure N°2 : Schéma du système de référence

Source :

François 1995

Déplacement Transport

au Centre disponible

Village

Centre de Santé Intégré

Hôpital de District

Conscientisation Diagnostic Contre-référence Accueil

Organisation socio-culturelle Communication Condition de séjour

Disponibilité des ressources Attitude de l'infirmier Traitement approprié

La représentation schématique, qui s'est inspirée d'un article sur la mortalité maternelle (Fraçois et al. ,1995), illustre la voie complexe que parcourt un patient qui sera finalement hospitalisé dans un hôpital de district. Le « Système de Référence » fait partie de ce système global et constitue un processus déjà complexe en soi, immatériel, c'est-à-dire, qu'il n'y a pas de structure visible, physique qui serait le « système de référence ». C'est probablement une des raisons pour lesquelles cet aspect du système est très peu étudié dans la littérature de santé publique. Le système de référence n'appartient ni au Centre de Santé, ni à l'Hôpital de District. Une importante partie du processus se déroule néanmoins au niveau du CSI. Le système de référence n'est mesuré souvent qu'au niveau du résultat : le taux de référence. Cet indicateur ne permet pas d'évaluer le système de référence parce qu'en général, un taux optimal de référence (un point de repère) n'existe pas. Au Niger, dans une étude sur l'application des SPT (Jaharou, 2000), un taux de référence de 20%° était identifié comme taux de repère pour le milieu rural.

Le bon fonctionnement de l'hôpital de district dépend d'un système de référence rationnel. Un taux d'utilisation important d'un hôpital de district ne signifie pas forcément que l'hôpital fonctionne bien. Il se pourrait que l'hôpital s'occupe plutôt de patients qui pourraient être guéris au niveau d'un CSI et qui en ce moment coûtent très chers au système de santé global (Blaise et al. , 1997). Le taux d'utilisation d'un hôpital doit donc être complété avec d'autres indicateurs plus précis qui décrivent la qualité des patients et la pertinence de leur prise en charge au niveau d'un hôpital que ce soit à travers une hospitalisation ou en consultation ambulante.

1.1.4.3 Apercevoir le système de référence à travers son dysfonctionnement

Le 17 novembre 1999, à 22 h00, fut admise une femme de 23 ans à la maternité Issaka Gazobi à Niamey. Une rupture utérine était diagnostiquée et une laparotomie a permis la découverte d'un foeutus macéré et un utérus complètement délabré. Une hystérectomie totale était devenue inévitable, ainsi que plusieurs transfusions suite à une coagulopathie secondaire. La femme meurt quelques heures après.

L'interrogatoire donne un début de travail 5 jours avant. Deux jours au village, deux jours au CSI et un jour entre le CSI, l'hôpital de district (avec bloc opératoire non fonctionnel) et la maternité centrale.

Le système de référence n'est pas une entité physiquement palpable. Il s'agit plutôt d'un processus qui se déroule entre le centre de santé de premier niveau (CSI, par exemple) et l'hôpital. Probablement, on peut y ajouter la population comme troisième acteur important. Ce système `invisible' le devient en observant les conséquences de son dysfonctionnement, comme l'exemple réel l'illustre plus haut. Cet exemple n'est malheureusement pas une exception. Le retard de prise en charge des femmes avec un accouchement compliqué explique le taux de mortalité maternelle extrêmement élevé en Afrique et au Niger (Anonymous, 2001).

Le dysfonctionnement du système de référence est vécu dans beaucoup de pays. Ainsi au Honduras, une étude nationale faite en 1999 montre que le taux de référence entre le CSI et l'Hôpital de district n'est que de 0.8% des utilisateurs, contrastant avec un hôpital surchargé de patients qui contournent le premier niveau (Ohara et al. , 1998).

Le même constat a été fait au Burkina Faso en ce qui concerne le taux de référence. Une analyse du système de référence dans la région de Dédougou en mai 2000 (Sanders et al. , 1998), a relevé un taux de référence de 0.77%, contre 1.2% en Guinée. Au Zimbabwe, selon une étude en 1998, 81 % des patients de la capitale, atteints de paludisme, utilisent directement l'hôpital national pour se faire traiter (Blaise et al. , 1997). Cette même étude mentionne que seulement 33 % des patients habitent au-delà de 10 km de l'hôpital national tandis que l'hôpital est sensé traiter les patients référés de tous les coins du pays. La sur-utilisation des hôpitaux par des patients sensés être traités au niveau des CSI, empêche l'hôpital de se concentrer sur son vrai mandat, notamment la prise en charge des cas graves par manque de moyens et le fait que le personnel soit engagé dans les consultations de premier niveau. Une étude sur les coûts et financement du système de santé de cercle au Mali (Blaise et al. ,1997) révèle les conséquences financières pour certaines structures sanitaires quand l'hôpital de district se trouve en compétition avec le CSI.

1.1.4.4- Le système de référence comme un système influencé par une multitude de facteurs

Le système de référence est un processus qui est déterminé par plusieurs facteurs. Leur importance relative est difficile à déterminer pour le moment et fait d'ailleurs l'objet de l'étude actuelle. Le schéma suivant démontre bien la complexité des facteurs dont il dépend.

Figure N°3 : Les déterminants du système de référence

Besoin ressenti

Distances

Coût de transport

Disponibilité de transport

Barrière culturelle

Performance de l'hôpital

Barrière financière des soins

Performance du CSI

Connaissances techniques

Interaction infirmier - patient

L'attitude de l'infirmier

Crédibilité de l'HD

(Pop. - Inf.)

LE SYSTEME DE REFERENCE

Source :

Dr. Bossyns P. 2000

Ces facteurs ont été identifiés de façon empirique. Ils ne trouvent qu'une confirmation partielle dans la littérature.

Le système de référence est conditionné par des facteurs liés à l'environnement physique (l'accessibilité), par le fonctionnement du CSI et le comportement de l'infirmier, par les données culturelles (et individuelles) de la population et par la crédibilité de l'hôpital de référence qui est au moins partiellement conditionnée par sa performance technique et la différence du plateau technique des soins offerts par rapport au CSI. Macintyre et Hotchkiss (Macintyre et al. , 1999) proposent un cadre conceptuel de la référence qui illustre cette complexité : transport, les coûts de transport, les facteurs liés à la communauté, la qualité des soins, etc.

Dans une étude menée au Ghana (Martey et al. ,1998), une multitude de facteurs ayant une influence négative sur l'utilisation des services de référence a été démontrée : les tarifs des hôpitaux, la corruption, le manque de transport et la mauvaise volonté des chauffeurs, les mauvaises routes, l'attitude négative du personnel, le manque de médicaments et autres consommables.

1.1.4.5- Distances, transport et coût du transport

Si l'importance relative de chaque aspect n'est pas vraiment connue, la littérature est pourtant unanime par rapport à l'importance de la distance dans l'utilisation des services et donc aussi de celle des hôpitaux.

Selon une étude au Kenya sur la mortalité maternelle (Macintyre and Hotchkiss, 1999), le transport dans le nord du pays est l'élément capital et même vital pour les urgences obstétricales. De belles métaphores sont utilisées pour qualifier les routes africaines en zone rurale telles que « maternal death roads ». La même étude rapporte que dans un district rural au Zimbabwe, 50 % des décès maternels par hémorragie sont dûs à l'absence de transport en urgence. Une étude faite en Sierra Léone confirme que le manque de transport et le mauvais état des routes sont responsables du fort taux de mortalité maternelle. La distance moyenne entre CSI et HD était estimée de 56 km et la durée moyenne d'évacuation de 3 heures, à condition d'abord qu'un véhicule soit disponible. En général, seulement 1 à 2 voitures passent par jour au niveau des CSI. Cette situation est comparable du Niger et de Tahoua en particulier. Selon une étude faite au Zaïre à Kasongo (François et al. , 1995), parmi les femmes référées, seulement 33 % se présentent effectivement au niveau de l'hôpital, malgré la gratuité des soins à l'hôpital pour les patients référés. Ceci serait dû également aux difficultés de transport que les patients rencontrent.

Au Burkina Faso, Traore (Traore et al. , 1998) non seulement mentionne le transport comme un élément clé pour les évacuations d'urgence, mais il attire l'attention sur le coût important qu'une évacuation représente pour les patients (jusqu'à 28 % des dépenses totales du malade).

L'étude au Sierra Léone (Samai and Sengeh, 1997) déjà mentionnée, estimait qu'en l'absence d'un véhicule, la famille était obligée de dépenser 64.000 f CFA pour en louer un. Au Mali, à Bla, (Magassa et al. , 1996) la barrière financière pour les évacuations a fait objet de recherche opérationnelle dans différents Cercles de Santé (leur district sanitaire). Plusieurs propositions ont été faites mettant en général l'accent sur la participation communautaire, mais avec des mécanismes de subvention pour alléger les coûts. Ainsi à Bla on propose que le malade paie 35 % du coût de transport seulement, le CSC 52 % et le CSCOM (CSI) 13 % à travers les recettes du recouvrement de coûts. Les districts de Kolokani et Kolondieba sont parvenus aux mêmes conclusions. A Kadiolo, Mali (Papa et al. , 2000), un système de communication avec des radios a été installé pour améliorer la communication entre les CSI et l'HD en cas d'urgence. Dans une étude sur la viabilité financière des districts sanitaires et des CSI en particulier au Mali, la nécessité de subventionner le transport des malades a été évoquée aussi.

En Zambie, il était estimé que la mortalité maternelle pourrait baisser d'au moins 29 % si les patients pouvaient bénéficier de transport à chaque moment pour l'évacuation (Le Bacq and Riestsema, 1997). Le manque de transport était pointé du doigt aussi comme cause principale d'une mortalité maternelle élevée en Sierra Léone ( Samaid and Sengeh, 1997), au Ghana (Wilson et al. , 1997) et au Nigeria (Shehu et al. , 1997). Une expérience avec la mise en route d'un système de transport performant pour l'évacuation des urgences obstétricales dans ce dernier pays a eu un impact positif sur la réduction de la mortalité maternelle (Essien et al. , 1997).

1.1.4.6 Les barrières culturelles

La relation entre l'accessibilité et les barrières culturelles est très connue dans l'utilisation des services sanitaires. Ces barrières sont en général plus importantes pour les hôpitaux. L'acceptabilité d'une référence du CSI au niveau d'un hôpital de district dépend donc au moins partiellement des barrières culturelles qu'impose l'hôpital pour la population.

Thaddeus (Thaddeus and Maine, 1994) décrit dans son article, la complexité de la prise de décision par le patient et/ou son entourage pour chercher des soins. Les croyances traditionnelles interfèrent avec les notions de coûts, distances et la qualité des soins telle que perçue par le patient. La sévérité d'une maladie n'est pas toujours perçue de la même façon par le système médical et par la population. De l'autre côté, même si le cadre d'explication de la maladie peut être extrêmement différent entre le patient et la science moderne, ceci n'implique pas automatiquement que les gens n'utiliseront pas les services modernes pour résoudre leur problème.

Dans une enquête sur la qualité des soins menée à Ouallam en 1997 (Mintou, 1998), il était clairement démontré que les tradi-praticiens sont largement consultés et que ce fait pourrait mener à des retards importants pour l'acceptation de la référence.

Une expérience menée au Burkina Faso avec la formation des matrones pour améliorer la santé maternelle a démontré que très peu de succès est obtenu par rapport à la diminution de la barrière culturelle à l'utilisation des services, mais a pu par contre indiquer l'importance des distances et des défauts dans le fonctionnement du système de santé comme raisons principales d'une mortalité maternelle élevée (Dehne et al., 1995).

Au Cameroun, certaines maladies ont été identifiées comme des maladies dont la population estime qu'elles relèvent de la responsabilité de la médecine traditionnelle, comme par exemple la `fièvre jaune', la `jaunisse', la `varicelle', la `rougeole' et les maladies `vénériennes'(Hours, 1985,p. 56).

Certaines études (Thaddeus and Maine, 1994) faites au Nigeria, Tunisie, Ethiopie, Corée et Inde, mentionnent également la situation que la femme n'a pas le droit de consulter une formation sanitaire sans l'avis de son mari ou un autre parent supérieur. Selon cette même étude, chez les Baribas au Bénin, la dystocie chez les femmes en travail est considérée comme une punition de Dieu infligée à la femme pour cause d'adultère. En Inde et Bangladesh, on amène plus facilement les garçons que les filles à la consultation en cas de maladie. Le même constat à été fait au Congo, Togo et Maroc(Atakouma et al., 1999; Mouyoki et al. , 1999).

1.1.4.7 La qualité de la communication, l'interaction infirmier-patient et l'attitude de l'infirmier

1.1.4.7.1- La différence entre les références en urgence et les références à froid.

La qualité et le fonctionnement du système de référence peuvent se manifester très différemment s'il s'agit des évacuations (ou références d'urgence) ou des références `à froid'. Bien que la différence ne soit pas toujours très stricte, les urgences sont perçues et vécues très différemment par l'infirmier et par le patient. Par contre, les références à froid font objet d'un bilan raisonné d'abord par l'infirmier avant qu'il ne propose, après par le patient avant qu'il n'accepte la proposition.

Le système de référence a été étudié beaucoup plus dans le cadre des urgences. Les études sur la mortalité maternelle en Afrique évoquent unanimement l'importance d'un service d'ambulance(Essien et al. 1997; Samaid and Sengeh, 1997; Shehu et al. , 1997).

1.1.4.7.2- Le système de référence comme une stratégie négociée entre patient et agent de santé.

Une référence représente un processus de communication entre l'agent de santé et le patient (ou son entourage) pendant lequel le patient est obligé de faire une analyse `informée' de sa situation pour arriver à un bilan qui lui permettra de refuser ou d'accepter la proposition de la référence. Des informations rationnelles font une combinaison avec les émotions du patient mais aussi celles de l'agent de santé. Une référence constitue donc une situation de nécessité d'une approche globale des soins prenant en compte non pas la maladie seulement, mais aussi la personne avec ses angoisses, sa situation familiale, ses croyances, etc. Une représentation schématique se trouve en figure 3.

Figure N°4 : La décision complexe autour d'une référence.

Les aspects techniques autour de la maladie :

Urgence ?, Problème vulnérable ?, traitement disponible à l'HD ?

L'attitude et le comportement du patient et son entourage :

Ø L'angoisse

Ø L'explication culturelle de la maladie

Ø Coût-efficacité de l'évacuation

Ø Valeur sociale de la personne

Ø Crédibilité de l'agent de santé

Ø Crédibilité de l'HD

L'attitude et le comportement de l'agent de santé :

Ø Prestige de traiter soi-même

Ø Capable de traiter sur place

Ø Probabilité que le patient accepte

Ø Probabilité qu'il y aura les moyens de transport

Ø Reconnaissance du problème

Référence acceptée ou rejetée

Source :

Dr Bossyns P. 2000

La littérature mentionne régulièrement le manque de communication de qualité. Ainsi Atkinson note que très peu d'utilisateurs étaient au courant de leur diagnostic et la raison pour laquelle ils étaient référés (Atkinson et al. ; 1999).

La référence d'un patient représente donc une occasion où la globalité des soins joue un rôle important. Typiquement, l'agent de santé maîtrise la question technique, tandis que le patient devra estimer ses priorités et le bénéfice qu'il peut tirer de l'évacuation, combiné avec ses propres émotions qui pourraient lui occulter une vision claire. La qualité de la communication semble donc être très importante.

1.1.4.8- Le système de référence pour assurer la continuité des soins

Le système de référence et de contre-référence peut être étudié aussi du point de vue de la continuité des soins. Dès lors qu'après une référence un suivi du patient s'avère nécessaire, soit pour le traitement, soit pour d'autres soins, soit pour un suivi des symptômes ou complications possibles, la décision doit être prise au niveau où cette activité devrait se dérouler. Toute combinaison de situation est possible : le diagnostic de la tuberculose pourrait se faire au niveau de l'hôpital, tandis que le traitement pourrait s'organiser au niveau périphérique. Les contrôles de crachat pourraient de nouveau mériter une référence vers l'HD. Pour d'autres situations (diabètes, ACV, hypertension, insuffisance cardiaque, le VIH, etc.) les soins et la prise en charge générale de la situation du patient occuperont à différents degrés les deux niveaux de soins. Le système de référence cherche à ce moment à optimiser entre une prise en charge centralisée et décentralisée, à l'aide d'un échange d'information entre les deux niveaux (lettres de référence et de contre-référence).

Le système de référence est considéré comme un moyen pour assurer la continuité des soins à travers les références et contre-références. « La fréquence et la façon de réaliser ce processus de référence et contre-référence des patients entre les échelons ont d'importantes implications tant sur le coût des soins et l'utilisation adéquate des ressources que sur la qualité des soins et la satisfaction des patients » (François et al. , 1995)

Plusieurs études en Europe ont démontré l'importance d'une bonne communication entre les deux échelons de soins surtout pour les médecins généralistes qui coordonnent la prise en charge des patients (Bowling et al. ,1991; Newton et al. , 1992).

