RESUME
La présente étude sur le système de
référence entre les centres de santé et l'hôpital de
référence a été menée au district sanitaire
de Tahoua. Les différents acteurs sur le terrain, notamment les
infirmiers, les patients et la population en général ont
été approchés pour mieux comprendre leur attitude et
difficultés par rapport au système de référence.
Le transport et les coûts de soins en
général comme les frais de transport, les coûts secondaires
et les tarifs de soins constituent probablement les barrières les plus
importantes par rapport à la référence.
Néanmoins d'autres barrières ont pu être
identifiées avec certitude, plus particulièrement l'attitude
négative des infirmiers envers les références (parce
qu'elles diminueraient leur prestige), le déficit de dialogue entre
l'infirmier et ses patients, la corruption au niveau de l'hôpital et les
visites des malades culturellement obligatoires pour la population. D'autres
barrières culturelles sont la résignation et le recours aux
guérisseurs traditionnels.
Cette étude nous a permis de mieux comprendre les
enjeux du système de référence. Il reste maintenant
à voir comment les services sanitaires peuvent renforcer le
système en vue d'agir sur les différents déterminants
favorables au changement.
SUMMARY
A study was conducted on the referral system between health
centres and the referral hospital in Tahoua district, Niger. The different
actors in the field, nurses as well as patients and the general population,
have been interviewed in order to understand better the determinant factors of
the referral system.
Transport and financial problems, whether for transport, for
buying drugs or the indirect costs like buying food in town are definitely the
most important barriers for the referral process.
Other factors have been identified as well : the negative
attitude of the nurses because referrals would decrease their credibility, the
restricted dialogue between the nurses and their patients, corruption at the
hospital level, and finally the obligatory visits of the patient by the people
of the village. Other minor barriers are of religious nature or the traditional
believes that make patients consult first traditional healers.
The present study has enabled a better understanding of the
referral system. Now, one has to look into the problem on how to influence the
referral process in order to transfer patients in need more rapidly to the
hospitals.
Introduction et objectifs de l'étude
Le présent travail est réalisé en vue de
répondre à une des exigences du système
universitaire : la rédaction d'un mémoire en année de
maîtrise. Il n'a pu se concrétiser que grâce à
l'appui du projet Alafia-GTZ (Promotion de la Santé de la Mère et
de l'Enfant).
L'étude s'inscrit dans le cadre des réflexions
visant à améliorer la qualité des soins notamment en
matière d'évacuations/références sanitaires, dans
le district sanitaire de Tahoua, une des zones d'intervention du dit projet au
Niger. Globalement, l'étude porte sur l'orientation d'un patient qui a
consulté un centre de santé de premier niveau (Centre de
Santé Intégré - CSI par exemple) vers le niveau secondaire
ou structure de référence (hôpital de district ou Centre
Hospitalier Départemental (CHD)) comme le cas du district de Tahoua. Son
objectif est la compréhension des facteurs déterminant le
système de référence afin de formuler des recommandations
pour améliorer la performance du système de santé.
Elle vise également à décrire avec plus
de précision les problèmes relatifs au système de
référence à travers une étude des patients
référés et les patients « mis en
observation » au niveau des CSI. Son objet est également de
déterminer les barrières qui empêchent aux agents de
santé de référer les patients et/ou leur famille
d'accepter la référence. Elle devrait enfin permettre de formuler
des propositions pour améliorer le système de
référence dans les districts sanitaires du Niger et de
déterminer jusqu'à quel point les hospitalisations au niveau des
CSI peuvent constituer une alternative à la référence.
L'étude se veut beaucoup plus qualitative que
quantitative, c'est-à-dire que nous essayerons de présenter les
résultats sous forme de récits qui sont beaucoup plus accessibles
à toute personne intéressée, puisqu'ils exposent
clairement les discours des informateurs.
Le travail s'articule autour de quatre grandes parties :
le cadre théorique et méthodologique, les
généralités, la présentation des résultats
de l'étude et la discussion.
I- CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
1.1. Cadre théorique
1.1.1. Problématique
La décentralisation des systèmes de santé
nationaux dans les pays en voie de développement a conduit à
l'avènement du système de santé de district.
Ce dernier est généralement composé de
deux niveaux opérationnels : le premier niveau comprenant les
formations sanitaires à l'échelon de la communauté, (les
dispensaires, les centres de santé intégrés, les cabinets
privés) et le niveau secondaire, avec un ou plusieurs hôpitaux.
Ces deux niveaux doivent fonctionner de manière
interdépendante afin que le système soit efficace et puisse
assurer la continuité des soins entre ses différents
échelons.
Au Niger, et particulièrement dans le district
sanitaire de Tahoua, zone d'intervention du projet Alafia- GTZ (Promotion de la
santé de la mère et de l'enfant), les responsables du dit Projet
ont observé que cette continuité des soins n'était pas du
tout satisfaisante. En effet, en dépit de l'équipement des
centres de santé ruraux d'un système de radiophonie qui les
relie à l'hôpital de district, d'une ambulance qui facilite les
évacuations des patients en cas d'urgence d'une part, et de multiples
formations données aux infirmiers sur les SPT d'autre part, trop peu de
patients sont référés du premier vers le deuxième
échelon (hôpital) : environ 0,98% des nouveaux consultants
(plan annuel de développement sanitaire de Tahoua).
Comparativement à d'autres régions d'Afrique
(Zambie, Zimbabwe) où le taux de références sanitaires est
d'environ 2% en milieu rural et 5% en milieu urbain, ce taux est assez
faible.
Cette situation de faible référence,
observée dans le district cité plus haut, ne va pas sans poser de
problème : celui de la sous- utilisation de l'hôpital de
district.
Face à ce problème, quelques questions,
auxquelles des tentatives de réponses seront apportées,
méritent d'être posées.
Comment les acteurs de la référence (les
prestataires de soins, les populations et/ou les patients)
appréhendent-ils le problème ? Ont-ils une part de
responsabilité par rapport au phénomène ?
Quels peuvent être les obstacles pour les populations
et/ou les patients à l'adhésion à la décision de
référence faite par les infirmiers dans les CSI ?
Au regard de cette série de questions, quelques
hypothèses peuvent être formulées en guise de
réponses provisoires.
1.1.2. Hypothèses
La défaillance de la relation des infirmiers avec les
patients (la qualité de la communication n'est pas bonne) les
empêche de les convaincre pour accepter une référence. Ils
craignent de perdre la face en référant des patients et/ou
espèrent augmenter leur prestige vis à vis de la population
à travers les hospitalisations dans les CSI, acte ne relevant pas de
leur compétence.
Les populations préfèrent recourir beaucoup plus
aux guérisseurs traditionnels qu'aux formations sanitaires de leur
niveau. Elles ne comprennent généralement pas les enjeux d'une
référence et affichent leur préférence pour les
hospitalisations dans les CSI.
Certains patients, du fait de leur perception de
l'hôpital comme centre supérieur préfèrent
s'auto-référer. D'autres, pour des raisons diverses,
n'adhèrent pas à la proposition de référence faite
par les infirmiers.
1.1.3. Définition des concepts
Le système de référence dans le contexte
d'un système de santé de district organisé en deux
niveaux, pourrait être défini comme le processus de transfert d'un
patient d'un échelon à l'autre. En général, on
parle de référence dans le cas où le patient est
transféré du niveau « inférieur »,
périphérique, vers un niveau supérieur qui est
représenté en général par un hôpital de
district. La contre-référence représente le contraire. Dr
H. Görgen ( Gorgen, 1994) souligne que « le système de
référence ne porte pas uniquement sur le transfert et le
re-transfert des patients, mais également sur le système
d'information, sur le système de financement et sur les
mécanismes de coopération au sein de l'équipe
cadre ». Pour la présente étude, ces aspects
additionnels ne sont pas étudiés en dehors de certains
détails sur le système de référence, notamment sur
la lettre de référence et contre-référence.
Plusieurs aspects dans la définition ne sont pas
tellement évidents et méritent une clarification.
Ø On parle d'une référence
`légitime' quand c'est l'infirmier du centre de santé qui a pris
l'initiative. On parle d'une auto-référence quand le patient se
présente directement au centre de référence (
l'Hôpital de district ou le CHD). Cette auto-référence peut
être due au fait que le patient n'a pas raisonnablement accès
à un CSI pour se faire soigner, mais peut constituer aussi un choix
conscient d'une personne qui refuse d'utiliser les services du CSI (un patient
qui a contourné le système).
Ø Par référence en urgence (ou
évacuation), il faut entendre une évacuation immédiate
d'un patient nécessitant le recours à l'ambulance parce qu'il
existe danger de vie dans un délai court.
Ø Un patient ayant accepté la
référence, se définit comme un patient qui s'est
présenté `de facto' au niveau du centre de
référence et qui a donc adhéré à la
recommandation de l'infirmier.
Ø On parle aussi de référence quand un
médecin envoie un patient au-delà de son district vers par
exemple un hôpital régional ou national. Ce système ne fait
pas partie de cette étude.
Ø Le taux de référence se définit
quant à lui par le nombre de malades référés sur le
nombre de nouveaux cas (premier traitement).
Ø Par déterminant du taux de
référence, il faut entendre l'ensemble des facteurs qui
influencent l'acceptabilité de la référence.
Ø Le district sanitaire peut être défini
comme le niveau opérationnel essentiel du système de
santé, avec comme éléments principaux les centres de
santé intégrés et l'hôpital de district. Au Niger,
géographiquement, le district sanitaire correspond aux frontières
administratives des arrondissements.
Ø Les soins curatifs sont des soins offerts à
des patients atteints d'affections aiguës et chroniques. Les soins
préventifs par contre représentent tous les soins offerts en
guise de prévention de certaines maladies aux `clients' à priori
en bonne santé.
Ø Les `Stratégies Plainte-Traitement' (SPT)
sont des arbres décisionnels développés pour les
infirmiers des centres de santé qui doivent guider les
décisions cliniques de ceux-ci.
1.1.4. Revue de la littérature
1.1.4.1. L'origine et la rationalité d'un
système de référence
Figure N°1 : Les raisons de la
centralisation et décentralisation du système de
santé..
Raisons de centralisation :
Investissement en équipement
Ressources humaines limitées
Masse salariale limitée
Organisation plus facile, moins de coûts
opérationnels
Avantage d'échelle
Raisons de
décentralisation :
Rapprocher les services de la population (accessibilité
physique, réduire les distances)
Personnaliser la relation entre l'agent de santé et le
patient
Faciliter un traitement précoce, prévention des
complications
Système de Santé
Source :Dr Bossyns P. 2000
L'origine, voire l'obligation, d'avoir un système de
référence dans un district sanitaire peut être
résumée avec la platitude que « tout le monde ne peut
pas disposer d'un hôpital dans son jardin ». Dès lors
que le système de santé ne peut pas exécuter tous les
soins proches de la population, mais seulement une partie, il est obligé
de s'organiser dans ce sens. En ce moment le système doit identifier
quels soins peuvent être organisés et à quel niveau. Il
s'agit donc de trouver une balance entre une tendance à
décentraliser le plus possible les soins, afin de les rendre accessibles
à la majorité de la population et une force de centralisation
pour un meilleur coût-efficacité qui veut que les soins trop
coûteux ne puissent être répliqués partout. En termes
économiques, on parle aussi d'avantage d'échelle : la
production en série revient souvent moins chère. Le coût
des soins dépend non seulement des médicaments mais aussi de
l'équipement, la nécessité d'hospitalisation et le niveau
de compétence nécessaire. Par rapport aux compétences, les
pays en voie de développement et le Niger en particulier, travaillent
avec des infirmiers sur le premier échelon des soins. Ces infirmiers
doivent exercer la médecine, sans pour autant avoir été
formés complètement. De préférence, ils devraient
exécuter des tâches standardisables et avec une fréquence
assez haute pour maintenir leur compétence.
Cette logique empirique amène le système de
santé à s'organiser en deux ou plusieurs échelons
complémentaires, c'est-à-dire les soins qui ont été
définis pour être exécutés au niveau
périphérique ne devraient pas s'organiser au niveau central
puisque ce niveau travaille avec un coût plus élevé. Cette
complémentarité est défendue pour éviter une
compétition entre l'hôpital et les CSI (Lamboray et al. , 1997).
Elle doit être recherchée consciemment par exemple à
travers un système de tarification des services sanitaires qui est
avantageux pour les patients qui respectent la hiérarchie des services
sanitaires.