1.1.4.9- Etudier le système de référence pour mesurer et évaluer la qualité des soins au niveau des CSI

Les patients référés reçus par un centre de référence ou hôpital de district représentent une importante information sur le fonctionnement du premier échelon des soins. Chaque patient arrive avec son histoire spécifique à lui, démontrant une certaine qualité de prise en charge auparavant.

Beaucoup d'études sur le système de référence étudient en vérité la performance du premier échelon de soins à travers les patients référés qui servent comme des témoins de la qualité des soins. Ainsi Nkyekyer (Nkyekyer, 2000) indique que dans un district sanitaire au Ghana, desservi par une importante maternité, 54.2 % de toutes les femmes référées n'étaient pas accompagnées par un agent de santé, seulement 17,9 % des femmes qui nécessitaient une perfusion avant ou pendant leur transfert l'avaient reçue effectivement et que peu de centres référaient pour cause de manque de matériel. Ceci représente tous des indicateurs pour estimer la qualité du fonctionnement du système au premier niveau.

Une telle approche ne permet pas pourtant de comprendre en profondeur le système de référence lui-même. En Uganda, la sur-utilisation des hôpitaux avec des taux d'occupation très élevés pouvait être expliquée par une très basse qualité des soins au niveau des centres périphériques avec comme conséquence un système de référence complètement non fonctionnel (Okello et al. ,1994). Deux études concernant une analyse des césariennes dans les hôpitaux en Ethiopie ont dévoilé que la qualité de la consultation prénatale et les retards dans la prise de décision pour référer les patientes étaient à la base d'un taux élevé de césariennes compliquées (Ali, 1995; Mekbib and Teferi, 1994). W. Van Lerberghe démontre que la création d'un réseau de centres de santé performants évite des hospitalisations au premier niveau de référence (Van Lerberghe and Pangu, 1998).

1.2- Cadre méthodologique

1.2.1. Les techniques de recherche utilisées

1.2.1.1 l'approche qualitative

La recherche sur le système de référence s'est basée sur des approches différentes selon les besoins. Différents aspects de la problématique ont été étudiés sous plusieurs angles avec une méthodologie adaptée. Les techniques de recherche utilisées sont essentiellement qualitatives, moins reconnues jusqu'ici comme des approches scientifiques comparées aux approches quantitatives. Pourtant elles présentent plusieurs avantages :

Ø Une étude qualitative prend en compte toutes les variables significatives dans le contexte étudié : le champ social n'est pas délimité par des variables prédéterminées.

Ø L'approche qualitative permet de ne pas être obligé d'identifier les variables dépendantes et indépendantes, mais de les discerner progressivement. Ceci permet une grande flexibilité, se prêtant à une révision en cours de route.

Ø Le contexte ou l'environnement ou encore le milieu ne peut être une variable contrôlée ou neutralisée, mais représente souvent une dimension décisive sur le comportement des acteurs. Puisque l'environnement ou les circonstances peuvent changer considérablement d'un moment à un autre, les comportements observés peuvent varier également.

Ø La recherche qualitative est plus indiquée dans les domaines peu connus, où les variables, causes, forces sociales ne sont pas bien connues. Elle permet une première exploration du terrain sans introduire dès le début des biais d'observation sans s'en rendre compte.

Ø La recherche qualitative n'exclut pas des approches quantitatives complémentaires pour renforcer les hypothèses formulées.

La recherche sur le système de référence a choisi plutôt une approche qualitative à travers des focus groups pour identifier l'opinion de la population et des interviews semi-structurées pour les infirmiers et des patients pour discerner leur conception, attitude et comportement par rapport aux références. Les guides se trouvent en annexe.

1.2.1.2 Echantillonnage et la conduite des focus-groups et des interviews.

Ø Les focus groups pour identifier l'opinion de la population

Les discussions avec les populations se sont déroulées dans les 12 villages tirés au sort autour de quatre CSI ruraux (sur les 10 que compte le district sanitaire de Tahoua ), choisis arbitrairement parmi les CSI dont les villages répondent aux critères retenus : rayon 0-2km, 2-5 km et plus de 5 km . Ainsi, les 4 CSI tirés sont : Kalfou, Bambèye, Mogheur et Barmou .

Pour le choix des villages, le procédé suivant a été adopté :

§ dans un rayon où il n'y a qu'un seul village, ce même village a été retenu

§ dans un rayon comportant plusieurs villages, un tirage au sort a été effectué.

Ces deux procédés nous ont permis de tirer les villages suivants : Ikakan, Ingoye, Inkari, autour de Barmou, Kalfou Rafi, Bagaye Garba, Alibou Elhadj autour de Kalfou, Maïguizazza, Jaja, Tounga-Illi, autour de Bambèye, Awanchala, Takassaba Mallamawa et Kolkoli autour de Mogheur.

Après le choix des villages sur la base de la carte sanitaire du district de Tahoua, nous avons entrepris une mission d'information dans les dits villages. Elle a pour objet d'informer les populations sur le but de notre déplacement, sur la portée de l'étude et ce que nous attendons d'elles.

Le moment des interviews varie d'un village à un autre selon la disponibilité des groupes. La durée de la discussion est au maximum de 75 minutes .

S'agissant du lieu des discussions, il est en général arrêté d'un commun accord avec les villageois. Il est soit le « akin shawara » ou salle communautaire, pour les villages qui en disposent et chez le chef du village, soit la place publique.

Ces discussions sont conduites à deux, l'un pose les questions et l'autre enregistre les réponses .En cas de difficultés, l'un vient au secours de l'autre.

Par ailleurs, les discussions se sont déroulées séparément pour les hommes et pour les femmes. Il faut préciser que deux groupes de discussions dirigées sont constitués dans chaque village choisi, soit vingt quatre ( 24) au total.

La technique du focus group repose sur le fait que les attitudes et perceptions de chacun se forment en interaction avec les autres personnes. Nous sommes des produits de notre environnement et nous sommes influencés par les personnes autour de nous. Le fonctionnement des focus groups se base sur le fait que les gens s'influencent mutuellement en faisant des commentaires et dans le cours d'une conversation, une personne peut changer d'avis. Les focus groups ont l'avantage d'illustrer de nombreuses opinions qui peuvent se présenter l'une à côté de l'autre dans une même population et qui peuvent même varier chez une même personne selon les circonstances spécifiques. Les résultats sont nécessairement qualitatifs.

L'analyse des focus groups s'est faite selon la méthode de codage des entretiens. Chaque questionnaire a été parcouru et des mots clés qui semblaient revenir plusieurs fois ont été notés systématiquement. Cette notification a permis un résumé des opinions systématiques sans pour autant essayer de les quantifier. La fréquence relative avec laquelle un sujet était abordé a donné le poids aux arguments développés par la population.

Ø L'opinion des patients individuels à travers les interviews

Une opinion individuelle peut ne pas être la même que celle dévoilée dans une discussion de groupes. En plus, un patient qui a été référé, vit à ce moment une autre réalité que celle présentée pendant un focus group. Face au problème réel, le patient pourrait se comporter encore différemment d'une situation théorique pendant une discussion théorique en groupe. Les interviews pour les patients référés devraient donc permettre de croiser les attitudes en groupes avec les réactions individuelles dans une situation de référence réelle.

Trois types de patients ont été différenciés. D'abord ceux qui ont accepté la référence et qui se sont par définition présentés à l'hôpital de district. `Respecter la référence' pourrait être une détermination apparente, parce que nombreux sont les patients qui, devant l'infirmier du CSI, acceptent la référence mais ne la respectent pas du tout après.

Le deuxième groupe de patients sont ceux qui n'ont pas respecté la référence. Soit ils ont déjà refusé devant la proposition de l'agent de santé, soit ils ne se sont jamais présentés à l'hôpital de district et ils ont donc `refusé de facto'. Un troisième groupe est constitué de patients qui se sont auto-référés et qui ont donc court-circuité le CSI. Ne sont pas inclus dans ce groupe, les patients qui se présentent au CHD sans bulletin de référence parce qu'ils n'ont pas accès raisonnablement à un centre de santé.

Pour chaque type de patient, un questionnaire a été développé. Evidemment, beaucoup de questions se retrouvent dans les trois canevas. Les différences résident surtout au niveau des questions qui essaient de dévoiler les raisons spécifiques de leur comportement. Les questionnaires sont de type semi- structuré. Les questions sont, dans la plupart des cas, ouvertes : les réponses ne sont donc pas ou peu standardisées et selon le déroulement de l'entretien plusieurs questions d'éclaircissement peuvent enrichir le débat et donc la compréhension. Des questions peuvent être sautées aussi pour être reposées plus tard. Les résultats sont de nouveau plutôt qualitatifs, bien qu'il existe des aspects qui se prêtent à une analyse quantitative.

Pour identifier les patients faisant partie de notre population cible, à l'hôpital, nous avons élaboré une fiche intitulée fiche de recensement des patients. Elle se compose de 9 rubriques qui sont entre autres : l'identité du patient, la date et le mode d'entrée, la provenance, le CSI de rattachement, le numéro de la salle et du lit, la date de sortie du patient et les observations. Le recensement des patients se fait soit sur la base des registres des différents pavillons, soit aux pieds du lit du patient (procédure la plus fréquemment utilisée).

Une fois les patients recensés sur le registre, nous passons dans les salles pour compléter le reste des informations et nous prenons aussi soin d'informer immédiatement ces derniers sur l'objectif de l'opération.

Les interviews se déroulent généralement dans les salles d'hospitalisations des patients, aux pieds du lit du patient, en présence de leurs accompagnants . Les patients sont interviewés un jour avant leur sortie de l'hôpital ou dans certaines circonstances le jour même de leur sortie.

Les patients ayant refusé la référence sont identifiés sur la base du registre des patients tenus par les infirmiers dans les différents CSI. Une fois identifiés, ces patients sont recherchés dans leur village d'origine et interviewés immédiatement sur place.

A cause des problèmes logistiques, certains patients n'ont pas pu être contactés. Ceci représente une faiblesse dans l'étude.

Les questions posées sont en général des questions qualitatives. L'analyse en conséquence a été principalement qualitative aussi. La méthode d'analyse a suivi les mêmes démarches que celle des focus groups. Certaines réponses ont été quantifiées.

Ø Interviews guidées des infirmiers travaillant aux CSI et fiche d'estimation des qualités de l'interaction infirmier-patient

Puisque l'attitude et les connaissances de l'infirmier étaient considérées comme des obstacles potentiellement importants pour le système de référence, tous les infirmiers des CSI du district ont été interviewés. L'étude a pu être exhaustive à ce niveau. Le canevas de l'enquête a été testé également au niveau du CSI de Sona, dans l'arrondissement de Tillabéri. Ces interviews ont duré 6 jours et ont concerné l'ensemble des infirmiers des CSI ruraux de Tahoua, au nombre de 21, lors de notre passage.

Les entretiens se déroulent généralement dans le bureau du major et à un moment arrêté d'un commun accord. Ils s'étalent sur environ 60 minutes.

A la fin de l'interview, l'enquêteur était instruit d'évaluer différents aspects de la qualité de la communication et les connaissances de l'agent de santé par rapport au processus de la référence. Cette évaluation peut comporter des biais, puisque basée sur une opinion personnelle. Si l'étude à ce niveau parle de la qualité de la communication, elle parle en fait de la qualité selon le point de vue de l'enquêteur. Cependant cet avis peut être croisé avec des paramètres enregistrés pendant l'interview. Les arguments qui ont pu inspirer la perception du chercheur se trouvent ainsi illustrés dans les résultats de l'interview.

La vision de l'enquêteur est une idée qu'il s'est faite après une heure et demie de dialogue avec la personne concernée. On peut donc considérer qu'il s'agit d'un argument bien fondé, sans pour autant pouvoir réclamer une objectivité totale. Ceci est inhérent à toute recherche qualitative.

1.2.2 Les phases de l'étude

La préparation

Cette phase regroupe toutes les étapes ayant permis d'explorer le milieu de l'étude et de se familiariser avec ses différentes composantes. Elle intègre aussi l'élaboration des outils d'investigation.

· La recherche documentaire

A ce niveau, il faut préciser qu'au Niger, la littérature sur la référence est pauvre du fait que ce problème a peu ou pas du tout fait l'objet d'études .

De ce fait, notre documentation est essentiellement composée d'écrits qui ont traité du problème ( soit spécifiquement, soit de manière superficielle), sous d'autres horizons .

Il faut noter aussi, l'utilisation des documents disponibles sur la localité, des rapports SNIS des différents CSI de Tahoua et de quelques ouvrages méthodologiques sur la recherche en sciences sociales.

Tous ces documents nous ont permis d'élaborer notre problématique et de planifier l'étude.

· L'exploration du milieu de l'étude et l'élaboration des outils méthodologiques.

L'exploration du milieu de l'étude s'est faite par étapes. Ainsi, nous avons commencé à élaborer un protocole de recherche, donnant un aperçu général de la recherche. Il a pour objectif d'éclairer les autorités sanitaires de Tahoua sur les tenants et les aboutissants de la recherche.

Elaboration d'une demande d'autorisation de recherche.

Après avoir reçu l'aval du Ministère de la Santé Publique, nous avons élaboré et adressé une demande d'autorisation de recherche sur le terrain aux autorités de la région sanitaire de Tahoua. Elle a pour objet de les informer de l'imminence de la recherche et de demander leur avis.

Prise de contact avec les autorités sanitaires de Tahoua

Quelques jours avant le démarrage de l'enquête, nous avons pris contact avec les responsables sanitaires de Tahoua (DDS, DS, CHD). Au centre de toutes les rencontres, la présentation de la recherche, du chargé de l'enquête, des outils d'investigation sur le terrain et la nécessité de leur collaboration afin d'aboutir à des résultats concluants .

Immédiatement, après cette prise de contact, ces autorités ont à leur tour adressé une lettre d'information aux responsables des CSI touchés par l'étude. Elle a pour objet de les mettre au courant de l'imminence de l'enquête et du rôle qu'ils auront à jouer dans ce travail.

Elaboration des outils méthodologiques

- Le guide des focus-groups

Adressé aux populations et traduit en langue locale, ce guide est composé d'une série de 14 questions essentiellement ouvertes. Les informations recherchées se catégorisent de la manière suivante :

ü Les généralités ;

ü Les facteurs complexifiant le processus de la référence pour les populations ;

ü Attitude des populations vis-à-vis de la référence ;

ü Les hospitalisations dans les CSI : appréciation et compréhension de la population ;

ü La qualité de la communication patient- infirmier, lors d'une proposition de référence ;

ü Itinéraire thérapeutique de la population.

- Les guides d'entretien individuel.

Au nombre de deux, ils se composent comme suit :

, Un guide d'entretien individuel adressé aux infirmiers ;

, Un guide d'entretien individuel adressé aux patients (référés, ayant refusé la référence et ceux qui se sont auto-référés).

Il faut préciser que les guides d'entretien adressés à toutes ces catégories de patients et le guide des discussions dirigées avec les populations ont été traduits en langue locale (hausa) et se composent d'une série de questions communes. Les questions composant ces quatre guides d'interviews sont soit ouvertes, soit fermées.

ð Le guide d'entretien adressé aux infirmiers

Il a pour objectif de recueillir auprès des infirmiers leurs attitudes par rapport à la référence. Il se compose d'une série de questions portant sur :

ü les renseignements généraux ;

ü la qualité de la communication entre infirmier -patient lors d'une proposition de référence ;

ü les hospitalisations dans les CSI et leur impact sur le prestige de l'infirmier ;

ü l'impact de la référence sur le prestige de l'infirmier ;

ü les obstacles liés à la référence ;

ü les infirmiers, les SPT et la PCIME.

ð Les guides d'entretien individuel adressés aux patients

Il est question, à travers ces outils, de recueillir de larges informations auprès des patients sur la référence. Les informations recherchées communes à toutes les catégories de patients sont classifiées de la manière suivante :

ü les généralités ;

ü les facteurs complexifiant le séjour des patients à l'hôpital ;

ü l'itinéraire thérapeutique des patients ;

ü l'impact de la référence sur le prestige de l'infirmier ;

ü la qualité de la communication infirmier -patient lors de la proposition de la référence ;

ü la compréhension de la référence par les patients.

A travers les questions spécifiques auprès des différentes catégories de patients, l'étude a voulu comprendre le comportement particulier de chaque catégorie de patients, notamment ceux qui ont accepté la référence, ceux qui ont refusé et finalement ceux qui ont contourné le système et qui se sont donc auto-référés.

L'enquête proprement dite sur le terrain 

Il est à noter qu'avant le démarrage de l'enquête, il nous a fallu effectuer une pré- enquête autour d'un CSI du district sanitaire de Tillabéry (CSI de Sona), pour vérifier la validité de nos outils d'investigation .

L'enquête proprement dite sur le terrain s'est déroulée par phases qui sont entre autres : les interviews des infirmiers, les interviews des patients à l'hôpital, les interviews des patients ayant refusé la référence et les interviews des populations.