Puisque le système de référence essaie
ainsi de créer le meilleur système de santé en terme
d'accessibilité et de coût-efficacité, il dépend
largement des ressources disponibles (financières et humaines) dans un
pays ou région. Par exemple, il y a des pays où les centres de
santé sont animés par des médecins (Europe, Tunisie,
Algérie), dans d'autres (la plupart des pays en Afrique) ils sont
animés par des infirmiers. Un CSI géré par un
médecin dispose d'autres possibilités de diagnostic et de suivi
des malades, mais ce système coûte plus cher en terme de salaires,
formation, exigences d'équipement, etc.
En Europe, le système de référence est
considéré comme un moyen de baisser les coûts de
fonctionnement du système de santé et une arme contre la
sur-médicalisation des patients (Sweeney; 1994).
1.1.4.2- La place du système de
référence dans le système de santé
Figure N°2 : Schéma du système
de référence
Source :
François 1995
Déplacement Transport
au Centre disponible
Village
Centre de Santé Intégré
Hôpital de District
Conscientisation Diagnostic
Contre-référence Accueil
Organisation socio-culturelle Communication
Condition de séjour
Disponibilité des ressources Attitude de
l'infirmier Traitement approprié
La représentation schématique, qui s'est
inspirée d'un article sur la mortalité maternelle (Fraçois
et al. ,1995), illustre la voie complexe que parcourt un patient qui sera
finalement hospitalisé dans un hôpital de district. Le
« Système de Référence » fait partie
de ce système global et constitue un processus déjà
complexe en soi, immatériel, c'est-à-dire, qu'il n'y a pas de
structure visible, physique qui serait le « système de
référence ». C'est probablement une des raisons pour
lesquelles cet aspect du système est très peu
étudié dans la littérature de santé publique. Le
système de référence n'appartient ni au Centre de
Santé, ni à l'Hôpital de District. Une importante partie du
processus se déroule néanmoins au niveau du CSI. Le
système de référence n'est mesuré souvent qu'au
niveau du résultat : le taux de référence. Cet
indicateur ne permet pas d'évaluer le système de
référence parce qu'en général, un taux optimal de
référence (un point de repère) n'existe pas. Au Niger,
dans une étude sur l'application des SPT (Jaharou, 2000), un taux de
référence de 20%° était identifié comme taux
de repère pour le milieu rural.
Le bon fonctionnement de l'hôpital de district
dépend d'un système de référence rationnel. Un taux
d'utilisation important d'un hôpital de district ne signifie pas
forcément que l'hôpital fonctionne bien. Il se pourrait que
l'hôpital s'occupe plutôt de patients qui pourraient être
guéris au niveau d'un CSI et qui en ce moment coûtent très
chers au système de santé global (Blaise et al. , 1997). Le taux
d'utilisation d'un hôpital doit donc être complété
avec d'autres indicateurs plus précis qui décrivent la
qualité des patients et la pertinence de leur prise en charge au niveau
d'un hôpital que ce soit à travers une hospitalisation ou en
consultation ambulante.
1.1.4.3 Apercevoir le système de
référence à travers son dysfonctionnement
Le 17 novembre 1999, à 22 h00, fut admise une femme de 23
ans à la maternité Issaka Gazobi à Niamey. Une rupture
utérine était diagnostiquée et une laparotomie a permis la
découverte d'un foeutus macéré et un utérus
complètement délabré. Une hystérectomie totale
était devenue inévitable, ainsi que plusieurs transfusions suite
à une coagulopathie secondaire. La femme meurt quelques heures
après.
L'interrogatoire donne un début de travail 5 jours avant.
Deux jours au village, deux jours au CSI et un jour entre le CSI,
l'hôpital de district (avec bloc opératoire non fonctionnel) et la
maternité centrale.
Le système de référence n'est pas une
entité physiquement palpable. Il s'agit plutôt d'un processus qui
se déroule entre le centre de santé de premier niveau (CSI, par
exemple) et l'hôpital. Probablement, on peut y ajouter la population
comme troisième acteur important. Ce système `invisible' le
devient en observant les conséquences de son dysfonctionnement, comme
l'exemple réel l'illustre plus haut. Cet exemple n'est malheureusement
pas une exception. Le retard de prise en charge des femmes avec un accouchement
compliqué explique le taux de mortalité maternelle
extrêmement élevé en Afrique et au Niger (Anonymous,
2001).
Le dysfonctionnement du système de
référence est vécu dans beaucoup de pays. Ainsi au
Honduras, une étude nationale faite en 1999 montre que le taux de
référence entre le CSI et l'Hôpital de district n'est que
de 0.8% des utilisateurs, contrastant avec un hôpital surchargé de
patients qui contournent le premier niveau (Ohara et al. , 1998).
Le même constat a été fait au Burkina Faso
en ce qui concerne le taux de référence. Une analyse du
système de référence dans la région de
Dédougou en mai 2000 (Sanders et al. , 1998), a relevé un taux de
référence de 0.77%, contre 1.2% en Guinée. Au Zimbabwe,
selon une étude en 1998, 81 % des patients de la capitale, atteints de
paludisme, utilisent directement l'hôpital national pour se faire traiter
(Blaise et al. , 1997). Cette même étude mentionne que seulement
33 % des patients habitent au-delà de 10 km de l'hôpital national
tandis que l'hôpital est sensé traiter les patients
référés de tous les coins du pays. La sur-utilisation des
hôpitaux par des patients sensés être traités au
niveau des CSI, empêche l'hôpital de se concentrer sur son vrai
mandat, notamment la prise en charge des cas graves par manque de moyens et le
fait que le personnel soit engagé dans les consultations de premier
niveau. Une étude sur les coûts et financement du système
de santé de cercle au Mali (Blaise et al. ,1997) révèle
les conséquences financières pour certaines structures sanitaires
quand l'hôpital de district se trouve en compétition avec le
CSI.
1.1.4.4- Le système de référence
comme un système influencé par une multitude de facteurs
Le système de référence est un processus
qui est déterminé par plusieurs facteurs. Leur importance
relative est difficile à déterminer pour le moment et fait
d'ailleurs l'objet de l'étude actuelle. Le schéma suivant
démontre bien la complexité des facteurs dont il
dépend.
Figure N°3 : Les déterminants du
système de référence
Besoin ressenti
Distances
Coût de transport
Disponibilité de transport
Barrière culturelle
Performance de l'hôpital
Barrière financière des soins
Performance du CSI
Connaissances techniques
Interaction infirmier - patient
L'attitude de l'infirmier
Crédibilité de l'HD
(Pop. - Inf.)
LE SYSTEME DE REFERENCE
Source :
Dr. Bossyns P. 2000
Ces facteurs ont été identifiés de
façon empirique. Ils ne trouvent qu'une confirmation partielle dans la
littérature.
Le système de référence est
conditionné par des facteurs liés à l'environnement
physique (l'accessibilité), par le fonctionnement du CSI et le
comportement de l'infirmier, par les données culturelles (et
individuelles) de la population et par la crédibilité de
l'hôpital de référence qui est au moins partiellement
conditionnée par sa performance technique et la différence du
plateau technique des soins offerts par rapport au CSI. Macintyre et Hotchkiss
(Macintyre et al. , 1999) proposent un cadre conceptuel de la
référence qui illustre cette complexité : transport,
les coûts de transport, les facteurs liés à la
communauté, la qualité des soins, etc.
Dans une étude menée au Ghana (Martey et al.
,1998), une multitude de facteurs ayant une influence négative sur
l'utilisation des services de référence a été
démontrée : les tarifs des hôpitaux, la corruption, le
manque de transport et la mauvaise volonté des chauffeurs, les mauvaises
routes, l'attitude négative du personnel, le manque de
médicaments et autres consommables.
1.1.4.5- Distances, transport et coût du
transport
Si l'importance relative de chaque aspect n'est pas vraiment
connue, la littérature est pourtant unanime par rapport à
l'importance de la distance dans l'utilisation des services et donc aussi de
celle des hôpitaux.
Selon une étude au Kenya sur la mortalité
maternelle (Macintyre and Hotchkiss, 1999), le transport dans le nord du pays
est l'élément capital et même vital pour les urgences
obstétricales. De belles métaphores sont utilisées pour
qualifier les routes africaines en zone rurale telles que « maternal
death roads ». La même étude rapporte que dans un
district rural au Zimbabwe, 50 % des décès maternels par
hémorragie sont dûs à l'absence de transport en urgence.
Une étude faite en Sierra Léone confirme que le manque de
transport et le mauvais état des routes sont responsables du fort taux
de mortalité maternelle. La distance moyenne entre CSI et HD
était estimée de 56 km et la durée moyenne
d'évacuation de 3 heures, à condition d'abord qu'un
véhicule soit disponible. En général, seulement 1 à
2 voitures passent par jour au niveau des CSI. Cette situation est comparable
du Niger et de Tahoua en particulier. Selon une étude faite au
Zaïre à Kasongo (François et al. , 1995), parmi les femmes
référées, seulement 33 % se présentent
effectivement au niveau de l'hôpital, malgré la gratuité
des soins à l'hôpital pour les patients
référés. Ceci serait dû également aux
difficultés de transport que les patients rencontrent.
Au Burkina Faso, Traore (Traore et al. , 1998) non seulement
mentionne le transport comme un élément clé pour les
évacuations d'urgence, mais il attire l'attention sur le coût
important qu'une évacuation représente pour les patients
(jusqu'à 28 % des dépenses totales du malade).
L'étude au Sierra Léone (Samai and Sengeh, 1997)
déjà mentionnée, estimait qu'en l'absence d'un
véhicule, la famille était obligée de dépenser
64.000 f CFA pour en louer un. Au Mali, à Bla, (Magassa et al. , 1996)
la barrière financière pour les évacuations a fait objet
de recherche opérationnelle dans différents Cercles de
Santé (leur district sanitaire). Plusieurs propositions ont
été faites mettant en général l'accent sur la
participation communautaire, mais avec des mécanismes de subvention pour
alléger les coûts. Ainsi à Bla on propose que le malade
paie 35 % du coût de transport seulement, le CSC 52 % et le CSCOM (CSI)
13 % à travers les recettes du recouvrement de coûts. Les
districts de Kolokani et Kolondieba sont parvenus aux mêmes conclusions.
A Kadiolo, Mali (Papa et al. , 2000), un système de communication avec
des radios a été installé pour améliorer la
communication entre les CSI et l'HD en cas d'urgence. Dans une étude sur
la viabilité financière des districts sanitaires et des CSI en
particulier au Mali, la nécessité de subventionner le transport
des malades a été évoquée aussi.
En Zambie, il était estimé que la
mortalité maternelle pourrait baisser d'au moins 29 % si les patients
pouvaient bénéficier de transport à chaque moment pour
l'évacuation (Le Bacq and Riestsema, 1997). Le manque de transport
était pointé du doigt aussi comme cause principale d'une
mortalité maternelle élevée en Sierra Léone (
Samaid and Sengeh, 1997), au Ghana (Wilson et al. , 1997) et au Nigeria (Shehu
et al. , 1997). Une expérience avec la mise en route d'un système
de transport performant pour l'évacuation des urgences
obstétricales dans ce dernier pays a eu un impact positif sur la
réduction de la mortalité maternelle (Essien et al. , 1997).
1.1.4.6 Les barrières culturelles
La relation entre l'accessibilité et les
barrières culturelles est très connue dans l'utilisation des
services sanitaires. Ces barrières sont en général plus
importantes pour les hôpitaux. L'acceptabilité d'une
référence du CSI au niveau d'un hôpital de district
dépend donc au moins partiellement des barrières culturelles
qu'impose l'hôpital pour la population.
Thaddeus (Thaddeus and Maine, 1994) décrit dans son
article, la complexité de la prise de décision par le patient
et/ou son entourage pour chercher des soins. Les croyances traditionnelles
interfèrent avec les notions de coûts, distances et la
qualité des soins telle que perçue par le patient. La
sévérité d'une maladie n'est pas toujours perçue de
la même façon par le système médical et par la
population. De l'autre côté, même si le cadre d'explication
de la maladie peut être extrêmement différent entre le
patient et la science moderne, ceci n'implique pas automatiquement que les gens
n'utiliseront pas les services modernes pour résoudre leur
problème.
Dans une enquête sur la qualité des soins
menée à Ouallam en 1997 (Mintou, 1998), il était
clairement démontré que les tradi-praticiens sont largement
consultés et que ce fait pourrait mener à des retards importants
pour l'acceptation de la référence.
Une expérience menée au Burkina Faso avec la
formation des matrones pour améliorer la santé maternelle a
démontré que très peu de succès est obtenu par
rapport à la diminution de la barrière culturelle à
l'utilisation des services, mais a pu par contre indiquer l'importance des
distances et des défauts dans le fonctionnement du système de
santé comme raisons principales d'une mortalité maternelle
élevée (Dehne et al., 1995).
Au Cameroun, certaines maladies ont été
identifiées comme des maladies dont la population estime qu'elles
relèvent de la responsabilité de la médecine
traditionnelle, comme par exemple la `fièvre jaune', la `jaunisse', la
`varicelle', la `rougeole' et les maladies `vénériennes'(Hours,
1985,p. 56).
Certaines études (Thaddeus and Maine, 1994) faites au
Nigeria, Tunisie, Ethiopie, Corée et Inde, mentionnent également
la situation que la femme n'a pas le droit de consulter une formation sanitaire
sans l'avis de son mari ou un autre parent supérieur. Selon cette
même étude, chez les Baribas au Bénin, la dystocie chez les
femmes en travail est considérée comme une punition de Dieu
infligée à la femme pour cause d'adultère. En Inde et
Bangladesh, on amène plus facilement les garçons que les filles
à la consultation en cas de maladie. Le même constat à
été fait au Congo, Togo et Maroc(Atakouma et al., 1999; Mouyoki
et al. , 1999).
1.1.4.7 La qualité de la communication,
l'interaction infirmier-patient et l'attitude de l'infirmier
1.1.4.7.1- La différence entre les
références en urgence et les références à
froid.
La qualité et le fonctionnement du système de
référence peuvent se manifester très différemment
s'il s'agit des évacuations (ou références d'urgence) ou
des références `à froid'. Bien que la différence ne
soit pas toujours très stricte, les urgences sont perçues et
vécues très différemment par l'infirmier et par le
patient. Par contre, les références à froid font objet
d'un bilan raisonné d'abord par l'infirmier avant qu'il ne propose,
après par le patient avant qu'il n'accepte la proposition.
Le système de référence a
été étudié beaucoup plus dans le cadre des
urgences. Les études sur la mortalité maternelle en Afrique
évoquent unanimement l'importance d'un service d'ambulance(Essien et al.
1997; Samaid and Sengeh, 1997; Shehu et al. , 1997).
1.1.4.7.2- Le système de référence comme
une stratégie négociée entre patient et agent de
santé.
Une référence représente un processus de
communication entre l'agent de santé et le patient (ou son entourage)
pendant lequel le patient est obligé de faire une analyse
`informée' de sa situation pour arriver à un bilan qui lui
permettra de refuser ou d'accepter la proposition de la
référence. Des informations rationnelles font une combinaison
avec les émotions du patient mais aussi celles de l'agent de
santé. Une référence constitue donc une situation de
nécessité d'une approche globale des soins prenant en compte non
pas la maladie seulement, mais aussi la personne avec ses angoisses, sa
situation familiale, ses croyances, etc. Une représentation
schématique se trouve en figure 3.
Figure N°4 : La décision complexe
autour d'une référence.
Les aspects techniques autour de la
maladie :
Urgence ?, Problème vulnérable ?,
traitement disponible à l'HD ?
L'attitude et le comportement du patient et son
entourage :
Ø L'angoisse
Ø L'explication culturelle de la
maladie
Ø Coût-efficacité de
l'évacuation
Ø Valeur sociale de la personne
Ø Crédibilité de l'agent de
santé
Ø Crédibilité de l'HD
L'attitude et le comportement de l'agent de
santé :
Ø Prestige de traiter soi-même
Ø Capable de traiter sur place
Ø Probabilité que le patient
accepte
Ø Probabilité qu'il y aura les
moyens de transport
Ø
Reconnaissance du problème
Référence acceptée ou
rejetée
Source :
Dr Bossyns P. 2000
La littérature mentionne régulièrement le
manque de communication de qualité. Ainsi Atkinson note que très
peu d'utilisateurs étaient au courant de leur diagnostic et la raison
pour laquelle ils étaient référés (Atkinson et al.
; 1999).
La référence d'un patient représente donc
une occasion où la globalité des soins joue un rôle
important. Typiquement, l'agent de santé maîtrise la question
technique, tandis que le patient devra estimer ses priorités et le
bénéfice qu'il peut tirer de l'évacuation, combiné
avec ses propres émotions qui pourraient lui occulter une vision claire.
La qualité de la communication semble donc être très
importante.
1.1.4.8- Le système de référence
pour assurer la continuité des soins
Le système de référence et de
contre-référence peut être étudié aussi du
point de vue de la continuité des soins. Dès lors qu'après
une référence un suivi du patient s'avère
nécessaire, soit pour le traitement, soit pour d'autres soins, soit pour
un suivi des symptômes ou complications possibles, la décision
doit être prise au niveau où cette activité devrait se
dérouler. Toute combinaison de situation est possible : le
diagnostic de la tuberculose pourrait se faire au niveau de l'hôpital,
tandis que le traitement pourrait s'organiser au niveau
périphérique. Les contrôles de crachat pourraient de
nouveau mériter une référence vers l'HD. Pour d'autres
situations (diabètes, ACV, hypertension, insuffisance cardiaque, le VIH,
etc.) les soins et la prise en charge générale de la situation du
patient occuperont à différents degrés les deux niveaux de
soins. Le système de référence cherche à ce moment
à optimiser entre une prise en charge centralisée et
décentralisée, à l'aide d'un échange d'information
entre les deux niveaux (lettres de référence et de
contre-référence).
Le système de référence est
considéré comme un moyen pour assurer la continuité des
soins à travers les références et
contre-références. « La fréquence et la
façon de réaliser ce processus de référence et
contre-référence des patients entre les échelons ont
d'importantes implications tant sur le coût des soins et l'utilisation
adéquate des ressources que sur la qualité des soins et la
satisfaction des patients » (François et al. , 1995)
Plusieurs études en Europe ont démontré
l'importance d'une bonne communication entre les deux échelons de soins
surtout pour les médecins généralistes qui coordonnent la
prise en charge des patients (Bowling et al. ,1991; Newton et al. , 1992).
1.1.4.9- Etudier le système de
référence pour mesurer et évaluer la qualité des
soins au niveau des CSI
Les patients référés reçus par un
centre de référence ou hôpital de district
représentent une importante information sur le fonctionnement du premier
échelon des soins. Chaque patient arrive avec son histoire
spécifique à lui, démontrant une certaine qualité
de prise en charge auparavant.
Beaucoup d'études sur le système de
référence étudient en vérité la performance
du premier échelon de soins à travers les patients
référés qui servent comme des témoins de la
qualité des soins. Ainsi Nkyekyer (Nkyekyer, 2000) indique que dans un
district sanitaire au Ghana, desservi par une importante maternité, 54.2
% de toutes les femmes référées n'étaient pas
accompagnées par un agent de santé, seulement 17,9 % des femmes
qui nécessitaient une perfusion avant ou pendant leur transfert
l'avaient reçue effectivement et que peu de centres
référaient pour cause de manque de matériel. Ceci
représente tous des indicateurs pour estimer la qualité du
fonctionnement du système au premier niveau.
Une telle approche ne permet pas pourtant de comprendre en
profondeur le système de référence lui-même. En
Uganda, la sur-utilisation des hôpitaux avec des taux d'occupation
très élevés pouvait être expliquée par une
très basse qualité des soins au niveau des centres
périphériques avec comme conséquence un système de
référence complètement non fonctionnel (Okello et al.
,1994). Deux études concernant une analyse des césariennes dans
les hôpitaux en Ethiopie ont dévoilé que la qualité
de la consultation prénatale et les retards dans la prise de
décision pour référer les patientes étaient
à la base d'un taux élevé de césariennes
compliquées (Ali, 1995; Mekbib and Teferi, 1994). W. Van Lerberghe
démontre que la création d'un réseau de centres de
santé performants évite des hospitalisations au premier niveau de
référence (Van Lerberghe and Pangu, 1998).
1.2- Cadre méthodologique
1.2.1. Les techniques de recherche utilisées
1.2.1.1 l'approche qualitative
La recherche sur le système de référence
s'est basée sur des approches différentes selon les besoins.
Différents aspects de la problématique ont été
étudiés sous plusieurs angles avec une méthodologie
adaptée. Les techniques de recherche utilisées sont
essentiellement qualitatives, moins reconnues jusqu'ici comme des approches
scientifiques comparées aux approches quantitatives. Pourtant elles
présentent plusieurs avantages :
Ø Une étude qualitative prend en compte toutes
les variables significatives dans le contexte étudié : le
champ social n'est pas délimité par des variables
prédéterminées.
Ø L'approche qualitative permet de ne pas être
obligé d'identifier les variables dépendantes et
indépendantes, mais de les discerner progressivement. Ceci permet une
grande flexibilité, se prêtant à une révision en
cours de route.
Ø Le contexte ou l'environnement ou encore le milieu
ne peut être une variable contrôlée ou neutralisée,
mais représente souvent une dimension décisive sur le
comportement des acteurs. Puisque l'environnement ou les circonstances peuvent
changer considérablement d'un moment à un autre, les
comportements observés peuvent varier également.
Ø La recherche qualitative est plus indiquée
dans les domaines peu connus, où les variables, causes, forces sociales
ne sont pas bien connues. Elle permet une première exploration du
terrain sans introduire dès le début des biais d'observation sans
s'en rendre compte.
Ø La recherche qualitative n'exclut pas des approches
quantitatives complémentaires pour renforcer les hypothèses
formulées.
La recherche sur le système de référence
a choisi plutôt une approche qualitative à travers des focus
groups pour identifier l'opinion de la population et des interviews
semi-structurées pour les infirmiers et des patients pour discerner leur
conception, attitude et comportement par rapport aux références.
Les guides se trouvent en annexe.
1.2.1.2 Echantillonnage et la conduite des focus-groups
et des interviews.
Ø Les
focus groups pour identifier l'opinion de la population
Les discussions avec les populations se sont
déroulées dans les 12 villages tirés au sort autour de
quatre CSI ruraux (sur les 10 que compte le district sanitaire de Tahoua ),
choisis arbitrairement parmi les CSI dont les villages répondent aux
critères retenus : rayon 0-2km, 2-5 km et plus de 5 km . Ainsi,
les 4 CSI tirés sont : Kalfou, Bambèye, Mogheur et Barmou
.
Pour le choix des villages, le procédé suivant a
été adopté :
§ dans un rayon où il n'y a qu'un seul village,
ce même village a été retenu
§ dans un rayon comportant plusieurs villages, un tirage
au sort a été effectué.
Ces deux procédés nous ont permis de tirer les
villages suivants : Ikakan, Ingoye, Inkari, autour de Barmou, Kalfou Rafi,
Bagaye Garba, Alibou Elhadj autour de Kalfou, Maïguizazza, Jaja,
Tounga-Illi, autour de Bambèye, Awanchala, Takassaba Mallamawa et
Kolkoli autour de Mogheur.
Après le choix des villages sur la base de la carte
sanitaire du district de Tahoua, nous avons entrepris une mission d'information
dans les dits villages. Elle a pour objet d'informer les populations sur le but
de notre déplacement, sur la portée de l'étude et ce que
nous attendons d'elles.
Le moment des interviews varie d'un village à un autre
selon la disponibilité des groupes. La durée de la discussion est
au maximum de 75 minutes .
S'agissant du lieu des discussions, il est en
général arrêté d'un commun accord avec les
villageois. Il est soit le « akin shawara » ou salle
communautaire, pour les villages qui en disposent et chez le chef du village,
soit la place publique.
Ces discussions sont conduites à deux, l'un pose les
questions et l'autre enregistre les réponses .En cas de
difficultés, l'un vient au secours de l'autre.
Par ailleurs, les discussions se sont déroulées
séparément pour les hommes et pour les femmes. Il faut
préciser que deux groupes de discussions dirigées sont
constitués dans chaque village choisi, soit vingt quatre ( 24) au
total.
La technique du focus group repose sur le fait que les
attitudes et perceptions de chacun se forment en interaction avec les autres
personnes. Nous sommes des produits de notre environnement et nous sommes
influencés par les personnes autour de nous. Le fonctionnement des focus
groups se base sur le fait que les gens s'influencent mutuellement en faisant
des commentaires et dans le cours d'une conversation, une personne peut changer
d'avis. Les focus groups ont l'avantage d'illustrer de nombreuses opinions qui
peuvent se présenter l'une à côté de l'autre dans
une même population et qui peuvent même varier chez une même
personne selon les circonstances spécifiques. Les résultats sont
nécessairement qualitatifs.
L'analyse des focus groups s'est faite selon la méthode
de codage des entretiens. Chaque questionnaire a été parcouru et
des mots clés qui semblaient revenir plusieurs fois ont
été notés systématiquement. Cette notification a
permis un résumé des opinions systématiques sans pour
autant essayer de les quantifier. La fréquence relative avec laquelle un
sujet était abordé a donné le poids aux arguments
développés par la population.