1.2.3 Difficultés rencontrées

Notre travail a été émaillé de quelques difficultés qu'il convient de noter.

1.2.3.1- Les interviews des patients hospitalisés

La mauvaise collaboration du personnel soignant de l'hôpital a constitué une entrave dans le déroulement de nos entretiens dans la dite institution. En effet, cette situation nous a fait rater beaucoup de patients.

1.2.3.2- La constitution des focus groups

La difficulté de se limiter au nombre convenable (6 à 12 personnes) pour les discussions dirigées, nous a souvent obligé à travailler avec un nombre pléthorique de participants, ce qui a entraîné des difficultés dans la maîtrise des discussions.

1.2.3.3- Le choix des lieux des entretiens

Des dérangements (bruits, mouvements des passants) ont beaucoup influé sur la qualité des discussions, en raison de nombreuses perturbations que connaissent les places publiques, dans les villages.

1.2.3.4- L'administration des guides

Des problèmes de traduction de certains concepts ont constitué des biais dans les réponses de quelques enquêtés, d'où des difficultés d'analyse et d'interprétation. Certains focus groups et entretiens individuels ont été mal conduits : des questions ont été sautées ou mal posées, ce qui a entraîné des déséquilibres entre les données.

1.2.3.5- Le traitement informatique des données

Notre non maîtrise de l'outil informatique a rendu difficile la saisie des données, d'où le recours à des expérimentés dans le domaine.

II- GENERALITES

2.1- l'evolution du systeme de sante au niger

L'évolution de la politique sanitaire au Niger, depuis l'indépendance, se caractérise par trois phases : le développement des soins curatifs de 1960 à 1978, l'adhésion à la déclaration de Alma - Ata en 1978 sur les soins de santé primaires avec la mise en place de l'auto - encadrement sanitaire et des programmes verticaux, enfin l'avènement d'une politique sectorielle de santé axée sur la décentralisation et le développement des districts sanitaires à partir de 1995. A travers la décentralisation, l'accent est mis sur la participation des communautés à la prise en charge de leur santé, l'amélioration de l'accès à des soins de qualité, la disponibilité des médicaments, la formation du personnel.

Depuis 1995, le Niger a formulé une politique sectorielle de santé avec un plan quinquennal 1995 - 2000. Actuellement, un processus d'évaluation et de planification est en cours pour formuler les grands axes d'une politique sectorielle 2001 jusqu'à 2010.

Le système de santé, tel que prévu par la politique sectorielle, est organisé en trois échelons administratifs et opérationnels :

Ø Le niveau central qui comporte le Ministère de la Santé Publique et les hôpitaux nationaux

Ø Le niveau régional avec la DRSP et les CHR

Ø Le niveau départemental ou le district sanitaire

Le district sanitaire est constitué de deux niveaux opérationnels : les hôpitaux de district et les centres de santé intégrés (CSI). Ces deux niveaux sont liés à travers un système de référence et de contre-référence, le système en cause dans cette étude.

Les centres médicaux d'auparavant qui se trouvaient au centre de chaque district avec quelques lits d'hospitalisation et la présence d'un ou deux médecins, évoluent maintenant vers des hôpitaux de district avec un plateau technique plus important. Le nombre de lits augmente et évolue en général d'une douzaine vers une cinquantaine de lits. La radiologie et la chirurgie sont introduites ainsi que la transfusion sanguine et quelques tests de laboratoire supplémentaires. Le personnel est renforcé par des cadres spécialisés tels que les aide - anesthésistes et les aide - chirurgiens. Dans les districts sanitaires au niveau des capitales départementales, comme dans la situation de Tahoua, le CHD joue le rôle d'hôpital de district.

2.2- Présentation du district sanitaire de Tahoua

Le choix du district sanitaire de Tahoua comme site de l'étude a été motivé par le fait que ce dernier est l'une des deux zones d'intervention du projet Alafia-GTZ au Niger.

Le district sanitaire de Tahoua, qui comprend l'arrondissement et la commune, se situe au centre-ouest du département, entre 14°29 et 15°12 de latitude nord, 4°15 et 5°45 de longitude Est. Il couvre une superficie de 9548 km². Il est limité au nord par l'arrondissement de Tchintabaradene, au nord-est par celui d'Abalak, à l'est par l'arrondissement de Keita, au sud par Illéla et à l'ouest par Filingué. En superficie, il occupe le deuxième rang parmi les huit districts sanitaires qui composent la région (département de Tahoua).

Le réseau hydrographique comprend la vallée de Tahoua issue de deux troncs confluents au nord-ouest de la ville. D'autres vallées sillonnent le district, dont celle d'Adouna qui rejoint Bagga. Les mares semi-permanentes constituent des sources d'approvisionnement en eau potable des populations ainsi que des animaux. La couverture en eau potable est estimée à 87%.

Avec une population de 239.231 hbts en 1988 (RGP 1988) et un taux d'accroissement annuel de 3,5%, la population du district sanitaire de Tahoua serait de 361494 habitants, en l'an 2000, l'année de l'étude. La densité de la population est de 35 hbts/km², 79% de la population est rurale.

Les principales données démographiques pour l'année 2000 sont :

Enfants de 0- 11 mois (5 %) : 18075

Enfants de 12- 59 mois (10 %) : 36.149

Femmes en âge de procréer (22 %) : 79.528

Grossesses attendues 5.3 % : 19.159

Sur le plan socio-économique, les principales activités du district sont respectivement l'agriculture, l'élevage et le commerce.

Au plan administratif, le district sanitaire de Tahoua compte 3 cantons, une commune et un groupement peuhl. Ils sont entre autres : le canton de Tahoua avec 22 villages administratifs, le canton de Kalfou avec 48 villages administratifs, le canton de Bambeye avec 85 villages administratifs, la commune de Tahoua avec 17 quartiers et le Groupement peuhl comptant 17 tribus. Le fait que Tahoua est à la fois chef lieu de commune, d'arrondissement et de département, un certain nombre de structures départementales de référence sont utilisées par le district pour des besoins d'hospitalisations.

Sur le plan sanitaire, le district sanitaire de Tahoua compte 17 centres de santé intégrés ; 13 en milieu rural et 4 en zone urbaine. Il s'agit de : CSI de Garkawa, CSI de Koufan Tahoua, CSI de Wadata, CSI de Maboya Amare, CSI de Affala, CSI de Bambeye, CSI de Barmou, CSI Amaloul, CSI de Taza, CSI de Takanamat, CSI d'Eddir, CSI de Moullela, CSI Samo, CSI Mogheur, CSI de Tébaram, CSI de Hada Shimo et CSI de Kalfou.

Sur le plan fonctionnel, c'est le médecin chef du district qui a la responsabilité de l'ensemble des formations sanitaires aussi bien de la commune que de l'arrondissement. Toutes ces formations sanitaires offrent des soins curatifs et préventifs. Tous les programmes nationaux sont intégrés au niveau des formations sanitaires.

Le district sanitaire de Tahoua est dirigé par une équipe cadre de district (ECD), composée d'un médecin généraliste, d'un technicien supérieur en soins infirmiers, d'un épidémiologiste et d'un communicateur (selon les normes du MSP, un deuxième médecin devrait être associé à cette équipe).

Les centres de santé intégrés sont normalement gérés par un infirmier diplômé d'état (70% à Tahoua), mais en réalité assez souvent aussi par un infirmier certifié (30% des CSI à Tahoua).

Sur le plan logistique le district de Tahoua dispose de quelques véhicules et d'une vingtaine de motos DT 125.

Les principaux intervenants dans le domaine de la santé sont :

Ø Le projet ALAFIA-GTZ (promoteur de l'actuelle recherche)

Ce projet a pour objectif principal de faire bénéficier aux populations de ses zones d'intervention des prestations de santé et de planning familial accessible et de bonne qualité. Il intervient au sein des communautés villageoises et au niveau des formations sanitaires qui les desservent. Il catalyse la complémentarité entre le niveau communautaire et le centre de santé.

Ø Le Projet Développement Rural de Tahoua (PDRT)

Ø Le Projet Spécial Energie Solaire / GTZ

Ø Le Programme d'Aménagement Nord ADER

Ø Le Projet de Promotion de Bien Etre Familial

Ø Global 2000

Ø PAM

Ø Enfants du Monde(EDM)

Ø ONG Noma

Ø Care International / Sida / Migration

Sur le plan épidémiologique, les principales affections au curatif sont :

affections

Nombre de cas

 

1999

2000

(1er semestre)

1) paludisme

34823

8484

2) toux et rhume

9840

4789

3) pneumonie

8304

11227

4) trauma-plaie

5213

2736

5) affections dermatologiques

4918

2494

6) diarrhée

4776

2488

7 affections gynéco -obstétricales

2702

1489

8 dysenteries

2909

1464

9 Affections digestives et parasitoses intestinales

1881

1610

10 Affections bucco-dentaires

1791

916

Le paludisme, les affections respiratoires et les traumatismes (plaies et brûlures) occupent les trois premières places.

Le taux de référence -évacuation est de 0.98 % en 1998.

Au préventif le taux de la CPN est de74.42 % en 1998.

Les grossesses à risques dépistées représentent 5.89 % des nouvelles inscrites.

Le taux de couverture par antigène en 1998 :

BCG de 0-11mois : 91 %

DTC3 : 66 %

Anti-Rougeole: 62 %

VAT2 FAP: 19 %

Taux de retour VAT2 / VAT1 : 67.47%

2.3- L'EVOLUTION DE LA REFERENCE AU NIGER ET DANS LES DISTRICTS SANITAIRES DE TAHOUA ET DE OUALLAM

Bien qu'il n'existe aucune norme internationale, le taux de référence a été toujours très bas au Niger. Le tableau 1 démontre une légère hausse des taux de référence sur le plan national et des hausses un peu plus importantes pour les districts sanitaires de Ouallam et Tahoua.

Tableau 1. : Taux de référence des malades des CSI vers les hôpitaux (en %°) de 1996 à 2000

Années

Localités

1996

1997

1998

1999

2000

Niger

3,5

3,8

3,8

6,5

 
District de Ouallam

1,8

2,4

8

18

17

District de Tahoua

15

23

23

39

48

La proportion de malades référés des CSI vers le deuxième niveau est très faible. Elle se situe fréquemment en dessous de 10%° au niveau national. Ce taux bas évolue lentement mais ce phénomène peut probablement être entièrement expliqué par la généralisation du recouvrement des coûts qui a fait baisser la fréquentation des CSI, essentiellement pour les cas les moins graves. Ainsi la proportion de malades qui doit être évacuée prend automatiquement de l'importance. Le taux de référence très faible à Ouallam en 1996 par rapport aux taux nationaux et son augmentation jusqu'à 1998, s'explique par la faible couverture sanitaire, qui a légèrement augmenté durant ces années à Ouallam.

Le taux de référence est en augmentation plus marquée dans les deux districts ici représentés à partir de 1998. Cela s'explique essentiellement par la mise en place d'un système de référence - évacuation avec un service d'ambulance et de radiophonie qui facilite la communication entre le district et les CSI depuis fin 1997. Le taux de référence de Tahoua est relativement élevé à cause du biais très important que représente la ville de Tahoua, dont les habitants ont un accès très facile à l'hôpital. Le taux de référence pour la population rurale ne dépasse pas les 20%°.

2.4- le service ambulance - radiophonie

Tous les CSI de Tahoua sont équipés d'énergie solaire pour l'éclairage, les ventilateurs, le réfrigérateur et aussi le système de radios BLU. Ce système permet aux CSI de communiquer à chaque moment avec l'hôpital de district et d'appeler ainsi une ambulance pour évacuer des patients. Les patients participent aux coûts de fonctionnement du système et paient 85 f CFA par kilomètre.

Le système ambulance - radiophonie a permis d'augmenter sensiblement le nombre d'évacuation et de raccourcir en même temps le délai entre la décision d'évacuation et l'arrivée à l'hôpital.

III- LES RESULTATS DE L'ETUDE

3.1- focus group sur le systeme de reference

Une analyse des focus groups présente toujours quelques difficultés (voir chapitre sur la méthodologie). Un focus group est constitué d'individus qui peuvent avoir des opinions différentes, voire contradictoires entre eux. On parle donc de tendances qui existent dans une population plutôt que d'une opinion de la population qui par définition n'existe pas. Si les focus groups pouvaient révéler que la population ne voit pas une hiérarchie entre les échelons de soins, ceci ne veut pas dire qu'il n'existe pas d'individus de cette communauté qui comprennent très bien cette hiérarchie et que peut-être ils l'ont même bien exprimée pendant les focus groups. Dans le texte les phrases entre guillemets «   » indiquent des expressions littérales de la population.

Les exemples donnés dans le texte, soit après observation directe, soit à travers des interviews des infirmiers et des patients doivent renforcer l'analyse des focus groups.

Les focus groups ont toujours démarré avec quelques questions introductives, telle que la description des problèmes de santé auxquels la population est confrontée. L'environnement sanitaire des populations interviewées est caractérisé par les pathologies suivantes : la fièvre, les infections respiratoires aiguës, les diarrhées et les vomissements, la dysenterie, la conjonctivite, les maux de tête, des cas de méningite, de tuberculose et d'autres problèmes comme ceux de l'eau potable, d'accouchement et de médicament.

3.1.1- La compréhension du système de référence et de l'échelonnement du système sanitaire par la population

Plusieurs questions dans les focus groups faisaient allusion à la compréhension de la population par rapport au système de référence :

Ø Question 2.1 : Que pensez-vous de la référence ?

Ø Question 2.2 : Pourquoi l'infirmier réfère-t-il quelquefois un patient ?

Ø Question 2.3: Est-ce que l'infirmier de votre CSI hospitalise des patients à son niveau?

Ø Questions 2.4 et 2.5 Si oui, est ce que vous trouvez qu'il y a une différence avec une hospitalisation au niveau de l'hôpital ? Comment est ce que vous appréciez ces hospitalisations?

En général, la population comprenait très bien la réalité pour laquelle il était impossible de décentraliser les services hospitaliers au-delà d'un certain point.

Elle acceptait la différence entre un centre de santé et un hôpital et la nécessité de référer parfois un patient d'un niveau à l'autre, même si elle exprimait en même temps les nombreuses difficultés liées à une référence.

Ce constat assez évident fait par la population par rapport aux infrastructures sanitaires physiques, était au moins partiellement contrarié par leur attitude envers le personnel. Il était clair que pour une bonne partie de la population, les infirmiers étaient considérés comme « aussi compétents que les médecins » (ou le personnel en général) au niveau d'un hôpital. Cependant les infirmiers aux CSI ne disposaient pas de tous les moyens pour aider les patients. Le gradient intellectuel ou technique entre les infirmiers au CSI et les médecins au niveau de l'hôpital n'était pas ou peu reconnu.

« L'infirmier doit toujours tenter quelque chose avant de référer un patient ».

« L'infirmier (du CSI) est compétent, mais manque des médicaments »

En langue locale, le médecin et l'infirmier sont indiqués avec le même mot (« Likita ou lakotaro » en Hausa). Certaines personnes indiquent qu'il existe une différence entre les personnes en capacité de traiter certaines maladies. Mais apparemment, ceci n'est pas vécu comme une hiérarchie. Ils indiquent que parmi les guérisseurs aussi, il existe différentes spécialités et compétences et si un guérisseur ne trouve pas la solution, il peut demander de consulter un autre guérisseur.

«  Chacun a son niveau de connaissance, comme le dit le proverbe suivant : même le patron a son patron ».

La référence n'est donc pas vécue non plus par la population comme une continuité dans les soins. La contre-référence, bien que pas étudiée spécifiquement ici, ne rentre pas dans cette logique de différents `guérisseurs' l'un à côté de l'autre, sans différence hiérarchique et la référence est quand même vécue comme un échec, bien que la question de culpabilité ne se pose pas du tout. La référence rentre plutôt dans la logique que chaque être humain est limité et que chaque personne dispose de ses capacités spécifiques pour aider. Ceci pourrait avoir des conséquences sur la perception de la qualité de la communication lors d'une référence. S'il s'agit d'un simple échec, l'infirmier n'est peut-être pas sensé donner beaucoup d'explications. Le niveau de référence n'a qu'à essayer son propre bilan et traitement.

Ce manque de hiérarchie apparaît aussi quand la question sur les `lits d'hospitalisation' au niveau du CSI est abordée. La population ne voit pas clairement une différence entre des `lits d'hospitalisation' au niveau du CSI et du centre de référence ( ici le CHD). Les lits servent essentiellement à faciliter la vie du patient, donc à réduire les distances à parcourir pour accéder au traitement. Un lit correspond donc à la notion de donner un logement au patient. La mise en observation et les soins intensifs n'ont pas été mentionnés comme des raisons pour une `hospitalisation'.