Ø
L'opinion des patients individuels à travers les interviews
Une opinion individuelle peut ne pas être la même
que celle dévoilée dans une discussion de groupes. En plus, un
patient qui a été référé, vit à ce
moment une autre réalité que celle présentée
pendant un focus group. Face au problème réel, le patient
pourrait se comporter encore différemment d'une situation
théorique pendant une discussion théorique en groupe. Les
interviews pour les patients référés devraient donc
permettre de croiser les attitudes en groupes avec les réactions
individuelles dans une situation de référence réelle.
Trois types de patients ont été
différenciés. D'abord ceux qui ont accepté la
référence et qui se sont par définition
présentés à l'hôpital de district. `Respecter la
référence' pourrait être une détermination
apparente, parce que nombreux sont les patients qui, devant l'infirmier du CSI,
acceptent la référence mais ne la respectent pas du tout
après.
Le deuxième groupe de patients sont ceux qui n'ont pas
respecté la référence. Soit ils ont déjà
refusé devant la proposition de l'agent de santé, soit ils ne se
sont jamais présentés à l'hôpital de district et ils
ont donc `refusé de facto'. Un troisième groupe est
constitué de patients qui se sont auto-référés et
qui ont donc court-circuité le CSI. Ne sont pas inclus dans ce groupe,
les patients qui se présentent au CHD sans bulletin de
référence parce qu'ils n'ont pas accès raisonnablement
à un centre de santé.
Pour chaque type de patient, un questionnaire a
été développé. Evidemment, beaucoup de questions se
retrouvent dans les trois canevas. Les différences résident
surtout au niveau des questions qui essaient de dévoiler les raisons
spécifiques de leur comportement. Les questionnaires sont de type semi-
structuré. Les questions sont, dans la plupart des cas, ouvertes :
les réponses ne sont donc pas ou peu standardisées et selon le
déroulement de l'entretien plusieurs questions d'éclaircissement
peuvent enrichir le débat et donc la compréhension. Des questions
peuvent être sautées aussi pour être reposées plus
tard. Les résultats sont de nouveau plutôt qualitatifs, bien qu'il
existe des aspects qui se prêtent à une analyse quantitative.
Pour identifier les patients faisant partie de notre
population cible, à l'hôpital, nous avons élaboré
une fiche intitulée fiche de recensement des patients. Elle se compose
de 9 rubriques qui sont entre autres : l'identité du patient, la
date et le mode d'entrée, la provenance, le CSI de rattachement, le
numéro de la salle et du lit, la date de sortie du patient et les
observations. Le recensement des patients se fait soit sur la base des
registres des différents pavillons, soit aux pieds du lit du patient
(procédure la plus fréquemment utilisée).
Une fois les patients recensés sur le registre, nous
passons dans les salles pour compléter le reste des informations et nous
prenons aussi soin d'informer immédiatement ces derniers sur l'objectif
de l'opération.
Les interviews se déroulent généralement
dans les salles d'hospitalisations des patients, aux pieds du lit du patient,
en présence de leurs accompagnants . Les patients sont
interviewés un jour avant leur sortie de l'hôpital ou dans
certaines circonstances le jour même de leur sortie.
Les patients ayant refusé la référence
sont identifiés sur la base du registre des patients tenus par les
infirmiers dans les différents CSI. Une fois identifiés, ces
patients sont recherchés dans leur village d'origine et
interviewés immédiatement sur place.
A cause des problèmes logistiques, certains patients
n'ont pas pu être contactés. Ceci représente une faiblesse
dans l'étude.
Les questions posées sont en général des
questions qualitatives. L'analyse en conséquence a été
principalement qualitative aussi. La méthode d'analyse a suivi les
mêmes démarches que celle des focus groups. Certaines
réponses ont été quantifiées.
Ø Interviews guidées des infirmiers
travaillant aux CSI et fiche d'estimation des qualités de l'interaction
infirmier-patient
Puisque l'attitude et les connaissances de l'infirmier
étaient considérées comme des obstacles potentiellement
importants pour le système de référence, tous les
infirmiers des CSI du district ont été interviewés.
L'étude a pu être exhaustive à ce niveau. Le canevas de
l'enquête a été testé également au niveau du
CSI de Sona, dans l'arrondissement de Tillabéri. Ces interviews ont
duré 6 jours et ont concerné l'ensemble des infirmiers des CSI
ruraux de Tahoua, au nombre de 21, lors de notre passage.
Les entretiens se déroulent généralement
dans le bureau du major et à un moment arrêté d'un commun
accord. Ils s'étalent sur environ 60 minutes.
A la fin de l'interview, l'enquêteur était
instruit d'évaluer différents aspects de la qualité de la
communication et les connaissances de l'agent de santé par rapport au
processus de la référence. Cette évaluation peut comporter
des biais, puisque basée sur une opinion personnelle. Si l'étude
à ce niveau parle de la qualité de la communication, elle parle
en fait de la qualité selon le point de vue de l'enquêteur.
Cependant cet avis peut être croisé avec des paramètres
enregistrés pendant l'interview. Les arguments qui ont pu inspirer la
perception du chercheur se trouvent ainsi illustrés dans les
résultats de l'interview.
La vision de l'enquêteur est une idée qu'il s'est
faite après une heure et demie de dialogue avec la personne
concernée. On peut donc considérer qu'il s'agit d'un argument
bien fondé, sans pour autant pouvoir réclamer une
objectivité totale. Ceci est inhérent à toute recherche
qualitative.
1.2.2 Les phases de l'étude
La
préparation
Cette phase regroupe toutes les étapes ayant permis
d'explorer le milieu de l'étude et de se familiariser avec ses
différentes composantes. Elle intègre aussi l'élaboration
des outils d'investigation.
· La recherche documentaire
A ce niveau, il faut préciser qu'au Niger, la
littérature sur la référence est pauvre du fait que ce
problème a peu ou pas du tout fait l'objet d'études .
De ce fait, notre documentation est essentiellement
composée d'écrits qui ont traité du problème ( soit
spécifiquement, soit de manière superficielle), sous d'autres
horizons .
Il faut noter aussi, l'utilisation des documents disponibles
sur la localité, des rapports SNIS des différents CSI de Tahoua
et de quelques ouvrages méthodologiques sur la recherche en sciences
sociales.
Tous ces documents nous ont permis d'élaborer notre
problématique et de planifier l'étude.
· L'exploration du milieu de l'étude et
l'élaboration des outils méthodologiques.
L'exploration du milieu de l'étude s'est faite par
étapes. Ainsi, nous avons commencé à élaborer un
protocole de recherche, donnant un aperçu général de la
recherche. Il a pour objectif d'éclairer les autorités sanitaires
de Tahoua sur les tenants et les aboutissants de la recherche.
Elaboration d'une demande d'autorisation de
recherche.
Après avoir reçu l'aval du Ministère de
la Santé Publique, nous avons élaboré et adressé
une demande d'autorisation de recherche sur le terrain aux autorités de
la région sanitaire de Tahoua. Elle a pour objet de les informer de
l'imminence de la recherche et de demander leur avis.
Prise de contact avec les autorités sanitaires
de Tahoua
Quelques jours avant le démarrage de l'enquête,
nous avons pris contact avec les responsables sanitaires de Tahoua (DDS, DS,
CHD). Au centre de toutes les rencontres, la présentation de la
recherche, du chargé de l'enquête, des outils d'investigation sur
le terrain et la nécessité de leur collaboration afin d'aboutir
à des résultats concluants .
Immédiatement, après cette prise de contact, ces
autorités ont à leur tour adressé une lettre d'information
aux responsables des CSI touchés par l'étude. Elle a pour objet
de les mettre au courant de l'imminence de l'enquête et du rôle
qu'ils auront à jouer dans ce travail.
Elaboration des outils méthodologiques
- Le guide des focus-groups
Adressé aux populations et traduit en langue locale, ce
guide est composé d'une série de 14 questions essentiellement
ouvertes. Les informations recherchées se catégorisent de la
manière suivante :
ü Les généralités ;
ü Les facteurs complexifiant le processus de la
référence pour les populations ;
ü Attitude des populations vis-à-vis de la
référence ;
ü Les hospitalisations dans les CSI :
appréciation et compréhension de la population ;
ü La qualité de la communication patient-
infirmier, lors d'une proposition de référence ;
ü Itinéraire thérapeutique de la
population.
- Les guides d'entretien individuel.
Au nombre de deux, ils se composent comme suit :
, Un guide d'entretien individuel adressé aux
infirmiers ;
, Un guide d'entretien individuel adressé aux patients
(référés, ayant refusé la référence
et ceux qui se sont auto-référés).
Il faut préciser que les guides d'entretien
adressés à toutes ces catégories de patients et le guide
des discussions dirigées avec les populations ont été
traduits en langue locale (hausa) et se composent d'une série de
questions communes. Les questions composant ces quatre guides d'interviews sont
soit ouvertes, soit fermées.
ð Le guide d'entretien adressé aux infirmiers
Il a pour objectif de recueillir auprès des infirmiers
leurs attitudes par rapport à la référence. Il se compose
d'une série de questions portant sur :
ü les renseignements généraux ;
ü la qualité de la communication entre infirmier
-patient lors d'une proposition de référence ;
ü les hospitalisations dans les CSI et leur impact sur
le prestige de l'infirmier ;
ü l'impact de la référence sur le prestige
de l'infirmier ;
ü les obstacles liés à la
référence ;
ü les infirmiers, les SPT et la PCIME.
ð Les
guides d'entretien individuel adressés aux patients
Il est question, à travers ces outils, de recueillir de
larges informations auprès des patients sur la référence.
Les informations recherchées communes à toutes les
catégories de patients sont classifiées de la manière
suivante :
ü les généralités ;
ü les facteurs complexifiant le séjour des
patients à l'hôpital ;
ü l'itinéraire thérapeutique des
patients ;
ü l'impact de la référence sur le prestige
de l'infirmier ;
ü la qualité de la communication infirmier
-patient lors de la proposition de la référence ;
ü la compréhension de la référence
par les patients.
A travers les questions spécifiques auprès des
différentes catégories de patients, l'étude a voulu
comprendre le comportement particulier de chaque catégorie de patients,
notamment ceux qui ont accepté la référence, ceux qui ont
refusé et finalement ceux qui ont contourné le système et
qui se sont donc auto-référés.
L'enquête proprement dite sur le
terrain
Il est à noter qu'avant le démarrage de
l'enquête, il nous a fallu effectuer une pré- enquête autour
d'un CSI du district sanitaire de Tillabéry (CSI de Sona), pour
vérifier la validité de nos outils d'investigation .
L'enquête proprement dite sur le terrain s'est
déroulée par phases qui sont entre autres : les interviews
des infirmiers, les interviews des patients à l'hôpital, les
interviews des patients ayant refusé la référence et les
interviews des populations.
1.2.3 Difficultés rencontrées
Notre travail a été émaillé de
quelques difficultés qu'il convient de noter.
1.2.3.1- Les interviews des patients
hospitalisés
La mauvaise collaboration du personnel soignant de
l'hôpital a constitué une entrave dans le déroulement de
nos entretiens dans la dite institution. En effet, cette situation nous a fait
rater beaucoup de patients.
1.2.3.2- La constitution des focus groups
La difficulté de se limiter au nombre convenable (6
à 12 personnes) pour les discussions dirigées, nous a souvent
obligé à travailler avec un nombre pléthorique de
participants, ce qui a entraîné des difficultés dans la
maîtrise des discussions.
1.2.3.3- Le choix des lieux des entretiens
Des dérangements (bruits, mouvements des passants) ont
beaucoup influé sur la qualité des discussions, en raison de
nombreuses perturbations que connaissent les places publiques, dans les
villages.
1.2.3.4- L'administration des guides
Des problèmes de traduction de certains concepts ont
constitué des biais dans les réponses de quelques
enquêtés, d'où des difficultés d'analyse et
d'interprétation. Certains focus groups et entretiens individuels ont
été mal conduits : des questions ont été
sautées ou mal posées, ce qui a entraîné des
déséquilibres entre les données.
1.2.3.5- Le traitement informatique des
données
Notre non maîtrise de l'outil informatique a rendu
difficile la saisie des données, d'où le recours à des
expérimentés dans le domaine.
II- GENERALITES
2.1- l'evolution du systeme de sante au niger
L'évolution de la politique sanitaire au Niger, depuis
l'indépendance, se caractérise par trois phases : le
développement des soins curatifs de 1960 à 1978,
l'adhésion à la déclaration de Alma - Ata en 1978 sur les
soins de santé primaires avec la mise en place de l'auto - encadrement
sanitaire et des programmes verticaux, enfin l'avènement d'une politique
sectorielle de santé axée sur la décentralisation et le
développement des districts sanitaires à partir de 1995. A
travers la décentralisation, l'accent est mis sur la participation des
communautés à la prise en charge de leur santé,
l'amélioration de l'accès à des soins de qualité,
la disponibilité des médicaments, la formation du personnel.