« C'est pour éviter les déplacements que l'infirmier hospitalise des patients à son niveau »

La population n'a pas fait spontanément et explicitement une analyse des coûts et du coût-efficacité pour expliquer la raison d'être d'un système de référence. Bien qu'elle comprenne tout de suite qu'il n'y a pas assez de ressources financières pour construire des hôpitaux partout, une analyse sur les coûts récurrents n'est pas faite. Ceci ne veut pas dire que la population ne comprendrait pas qu'une césarienne coûte plus chère qu'un simple traitement de paludisme, mais elle n'implique pas automatiquement la logique des coûts dans sa compréhension du système de référence et ses raisons d'être.

«  L'infirmier du CSI envoie les patients à l'hôpital quand le cas est plus fort que lui ».

« Certains patients sont orientés à l'hôpital, pour qu'ils retrouvent leur santé ».

Presque dans tous les focus groups, la population a traduit le système de référence aussi en termes négatifs : la référence devient nécessaire quand le matériel ou les médicaments (sous entendu que ces équipages devraient être disponibles au niveau du CSI) manquent. La référence devient à ce moment un acte pour remédier au dysfonctionnement du système sanitaire. Le manque ou l'absence du personnel était évoqué dans le même sens comme raison de référence. Cette compréhension négative d'une référence semble être renforcée par les explications souvent sommaires données par l'infirmier lors d'une référence en disant « qu'il n'a pas le produit qu'il lui faut ».

«  C'est le manque du matériel ou des produits nécessaires qui pousse l'infirmer à envoyer certains patients à l'hôpital ».

3.1.2- L'acceptabilité d'une référence

Avec `acceptabilité d'une référence', on veut indiquer ici seulement le fait que oui ou non, le patient accepte que l'infirmier du CSI lui communique une référence. Accepter une référence, dans l'esprit du patient, ne signifie donc guère que la référence sera réalisée dans le sens que le patient se présentera effectivement au deuxième niveau des soins.

La population indique unanimement que chaque proposition de référence par l'infirmier en principe est acceptée. L'infirmier a pleinement le droit et il n'y a que peu de personnes qui mentionnent que l'infirmier pourrait être de mauvaise volonté. Cette acceptabilité est étroitement liée avec un sens de relation hiérarchique entre le patient et l'agent de santé. Refuser serait vu comme un manque de respect pour « l'autorité dans la matière » qu'est l'infirmier du CSI. Les discussions n'ont pas pu révéler jusqu'à quelle hauteur l'infirmier est vu comme un représentant autoritaire de l'Etat et/ou un reliquat d'un ancien système de colonisation, comme le font ressortir certaines études anthropologiques. L'impression est néanmoins que l'infirmier en général est bien accepté pour ses compétences mais la population réalise en même temps qu'elles sont nécessairement limitées. L'autorité de l'infirmier se trouve illustrée dans l'expression « qu'il faut obéir », mentionnée plusieurs fois.

Accepter la référence ne signifie pas que la référence soit respectée. Dès que l'infirmier propose une référence, la personne en question se réalise les conséquences liées à cette référence. Ceci explique les raisons pour lesquelles « la référence n'est jamais refusée », le patient peut facilement argumenter avec l'infirmier pour insister qu'il tente d'abord encore un autre traitement. Dans la plupart des focus groups, une discussion avec l'agent de santé sur l'option de rester au niveau du CSI est considérée comme toute naturelle.

Accepter une référence n'est pas contraire non plus à consulter d'abord le guérisseur traditionnel avant de consulter à l'hôpital de référence. Puisqu'une référence est la conséquence d'un échec et n'a rien à voir avec la continuité des soins ou la notion d'une hiérarchie, il n'existe pas de raison dans l'esprit du patient pour qu'il favorise un système de santé sur l'autre. Il a donc tendance à `consommer les services de santé' selon ses croyances mais aussi en suivant la voie avec la moindre résistance. Si le guérisseur se trouve à côté, il tentera sa chance d'abord avec lui, avant de se jeter dans une grande aventure, telle qu'un voyage de 50 jusqu'à 150 km dans un endroit souvent peu ou pas connu.

3.1.3- Les obstacles liés à une référence

3.1.3.1- Les difficultés principales

Tous les focus groups ont spontanément mentionné les coûts et les difficultés de transport comme les raisons principales qui font qu'une référence n'est pas facile et pas toujours acceptée `de facto'.

Quand la population parle des frais liés à la référence, elle ne parle pas d'abord des frais de traitement, mais elle incorpore beaucoup d'autres postes de dépenses souvent plus importants que le coût de traitement en soi, comme par exemple les frais de transport. En dehors du fait que le transport pourrait simplement manquer au moment de la référence, le transport est indiqué comme un poste de dépense très important et ceci surtout quand il s'agit d'une évacuation d'urgence qui implique que le véhicule ne soit pas partagé avec d'autres gens. Dans le district sanitaire de Tahoua, le transport individuel peut coûter jusqu'à 40.000 f CFA aller simple, dépendant de la distance.

« Le gros problème pour nous en cas de référence, c'est l'argent. Ce problème fait qu'on ne veut même pas entendre parler d'aller à Tahoua, même de quoi se prendre en charge c'est un problème ».

« Un autre problème, c'est le transport, surtout si l'ambulance n'est pas là. Ici, si ce n'est pas le jour du marché, c'est difficile de voir un véhicule. Récemment, dans notre village pour évacuer une femme en difficulté d'accouchement, il a fallu que son mari loue un véhicule à 35000F, pour une distance d'à peu près 70 km »

La prise en charge et les pots de vin constituent aussi un obstacle pour les populations dans le processus de la référence.

« Notre problème à l'hôpital, c'est la nourriture, il y a aussi les à côtés aux infirmiers, sans lesquels vous ne serez pas bien vus là-bas ».

Les visites des malades hospitalisés, les ordonnances, la résignation, la discrimination, le recours aux guérisseurs traditionnels, le problème d'hébergement et l'ignorance sont également d'autres obstacles qui justifient les perceptions négatives par la population de la référence.

« Même le déplacement pour aller à Tahoua, visiter un patient, est un problème pour nous, car ça demande beaucoup d'argent ».

« Nous avons souvent des difficultés à nous retrouver dans l'hôpital, on n'est pas habitué ».

« Nous ne voulons pas aller à l'hôpital car là-bas, il y a trop d'ordonnances »

« Souvent ça ne vaut pas la peine d'aller à l'hôpital, autant se résigner et rester au village ».

« Il y a des cas qu'on juge inutiles d'amener à l'hôpital, par exemple, les nouveaux nés ou les vieillards ».

« L'hôpital coûte cher, c'est pour cela qu'on a tendance généralement à recourir aux guérisseurs traditionnels qui sont aussi efficaces et moins coûteux ».

« On ne veut pas aller à Tahoua du fait du problème d'hébergement, car là-bas si tu n'as personne, tu as toutes les difficultés à y séjourner ».

« L'ignorance, est une autre raison qui empêche certains d'entre nous à se présenter à l'hôpital, vous savez, jusqu'à présent il y a des gens qui n'ont pas encore évolué »

Parlant du transport, les focus groups ont mentionné également la difficulté de se déplacer du village vers le CSI, nécessairement en charrette ou à dos d'un chameau.

Le fait que le manque de transport peut influencer directement le comportement `inexplicable' des gens, est illustré dans l'exemple suivant :

Exemple 1 :

Lors d'une supervision au CSI, l'équipe cadre de district rencontre un villageois qui habite à 5 km du CSI. Il raconte que dans son village une femme souffre actuellement après son accouchement, mais qu'elle n'a pas les moyens de se présenter au CSI et que de toute façon elle n'avait aucun espoir de trouver un véhicule pour la transporter à l'hôpital, étant sûre que le CSI ne pourrait pas résoudre son problème.

L'équipe de supervision décide d'aller chercher la femme avec le véhicule de supervision. Arrivée au CSI, une rétention placentaire est diagnostiquée et traitée localement (par le médecin superviseur) avec succès.

L'analyse de la patiente était rationnelle : dans ce CSI, l'infirmier ne maîtrise pas la technique d'une extraction manuelle et une voiture ne passe seulement qu'une fois par semaine. La dernière supervision de ce centre datait d'il y a quelques années déjà.. L'hôpital se trouve à 120 km du centre de santé.

Observation directe dans le CSI de T.

D'autres frais pris en compte par la population et souvent oubliés par les techniciens de santé sont entre autres : la nourriture pour le patient et pour les accompagnants, les frais de logement pour les accompagnants (surtout quand ceux-ci ne connaissent personne dans le village), la corruption, le retour au village, surtout en cas de décès. Par rapport à la corruption, la population mentionne les `à côtés', la discrimination des patients et la négligence.

Les visiteurs contribuent aux dépenses, mais ceci est généralement largement en dessous des besoins réels (voir les interviews des patients).

3.1.3.2- Les obstacles sociaux

La référence est vécue comme un événement social et plusieurs personnes sont impliquées dans sa gestion. La décision pour accepter la référence ne réside clairement pas seulement chez le patient même. La grande majorité indique que la décision d'évacuer un patient est prise par les parents, pour les femmes mariées en général combinée avec l'opinion du mari. Les matrones, les secouristes, les guérisseurs et le chef de village ont été mentionnés aussi comme des personnes clés dans la décision. Pour les urgences, le patient même semble peu impliqué dans la prise de décision.

S'il s'agit d'un enfant, c'est en général le mari qui décide de l'évacuation. Sur la question de savoir la réaction des femmes au cas où le mari constituerait un obstacle pour l'évacuation, les femmes répondent unanimement que le mari ne peut pas refuser ou être un obstacle en soi pour la référence aussi bien pour l'évacuation de leur enfant que pour elles-mêmes. Un refus (qu'elles ne peuvent pas vraiment s'imaginer) provoquerait un divorce.

La population a clairement indiqué qu'elle fait une analyse sur le bénéfice social qu'elle espère emporter en respectant la référence. Une référence pour une personne âgée ou tout jeune est moins acceptable que la référence d'un jeune adulte. La décision d'accepter une référence n'est jamais individuelle.

Pour les personnes âgées, il ne s'agit pas simplement d'une analyse coûts-efficacité mais aussi de la probabilité que la personne pourrait décéder. Le fait qu'on aime enterrer les gens âgés dans le village même et que le transport d'un corps est encore plus coûteux que le transport d'un malade font que leur référence est étudiée avec un oeil critique. `La mort' était mentionnée par tous les focus groupes comme obstacle important à la référence.

La forte obligation sociale de visiter un malade hospitalisé (« Ne pas visiter un malade peut facilement être interprété comme souhaiter sa mort ») représente un effort financier et social important pour les villageois. En effet, ils doivent payer le transport et au moins payer un petit montant à titre de contribution aux frais de maladie au patient lors de la visite. Surtout en saison des pluies quand il y a beaucoup de travail dans les champs, ceci n'est pas évident. La population autour du patient a donc une tendance spontanée à minimiser l'urgence et/ou à conseiller des alternatives à la référence au CHD, comme par exemple la consultation auprès d'un guérisseur. Pour les accompagnants du patient le même dilemme se pose entre vouloir le mieux pour le patient et les dépenses directes et indirectes liées à une hospitalisation, aussi pour eux individuellement (ce n'est pas le patient qui paie l'ensemble des frais). Ceci renforce aussi l'idée d'hospitaliser le patient tout près de la maison, c'est-à-dire au niveau du CSI. La population a été unanime par rapport aux avantages importants liés à une hospitalisation au niveau du CSI.

« Oui, l'infirmier de notre village hospitalise des patients à son niveau. Si tu le vois référer un patient, dis toi que son hospitalisation a échoué. Il y a des gens qui ont l'habitude de faire une semaine au CSI ».

« Pour notre part, nous apprécions beaucoup ces hospitalisations au CSI car il y a moins de dépenses, on peut rendre visite facilement au malade, à n'importe quel moment, même à pieds. Le malade est de plus à côté de sa famille, la nourriture ne cause aucun problème »

« C'est pour éviter au patient qui habite trop loin du CSI des déplacements que l'infirmier lui donne une place au CSI jusqu'à la fin de son traitement ».

« C'est pour surveiller le patient , pour voir l'évolution de son état de santé que l'infirmier l'hospitalise à son niveau ».

« Hospitaliser un patient, c'est le droit de l'infirmier, car il relève de sa compétence, il est un agent de santé au même titre que ceux travaillant à l'hôpital. C'est le manque de matériels et de médicaments qui l'oblige à envoyer les patients à l'hôpital, si non ces collègues de l'hôpital ne vont rien lui montrer ».

Le pouvoir de la famille et de l'environnement social du patient sur le respect de la référence est bien illustré par l'exemple suivant :

Exemple 2 :

Une patiente avec difficulté d'accoucher d'une neuvième grossesse se présente au CSI. Elle a été vue par un guérisseur traditionnel qui, selon les habitudes locales, a récité des prières pour essayer de résoudre les problèmes de l'accouchement. Au CSI, la famille refuse la référence parce que la femme a pu déjà accoucher 8 fois sans problème. L'infirmier qui n'insiste pas, retient la parturiente encore 24 heures, jusqu'au moment où son état se soit détérioré. La famille accepte à ce moment de payer pour le transport et l'ambulance est appelée. Une césarienne a évacué des jumeaux déjà en décomposition.

Histoire communiquée par l'infirmier du CSI de ...

3.1.3.3- Les croyances sur certaines maladies comme obstacle à la référence

Tous les groupes de discussion ont énuméré des maladies `traditionnelles' pour lesquelles ils ne consultent pas le système de santé moderne. La population a mentionné : l'épilepsie, les conditions psychiatriques, les jaunisses, les maladies des yeux, les maux de ventre, les « hémorroïdes » internes et externes, les dysenteries, « iskas » (génies) les maladies des « côtes », etc.

Il serait imprudent de penser que ces maladies correspondent aux catégories de maladies reconnues par la médecine moderne. Les traductions donnent la fausse impression que la population et le patient parlent le même langage. Les hémorroïdes `traditionnelles' couvrent certains cas d'hémorroïdes `modernes', mais sûrement aussi des cas d'amibiases et d'autres maux de ventre comme par exemple des grossesses extra-utérines. La population faisait aussi allusion à l'utilisation de « décoctions » utilisées comme remède de maison.

« Ici, si un membre de la collectivité tombe malade, nous nous adressons d'abord au marabout du village ou toute personne censée avoir une qualification dans le traitement traditionnel car, vous même, vous savez que certaines maladies sont liées aux forces surnaturelles, la médecine moderne ne peut rien ».

« L'infirmier a l'habitude de référer des malades à l'hôpital, mais on revient à la maison pour faire le traitement traditionnel ; chose que nous avons héritée de nos ancêtres et ça marche très bien ».

« Le recours au guérisseur traditionnel, même demain on le fera car c'est aussi efficace. »

Ces croyances ne devraient pas être perçues comme des obstacles absolus. Certaines maladies ne peuvent objectivement pas être prises en charge par la médecine moderne telle que l'hépatite B. Mais tous les cas de jaunisse ne sont pas les mêmes et la population risque de consulter pour une jaunisse suite à un paludisme compliqué, le même guérisseur. Régulièrement, il existe aussi des `trous' dans les soins offerts par le système moderne comme ce cas observé dans le CSI de Kalfou dans le district sanitaire de Tahoua.

Exemple N°3

Pour la troisième fois en quelques semaines, une patiente était amenée par la famille au CSI. Elle se trouvait chaque fois dans un état épileptique.

La troisième fois, l'infirmier insistait auprès de la famille de ne plus revenir avec cette patiente, parce qu'il ne pouvait rien lui offrir de toute façon...

Observation directe dans le CSI de K..

3.1.4- Les facteurs liés à l'hôpital de référence et la qualité des soins

En dehors des freins financiers déjà mentionnés, le mauvais accueil à l'hôpital et la corruption étaient les plus fréquemment mentionnés comme des freins pour utiliser l'hôpital et donc pour accepter la référence.

« A l'hôpital l'accueil n'est pas comme au CSI ; ici les infirmiers et les manoeuvres n'ont aucun respect à l'égard des malades. Au CSI, les infirmiers se montrent très ouverts envers nous. »

« A l'hôpital, pour être bien vu il faut connaître quelqu'un et disposer de l'argent pour corrompre les infirmiers, sinon même disposer d'un lit vous sera très difficile. »

La qualité des soins n'était pas mise en question explicitement par la population pendant les discussions. De l'autre côté, en général, elle n'estimait sa performance pas mieux qu'au niveau des CSI. Le gradient technique évoqué souvent par la santé publique ne semble pas exister dans l'esprit des gens de Tahoua.

« Hospitaliser un patient, c'est le droit de l'infirmier car ça relève de sa compétence, il est un agent de santé au même titre que ceux qui travaillent à l'hôpital. C'est le manque de matériels et de médicaments qui l'oblige à envoyer les patients à l'hôpital, si non ses collègues de l'hôpital ne sont pas plus efficaces que lui. Nous apprécions beaucoup ces hospitalisations. »

L'hébergement des accompagnants et la nourriture étaient également mentionnés très souvent comme des difficultés importantes. La « peur de l'inconnu » et « l'angoisse » étaient évoquées par presque la moitié des focus groups (voir aussi point 4).

« On ne veut pas aller à l'hôpital de Tahoua, du fait du problème d'hébergement. En effet, là-bas si tu n'as personne tu as toutes les difficultés à y séjourner. Il y a également le problème de nourriture. »

«Dés qu'on nous parle de l'hôpital, c'est l'angoisse qui se lit sur nos visages car nous nous disons que le cas est grave. Nous hésitons à y aller parce que nous ne sommes pas habitués au milieu, on ne sait quel genre de personnes on va rencontrer. »

3.1.5 - L'angoisse et la référence

Presque dans tous les focus groups, les femmes, un peu plus que les hommes, ont décrit la référence comme un événement émotionnel. « La référence, c'est la mort ». Sur la question `Qu'est-ce que vous sentez en cas d'une référence ?', l'angoisse était le plus souvent mentionnée. L'émotion est donc un facteur important lors d'une référence ce qui sera important comme observation en discutant la qualité de la communication entre l'infirmier et son client.

D'autres expriment le même sentiment un peu moins extrême en indiquant « la peur pour l'inconnu » et la mauvaise communication avec le personnel de l'hôpital, dans le sens qu' « ils reçoivent peu d'explications » et qu' « ils ne comprennent pas les procédures » (avec le risque d'être insulté).

3.1.6- L'ignorance

L'ignorance a été majoritairement évoquée par les hommes comme un facteur explicatif d'un éventuel refus d'une référence. Le fait que les interlocuteurs représentaient la médecine moderne, perçue comme `en faveur de la référence', peut expliquer cette attitude.

« L'ignorance est une autre raison qui empêche certains d'entre nous de se présenter à l'hôpital, vous savez jusqu'à présent il y a des gens qui n'ont pas encore évolué. »

3.1.7- La qualité de la communication entre patient et infirmier

Sur la question `Comment l'infirmier vous annonce-t-il la référence ?', la majorité des focus groups indiquent qu'il le mentionne simplement sans plus d'explications. Dans moins de la moitié des cas, la population s'imagine qu'il donnerait aussi des explications sur le pourquoi ou des informations pratiques par rapport à la référence. Elle s'exprime en disant que « C'est le papier (la lettre de référence) qui parle » ou « Il donne le papier et c'est le papier qui contient tout ». La population n'a jamais indiqué ou suggéré que la communication soit mauvaise ou insuffisante, ce qui renforce l'impression que l'infirmier parle avec `autorité légitime' et que dans leur esprit, il ne s'agit pas d'une continuité des soins entre deux échelons, mais plutôt d'une interruption et le passage d'un système à l'autre.

3.2- INTERVIEWS DES INFIRMIERS

C'est l'ensemble des infirmiers des dix (10) CSI ruraux que compte le district sanitaire de Tahoua à l'époque, qui ont été interviewés individuellement sur le lieu de travail, à un moment qui leur est favorable. Au nombre de vingt-et-un, lors de notre passage , ils se répartissent entre 19hommes et 2 femmes, 8 IDE et 13 IC. Le plus jeune d'entre eux a 24 ans et le plus âgé a 55 ans. Leur durée dans leurs différents postes varie d'un infirmier à un autre. Parmi eux, figuraient des expérimentés des CSI ou d'autres formations sanitaires, comme la CM, les dispensaires ruraux, les postes médicaux ou le CHD.

Plus en détail, l'interview a permis d'identifier :

La qualité de la communication entre l'infirmier et le patient lors d'une référence

Les difficultés rencontrées par les infirmiers lors d'une référence

Le niveau de compréhension de la référence et de la contre-référence par les infirmiers

L'attitude des infirmiers vis-à-vis des instructions de base pour décider de la référence (SPT, PCIME)

Les sentiments qu'ils éprouvent à travers la référence et à travers les hospitalisations au niveau de leur CSI

L'influence de ces sentiments sur leur comportement en cas de référence

Des questions sur la motivation et la relation des agents de santé avec la population ont été posées pour estimer à quel degré ces facteurs pourraient influencer l'attitude et le comportement de l'infirmier lors d'une référence.

3.2.1 Les rapports avec la population

Les agents de santé indiquaient tous que leur relation avec la population était bonne.

« Vraiment, ici la vie m'est facile, car je suis intégré à la population, les villageois m'associent dans toutes leurs entreprises (réunions, baptêmes, mariages) ».

« Les villageois ont toujours répondu à mes appels, ils fréquentent le CSI, ils m'aident à cultiver mon champ, tout cela, pour vous prouvez que nos relations sont bonnes ».

3.2.2- Compréhension de l'infirmier sur la référence

3.2.2.1- Importance (discussions dans le COSAN) accordée au système de référence

La plupart des COSAN se réunissent régulièrement. Ceci est lié au degré d'engagement et de mobilisation de l'ECD à faire fonctionner efficacement les structures de participation communautaire.

Seulement 13 agents de santé (sur 21) participent effectivement aux réunions du comité de santé (souvent les adjoints de l'infirmier chef du CSI ne sont pas associés et ils ont exprimé leur frustration par rapport à cette situation). Tous affirment avoir discuté déjà sur un ou plusieurs aspects du système de référence. Une analyse plus précise dévoile pourtant que 7 personnes sur 13 (54 %) confondent le système de référence entre CSI et CHD avec les consultations précoces au niveau du CSI. Ils conseillent de « ne pas tarder avec la maladie au village avant de venir se faire consulter ». Pendant l'interview ils ont confirmé de « faire des allusions au système de référence en incitant la population à venir consulter tôt ». La référence est dans leur esprit largement évitable tant que le patient arrive assez tôt. En tout, seulement 6 personnes sur 13 (46 %) ont parlé d'un ou plusieurs aspects du système de référence.

Ces personnes ont soulevé le problème de tarification du CHD et le fonctionnement du service d'ambulance (et sa tarification). Ceci a été demandé par l'ECD lors d'une réunion de coordination en présence de tous les agents de santé de district et les représentants de la population.

3.2.2.2- Les salles d'hospitalisation comme sujet de débat pendant les réunions du COSAN

La construction de salles d'observation, voire d'hospitalisation au niveau des CSI a toujours été au centre des réunions du COSAN (6 agents sur 13 le mentionnent spontanément dans une question ouverte). Les salles d'observation permettent aux infirmiers « d'éviter la référence ». Tandis que le système de référence ne semble pas être important dans l'ensemble des problèmes des districts sanitaires selon les infirmiers, la possibilité d'hospitaliser des patients au niveau des CSI semble constituer une priorité aux yeux des agents de santé de Tahoua.

3.2.2.3- Les références en urgence et à froid

Tous les agents semblent connaître les références d'urgence avec des exemples de leur pratique quotidienne.

Par rapport aux références à froid, bien que tous prétendent avoir référé des patients qui ne se trouvent pas dans une situation aiguë, les exemples et surtout les temps donnés comme dernière occasion d'une référence à froid laissent à réfléchir. Parmi les 25 exemples donnés, figuraient 2 lipomes, 3 hernies, une hydrocèle, 2 problèmes de prostate et 2 prolapsus de l'utérus, mais aussi un trauma oculaire et une paralysie après chute dans un puits qui ne s'améliorait pas après 2 jours d'observation au CSI. Bien que les urgences soient toujours relatives, les deux derniers exemples nous semblent être plutôt urgents. Le temps entre le jour de l'interview et la dernière référence à froid selon l'infirmier variait entre 3 jours et 3 ans avec une moyenne de 4 mois. Ceci représenterait 5 cas référés par an par CSI (avec 2 agents) en dehors des urgences.

3.2.2.4- La définition de la référence et pourquoi il faut référer

Presque tous les agents (19 sur 21 ou 90 %) mentionnent la référence à froid à côté de la référence d'urgence. Ils comprennent qu'il existe un gradient de compétence et de matériel technique entre le CSI et le CHD. Huit personnes sur 21 (38 %) la définissent comme une organisation des soins en échelons, cependant les rôles spécifiques des échelons et le coût-efficacité d'un tel système n'ont presque jamais été abordés (1/21 ou 5 %). Que le CSI pourrait manquer le temps pour correctement prendre en charge des patients hospitalisés n'a été mentionné aucune fois. Le lien avec le rôle spécifique du CSI qui pourrait être compromis à cause des hospitalisations au niveau du CSI n'est donc jamais venu à leur esprit.

Les infirmiers confirment qu'ils ne réfèrent que quand ils ont vraiment la preuve que la situation dépasse leur compétence ou qu'aucun médicament à leur disposition ne peut encore éviter la référence. Beaucoup d'entre eux ont dit que si la chirurgie devient obligatoire, c'est seulement en ce moment qu'ils proposent la référence.

3.2.2.5. - La différence entre la mise en observation, une hospitalisation et un logement

La mise en observation d'un patient au niveau d'un CSI ne devrait pas dépasser 24 heures en théorie et selon la politique sectorielle de santé du Niger. La mise en observation est utile pour s'assurer de ne pas avoir raté un diagnostic plus grave ou pour s'assurer que le traitement entamé a l'effet escompté et qu'entre temps la maladie du patient ne se complique pas.

Dans le cas d'hospitalisation, le patient doit rester obligatoirement au niveau du centre pour qu'on lui assure des soins 24 heures sur 24 parce qu'il y a eu des complications ou le risque de complications est très élevé ou encore parce que le traitement doit se poursuivre continuellement. Ceci implique que l'infirmier lui aussi soit disponible 24 heures sur 24, pour assurer ces soins intensifs et continus.

On donne un logement au patient à cause des distances insurmontables pour une prise en charge correcte ou pour faciliter la vie du patient. Au niveau d'un hôpital, les trois raisons « d'hospitalisation » sont utilisées toujours, et pour un patient plusieurs raisons peuvent

co-exister.

Onze agents sur 21 (52 %) estiment qu'il n'existe aucune différence entre les trois notions. Par rapport à la définition de `mise en observation', certains des agents estiment que 48 heures sont normales, d'autres par contre avancent que cela devrait durer 3 et même 5 jours. L'hospitalisation a été définie par 4 infirmiers comme une mise en observation jusqu'à guérison et comme « mise en observation excédant le temps `normal' » par deux autres agents. Personne n'a mentionné une définition qui se rapproche de la nôtre. L'intensité et la continuité des soins n'ont jamais été évoquées, ni le fait que les infirmiers d'un centre de santé n'aient pas autant de temps à consacrer aux patients hospitalisés.

Par rapport au `logement', un seul infirmier a donné l'exemple de la tuberculose comme une occasion d'offrir un logement à un patient quand il habite trop loin pour se présenter chaque jour au centre, bien que ce soit une pratique assez répandue dans le district. Tous les autres ne se sont pas prononcés par rapport à cette notion.

Les infirmiers estiment donc qu'il y a très peu de différence entre une hospitalisation au CSI ou à l'hôpital.

3.2.26. - La sélection des patients selon l'âge par rapport à la référence

Neuf agents de santé sur les 21 disent qu'ils réfèrent plus facilement un certain groupe d'âge par rapport à un autre. Cinq déclarent référer moins les vieux, deux disent qu'ils réfèrent moins d'enfants et 4 qu'ils réfèrent plus d'enfants et surtout les nouveaux-nés. Quinze infirmiers affirment qu'ils réfèrent de façon très objective « selon la pathologie et que l'âge n'a rien à voir ». Un seul explicitement dit qu'il réfère plus d'enfants parce qu'ils font pitié.

Toutefois, l'acceptabilité de la référence par les patients et/ou leur famille est influencée, selon 14 infirmiers, par l'âge. Cinq disent que la référence pour un enfant est peu acceptable, tandis que 9 autres disent que, les vieux sont souvent délaissés.

Plus l'agent de santé a de l'expérience, plus il se rend compte que la famille du patient décide sur certains critères et l'âge en fait partie. Selon son expérience concrète, il va identifier un biais envers les enfants ou les vieillards. La population dans les focus groups a confirmé la sélection négative des deux extrêmes : les vieux et les petits enfants sont effectivement moins référés car, socialement peu valorisés.

3.2.2.7. - Connaissance des agents de santé sur les coûts de la référence pour le patient

Pratiquement 100 % des agents connaissent les tarifs de l'ambulance pour leur CSI. Quant aux tarifs d'une hospitalisation et les coûts qui y sont liés, 10 agents déclarent ne pas savoir ou donnent un chiffre largement en dessous de la réalité.

Les frais du transport, des médicaments, de la consultation, de l'hospitalisation ou de la nourriture sont souvent mentionnés. Seulement 3 agents mentionnent aussi le logement (du patient ou des accompagnants) comme poste de dépense, une seule personne pense au retour du patient (un poste important pour la population : voir les focus groups) et une autre encore pense à la corruption.

3.2.2.8 - La qualité de la relation avec les patients lors d'une référence

La communication est un élément déterminant dans la relation infirmier-patient. En matière de référence, cette communication doit comporter tous les éléments nécessaires pouvant convaincre le patient à adhérer à la proposition de l'infirmier, de l'orienter vers l'hôpital. Ces éléments sont entre autres : les raisons de la référence, la préparation psychologique, l'information de la famille, la tentative de convaincre en cas de refus, la crédibilité de l'hôpital, l'évolution de la maladie, les aspects financiers et les procédures à l'hôpital.

Sur les questions ouvertes : « Qu'est-ce que vous dites aux patients lors d'une référence ? », les réponses sont très uniformes, qu'il s'agisse d'une référence d'urgence ou à froid. La grande majorité indique « qu'on ne peut pas traiter localement ». Ceci peut se présenter aussi sous forme de besoin d'un examen supplémentaire. Six infirmiers associent la chirurgie à la nécessité de référer, indiquant ainsi que pour les autres raisons ils ne réfèrent pas (ou très peu). Parmi eux, un agent a confirmé qu'il ne réfère que pour des cas de chirurgie. Deux infirmiers sur 21 associent une référence d'urgence à une mise en observation d'abord, 4 à une référence à froid. Deux infirmiers citent spontanément qu'ils font peur aux patients lors d'une référence à froid.

Deux fois le risque est évoqué comme sujet de conversation lors d'une référence à froid. En dehors de cela, aucun autre sujet n'a été mentionné spontanément, indiquant que la communication entre le patient et l'infirmier est minimale et très peu systématisée et consciente.

« Ton cas est plus fort que moi, je vais te donner un papier pour partir à l'hôpital ».

« Je t'ai consulté, j'ai vu que c'est un cas chirurgical, ici, je ne peux rien, si tu es intéressé, je te remets un papier pour aller à l'hôpital ».

« Ton cas est une urgence, si tu es prêt, je vais appeler l'ambulance, pour vous amener à Tahoua. »

« Je vais t'envoyer à Tahoua car moi, je ne peux rien, si tu refuses, ça fait ton problème, dans tous les cas, c'est ta santé. »

Exemple 4

Cas d'une femme ayant eu un problème d'accouchement.

Admise avec saignement, dans un centre de santé un lundi vers 21 H, son problème persistait jusqu'au lendemain matin jour de notre passage dans le dit centre de santé. Après plusieurs tentatives et la complication de la situation, l'infirmier décida de référer la patiente et ses parents vers l'hôpital en leur disant : « Moi j'ai fait de mon mieux. Toutefois, il n y a pas eu de succès. Maintenant je vais vous envoyer à l'hôpital, il ne faut pas hésiter à aller, dans votre intérêt. Je n'ai pas le temps de vous négocier car, j'ai d'autres choses à faire. Si vous refusez de partir, ça fait votre problème... »

11H,jour de notre passage dans le CSI. L'infirmier ayant fait de son mieux, en vain, proposa de manière expéditive à cette femme et à ces parents la référence vers l'hôpital, en ces termes : « Moi, j'ai essayé, ça n'a pas marché. Préparez-vous à aller à l'hôpital, autrement, et toi et le bébé vous allez périr car, vous avez de l'argent vous ne voulez pas dépenser, en tout cas la balle est dans votre camp, je n'ai pas le temps de vous négocier, j'ai d'autres choses à faire... » 

Exemple 5

C'est aussi l'exemple d'une femme qui a fait 48h de travail dont 24h au village situé à une dizaine de kilomètres du CSI et 24h au CSI situé à 99km de l'hôpital de référence. Lorsque l'infirmier avait reçu et observé cette femme, il n'avait pas fait cas à ses parents et son mari de son incapacité à résoudre leur problème et s'est contenté seulement de leur proposer d'aller à Tahoua en ces termes : « Apparemment, ça n'évolue pas beaucoup vous allez essayer de partir à Tahoua voir ce qui va se passer ... ». Etant à son neuvième accouchement, cette femme et ses parents avaient du mal à comprendre pourquoi cette référence, alors même qu'elle a toujours accouché au village ou au CSI. C'est l'équipe de recherche

qui a finalement pu les convaincre à accepter de se rendre à Tahoua. Admise à la maternité, vers 3h du matin, la femme a subi une césarienne pour une grossesse gémellaire dont un bébé déjà mort.