Depuis 1995, le Niger a formulé une politique
sectorielle de santé avec un plan quinquennal 1995 - 2000. Actuellement,
un processus d'évaluation et de planification est en cours pour formuler
les grands axes d'une politique sectorielle 2001 jusqu'à 2010.
Le système de santé, tel que prévu par la
politique sectorielle, est organisé en trois échelons
administratifs et opérationnels :
Ø Le niveau central qui comporte le Ministère
de la Santé Publique et les hôpitaux nationaux
Ø Le niveau régional avec la DRSP et les CHR
Ø Le niveau départemental ou le district
sanitaire
Le district sanitaire est constitué de deux niveaux
opérationnels : les hôpitaux de district et les centres de
santé intégrés (CSI). Ces deux niveaux sont liés
à travers un système de référence et de
contre-référence, le système en cause dans cette
étude.
Les centres médicaux d'auparavant qui se trouvaient au
centre de chaque district avec quelques lits d'hospitalisation et la
présence d'un ou deux médecins, évoluent maintenant vers
des hôpitaux de district avec un plateau technique plus important. Le
nombre de lits augmente et évolue en général d'une
douzaine vers une cinquantaine de lits. La radiologie et la chirurgie sont
introduites ainsi que la transfusion sanguine et quelques tests de laboratoire
supplémentaires. Le personnel est renforcé par des cadres
spécialisés tels que les aide - anesthésistes et les aide
- chirurgiens. Dans les districts sanitaires au niveau des capitales
départementales, comme dans la situation de Tahoua, le CHD joue le
rôle d'hôpital de district.
2.2- Présentation du district sanitaire de
Tahoua
Le choix du district sanitaire de Tahoua comme site de
l'étude a été motivé par le fait que ce dernier est
l'une des deux zones d'intervention du projet Alafia-GTZ au Niger.
Le district sanitaire de Tahoua, qui comprend l'arrondissement
et la commune, se situe au centre-ouest du département, entre 14°29
et 15°12 de latitude nord, 4°15 et 5°45 de longitude Est. Il
couvre une superficie de 9548 km². Il est limité au nord par
l'arrondissement de Tchintabaradene, au nord-est par celui d'Abalak, à
l'est par l'arrondissement de Keita, au sud par Illéla et à
l'ouest par Filingué. En superficie, il occupe le deuxième rang
parmi les huit districts sanitaires qui composent la région
(département de Tahoua).
Le réseau hydrographique comprend la vallée de
Tahoua issue de deux troncs confluents au nord-ouest de la ville. D'autres
vallées sillonnent le district, dont celle d'Adouna qui rejoint Bagga.
Les mares semi-permanentes constituent des sources d'approvisionnement en eau
potable des populations ainsi que des animaux. La couverture en eau potable est
estimée à 87%.
Avec une population de 239.231 hbts en 1988 (RGP 1988) et un
taux d'accroissement annuel de 3,5%, la population du district sanitaire de
Tahoua serait de 361494 habitants, en l'an 2000, l'année de
l'étude. La densité de la population est de 35 hbts/km², 79%
de la population est rurale.
Les principales données démographiques pour
l'année 2000 sont :
Enfants de 0- 11 mois (5 %) : 18075
Enfants de 12- 59 mois (10 %) : 36.149
Femmes en âge de procréer (22 %) : 79.528
Grossesses attendues 5.3 % : 19.159
Sur le plan socio-économique, les principales
activités du district sont respectivement l'agriculture,
l'élevage et le commerce.
Au plan administratif, le district sanitaire de Tahoua compte
3 cantons, une commune et un groupement peuhl. Ils sont entre
autres : le canton de Tahoua avec 22 villages administratifs, le canton de
Kalfou avec 48 villages administratifs, le canton de Bambeye avec 85 villages
administratifs, la commune de Tahoua avec 17 quartiers et le Groupement peuhl
comptant 17 tribus. Le fait que Tahoua est à la fois chef lieu de
commune, d'arrondissement et de département, un certain nombre de
structures départementales de référence sont
utilisées par le district pour des besoins d'hospitalisations.
Sur le plan sanitaire, le district sanitaire de Tahoua compte
17 centres de santé intégrés ; 13 en milieu rural et
4 en zone urbaine. Il s'agit de : CSI de Garkawa, CSI de Koufan Tahoua,
CSI de Wadata, CSI de Maboya Amare, CSI de Affala, CSI de Bambeye, CSI de
Barmou, CSI Amaloul, CSI de Taza, CSI de Takanamat, CSI d'Eddir, CSI de
Moullela, CSI Samo, CSI Mogheur, CSI de Tébaram, CSI de Hada Shimo et
CSI de Kalfou.
Sur le plan fonctionnel, c'est le médecin chef du
district qui a la responsabilité de l'ensemble des formations sanitaires
aussi bien de la commune que de l'arrondissement. Toutes ces formations
sanitaires offrent des soins curatifs et préventifs. Tous les programmes
nationaux sont intégrés au niveau des formations sanitaires.
Le district sanitaire de Tahoua est dirigé par une
équipe cadre de district (ECD), composée d'un médecin
généraliste, d'un technicien supérieur en soins
infirmiers, d'un épidémiologiste et d'un communicateur (selon les
normes du MSP, un deuxième médecin devrait être
associé à cette équipe).
Les centres de santé intégrés sont
normalement gérés par un infirmier diplômé
d'état (70% à Tahoua), mais en réalité assez
souvent aussi par un infirmier certifié (30% des CSI à
Tahoua).
Sur le plan logistique le district de Tahoua dispose de
quelques véhicules et d'une vingtaine de motos DT 125.
Les principaux intervenants dans le domaine de la santé
sont :
Ø Le projet ALAFIA-GTZ (promoteur de l'actuelle
recherche)
Ce projet a pour objectif principal de faire
bénéficier aux populations de ses zones d'intervention des
prestations de santé et de planning familial accessible et de bonne
qualité. Il intervient au sein des communautés villageoises et au
niveau des formations sanitaires qui les desservent. Il catalyse la
complémentarité entre le niveau communautaire et le centre de
santé.
Ø Le Projet Développement Rural de Tahoua
(PDRT)
Ø Le Projet Spécial Energie Solaire / GTZ
Ø Le Programme d'Aménagement Nord ADER
Ø Le Projet de Promotion de Bien Etre Familial
Ø Global 2000
Ø PAM
Ø Enfants du Monde(EDM)
Ø ONG Noma
Ø Care International / Sida / Migration
Sur le plan épidémiologique, les principales
affections au curatif sont :
affections
|
Nombre de cas
|
|
1999
|
2000
(1er semestre)
|
1) paludisme
|
34823
|
8484
|
2) toux et rhume
|
9840
|
4789
|
3) pneumonie
|
8304
|
11227
|
4) trauma-plaie
|
5213
|
2736
|
5) affections dermatologiques
|
4918
|
2494
|
6) diarrhée
|
4776
|
2488
|
7 affections gynéco -obstétricales
|
2702
|
1489
|
8 dysenteries
|
2909
|
1464
|
9 Affections digestives et parasitoses intestinales
|
1881
|
1610
|
10 Affections bucco-dentaires
|
1791
|
916
|
Le paludisme, les affections respiratoires et les traumatismes
(plaies et brûlures) occupent les trois premières places.
Le taux de référence -évacuation est de
0.98 % en 1998.
Au préventif le taux de la CPN est de74.42 % en
1998.
Les grossesses à risques dépistées
représentent 5.89 % des nouvelles inscrites.
Le taux de couverture par antigène en 1998 :
BCG de 0-11mois : 91 %
DTC3 : 66 %
Anti-Rougeole: 62 %
VAT2 FAP: 19 %
Taux de retour VAT2 / VAT1 : 67.47%
2.3- L'EVOLUTION DE LA REFERENCE AU NIGER ET DANS LES
DISTRICTS SANITAIRES DE TAHOUA ET DE OUALLAM
Bien qu'il n'existe aucune norme internationale, le taux de
référence a été toujours très bas au Niger.
Le tableau 1 démontre une légère hausse des taux de
référence sur le plan national et des hausses un peu plus
importantes pour les districts sanitaires de Ouallam et Tahoua.
Tableau 1. : Taux de
référence des malades des CSI vers les hôpitaux (en
%°) de 1996 à 2000
Années
Localités
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
Niger
|
3,5
|
3,8
|
3,8
|
6,5
|
|
District de Ouallam
|
1,8
|
2,4
|
8
|
18
|
17
|
District de Tahoua
|
15
|
23
|
23
|
39
|
48
|
La proportion de malades référés des CSI
vers le deuxième niveau est très faible. Elle se situe
fréquemment en dessous de 10%° au niveau national. Ce taux bas
évolue lentement mais ce phénomène peut probablement
être entièrement expliqué par la
généralisation du recouvrement des coûts qui a fait baisser
la fréquentation des CSI, essentiellement pour les cas les moins graves.
Ainsi la proportion de malades qui doit être évacuée prend
automatiquement de l'importance. Le taux de référence très
faible à Ouallam en 1996 par rapport aux taux nationaux et son
augmentation jusqu'à 1998, s'explique par la faible couverture
sanitaire, qui a légèrement augmenté durant ces
années à Ouallam.
Le taux de référence est en augmentation plus
marquée dans les deux districts ici représentés à
partir de 1998. Cela s'explique essentiellement par la mise en place d'un
système de référence - évacuation avec un service
d'ambulance et de radiophonie qui facilite la communication entre le district
et les CSI depuis fin 1997. Le taux de référence de Tahoua est
relativement élevé à cause du biais très important
que représente la ville de Tahoua, dont les habitants ont un
accès très facile à l'hôpital. Le taux de
référence pour la population rurale ne dépasse pas les
20%°.
2.4- le service ambulance - radiophonie
Tous les CSI de Tahoua sont équipés
d'énergie solaire pour l'éclairage, les ventilateurs, le
réfrigérateur et aussi le système de radios BLU. Ce
système permet aux CSI de communiquer à chaque moment avec
l'hôpital de district et d'appeler ainsi une ambulance pour
évacuer des patients. Les patients participent aux coûts de
fonctionnement du système et paient 85 f CFA par kilomètre.
Le système ambulance - radiophonie a permis d'augmenter
sensiblement le nombre d'évacuation et de raccourcir en même temps
le délai entre la décision d'évacuation et
l'arrivée à l'hôpital.
III- LES RESULTATS DE L'ETUDE
3.1- focus group sur le systeme de reference
Une analyse des focus groups présente toujours quelques
difficultés (voir chapitre sur la méthodologie). Un focus group
est constitué d'individus qui peuvent avoir des opinions
différentes, voire contradictoires entre eux. On parle donc de tendances
qui existent dans une population plutôt que d'une opinion de la
population qui par définition n'existe pas. Si les focus groups
pouvaient révéler que la population ne voit pas une
hiérarchie entre les échelons de soins, ceci ne veut pas dire
qu'il n'existe pas d'individus de cette communauté qui comprennent
très bien cette hiérarchie et que peut-être ils l'ont
même bien exprimée pendant les focus groups. Dans le texte les
phrases entre guillemets « » indiquent des expressions
littérales de la population.
Les exemples donnés dans le texte, soit après
observation directe, soit à travers des interviews des infirmiers et des
patients doivent renforcer l'analyse des focus groups.
Les focus groups ont toujours démarré avec
quelques questions introductives, telle que la description des problèmes
de santé auxquels la population est confrontée. L'environnement
sanitaire des populations interviewées est caractérisé par
les pathologies suivantes : la fièvre, les infections respiratoires
aiguës, les diarrhées et les vomissements, la dysenterie, la
conjonctivite, les maux de tête, des cas de méningite, de
tuberculose et d'autres problèmes comme ceux de l'eau potable,
d'accouchement et de médicament.
3.1.1- La compréhension du système de
référence et de l'échelonnement du système
sanitaire par la population
Plusieurs questions dans les focus groups faisaient allusion
à la compréhension de la population par rapport au système
de référence :
Ø Question 2.1 : Que pensez-vous de la
référence ?
Ø Question 2.2 : Pourquoi l'infirmier
réfère-t-il quelquefois un patient ?
Ø Question 2.3: Est-ce que l'infirmier de votre CSI
hospitalise des patients à son niveau?
Ø Questions 2.4 et 2.5 Si oui, est ce que vous trouvez
qu'il y a une différence avec une hospitalisation au niveau de
l'hôpital ? Comment est ce que vous appréciez ces
hospitalisations?