Ce n'est que dans la question guidée qu'ils confirment qu'ils expliquent aux patients les raisons de la référence, qu'ils impliquent la famille et qu'ils parlent des aspects financiers ou des procédures au niveau de l'hôpital. Seulement 3 agents essayent de rassurer le patient lors d'une urgence et 6 pendant une référence à froid.

Dix-sept agents déclarent « essayer de convaincre le patient » en cas de refus de la référence. Un dit qu'il « oblige le patient », un répond  qu'il « donne le bulletin de référence et le reste est son (le patient) problème ». Sept sur 21 affirment qu'ils font signer un certificat de décharge, parmi eux un déclare qu'il exige le papier seulement après avoir tenté de convaincre le patient.

Pour convaincre le patient d'accepter une référence, 14 évoquent le risque avec le patient, 6 agents disent faire peur aux patients, 6 autres déclarent qu'ils essayent de rassurer le patient (« L'hôpital ne tue pas »). Personne n'a cherché à comprendre le refus. Un agent dit « essayer de convaincre » le patient à travers la famille en ajoutant que « c'est souvent la famille qui fait obstacle ». Un autre agent affirme qu'il dit en cas de référence à froid au patient « qu'il ne faut pas attendre jusqu'à ce que ça se complique parce que la prise en charge sera beaucoup plus chère à ce moment ».

3.2.3. Difficultés rencontrées lors d'une référence

En général, l'ensemble des agents de santé interviewés indiquent que le transport et les coûts, directs et indirects, liés à une référence représentent les principaux obstacles pour l'acceptabilité de la référence par le patient. En deuxième lieu sont aussi évoqués, comme difficultés, les facteurs culturels (cadre d'explication de la maladie, `iska', génies, etc.), les difficultés de communication avec le centre de référence (pas de radio la nuit et pendant les fins de la semaine). Comme facteurs moins importants ont été cités le rôle de la famille et l'influence de la saison : les gens attendent la fin de la saison pluvieuse pour se faire soigner.

En général, les analyses faites par les infirmiers correspondent remarquablement avec ce que la population a évoqué à ce sujet.

Selon 18 infirmiers sur 21, dans les références d'urgence, le problème de refus du patient ne se pose pas. Cinq se rappellent un exemple concret et ont reconnu que parfois ils sont confrontés à un refus de la part du patient aussi en cas d'urgence. Un infirmier a raconté l'histoire d'une femme en travail, qui a suivi d'abord un traitement traditionnel pour des difficultés de couche. Quand elle est arrivée au niveau du CSI elle a refusé initialement la référence. Elle s'est fait convaincre seulement à la dernière minute et elle est décédée avant son arrivée au CHD. Un autre a raconté l'histoire d'un enfant souffrant de la méningite qui ne peut pas être référé parce qu'on ne trouve pas quelqu'un pour l'accompagner. Trois agents ont déclaré qu'ils n'ont jamais été confrontés à un refus de la part du patient.

Parlant spécifiquement de la référence à froid, seulement 7 sur 21 affirment que c'est facile de convaincre les patients d'accepter une référence. Parmi eux, deux ont déclaré que ce n'est qu'au moment d'une complication que les patients acceptent la référence à froid, ce qui contredit leur déclaration initiale. Cinq indiquent que ce n'est pas du tout facile et rapportent des cas concrets comme par exemple une vieille femme qui est tombée dans un puits et qui est finalement décédée au village, ou encore une femme avec un traumatisme de l'épaule qui a refusé la référence et qui s'est présentée de nouveau après avec une nécrose du bras.

Quatre infirmiers ont indiqué que devant eux le patient ne refuse jamais, mais qu'après il ne respecte pas la référence.

L'ignorance et les croyances traditionnelles sont souvent évoquées aussi comme raison de refus (10 sur 21 ou 48 %). Quatre agents évoquent aussi l'absence `d'un tuteur' au niveau de Tahoua. Ces raisons recoupent celles que la population a mentionnées pendant les focus groups.

3.2.4 L'utilisation des SPT et de la PCIME pour diriger la décision de référer un patient

Dix sept infirmiers sur les 21 sont persuadés que le respect des SPT amène à une hausse importante du nombre de références.

« Les SPT ne tiennent pas compte des spécificités des zones. Un CSI éloigné ne peut pas référer comme un CSI urbain. Certains schémas thérapeutiques échouent alors qu'il suffit de tenter autre chose pour guérir le malade »

Dix-huit infirmiers sur 21 respectent souvent les références selon le guide SPT et deux ne les respectent jamais. Seulement 6 sur 21 (24 %) indiquent qu'ils respectent les SPT par rapport aux références. La PCIME est en général plus acceptée, ce qui est contradictoire parce que la plupart des infirmiers ne sont pas formés pour la PCIME et objectivement la PCIME prévoit plus de références que les SPT. Douze sur 21 affirment que selon eux, les SPT exigent des références qui vont contre leur prestige.

L'attitude plutôt négative des infirmiers envers les références est illustrée par leur opinion sur les SPT :

« S'il faut suivre les SPT, 50% des patients seront référés »

« 90 % des enfants en CN montrent des signes de malnutrition alors qu'on ne peut pas les référer tous »

« Les SPT empêchent aux gens de réfléchir »

« Si on respectait les SPT, l'hôpital sera débordé »

« En respectant les SPT, on sera un simple service d'aiguillage. »

« En respectant les SPT, nous allons perdre notre crédibilité aux yeux des patients. »

« En respectant les SPT, on a le sentiment de ne rien valoir »

« Si nous décidons de respecter rigoureusement les SPT, la population va bouder »

« Les SPT, c'est de la merde »

« Les SPT sont faites uniquement pour diminuer le coût des soins »

« Les SPT diminuent la fréquentation car elles proposent des comprimés alors que la population a plus confiance aux injectables »

« Les SPT diminuent notre prestige »

Les idées des infirmiers sur les SPT sont colorées émotionnellement. Les SPT ont au Niger fait objet de plusieurs études qui prouvent le contraire de la plupart des critiques formulées ici. Les agents de santé expriment ici leur crainte de perdre leur prestige en référant des patients (ne rien valoir, service d'aiguillage, crédibilité aux yeux des patients).

Les SPT diminuent le prestige des infirmiers en ce sens qu'ils parlent souvent « d'expérience personnelle, de bon sens, de tenter autre chose », qui sont pour eux une alternative à la référence.

Selon la thèse de doctorat de Dr Jaharou (Jaharou, 2000), les SPT actuelles, si elles étaient correctement appliquées, élèveraient la référence à un taux de 20%° des nouveaux cas (dont un quart d'urgences), ce qui est tout à fait raisonnable comparé avec des taux de référence retrouvés dans la littérature.

Les remarques ouvertement hostiles aux SPT doivent être pondérées aussi avec les observations sur le terrain des hospitalisations réalisées au niveau du CSI (voir plus loin).

Certaines réflexions témoignent d'une analyse plus fondée :

« Pour un cas de pneumonie, même si on réfère, ils ne vont pas observer la référence ; donc souvent c'est même dangereux de référer car le patient va se résigner et ne rien tenter »

Une référence non respectée par le patient peut évidemment affecter sa santé . Une référence non fondée pourrait mettre en danger la vie du patient en cas de refus, puisque le patient ne poursuivrait plus son traitement au CSI non plus.

« Les SPT augmentent le nombre de références justifiées seulement » a été mentionné huit fois pour les urgences et 7 fois pour les références à froid. « Les SPT diminuent le nombre de références » cité trois fois.

Quelques infirmiers ont une attitude positive vis-à-vis des SPT :

« Sans les SPT les gens bricolent » ; « Les SPT nous aident beaucoup ». Les réactions positives proviennent clairement des infirmiers les plus formés dans la matière.

Plusieurs observations directes peuvent illustrer la réticence des agents de santé à référer des patients et le non-respect des SPT. Les cas montrent souvent que les soins continus et/ou intensifs ne peuvent pas être assurés au niveau du CSI, bien que tous les produits pharmaceutiques soient disponibles.

Exemple 6 :

Lors d'une supervision dans le CSI, les superviseurs observent l'hospitalisation depuis 3 jours, d'un patient qui souffre de la méningite. La personne était correctement traitée avec le chloramphénicol huileux.

Le patient était sévèrement déshydraté, il avait fait des convulsions pendant la nuit sans traitement supplémentaire et malgré sa fièvre très élevée, le chloramphénicol huileux n'était pas répété.

Exemple 7 :

Lors d'une supervision au CSI, les superviseurs ont rencontré le cas d'un enfant sévèrement malnutri et déshydraté avec une forte fièvre (palu présumé) et avec la conscience sérieusement baissée.

Bien que le CSI se trouve à peine à 20 km de l'hôpital, que l'ambulance et la radio soient en bon état et que -par coïncidence- une voiture de supervision soit disponible, l'infirmier n'a pas eu le réflexe de référer l'enfant.

L'infirmier qui a vainement essayé de replacer à deux reprises la perfusion intraveineuse, a toutefois conclut que « ça ira aussi par voie orale (avec les génériques) ».

Exemple 8 :

Pendant le monitorage de la recherche, un homme ictérique avec une fièvre de 40° est mis en observation dans le CSI pendant 4 jours.

Finalement l'homme est référé au CHD, où il meurt après 48 heures.

Exemple 9 :

Une femme est admise au CHD pour hyperthermie et diarrhée, avec dans son carnet : mise en observation avec cotrimoxazole 2X2 comp. et Quinimax 0.6 inj pendant 6 jours au CSI.

Le femme est décédée au CHD la nuit de son arrivée avec la GE ++++.

Exemple 10 :

Lors du monitorage de la présente enquête, le médecin rencontre au CSI une femme avec une hémorragie post-partum, mise en observation avec une prescription de fer-foldine.

Puisque le médecin était présent, l'infirmier lui a demandé d'examiner la patiente.

Une référence d'urgence était demandée et à l'admission au CHD, la femme avait une hématocrite à 10 %. Un curettage a pu la sauver.

Exemple 11 :

Lors d'une formation en malnutrition, un médecin observe qu'il avait demandé ce jour-là la référence de deux enfants sévèrement malnutris du CSI urbain au CHD à 1 km de distance. Les agents de santé n'ont jamais proposé la référence aux mères.

Pendant les discussions, les infirmiers ont confirmé qu'ils ne réfèreraient jamais de tels cas, parce que « ça ne vaut pas la peine et l'hôpital serait submergé ».

3.2.5 L'importance de la contre-référence

L'ensemble des infirmiers interviewés se plaignent de l'absence totale de la contre-référence qui est considérée par eux comme très importante. La contre-référence permet selon les infirmiers, de s'assurer de la continuité des soins, l'information et la formation continue. Elle permet de s'auto-évaluer en comparant le diagnostic du CSI à celui retenu par le CHD, donc de voir les faux positifs. D'autres indiquent que la contre-référence permet de « mettre en confiance les différentes parties ». Ceci fait ressortir de nouveau la compétition pour les patients et le sentiment de conflit entre le CSI et le CHD par rapport à la référence. D'autres encore avancent que la contre-référence indique le respect pour l'agent qui a référé.

3.2.6 Hospitalisation au niveau du CSI et la crédibilité du CHD

Tous les infirmiers des CSI rencontrés déclarent « hospitaliser » des patients. Dans la définition on a inclus tous les patients qui restent un certain temps au CSI après la consultation (donc aussi ceux à qui on a donné un simple abri ou une mise en observation).

La plupart des infirmiers estiment que le nombre d'hospitalisations tourne autour de 5 patients par mois. Parmi les raisons pour lesquelles ils réfèrent moins que les SPT le demandent, les agents de santé indiquent (15 sur 21) souvent que « ça ne vaut pas la peine de référer » (6 ont ajouté parfois).

Six agents de santé sur 21 avouent être frustrés quand ils doivent référer. Un d'entre eux précise que c'est seulement pour les références à froid. Au nombre de ceux qui disent ne pas être frustrés, se trouvent des infirmiers qui ne réfèrent presque jamais. La seule aide-soignante, parmi les gens interviewés, a répondu « je ne suis pas frustrée parce que je sais qu'il y a des cas plus forts que moi ». Abordés directement, les agents de santé déclarent que la référence ne diminue pas leur prestige, mais presque tous avouent que l'hospitalisation à leur niveau augmente leur prestige (17 sur 21 réponses).

3.3- interviews des patients

Les cent patients interviewés se répartissent comme suit: 47 référés, 36 auto référés et 17 cas de refus. Les patients référés et les auto-références ont été interviewés au CHD. Les rencontres avec les patients qui avaient déjà refusé la référence se sont réalisées aux villages des patients. Pour certains CSI, il est plus facile grâce à la disponibilité de moyens de transport ou l'accessibilité géographique, pour référer les patients directement vers Tahoua (Mogheur, Affala, par exemple). Ceci explique, en dehors des patients qui n'ont pas respecté la référence, qu'il existe plus de fiches de référence que de patients soumis à une interview. Durant la période de l'enquête, l'enquêteur s'est absenté quelquefois du CHD pour superviser les infirmiers dans les CSI. A ces occasions aussi, quelques patients ont été ratés pour l'interview.

L'interview des patients envisage de mieux comprendre les barrières que pose une référence, ainsi que les conditions et les moyens déployés par le patient pour accepter la référence. En même temps, l'interview permettra de comparer l'opinion du patient individuel à celle de l'infirmier ou de la communauté.

Parmi les 100 patients, seulement 24 ont le niveau de l'école primaire, 4 sont alphabétisés et les 72 autres restants sont sans instruction.

Parmi les patients interviewés, 8 vivent à Tahoua (8 %). Puisque ces patients n'ont ni de frais de transport à payer, ni le problème de nourriture, ni trop de peur de l'inconnu, une référence vers le CHD pose sensiblement moins de problèmes pour eux.

3.3.1 Les barrières

En analysant les barrières imposées par le système de référence à travers l'opinion des patients qui ont accepté la référence, un danger d'introduire un biais se pose, puisqu'il s'agit ici de personnes qui ont su vaincre les barrières. Pour ceux qui ont refusé la référence, les mêmes barrières pourraient être estimées insurmontables, mais elles pourraient être d'une autre nature aussi. Par exemple, les maladies dites `traditionnelles' se présenteraient beaucoup moins au centre de référence que les maladies pour lesquelles l'hôpital est connu donner une réponse adéquate.

3.3.1.1- Le séjour au CHD

Seulement 30 patients ayant séjourné au CHD sur les 83 (référés et autoréférés), soit (36%) , déclarent ne pas être satisfaits de l'accueil dans la dite institution. Toutefois 16, soit 19%parlent quand même des longs temps d'attente pouvant aller de 3 à 6 heures. 40 (48%) sur 83 des patients se plaignent de l'absence de nourriture à l'hôpital, ce qui les oblige à en acheter, d'où évidemment le coût élevé du séjour. Cette barrière est évoquée principalement par les patients qui n'ont pas de parents dans la ville à Tahoua et qui ne peuvent donc pas se faire aider.

La grande majorité des patients (60, soit 72%) jugent exorbitants les tarifs au CHD. "C'est cher pour nous les pauvres, il faut faire des tarifs spéciaux pour les pauvres". Toutefois, certains patients ayant l'expérience de l'Hôpital National les trouvent abordables.

Du point de vue de la crédibilité de l'hôpital de Référence, la question s'est posée aux patients de savoir si la référence au niveau de l'hôpital a pu résoudre leur problème de santé. 45 sur 83 patients interviewés se disent satisfaits des traitements reçus et répondent qu'ils vont mieux. Parmi les 38 (46%) personnes qui n'ont pas vu une amélioration se trouvent 8 cas de stérilité. Ceci pourrait affecter la crédibilité de l'hôpital et jouer sur l'acceptabilité de la référence en général.

Cinquante patients sur 83 (60%) déclarent avoir un `tuteur' au niveau de la ville de Tahoua. Ce sont ces tuteurs qui les nourrissent à l'hôpital pour la plupart. Les autres (40%) qui n'ont pas de tuteur à Tahoua indiquent qu'il s'agit d'une situation angoissante et qu'ils « se contentent des restes de nourriture des voisins hospitalisés ». Le système de santé au Niger prévoit que les patients soient nourris par l'hôpital. Mais pendant toute la période de l'enquête, l'hôpital ne disposait pas de nourriture à offrir aux malades. Même si le système prévoit une cuisine au sein de l'hôpital, il n'y a pas d'infrastructures pour abriter des accompagnants avec des facilités pour organiser la cuisine. C'est ce même groupe (n'ayant pas de tuteur et la possibilité de manger convenablement) qui ne bénéficie pas de la solidarité villageoise, jugée très importante psychologiquement pour les malades.

3.3.1.2- Les moyens déployés, la barrière financière

Bien que la grande majorité des patients acceptent les tarifs du CHD, 47 (57 %) déclarent qu'ils ont eu des difficultés financières lors de la référence. Cela confirme que les coûts ne se limitent pas aux frais de l'hôpital et que les dépenses en dehors de l'hôpital sont relativement très importantes. Trente neuf (47%) patients ont emprunté de l'argent auprès d'un membre de la famille ou d'un commerçant local, 29 (35%) ont dû vendre des animaux et 18 (22%) ont pu bénéficier de la solidarité villageoise.

Pendant l'interview, l'enquêteur a essayé de comprendre et de quantifier les dépenses selon plusieurs rubriques. Ceci s'est révélé compliqué parce que les dépenses étaient souvent fractionnées ou en nature rendant le calcul difficile pour le patient. Ainsi on sait que les dépenses au niveau du guérisseur traditionnel ont été importantes pour beaucoup de patients, incapables de chiffrer les montants. L'aide de la part de la famille était également difficile à chiffrer parce que souvent cette aide se réalise sous forme de nourriture ou les visiteurs donnent de temps à autre une petite somme d'argent.

Les 41 (49%) patients qui n'avaient pas ces difficultés financières avaient un revenu monétaire (commerçants, cordonniers) ou avaient un parent vivant à l'extérieur (Abidjan, Niamey) qui leur avait envoyé de l'argent. Ce dernier groupe dépendait néanmoins de ressources extérieures.

La barrière financière est donc très importante et touche la grande majorité de la population de Tahoua. Mais ces problèmes ne peuvent pas être résolus en diminuant les frais de l'hôpital. Il faut étudier comment les autres frais pourraient diminuer, notamment les frais de transport et la perte de ressources dans d'autres itinéraires de santé, surtout pour les cas de stérilité où ont été notées des sommes très importantes dépensées pour le guérisseur : « 50.000 f CFA ; 7 chèvres, etc. ».

Les patients se sont également plaints des "à côtés" à donner au personnel soignant de l'hôpital.

3.3.1.3- Qualité de la communication

Vingt deux patients des 45 référés (soit 49%) disent comprendre pourquoi ils ont été référés. Virtuellement 51 % des patients mentionnent donc ne pas comprendre les raisons de leur référence. Ils disent : « Il m'a dit simplement que je devrais aller, donc je suis parti ». Seulement 18 (40%) sur 45 affirment qu'ils ont eu des explications spécifiques.

Trente-cinq patients (78%) sur 45 disent qu' « il faut obéir » à l'infirmier et 20 (44%) soutiennent qu'ils étaient convaincus parce qu'ils estimaient leur état de santé grave et 9 (20%) sur 45 disent que c'était eux-mêmes qui voulaient partir. Cette opinion illustre la relation plutôt autoritaire entre l'agent de santé et le patient.

Cette situation explique au moins partiellement la réticence des patients à parler de l'attitude des infirmiers. Ils préfèrent rester neutres si des questions sont posées sur l'influence d'une référence sur le prestige de l'infirmier. Néanmoins on n'a pas l'impression q'aux yeux du patient, l'infirmier perdrait de prestige quand il réfère un patient ou qu'il serait jugé incompétent. Les patients se sont plaints particulièrement du comportement du personnel soignant au CHD.

La relation entre agent de santé et patient est plutôt autoritaire et hiérarchique. L'infirmier ne fournit aucun effort notable pour briser cette relation de dépendance et essayer de rentrer dans un dialogue de négociation entre adultes.

3.3.1.4- Les émotions au moment de la référence

Vingt-quatre patients sur 45 (49%) ont affirmé qu'ils étaient soulagés au moment où l'infirmier proposait la référence. Dans ce groupe, deux (4%) se sont rendus au CSI avec une référence dans l'esprit. Pour 17 (38%) patients, la référence ne posait aucune émotion particulière. Ils « se résignent et se remettent à Dieu ». Quatorze personnes (31%) ont déclaré avoir eu peur, surtout peur de mourir, au moment où l'infirmier a proposé la référence, puisqu'elles estiment qu'« une référence, ça veut dire que c'est grave ».

Une patiente (2%) a dit ne pas avoir accepté la référence immédiatement. Parmi les raisons du refus, sont mentionnées l'émotion et la peur de l'inconnu. C'est finalement l'infirmier et l'entourage qui ont pu la convaincre.

La référence est donc réellement vécue comme un événement de forte émotion pour beaucoup de patients. Les infirmiers ne s'en rendent compte que très peu, comme l'ont démontré les résultats de l'interview des infirmiers où seulement 12 % font allusion à la peur spontanément. Il y en avait même qui essayaient de convaincre le patient d'accepter la référence en lui faisant peur. Au regard de la qualité de la communication entre l'infirmier et le patient qui est souvent réduite au strict minimum, il est clair que la peur est rarement considérée comme un facteur important pendant la référence.

3.3.2 La compréhension d'un système de santé en deux échelons

Vingt-cinq patients sur 45 (56%) comprennent que l'hôpital de district dépasse le CSI en compétence. Les patients utilisent le terme « grand frère », pour indiquer la différence entre l'hôpital et le CSI, ou ils comparent la ville de Tahoua au village où se trouve un CSI. Ils comprennent que les CSI ne disposent pas de tous les moyens et que l'infirmier peut être dépassé par la maladie. Cette perception de l'hôpital de référence comme étant le centre le plus crédible comparativement au CSI est la raison avancée par les patients qui ont contourné les CSI pour se justifier.

Selon des patients auto-référés," mieux vaut venir directement à l'hôpital, le grand centre, que de passer au CSI car, même si on part là-bas on sait qu'on ne va pas avoir le traitement souhaité"

Cependant, 40 patients sur 45 (89%) semblent ne pas comprendre cette hiérarchie et souhaitent qu'on leur fasse tout sur place (au niveau CSI) et restent sans opinion sur les niveaux sanitaires différents. Ceci correspond aux idées notées au niveau des focus groups où les enquêtés acceptent qu'il existe des différences entre guérisseurs mais qu'il ne s'agit pas d'une hiérarchie, plutôt des limites inhérentes à chaque individu.

3.3.3. Les moyens de transport utilisés (par les 83 patients hospitalisés au CHD).

Tableau N°2 : Les moyens de transport utilisés.

Les moyens de transport utilisés

Nombre

Pourcentage %

Transport Public

32

39

Charrette

26

31

A pieds

14

17

Ambulance

10

12

Moto

1

1

Total

83

100

Une majorité de patients est arrivée à l'hôpital par le transport public, souvent à des coûts financiers énormes(45000 FCFA pour une distance de 50 kms, par exemple). La charrette, qui vient en deuxième place comme moyen de transport utilisé, est souvent louée par les patients. L'ambulance n'est utilisée que pour les urgences. Ceci confirme que le transport et l'accessibilité géographique posent de réels problèmes dans la zone de Tahoua, contrairement à certaines autres régions au Niger.

IV- DISCUSSION

Dans la discussion, il s'agit de confronter les concepts sur le système de référence, développés dans les généralités, avec les résultats de l'enquête et observations. Les résultats seront donc discutés dans leur ensemble. Ceci permet de développer une vue d'ensemble et de dépasser les observations fractionnées dans les chapitres précédents.

La présente étude a pu démontrer que le système de référence est très complexe, avec un nombre important de déterminants qui interfèrent les uns avec les autres. Les barrières liées au système de référence au Niger sont sans doute très fortes et sont à la base d'un taux de référence extrêmement bas pour la plupart des départements. D'autres études faites au Niger ont également constaté que les taux de référence sont très bas et souvent non conformes à une application correcte des instructions transmises aux agents de santé. Ainsi, « l'enquête nationale sur la prise en charge des cas d'infections respiratoires aiguës et la référence des cas graves de diarrhée chez les enfants de moins de 5 ans » (Anonymous, 2000), n'a pas pu observer un cas de référence entre les CSI ruraux et l'hôpital de district.

Déjà la mise en place d'un système d'ambulance - radiophonie change sensiblement le taux de référence. A Tahoua, le taux de référence a augmenté d'un facteur 7 environ, suite à l'introduction du service (de 2,4 en 1998 à 16,4 en 2001). Cette augmentation spectaculaire a été possible parce que le taux de référence de départ était extrêmement bas. Ce taux de référence constaté à Tahoua en comparaison avec d'autres districts sanitaires est fortement influencé par le milieu urbain où les taux de référence sont toujours beaucoup plus élevés. Malgré cette hausse, le système de référence comporte beaucoup de lacunes surtout pour les `références à froid'.

Pour mieux structurer les discussions, les difficultés autour du système de référence seront réparties en trois types de barrières. Il est évident que ces barrières montreront encore des interactions entre elles rendant la réalité toujours plus complexe. Le fait que peu de données de la présente étude sont quantifiables, ne facilite pas la tâche.

Les barrières retenues sont:

v La barrière « physique » qui comporte les facteurs géographiques, les difficultés autour du transport, les coûts.

v La barrière « culturelle » qui comporte les facteurs dépendant du patient ou de son entourage : les facteurs dans le domaine de l'anthropologie de la santé et de la maladie, les croyances traditionnelles, la crédibilité des institutions sanitaires (CSI et CHD), la qualité de la relation entre l'agent de santé, le patient et sa famille, du point de vue du patient.

v La barrière « du système de santé » qui englobe les attitudes et le comportement des agents de santé, leur relation avec la société et le patient en particulier, la crédibilité et la qualité des soins au CHD (du point de vue de l'infirmier), la gamme de soins offerts et la politique nationale en la matière.

4.1- les barrieres physiques

Les infirmiers, la population et les patients ont indiqué tous que les barrières physiques par rapport au système de référence sont très importantes. Les moyens de transport des villages vers la ville de Tahoua sont rares, à l'exception des jours du marché. En plus, le prix du transport joue beaucoup.

Le prix du transport, souvent plus élevé que les frais de l'hospitalisation, combiné avec les dépenses secondaires (nourriture, surtout des accompagnants, leur logement, la corruption, le retour au village) constituent une véritable barrière financière, au-delà des frais de l'hospitalisation. La location d'un véhicule pour un malade coûte environ 35.000 f CFA pour 56 km (distance CSI de Edir vers le CHR de Tahoua). L'ambulance (à un taux fixe de 85 f CFA par km, à payer aller retour) coûterait à peu près 10.000 f CFA, l'équivalent du prix d'une césarienne au CHD. Pour les patients qui viennent des CSI les plus éloignés, le coût de l'ambulance vaut 3 fois l'intervention et jusqu'à 6 fois s'il s'agit d'un véhicule privé. Les mêmes constats ont été faits au Burkina Faso et Sierra Léone (Coulybali et al. , 2000; Samai and Sengeh, 1997). Le coût élevé du transport s'explique aussi par des distances énormes qui existent entre les CSI et le CHD et le mauvais état des pistes, comme cela a été décrit aussi par exemple au Kenya (Macyntyre and Hotchkiss, 1999).

Des dépenses importantes sont souvent oubliées dans les discussions sur le système de référence, notamment le transport des corps des patients décédés de l'hôpital vers le village. Ce transport coûte excessivement cher à la famille et là où la famille ou l'entourage du patient ne sont pas vraiment convaincus de la grande chance du patient de s'en tirer, l'entourage forme un obstacle très important pour la référence, avec plus de `pouvoir' que le patient même.

L'interview des patients référés a pu démontrer que 17% des malades à Tahoua arrivent à pieds, 31 % utilisent la charrette 39 % ont accès à un véhicule moderne, souvent à des coûts financiers énormes. La simple disponibilité des moyens de transport reste encore un problème sérieux à Tahoua. Cinquante-deux pour cent des patients référés ont eu des problèmes financiers pour respecter la référence et 39 % ont dû s'endetter.

La corruption était mentionnée plusieurs fois dans les discussions avec la population. Elle pose une barrière financière réelle pour les patients, plus qu'une barrière culturelle apparemment, puisque la population n'a presque jamais attaqué le principe de la corruption même. Cependant, il faut souligner que la corruption n'a pas fait l'objet de l'étude et qu'il faudrait une enquête en profondeur pour en dire quelque chose avec plus de certitude.

La nourriture, pour le patient et pour les accompagnants constitue aussi un frein pour l'utilisation des services hospitaliers.

Pour améliorer l'accessibilité de l'hôpital de district, les dépenses `secondaires' devraient être considérées et pas seulement les dépenses pour se faire soigner. Mais les marges de manoeuvre à ce niveau sont limitées. Un CHR est sensiblement plus coûteux qu'un hôpital de district bien que la plupart des soins soient les mêmes.

Dans certains pays (Magassa et al. , 1996), le transport pour les références d'urgence est partiellement pris en charge par le centre de santé qui réfère le patient. Le recouvrement de coûts permet aux CSI de disposer d'un fonds qui finance le transport des patients référés d'urgence. Puisqu'il n'y a que peu d'urgences parmi tous les nouveaux consultants au niveau d'un CSI, il ne s'agit que d'une petite marge du bénéfice du recouvrement de coûts qu'il faut investir pour le transport de ces cas. Pour ne pas tomber dans le piège de sur-référence non plus, une contribution de la part du patient devrait demeurer.

Pour les références à froid, la question est plus difficile. Comment subventionner les frais de transport ? Est-ce que ceci faciliterait vraiment la référence ? Est-ce que le nombre de patients référés par les CSI permet d'organiser leur transport de façon viable à partir d'un hôpital ? Dans certains pays, ceci se fait déjà, mais le service est partiellement subventionné et les taux de référence sont beaucoup plus élevés. Les taux s'adapteraient probablement assez vite dès que certaines barrières seraient levées.

Et quoi faire avec le transport des patients décédés ? Leur transport constituerait quelle charge au système de santé et quel serait l'impact sur l'acceptabilité de la référence et donc sur l'utilisation de l'hôpital ? Si l'utilisation de l'hôpital devenant ainsi plus importante, les dépenses par rapport au transport pourraient être considérées comme un investissement nécessaire pour améliorer la viabilité de l'hôpital et pour améliorer la santé de la population.

La présente étude ne peut pas répondre à ces interrogations. Elle a permis en revanche de soulever ces questions importantes qui pourraient être à la base d'un changement au niveau de l'organisation du système de santé. Surtout pour les références à froid, plusieurs scénario de recherche action pour les faciliter pourraient être entamés. Il existe déjà certaines expériences dans d'autres pays comme par exemple au Kenya, où des assurances à base communautaire facilitent le transport des patients (Macyntyre and Hotchkiss, 1999).

4.2- la barriere « culturelle »

Probablement la barrière « patient » ne doit pas être exagérée. La grande majorité des patients référés respectent la référence. Le non-respect est le plus souvent lié à des obstacles en dehors de leur pouvoir tels que le transport et l'argent nécessaire pour entamer un tel voyage. En même temps il faut relativiser ce constat puisqu'il pourrait exister un biais de sélection : les infirmiers ne proposent la référence qu'aux patients qui ne la refuseront pas. Les autres ne reçoivent simplement pas la proposition.

Cette logique, que les patients veulent toutefois utiliser les services semble trouver une confirmation dans le livre de J.P. Olivier de Sardan qui explique la situation paradoxale de la médecine occidentale dans les campagnes africaines : « très demandée comme itinéraire thérapeutique , elle ne constitue pas encore un `système de sens' alternatif aux systèmes de sens `traditionnels' qui se situent pour une part dans un registre de `l'imputation', à connotations `magico-religieuses', peuplé de génies et de sorciers, et pour une autre part dans un univers plus prosaïque de la `nomination'. » (de Sardan, 1995). En d'autres mots, bien que le patient ne se retrouve pas dans le cadre explicatif des maladies dans la médecine occidentale, il veut bien tenter sa chance si cela rapporte une amélioration de sa situation.

Plusieurs indices existent et prouvent que les patients ne comprennent que partiellement le système de référence. Ils n'auraient pas bien compris la hiérarchie qui devrait exister entre l'hôpital et les CSI. Ils estiment que la référence représente un échec au niveau de l'infirmier, échec ressenti comme tout naturel parce que l'être humain est limité de toute façon. Il n'y a aucun indice que la population reproche quoi que ce soit aux agents de santé si ces derniers avouent qu'ils n'arrivent pas à soigner la maladie et qu'aux yeux des patients, le prestige des infirmiers serait en jeu. Mais cette notion de voir la référence comme une suite logique après un échec, expliquerait partiellement pourquoi les patients insistent d'être pris en charge d'abord au niveau du CSI et qu'une référence immédiate est peu acceptable sans les explications des infirmiers sur la probabilité de recevoir une réponse favorable à leur problème. Ils pensent aussi que souvent les moyens manquent, mais qu'ils devraient être disponibles au niveau du CSI et que peut-être s'ils insistent, l'infirmier sortira quand même ses derniers médicaments de quelque part. Ceci est peu étonnant en perspective de la situation historique où les CSI, jusqu'à récemment, ne disposaient que de très peu de médicaments et que les médicaments étaient nécessairement dispensés à compte goutte.