En général, la population comprenait très
bien la réalité pour laquelle il était impossible de
décentraliser les services hospitaliers au-delà d'un certain
point.
Elle acceptait la différence entre un centre de
santé et un hôpital et la nécessité de
référer parfois un patient d'un niveau à l'autre,
même si elle exprimait en même temps les nombreuses
difficultés liées à une référence.
Ce constat assez évident fait par la population par
rapport aux infrastructures sanitaires physiques, était au moins
partiellement contrarié par leur attitude envers le personnel. Il
était clair que pour une bonne partie de la population, les infirmiers
étaient considérés comme « aussi
compétents que les médecins » (ou le personnel en
général) au niveau d'un hôpital. Cependant les infirmiers
aux CSI ne disposaient pas de tous les moyens pour aider les patients. Le
gradient intellectuel ou technique entre les infirmiers au CSI et les
médecins au niveau de l'hôpital n'était pas ou peu
reconnu.
« L'infirmier doit toujours tenter quelque
chose avant de référer un patient ».
« L'infirmier (du CSI) est compétent,
mais manque des médicaments »
En langue locale, le médecin et l'infirmier sont
indiqués avec le même mot (« Likita ou
lakotaro » en Hausa). Certaines personnes indiquent qu'il existe une
différence entre les personnes en capacité de traiter certaines
maladies. Mais apparemment, ceci n'est pas vécu comme une
hiérarchie. Ils indiquent que parmi les guérisseurs aussi, il
existe différentes spécialités et compétences et si
un guérisseur ne trouve pas la solution, il peut demander de consulter
un autre guérisseur.
« Chacun a son niveau de connaissance, comme le
dit le proverbe suivant : même le patron a son patron ».
La référence n'est donc pas vécue non
plus par la population comme une continuité dans les soins. La
contre-référence, bien que pas étudiée
spécifiquement ici, ne rentre pas dans cette logique de
différents `guérisseurs' l'un à côté de
l'autre, sans différence hiérarchique et la
référence est quand même vécue comme un
échec, bien que la question de culpabilité ne se pose pas du
tout. La référence rentre plutôt dans la logique que chaque
être humain est limité et que chaque personne dispose de ses
capacités spécifiques pour aider. Ceci pourrait avoir des
conséquences sur la perception de la qualité de la communication
lors d'une référence. S'il s'agit d'un simple échec,
l'infirmier n'est peut-être pas sensé donner beaucoup
d'explications. Le niveau de référence n'a qu'à essayer
son propre bilan et traitement.
Ce manque de hiérarchie apparaît aussi quand la
question sur les `lits d'hospitalisation' au niveau du CSI est abordée.
La population ne voit pas clairement une différence entre des `lits
d'hospitalisation' au niveau du CSI et du centre de référence (
ici le CHD). Les lits servent essentiellement à faciliter la vie du
patient, donc à réduire les distances à parcourir pour
accéder au traitement. Un lit correspond donc à la notion de
donner un logement au patient. La mise en observation et les soins intensifs
n'ont pas été mentionnés comme des raisons pour une
`hospitalisation'.
« C'est pour éviter les
déplacements que l'infirmier hospitalise des patients à son
niveau »
La population n'a pas fait spontanément et
explicitement une analyse des coûts et du coût-efficacité
pour expliquer la raison d'être d'un système de
référence. Bien qu'elle comprenne tout de suite qu'il n'y a pas
assez de ressources financières pour construire des hôpitaux
partout, une analyse sur les coûts récurrents n'est pas faite.
Ceci ne veut pas dire que la population ne comprendrait pas qu'une
césarienne coûte plus chère qu'un simple traitement de
paludisme, mais elle n'implique pas automatiquement la logique des coûts
dans sa compréhension du système de référence et
ses raisons d'être.
« L'infirmier du CSI envoie les patients
à l'hôpital quand le cas est plus fort que
lui ».
« Certains patients sont orientés
à l'hôpital, pour qu'ils retrouvent leur santé ».
Presque dans tous les focus groups, la population a traduit le
système de référence aussi en termes
négatifs : la référence devient nécessaire
quand le matériel ou les médicaments (sous entendu que ces
équipages devraient être disponibles au niveau du CSI) manquent.
La référence devient à ce moment un acte pour
remédier au dysfonctionnement du système sanitaire. Le manque ou
l'absence du personnel était évoqué dans le même
sens comme raison de référence. Cette compréhension
négative d'une référence semble être
renforcée par les explications souvent sommaires données par
l'infirmier lors d'une référence en disant « qu'il n'a
pas le produit qu'il lui faut ».
« C'est le manque du matériel ou des
produits nécessaires qui pousse l'infirmer à envoyer certains
patients à l'hôpital ».
3.1.2- L'acceptabilité d'une
référence
Avec `acceptabilité d'une référence', on
veut indiquer ici seulement le fait que oui ou non, le patient accepte que
l'infirmier du CSI lui communique une référence. Accepter une
référence, dans l'esprit du patient, ne signifie donc
guère que la référence sera réalisée dans le
sens que le patient se présentera effectivement au deuxième
niveau des soins.
La population indique unanimement que chaque proposition de
référence par l'infirmier en principe est acceptée.
L'infirmier a pleinement le droit et il n'y a que peu de personnes qui
mentionnent que l'infirmier pourrait être de mauvaise volonté.
Cette acceptabilité est étroitement liée avec un sens de
relation hiérarchique entre le patient et l'agent de santé.
Refuser serait vu comme un manque de respect pour « l'autorité
dans la matière » qu'est l'infirmier du CSI. Les discussions
n'ont pas pu révéler jusqu'à quelle hauteur l'infirmier
est vu comme un représentant autoritaire de l'Etat et/ou un reliquat
d'un ancien système de colonisation, comme le font ressortir certaines
études anthropologiques. L'impression est néanmoins que
l'infirmier en général est bien accepté pour ses
compétences mais la population réalise en même temps
qu'elles sont nécessairement limitées. L'autorité de
l'infirmier se trouve illustrée dans l'expression « qu'il
faut obéir », mentionnée plusieurs fois.
Accepter la référence ne signifie pas que la
référence soit respectée. Dès que l'infirmier
propose une référence, la personne en question se réalise
les conséquences liées à cette référence.
Ceci explique les raisons pour lesquelles « la
référence n'est jamais refusée », le patient
peut facilement argumenter avec l'infirmier pour insister qu'il tente d'abord
encore un autre traitement. Dans la plupart des focus groups, une discussion
avec l'agent de santé sur l'option de rester au niveau du CSI est
considérée comme toute naturelle.
Accepter une référence n'est pas contraire non
plus à consulter d'abord le guérisseur traditionnel avant de
consulter à l'hôpital de référence. Puisqu'une
référence est la conséquence d'un échec et n'a rien
à voir avec la continuité des soins ou la notion d'une
hiérarchie, il n'existe pas de raison dans l'esprit du patient pour
qu'il favorise un système de santé sur l'autre. Il a donc
tendance à `consommer les services de santé' selon ses croyances
mais aussi en suivant la voie avec la moindre résistance. Si le
guérisseur se trouve à côté, il tentera sa chance
d'abord avec lui, avant de se jeter dans une grande aventure, telle qu'un
voyage de 50 jusqu'à 150 km dans un endroit souvent peu ou pas connu.
3.1.3- Les obstacles liés à une
référence
3.1.3.1- Les difficultés principales
Tous les focus groups ont spontanément mentionné
les coûts et les difficultés de transport comme les raisons
principales qui font qu'une référence n'est pas facile et pas
toujours acceptée `de facto'.
Quand la population parle des frais liés à la
référence, elle ne parle pas d'abord des frais de traitement,
mais elle incorpore beaucoup d'autres postes de dépenses souvent plus
importants que le coût de traitement en soi, comme par exemple les frais
de transport. En dehors du fait que le transport pourrait simplement manquer au
moment de la référence, le transport est indiqué comme un
poste de dépense très important et ceci surtout quand il s'agit
d'une évacuation d'urgence qui implique que le véhicule ne soit
pas partagé avec d'autres gens. Dans le district sanitaire de Tahoua, le
transport individuel peut coûter jusqu'à 40.000 f CFA aller
simple, dépendant de la distance.
« Le gros problème pour nous en cas de
référence, c'est l'argent. Ce problème fait qu'on ne veut
même pas entendre parler d'aller à Tahoua, même de quoi se
prendre en charge c'est un problème ».
« Un autre problème, c'est le transport,
surtout si l'ambulance n'est pas là. Ici, si ce n'est pas le jour du
marché, c'est difficile de voir un véhicule. Récemment,
dans notre village pour évacuer une femme en difficulté
d'accouchement, il a fallu que son mari loue un véhicule à
35000F, pour une distance d'à peu près 70 km »
La prise en charge et les pots de vin constituent aussi un
obstacle pour les populations dans le processus de la
référence.
« Notre problème à
l'hôpital, c'est la nourriture, il y a aussi les à
côtés aux infirmiers, sans lesquels vous ne serez pas bien vus
là-bas ».
Les visites des malades hospitalisés, les ordonnances,
la résignation, la discrimination, le recours aux guérisseurs
traditionnels, le problème d'hébergement et l'ignorance sont
également d'autres obstacles qui justifient les perceptions
négatives par la population de la référence.
« Même le déplacement pour aller
à Tahoua, visiter un patient, est un problème pour nous, car
ça demande beaucoup d'argent ».
« Nous avons souvent des difficultés
à nous retrouver dans l'hôpital, on n'est pas
habitué ».
« Nous ne voulons pas aller à
l'hôpital car là-bas, il y a trop d'ordonnances »
« Souvent ça ne vaut pas la peine d'aller
à l'hôpital, autant se résigner et rester au
village ».
« Il y a des cas qu'on juge inutiles d'amener
à l'hôpital, par exemple, les nouveaux nés ou les
vieillards ».
« L'hôpital coûte cher, c'est pour
cela qu'on a tendance généralement à recourir aux
guérisseurs traditionnels qui sont aussi efficaces et moins
coûteux ».
« On ne veut pas aller à Tahoua du fait
du problème d'hébergement, car là-bas si tu n'as personne,
tu as toutes les difficultés à y
séjourner ».
« L'ignorance, est une autre raison qui
empêche certains d'entre nous à se présenter à
l'hôpital, vous savez, jusqu'à présent il y a des gens qui
n'ont pas encore évolué »
Parlant du transport, les focus groups ont mentionné
également la difficulté de se déplacer du village vers le
CSI, nécessairement en charrette ou à dos d'un chameau.
Le fait que le manque de transport peut influencer directement
le comportement `inexplicable' des gens, est illustré dans l'exemple
suivant :
Exemple 1 :
Lors d'une supervision au CSI, l'équipe cadre
de district rencontre un villageois qui habite à 5 km du CSI. Il raconte
que dans son village une femme souffre actuellement après son
accouchement, mais qu'elle n'a pas les moyens de se présenter au CSI et
que de toute façon elle n'avait aucun espoir de trouver un
véhicule pour la transporter à l'hôpital, étant
sûre que le CSI ne pourrait pas résoudre son
problème.
L'équipe de supervision décide d'aller
chercher la femme avec le véhicule de supervision. Arrivée au
CSI, une rétention placentaire est diagnostiquée et
traitée localement (par le médecin superviseur) avec
succès.
L'analyse de la patiente était
rationnelle : dans ce CSI, l'infirmier ne maîtrise pas la technique
d'une extraction manuelle et une voiture ne passe seulement qu'une fois par
semaine. La dernière supervision de ce centre datait d'il y a quelques
années déjà.. L'hôpital se trouve à 120 km du
centre de santé.
Observation directe dans le CSI de
T.
D'autres frais pris en compte par la population et souvent
oubliés par les techniciens de santé sont entre autres : la
nourriture pour le patient et pour les accompagnants, les frais de logement
pour les accompagnants (surtout quand ceux-ci ne connaissent personne dans le
village), la corruption, le retour au village, surtout en cas de
décès. Par rapport à la corruption, la population
mentionne les `à côtés', la discrimination des patients et
la négligence.
Les visiteurs contribuent aux dépenses, mais ceci est
généralement largement en dessous des besoins réels (voir
les interviews des patients).
3.1.3.2- Les obstacles sociaux
La référence est vécue comme un
événement social et plusieurs personnes sont impliquées
dans sa gestion. La décision pour accepter la référence ne
réside clairement pas seulement chez le patient même. La grande
majorité indique que la décision d'évacuer un patient est
prise par les parents, pour les femmes mariées en général
combinée avec l'opinion du mari. Les matrones, les secouristes, les
guérisseurs et le chef de village ont été
mentionnés aussi comme des personnes clés dans la
décision. Pour les urgences, le patient même semble peu
impliqué dans la prise de décision.