Une autre barrière est constituée par l'angoisse du patient. Au niveau individuel mais aussi dans les focus groups, l'angoisse a été mentionnée comme une émotion forte qui pourrait émerger lors d'une référence. La peur peut jouer un rôle différent selon les circonstances et la personnalité du patient. Une personne peut utiliser son angoisse comme moteur pour agir, par contre, pour d'autres, il s'agit plutôt d'un facteur qui paralyse. Cette angoisse ne se trouve pas seulement au niveau du patient mais aussi au niveau de son entourage. L'angoisse est nécessairement subjective. Elle peut pousser les gens à réfuter la référence tandis que la situation n'est peut-être pas si désespérée que ça.

La plupart des patients mentionnent ne pas savoir pourquoi ils ont été référés. Les patients et la population en général indiquent qu'il faut « obéir » à l'agent de santé et que « c'est le papier qui parle ». Il s'agit d'une relation de soumission, plutôt que d'une relation qui permet la discussion et donc la compréhension. Les enquêtes n'ont pas pu dévoiler si la communauté ressent cette situation comme embarrassante ou pas.

La barrière de croyances traditionnelles est étroitement liée aux incompréhensions des maladies déjà mentionnées. Beaucoup de maladies sont dites `traditionnelles' et les gens consulteraient d'abord le guérisseur pour ces maladies. Mais même s'ils ne comprennent pas tout ce qui se passe au niveau de la médecine moderne, les gens tentent leur chance. Thierry Berche donne l'exemple de l'épilepsie pour expliquer que si l'offre est là, les patients utiliseront les services :

« Ces maladies (épilepsie, folie, lèpre, maladies dites traditionnelles) devraient donc théoriquement être prises en charge exclusivement par les guérisseurs spécialisés. Or, depuis fin 1988, un programme de prise en charge des malades épileptiques a été lancé par le service de santé (...), et très vite, « la demande a dépassé l'offre » et de nombreux malades ont afflué vers les centres de santé où ils suivent encore régulièrement un traitement chimiothérapeutique simple qui fait disparaître les crises en quelques mois, alors que le traitement « traditionnel » n'y parvenait pas... » ( Berche, 1998, p 113).

De nouveau, le cadre explicatif des maladies n'empêche pas aux patients d'utiliser les services.

L'étude a mis en exergue le recours des populations et des patients aux guérisseurs traditionnels. Non seulement, ceci peut constituer un retard important avant que le patient ne se présente au niveau du CSI, mais les patients y dépensent des sommes exorbitantes qui augmentent la barrière financière. Les patients ont mentionné des sommes comme 50.000 f CFA ou encore « 7 chèvres ». Pourtant, au regard des coûts secondaires élevés (pour le patient et pour la société), liés au système de santé moderne, il n'est pas si sûr que le guérisseur soit plus cher que l'hôpital.

Mais ces croyances traditionnelles n'empêchent pas réellement l'utilisation des services si les soins traditionnels n'ont pas donné de résultats satisfaisants.

Devisch (Devish,1993) écrit que `l'hospitalisation' au niveau d'un guérisseur symbolise le retrait du patient et une régression dans un état prénatal (la case du guérisseur est comparée à un utérus). La période de la maladie doit permettre au patient de se rétablir complètement sur tous les domaines, psychique, social et existentiel, avant de quitter la case et de renaître dans le monde. Est-ce à cause de cela que les patients ne voient pas clairement la différence qualitative entre une hospitalisation au niveau du CSI et au niveau d'un hôpital ? Ceci mériterait une étude anthropologique approfondie qui dépasse ce mémoire. Toutefois, on peut retenir que l'utilité de l'hôpital dans l'opinion de la population, et donc son utilisation, dépend de plusieurs facteurs culturels complexes et que notre compréhension reste sûrement incomplète.

D'autres barrières culturelles identifiées sont la tendance nette de la société à négliger relativement les maladies des petits enfants et l'obligation morale des villageois de visiter le malade hospitalisé. Le poids qui repose sur la population de visiter les malades hospitalisés rentre comme un des arguments réels dans la dynamique de la prise de décision par rapport au respect de la référence.

4.3- LES BARRIERES INSTITUTIONNELLES : la communication et l'empathie envers le patient.

L'empathie peut être définie comme la capacité d'une personne à reconnaître et comprendre les problèmes d'autrui et à l'aider à trouver les solutions appropriées La satisfaction du patient dépend largement de la qualité de sa communication avec son agent de santé (Bensing, 1993). Quand le patient consulte pour une maladie, il se sent malade. En général il ne sait pas de quoi il souffre et il cherche une amélioration de sa situation pour pouvoir se sentir et fonctionner mieux. Sa personnalité et sa perception de la maladie et la santé en général, jouent un rôle primordial dans le processus de la consultation. La maladie est toujours accompagnée d'une émotion particulière et personnelle.

A travers sa connaissance de la médecine, l'agent de santé se trouve dans une position de pouvoir vis-à-vis de son client. Pour lui, la guérison est un but, pour le patient, il s'agit aussi de pouvoir vivre `agréablement'.

Schématiquement ce processus peut être résumé comme suit (41) :

Figure N°5 : Le patient au coeur des soins

La situation initiale

Le patient

v Malade

v `Ignorant' en matière santé

v Sa personnalité

L'agent de santé

v Connaissance

v Culture scientifique

v Sa personnalité

Processus de communication et de négociation

v Ecouter activement

v Interprétation participative

v Négociation des solutions

v Formulation d'une stratégie

v Discussion sur la motivation

Le résultat recherché :

v Partage de pouvoir

v Relation de partenariat

v Engagement de l'agent de santé

Source :

Dr Bossyns P.

Durant la consultation, le médecin doit essayer de comprendre son patient en écoutant activement et en réfléchissant ensemble avec le patient sur son problème. La compréhension est suivie d'une négociation des solutions possibles, tout en formulant des stratégies et en motivant le patient. Le résultat final est un `contrat' entre le médecin et son patient sur la gestion de la maladie (ou du problème).

Ce type de communication est difficile et est accompagné d'une certaine perte de pouvoir de l'agent de santé, ce qui explique la résistance de celui-ci pour un engagement sincère en ce sens (Bossyns, 2000).

Les patients individuels et la population dans les focus groups confirment, sans pour autant protester ouvertement, que la communication avec les agents de santé est plutôt minimaliste : « C'est le papier qui parle ». La grande majorité des patients ne savent pas trop bien pourquoi ils ont été référés.

Déjà en discutant des généralités, il était postulé que la référence est une situation où le degré d'empathie définira son succès. Il s'agit souvent de malades avec des problèmes de santé complexes et qui vivent souvent en plus de fortes émotions. L'infirmier doit laisser tomber sa situation de pouvoir pour `avouer' son impuissance devant le malade. Tandis que l'hospitalisation du malade à son niveau augmenterait son prestige et donc son pouvoir auprès de la population, il a le sentiment de perdre du pouvoir face à une référence. La résistance de l'infirmier de référer des patients se montre aussi dans le fait que les infirmiers accusent beaucoup les SPT qui les obligent à référer tous, un constat purement basé sur des craintes et pas sur la réalité. Mais les SPT sont négativement appréciées dans le sens qu'elles identifient les cas à référer sans trop de discussion ou d'interprétation possible.

A partir des réponses des infirmiers, on peut déduire qu'ils ne comprennent pas grand chose de cette dynamique `d'empathie'. Très peu ont mentionné par exemple l'angoisse que les patients pourraient éprouver. Les patients sont `coupables' s'ils refusent la référence. Les infirmiers ne semblent pas réaliser ce que ça pourrait signifier pour un patient de devoir signer un papier de décharge devant une référence refusée.

Ce manque de communication et d'empathie a été observé à d'autres occasions au Niger, tout comme dans beaucoup de pays de la sous-région. Au Cameroun, une sage-femme l'a exprimé comme suit : « Les malades ne sont pas bien reçus, mais beaucoup ne comprennent rien à ce qu'on leur dit » (Hours, 1985). A l'occasion d'une discussion en groupe avec les infirmiers de Ouallam sur la planification familiale, exactement la même expression a été utilisée par un des agents de santé.

Avec le développement des concepts de management total de la qualité (Bossyns, 2000), la satisfaction du client, ici le patient, est considérée comme aussi importante que la qualité du produit, ici la guérison physique.

Dans une étude menée à Niamey sur la qualité des soins (Souley, 2000), l'auteur observe le manque de véritable communication à travers le `pouvoir du papier et du stylo' : « A notre sens, l'omniprésence du stylo et du papier, ainsi que les problèmes d'accueil évoqués plus haut, témoignent d'un sérieux déficit de communication ».

Les résultats de l'étude ont montré que l'infirmier maîtrise peu les enjeux liés à la référence. Il ne sait donc pas bien orienter la communication avec le patient et ne sait pas trop comment le persuader par exemple.

La résistance des infirmiers envers la référence se situe sur deux plans, étroitement liés. D'un côté, ils essaient d'éviter de montrer leur incapacité devant certaines situations ou maladies, de l'autre côté les lits d'hospitalisation leur donnent une opportunité d'augmenter leur prestige à travers les hospitalisations. Les patients hospitalisés peuvent représenter des cas qui auraient dû être référés, mais aussi des situations moins graves qu'ils essaient de dramatiser pour leur propre gloire. La résistance contre toute instruction (SPT, PCIME) qui représente un contre-poids puisqu'elle indique de façon assez stricte quand il faut référer, doit être interprétée comme une rationalisation de leur part : les infirmiers accusent les instructions pour justifier leur approche.

Ceci dit, il faut souligner de nouveau que l'étude n'a pas pu trouver un comportement uniforme parmi les infirmiers. Il existe une grande disparité entre les différents CSI et on a constaté une absence de règle générale dans l'attitude des infirmiers. Cette absence répandue dans le pays d'une ligne générale montre qu'il existe des lacunes dans la politique sanitaire.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Le système de référence est un système dont la complexité est souvent sous-estimée. Ceci explique pourquoi il est largement négligé dans la littérature de santé publique.

Sa complexité est due aux facteurs matériels et humains qui sont liés étroitement les uns aux autres. Les facteurs humains, aussi bien du côté du patient que du côté des agents de santé avec à chaque partie ses émotions, croyances et comportements, font que les observations répondent peu à des catégories standardisées, mais sont plutôt spécifiques.

Le faible taux de référence au Niger peut être compris à travers un mécanisme d'un cercle vicieux. Les réticences du patient pour être référé, liées à son angoisse et à son incompréhension du système médical `moderne', se voient renforcées par l'attitude des agents de santé considérant la référence comme une perte de prestige et préférant rester dans leur position de pouvoir vis-à-vis du patient. Les deux parties se trouvent en même temps devant des barrières financières et géographiques souvent très importantes. Le troisième acteur important dans le système de référence est l'hôpital de district qui souvent n'a pas encore un niveau de qualité et de quantité de soins pour établir une forte crédibilité auprès des patients et des infirmiers.

Figure N°6 : Le défi d'un cercle vicieux pour le système de référence :

Les patients

v Barrière financière et géographique

v Incompréhension du système de référence

v Croyances sur les maladies

v Patient peu émancipé

L'Hôpital de district

v Une gamme de soins incomplète

v Faible qualité des soins / accueil

v Inexistence de la contre-référence

Les agents de santé

v Prestige à travers l'hospitalisation

v Incompréhension du système de référence et sa place dans le système de santé

v Manque d'empathie et de communication avec les patients

v Incompréhension sur le mandat spécifique de la première ligne de soins

Source :

Dr. Bossyns P. 2000

Pour briser ce cercle vicieux, il faut des efforts à tous les niveaux avec des synergies vers le même but. Les hôpitaux de districts doivent nécessairement augmenter leur performance pour pouvoir réclamer les patients non référés jusqu'ici. Le système de santé devrait faciliter le transport des malades aussi bien pour les urgences que pour les références à froid. L'infirmier doit être conscientisé sur le système de référence et sur son attitude envers le patient. Il doit apprendre des techniques de communication verbale et non-verbale et la dynamique des relations entre l'agent de santé et le patient.

L'actuelle politique sectorielle de santé reste peu explicite sur le fonctionnement du système de référence qui y est largement négligé. Les expériences avec le service ambulance à Ouallam et Tahoua restent marginales par rapport à la politique officielle. Sur le transport des malades non urgent ou les autres barrières liées à la référence, très peu de réflexions sont engagées. Pourtant, ce faible taux de référence met en danger la viabilité et l'efficacité des hôpitaux de district et est à la base d'une surmortalité puisque beaucoup de patients n'arrivent pas au CHD, alors qu'ils devraient être pris en charge à ce niveau.

Le taux de référence pourrait constituer un des indicateurs de qualité de la performance du système de santé global. Puisqu'il existe un repère, il est possible d'identifier un déficit en référence. Tant que le déficit reste très important, le `taux de repère' peut rester peu précis.

Les résultats de l'étude sur les déterminants du faible taux de référence des CSI ruraux vers le deuxième échelon, dans le district sanitaire de Tahoua a pu confirmer plusieurs hypothèses de départ :

v La qualité de la communication

Il ressort de l'étude un déficit de dialogue entre les prestataires de soins et les patients lors d'une proposition de référence. Ceci semble être confirmé et par les infirmiers eux-mêmes et par les patients.

v Les hospitalisations au niveau CSI

Les infirmiers ont confirmé que les hospitalisations à leur hauteur augmentent le prestige de l'agent. La population semble apprécier ces hospitalisations et renforce donc la tendance à préférer l'hospitalisation locale à la référence.

v L'impact de la référence sur le prestige des infirmiers

Les infirmiers ont l'impression que la référence agit négativement sur leur prestige. La population et les patients jugent d'une part la référence comme une bonne chose et d'autre part reconnaissent immédiatement les contraintes qui en sont liées. Cette ambiguïté de la population envers la référence n'encourage pas les infirmiers à s'investir dans un bon dialogue pour convaincre les patients de la nécessité d'une référence.

v Les obstacles à la référence

Ont été identifiés comme obstacles :

ü Le problème de transport et son coût

ü La perception négative envers l'hôpital

ü Les problèmes financiers en général

ü La corruption

v Les barrières culturelles (le recours au guérisseur traditionnel)

L'utilisation du guérisseur traditionnel est très répandue. Elle explique plutôt un retard pour la population dans l'utilisation des services dits modernes et donc de la référence ainsi qu'une véritable barrière.

Au regard de ce qui précède, quelques recommandations seront formulées en guise de contribution pour l'amélioration et le renforcement du système de référence au Niger en général et dans le district sanitaire de Tahoua en particulier. Elles sont entre autres :

POUR LE MINISTERE DE LA SANTE PUBLIQUE

Ø Formuler une politique nationale actualisée sur le système de référence, tenant compte des barrières réelles, des exigences médicales et des mandats spécifiques des différentes structures sanitaires. Réglementer avec plus de précision les mises en observation au niveau des CSI.

Ø Identifier une norme approximative d'un taux de référence acceptable pour le Niger.

Ø Adopter une politique autour d'un service d'évacuation des patients.

Ø Accélérer la création d'hôpitaux de district fonctionnels avec un bloc opératoire.

Ø Accélérer la mise en oeuvre du programme de formation pour la chirurgie de district.

Ø Renforcer la gamme des soins des hôpitaux de district avec certains soins ophtalmologiques, soins dentaires, soins ORL, lits d'observation intensive.

AU NIVEAU DU DISTRICT SANITAIRE

Ø Introduire des bulletins standardisés et obligatoires de `mise en observation' au niveau des CSI pour tous les patients qui restent plus de deux heures sous observation. Utiliser systématiquement les bulletins d'observation pendant la supervision du CSI, dans le cadre de la formation continue.

Ø Revoir systématiquement tous les patients mis en observation présents lors de la visite de supervision.

Ø Organiser une formation pour les infirmiers sur le système de référence, tout en clarifiant (entre autres) la différence entre une mise en observation d'un patient, une hospitalisation ou simplement `loger quelqu'un'.

Ø Former les agents de santé en dynamique de communication entre un agent de santé et son patient afin d'améliorer cette interaction entre personnes et renforcer ainsi la qualité des soins.

Ø Intensifier le dialogue avec la population à travers les comités de santé des CSI et l'animation villageoise à ce sujet.

Ø Sensibiliser les matrones à référer à temps au CSI  et assurer leur formation continue.

Ø Former les agents de santé (de nouveau) en SPT et PCIME tout en révisant ensemble les critères de référence et leur applicabilité sur le terrain.

Ø Discuter du système de référence avec la population, à travers les comités de santé dans chaque CSI en expliquant la spécificité différente du mandat et de la qualité des soins des CSI et de l'hôpital de district.

Ø Organiser le monitorage quantitatif et qualitatif du système de référence et des patients `mis en observation'.

Ø Augmenter la gamme des soins au niveau des hôpitaux : Prise en charge de la malnutrition, les traumatismes, le paquet d'ophtalmologie, ORL et les soins dentaires, la chirurgie de district.

Ø Organiser des recherches opérationnelles sur le transport des patients avec plusieurs options de financement, comme par exemple la création des caisses villageoises, une subvention et/ou un système de crédit à partir des recettes des CSI, etc.






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