S'il s'agit d'un enfant, c'est en général le
mari qui décide de l'évacuation. Sur la question de savoir la
réaction des femmes au cas où le mari constituerait un obstacle
pour l'évacuation, les femmes répondent unanimement que le mari
ne peut pas refuser ou être un obstacle en soi pour la
référence aussi bien pour l'évacuation de leur enfant que
pour elles-mêmes. Un refus (qu'elles ne peuvent pas vraiment s'imaginer)
provoquerait un divorce.
La population a clairement indiqué qu'elle fait une
analyse sur le bénéfice social qu'elle espère emporter en
respectant la référence. Une référence pour une
personne âgée ou tout jeune est moins acceptable que la
référence d'un jeune adulte. La décision d'accepter une
référence n'est jamais individuelle.
Pour les personnes âgées, il ne s'agit pas
simplement d'une analyse coûts-efficacité mais aussi de la
probabilité que la personne pourrait décéder. Le fait
qu'on aime enterrer les gens âgés dans le village même et
que le transport d'un corps est encore plus coûteux que le transport d'un
malade font que leur référence est étudiée avec un
oeil critique. `La mort' était mentionnée par tous les focus
groupes comme obstacle important à la référence.
La forte obligation sociale de visiter un malade
hospitalisé (« Ne pas visiter un malade peut facilement
être interprété comme souhaiter sa mort »)
représente un effort financier et social important pour les villageois.
En effet, ils doivent payer le transport et au moins payer un petit montant
à titre de contribution aux frais de maladie au patient lors de la
visite. Surtout en saison des pluies quand il y a beaucoup de travail dans les
champs, ceci n'est pas évident. La population autour du patient a donc
une tendance spontanée à minimiser l'urgence et/ou à
conseiller des alternatives à la référence au CHD, comme
par exemple la consultation auprès d'un guérisseur. Pour les
accompagnants du patient le même dilemme se pose entre vouloir le mieux
pour le patient et les dépenses directes et indirectes liées
à une hospitalisation, aussi pour eux individuellement (ce n'est pas le
patient qui paie l'ensemble des frais). Ceci renforce aussi l'idée
d'hospitaliser le patient tout près de la maison, c'est-à-dire au
niveau du CSI. La population a été unanime par rapport aux
avantages importants liés à une hospitalisation au niveau du
CSI.
« Oui, l'infirmier de notre village hospitalise
des patients à son niveau. Si tu le vois référer un
patient, dis toi que son hospitalisation a échoué. Il y a des
gens qui ont l'habitude de faire une semaine au CSI ».
« Pour notre part, nous apprécions
beaucoup ces hospitalisations au CSI car il y a moins de dépenses, on
peut rendre visite facilement au malade, à n'importe quel moment,
même à pieds. Le malade est de plus à côté de
sa famille, la nourriture ne cause aucun problème »
« C'est pour éviter au patient qui habite
trop loin du CSI des déplacements que l'infirmier lui donne une place au
CSI jusqu'à la fin de son traitement ».
« C'est pour surveiller le patient , pour voir
l'évolution de son état de santé que l'infirmier
l'hospitalise à son niveau ».
« Hospitaliser un patient, c'est le droit de
l'infirmier, car il relève de sa compétence, il est un agent de
santé au même titre que ceux travaillant à l'hôpital.
C'est le manque de matériels et de médicaments qui l'oblige
à envoyer les patients à l'hôpital, si non ces
collègues de l'hôpital ne vont rien lui
montrer ».
Le pouvoir de la famille et de l'environnement social du
patient sur le respect de la référence est bien illustré
par l'exemple suivant :
Exemple 2 :
Une patiente avec difficulté d'accoucher d'une
neuvième grossesse se présente au CSI. Elle a été
vue par un guérisseur traditionnel qui, selon les habitudes locales, a
récité des prières pour essayer de résoudre les
problèmes de l'accouchement. Au CSI, la famille refuse la
référence parce que la femme a pu déjà accoucher 8
fois sans problème. L'infirmier qui n'insiste pas, retient la
parturiente encore 24 heures, jusqu'au moment où son état se
soit détérioré. La famille accepte à ce moment de
payer pour le transport et l'ambulance est appelée. Une
césarienne a évacué des jumeaux déjà en
décomposition.
Histoire communiquée par l'infirmier du CSI de
...
3.1.3.3- Les croyances sur certaines maladies comme
obstacle à la référence
Tous les groupes de discussion ont
énuméré des maladies `traditionnelles' pour lesquelles ils
ne consultent pas le système de santé moderne. La population a
mentionné : l'épilepsie, les conditions psychiatriques, les
jaunisses, les maladies des yeux, les maux de ventre, les
« hémorroïdes » internes et externes, les
dysenteries, « iskas » (génies) les maladies des
« côtes », etc.
Il serait imprudent de penser que ces maladies correspondent
aux catégories de maladies reconnues par la médecine moderne. Les
traductions donnent la fausse impression que la population et le patient
parlent le même langage. Les hémorroïdes `traditionnelles'
couvrent certains cas d'hémorroïdes `modernes', mais sûrement
aussi des cas d'amibiases et d'autres maux de ventre comme par exemple des
grossesses extra-utérines. La population faisait aussi allusion à
l'utilisation de « décoctions » utilisées
comme remède de maison.
« Ici, si un membre de la collectivité
tombe malade, nous nous adressons d'abord au marabout du village ou toute
personne censée avoir une qualification dans le traitement
traditionnel car, vous même, vous savez que certaines maladies sont
liées aux forces surnaturelles, la médecine moderne ne peut rien
».
« L'infirmier a l'habitude de
référer des malades à l'hôpital, mais on revient
à la maison pour faire le traitement traditionnel ; chose que nous
avons héritée de nos ancêtres et ça marche
très bien ».
« Le recours au guérisseur traditionnel,
même demain on le fera car c'est aussi efficace. »
Ces croyances ne devraient pas être perçues comme
des obstacles absolus. Certaines maladies ne peuvent objectivement pas
être prises en charge par la médecine moderne telle que
l'hépatite B. Mais tous les cas de jaunisse ne sont pas les mêmes
et la population risque de consulter pour une jaunisse suite à un
paludisme compliqué, le même guérisseur.
Régulièrement, il existe aussi des `trous' dans les soins offerts
par le système moderne comme ce cas observé dans le CSI de Kalfou
dans le district sanitaire de Tahoua.
Exemple N°3
Pour la troisième fois en quelques semaines,
une patiente était amenée par la famille au CSI. Elle se trouvait
chaque fois dans un état épileptique.
La troisième fois, l'infirmier insistait
auprès de la famille de ne plus revenir avec cette patiente, parce qu'il
ne pouvait rien lui offrir de toute façon...
Observation directe dans le CSI de
K..
3.1.4- Les facteurs liés à l'hôpital de
référence et la qualité des soins
En dehors des freins financiers déjà
mentionnés, le mauvais accueil à l'hôpital et la corruption
étaient les plus fréquemment mentionnés comme des freins
pour utiliser l'hôpital et donc pour accepter la
référence.
« A l'hôpital l'accueil n'est pas comme au
CSI ; ici les infirmiers et les manoeuvres n'ont aucun respect à
l'égard des malades. Au CSI, les infirmiers se montrent très
ouverts envers nous. »
« A l'hôpital, pour être bien vu il
faut connaître quelqu'un et disposer de l'argent pour corrompre les
infirmiers, sinon même disposer d'un lit vous sera très
difficile. »
La qualité des soins n'était pas mise en
question explicitement par la population pendant les discussions. De l'autre
côté, en général, elle n'estimait sa performance pas
mieux qu'au niveau des CSI. Le gradient technique évoqué souvent
par la santé publique ne semble pas exister dans l'esprit des gens de
Tahoua.
« Hospitaliser un patient, c'est le droit de
l'infirmier car ça relève de sa compétence, il est un
agent de santé au même titre que ceux qui travaillent à
l'hôpital. C'est le manque de matériels et de médicaments
qui l'oblige à envoyer les patients à l'hôpital, si non ses
collègues de l'hôpital ne sont pas plus efficaces que lui. Nous
apprécions beaucoup ces hospitalisations. »
L'hébergement des accompagnants et la nourriture
étaient également mentionnés très souvent comme des
difficultés importantes. La « peur de l'inconnu » et
« l'angoisse » étaient évoquées par
presque la moitié des focus groups (voir aussi point 4).
« On ne veut pas aller à l'hôpital
de Tahoua, du fait du problème d'hébergement. En effet,
là-bas si tu n'as personne tu as toutes les difficultés à
y séjourner. Il y a également le problème de
nourriture. »
«Dés qu'on nous parle de l'hôpital,
c'est l'angoisse qui se lit sur nos visages car nous nous disons que le cas est
grave. Nous hésitons à y aller parce que nous ne sommes pas
habitués au milieu, on ne sait quel genre de personnes on va
rencontrer. »
3.1.5 - L'angoisse et la référence
Presque dans tous les focus groups, les femmes, un peu plus
que les hommes, ont décrit la référence comme un
événement émotionnel. « La
référence, c'est la mort ». Sur la question `Qu'est-ce
que vous sentez en cas d'une référence ?', l'angoisse
était le plus souvent mentionnée. L'émotion est donc un
facteur important lors d'une référence ce qui sera important
comme observation en discutant la qualité de la communication entre
l'infirmier et son client.
D'autres expriment le même sentiment un peu moins
extrême en indiquant « la peur pour
l'inconnu » et la mauvaise communication avec le personnel
de l'hôpital, dans le sens qu' « ils reçoivent peu
d'explications » et qu' « ils ne comprennent pas
les procédures » (avec le risque d'être
insulté).
3.1.6- L'ignorance
L'ignorance a été majoritairement
évoquée par les hommes comme un facteur explicatif d'un
éventuel refus d'une référence. Le fait que les
interlocuteurs représentaient la médecine moderne, perçue
comme `en faveur de la référence', peut expliquer cette
attitude.
« L'ignorance est une autre raison qui
empêche certains d'entre nous de se présenter à
l'hôpital, vous savez jusqu'à présent il y a des gens qui
n'ont pas encore évolué. »
3.1.7- La qualité de la communication entre patient
et infirmier
Sur la question `Comment l'infirmier vous annonce-t-il la
référence ?', la majorité des focus groups indiquent
qu'il le mentionne simplement sans plus d'explications. Dans moins de la
moitié des cas, la population s'imagine qu'il donnerait aussi des
explications sur le pourquoi ou des informations pratiques par rapport à
la référence. Elle s'exprime en disant que « C'est le
papier (la lettre de référence) qui parle » ou
« Il donne le papier et c'est le papier qui contient
tout ». La population n'a jamais indiqué ou
suggéré que la communication soit mauvaise ou insuffisante, ce
qui renforce l'impression que l'infirmier parle avec `autorité
légitime' et que dans leur esprit, il ne s'agit pas d'une
continuité des soins entre deux échelons, mais plutôt d'une
interruption et le passage d'un système à l'autre.
3.2- INTERVIEWS DES INFIRMIERS
C'est l'ensemble des infirmiers des dix (10) CSI ruraux que
compte le district sanitaire de Tahoua à l'époque, qui ont
été interviewés individuellement sur le lieu de travail,
à un moment qui leur est favorable. Au nombre de vingt-et-un, lors de
notre passage , ils se répartissent entre 19hommes et 2 femmes, 8 IDE et
13 IC. Le plus jeune d'entre eux a 24 ans et le plus âgé a 55 ans.
Leur durée dans leurs différents postes varie d'un infirmier
à un autre. Parmi eux, figuraient des expérimentés des CSI
ou d'autres formations sanitaires, comme la CM, les dispensaires ruraux, les
postes médicaux ou le CHD.
Plus en détail, l'interview a permis
d'identifier :
La qualité de la communication entre l'infirmier et
le patient lors d'une référence
Les difficultés rencontrées par les infirmiers
lors d'une référence
Le niveau de compréhension de la
référence et de la contre-référence par les
infirmiers
L'attitude des infirmiers vis-à-vis des instructions
de base pour décider de la référence (SPT, PCIME)
Les sentiments qu'ils éprouvent à travers la
référence et à travers les hospitalisations au niveau de
leur CSI
L'influence de ces sentiments sur leur comportement en cas
de référence
Des questions sur la motivation et la relation des agents de
santé avec la population ont été posées pour
estimer à quel degré ces facteurs pourraient influencer
l'attitude et le comportement de l'infirmier lors d'une
référence.
3.2.1 Les rapports avec la population
Les agents de santé indiquaient tous que leur relation
avec la population était bonne.
« Vraiment, ici la vie m'est facile, car je suis
intégré à la population, les villageois m'associent dans
toutes leurs entreprises (réunions, baptêmes,
mariages) ».
« Les villageois ont toujours répondu
à mes appels, ils fréquentent le CSI, ils m'aident à
cultiver mon champ, tout cela, pour vous prouvez que nos relations sont
bonnes ».
3.2.2- Compréhension de l'infirmier sur la
référence
3.2.2.1- Importance (discussions dans le COSAN)
accordée au système de référence
La plupart des COSAN se réunissent
régulièrement. Ceci est lié au degré d'engagement
et de mobilisation de l'ECD à faire fonctionner efficacement les
structures de participation communautaire.
Seulement 13 agents de santé (sur 21) participent
effectivement aux réunions du comité de santé (souvent les
adjoints de l'infirmier chef du CSI ne sont pas associés et ils ont
exprimé leur frustration par rapport à cette situation). Tous
affirment avoir discuté déjà sur un ou plusieurs aspects
du système de référence. Une analyse plus précise
dévoile pourtant que 7 personnes sur 13 (54 %) confondent le
système de référence entre CSI et CHD avec les
consultations précoces au niveau du CSI. Ils conseillent de
« ne pas tarder avec la maladie au village avant de venir se faire
consulter ». Pendant l'interview ils ont confirmé de
« faire des allusions au système de référence en
incitant la population à venir consulter tôt ». La
référence est dans leur esprit largement évitable tant que
le patient arrive assez tôt. En tout, seulement 6 personnes sur 13 (46 %)
ont parlé d'un ou plusieurs aspects du système de
référence.
Ces personnes ont soulevé le problème de
tarification du CHD et le fonctionnement du service d'ambulance (et sa
tarification). Ceci a été demandé par l'ECD lors d'une
réunion de coordination en présence de tous les agents de
santé de district et les représentants de la population.
3.2.2.2- Les salles d'hospitalisation comme sujet de
débat pendant les réunions du COSAN
La construction de salles d'observation, voire
d'hospitalisation au niveau des CSI a toujours été au centre des
réunions du COSAN (6 agents sur 13 le mentionnent spontanément
dans une question ouverte). Les salles d'observation permettent aux infirmiers
« d'éviter la référence ». Tandis que
le système de référence ne semble pas être important
dans l'ensemble des problèmes des districts sanitaires selon les
infirmiers, la possibilité d'hospitaliser des patients au niveau des CSI
semble constituer une priorité aux yeux des agents de santé de
Tahoua.
3.2.2.3- Les références en urgence et
à froid
Tous les agents semblent connaître les
références d'urgence avec des exemples de leur pratique
quotidienne.
Par rapport aux références à froid, bien
que tous prétendent avoir référé des patients qui
ne se trouvent pas dans une situation aiguë, les exemples et surtout les
temps donnés comme dernière occasion d'une
référence à froid laissent à
réfléchir. Parmi les 25 exemples donnés, figuraient 2
lipomes, 3 hernies, une hydrocèle, 2 problèmes de prostate et 2
prolapsus de l'utérus, mais aussi un trauma oculaire et une paralysie
après chute dans un puits qui ne s'améliorait pas après 2
jours d'observation au CSI. Bien que les urgences soient toujours relatives,
les deux derniers exemples nous semblent être plutôt urgents. Le
temps entre le jour de l'interview et la dernière
référence à froid selon l'infirmier variait entre 3 jours
et 3 ans avec une moyenne de 4 mois. Ceci représenterait 5 cas
référés par an par CSI (avec 2 agents) en dehors des
urgences.
3.2.2.4- La définition de la
référence et pourquoi il faut référer
Presque tous les agents (19 sur 21 ou 90 %) mentionnent la
référence à froid à côté de la
référence d'urgence. Ils comprennent qu'il existe un gradient de
compétence et de matériel technique entre le CSI et le CHD. Huit
personnes sur 21 (38 %) la définissent comme une organisation des soins
en échelons, cependant les rôles spécifiques des
échelons et le coût-efficacité d'un tel système
n'ont presque jamais été abordés (1/21 ou 5 %). Que le CSI
pourrait manquer le temps pour correctement prendre en charge des patients
hospitalisés n'a été mentionné aucune fois. Le lien
avec le rôle spécifique du CSI qui pourrait être compromis
à cause des hospitalisations au niveau du CSI n'est donc jamais venu
à leur esprit.
Les infirmiers confirment qu'ils ne réfèrent que
quand ils ont vraiment la preuve que la situation dépasse leur
compétence ou qu'aucun médicament à leur disposition ne
peut encore éviter la référence. Beaucoup d'entre eux ont
dit que si la chirurgie devient obligatoire, c'est seulement en ce moment
qu'ils proposent la référence.
3.2.2.5. - La différence entre la mise en
observation, une hospitalisation et un logement
La mise en observation d'un patient au niveau d'un CSI ne
devrait pas dépasser 24 heures en théorie et selon la politique
sectorielle de santé du Niger. La mise en observation est utile pour
s'assurer de ne pas avoir raté un diagnostic plus grave ou pour
s'assurer que le traitement entamé a l'effet escompté et qu'entre
temps la maladie du patient ne se complique pas.
Dans le cas d'hospitalisation, le patient doit rester
obligatoirement au niveau du centre pour qu'on lui assure des soins 24 heures
sur 24 parce qu'il y a eu des complications ou le risque de complications est
très élevé ou encore parce que le traitement doit se
poursuivre continuellement. Ceci implique que l'infirmier lui aussi soit
disponible 24 heures sur 24, pour assurer ces soins intensifs et continus.
On donne un logement au patient à cause des distances
insurmontables pour une prise en charge correcte ou pour faciliter la vie du
patient. Au niveau d'un hôpital, les trois raisons
« d'hospitalisation » sont utilisées toujours, et
pour un patient plusieurs raisons peuvent
co-exister.
Onze agents sur 21 (52 %) estiment qu'il n'existe aucune
différence entre les trois notions. Par rapport à la
définition de `mise en observation', certains des agents estiment que 48
heures sont normales, d'autres par contre avancent que cela devrait durer 3 et
même 5 jours. L'hospitalisation a été définie par 4
infirmiers comme une mise en observation jusqu'à guérison et
comme « mise en observation excédant le temps
`normal' » par deux autres agents. Personne n'a mentionné une
définition qui se rapproche de la nôtre. L'intensité et la
continuité des soins n'ont jamais été
évoquées, ni le fait que les infirmiers d'un centre de
santé n'aient pas autant de temps à consacrer aux patients
hospitalisés.
Par rapport au `logement', un seul infirmier a donné
l'exemple de la tuberculose comme une occasion d'offrir un logement à un
patient quand il habite trop loin pour se présenter chaque jour au
centre, bien que ce soit une pratique assez répandue dans le district.
Tous les autres ne se sont pas prononcés par rapport à cette
notion.
Les infirmiers estiment donc qu'il y a très peu de
différence entre une hospitalisation au CSI ou à
l'hôpital.
3.2.26. - La sélection des patients selon
l'âge par rapport à la référence
Neuf agents de santé sur les 21 disent qu'ils
réfèrent plus facilement un certain groupe d'âge par
rapport à un autre. Cinq déclarent référer moins
les vieux, deux disent qu'ils réfèrent moins d'enfants et 4
qu'ils réfèrent plus d'enfants et surtout les
nouveaux-nés. Quinze infirmiers affirment qu'ils réfèrent
de façon très objective « selon la pathologie et que
l'âge n'a rien à voir ». Un seul explicitement dit qu'il
réfère plus d'enfants parce qu'ils font pitié.
Toutefois, l'acceptabilité de la
référence par les patients et/ou leur famille est
influencée, selon 14 infirmiers, par l'âge. Cinq disent que la
référence pour un enfant est peu acceptable, tandis que 9 autres
disent que, les vieux sont souvent délaissés.
Plus l'agent de santé a de l'expérience, plus il
se rend compte que la famille du patient décide sur certains
critères et l'âge en fait partie. Selon son expérience
concrète, il va identifier un biais envers les enfants ou les
vieillards. La population dans les focus groups a confirmé la
sélection négative des deux extrêmes : les vieux et
les petits enfants sont effectivement moins référés car,
socialement peu valorisés.
3.2.2.7. - Connaissance des agents de santé sur
les coûts de la référence pour le patient
Pratiquement 100 % des agents connaissent les tarifs de
l'ambulance pour leur CSI. Quant aux tarifs d'une hospitalisation et les
coûts qui y sont liés, 10 agents déclarent ne pas savoir ou
donnent un chiffre largement en dessous de la réalité.
Les frais du transport, des médicaments, de la
consultation, de l'hospitalisation ou de la nourriture sont souvent
mentionnés. Seulement 3 agents mentionnent aussi le logement (du patient
ou des accompagnants) comme poste de dépense, une seule personne pense
au retour du patient (un poste important pour la population : voir les
focus groups) et une autre encore pense à la corruption.
3.2.2.8 - La qualité de la relation avec les
patients lors d'une référence
La communication est un élément
déterminant dans la relation infirmier-patient. En matière de
référence, cette communication doit comporter tous les
éléments nécessaires pouvant convaincre le patient
à adhérer à la proposition de l'infirmier, de l'orienter
vers l'hôpital. Ces éléments sont entre autres : les
raisons de la référence, la préparation psychologique,
l'information de la famille, la tentative de convaincre en cas de refus, la
crédibilité de l'hôpital, l'évolution de la maladie,
les aspects financiers et les procédures à l'hôpital.
Sur les questions ouvertes : « Qu'est-ce que
vous dites aux patients lors d'une référence ? »,
les réponses sont très uniformes, qu'il s'agisse d'une
référence d'urgence ou à froid. La grande majorité
indique « qu'on ne peut pas traiter localement ». Ceci peut
se présenter aussi sous forme de besoin d'un examen
supplémentaire. Six infirmiers associent la chirurgie à la
nécessité de référer, indiquant ainsi que pour les
autres raisons ils ne réfèrent pas (ou très peu). Parmi
eux, un agent a confirmé qu'il ne réfère que pour des cas
de chirurgie. Deux infirmiers sur 21 associent une référence
d'urgence à une mise en observation d'abord, 4 à une
référence à froid. Deux infirmiers citent
spontanément qu'ils font peur aux patients lors d'une
référence à froid.
Deux fois le risque est évoqué comme sujet de
conversation lors d'une référence à froid. En dehors de
cela, aucun autre sujet n'a été mentionné
spontanément, indiquant que la communication entre le patient et
l'infirmier est minimale et très peu systématisée et
consciente.
« Ton cas est plus fort que moi, je vais te
donner un papier pour partir à l'hôpital ».
« Je t'ai consulté, j'ai vu que c'est un
cas chirurgical, ici, je ne peux rien, si tu es intéressé, je te
remets un papier pour aller à l'hôpital ».
« Ton cas est une urgence, si tu es prêt,
je vais appeler l'ambulance, pour vous amener à
Tahoua. »
« Je vais t'envoyer à Tahoua car moi, je
ne peux rien, si tu refuses, ça fait ton problème, dans tous les
cas, c'est ta santé. »
Exemple 4
Cas d'une femme ayant eu un problème
d'accouchement.
Admise avec saignement, dans un centre de santé un
lundi vers 21 H, son problème persistait jusqu'au lendemain matin jour
de notre passage dans le dit centre de santé. Après plusieurs
tentatives et la complication de la situation, l'infirmier décida de
référer la patiente et ses parents vers l'hôpital en leur
disant : « Moi j'ai fait de mon mieux. Toutefois, il n y a
pas eu de succès. Maintenant je vais vous envoyer à
l'hôpital, il ne faut pas hésiter à aller, dans votre
intérêt. Je n'ai pas le temps de vous négocier car, j'ai
d'autres choses à faire. Si vous refusez de partir, ça fait votre
problème... »
11H,jour de notre passage dans le CSI. L'infirmier ayant
fait de son mieux, en vain, proposa de manière expéditive
à cette femme et à ces parents la référence vers
l'hôpital, en ces termes : « Moi, j'ai essayé,
ça n'a pas marché. Préparez-vous à aller à
l'hôpital, autrement, et toi et le bébé vous allez
périr car, vous avez de l'argent vous ne voulez pas dépenser, en
tout cas la balle est dans votre camp, je n'ai pas le temps de vous
négocier, j'ai d'autres choses à
faire... »
Exemple 5
C'est aussi l'exemple d'une femme qui a fait 48h de travail
dont 24h au village situé à une dizaine de kilomètres du
CSI et 24h au CSI situé à 99km de l'hôpital de
référence. Lorsque l'infirmier avait reçu et
observé cette femme, il n'avait pas fait cas à ses parents et son
mari de son incapacité à résoudre leur problème et
s'est contenté seulement de leur proposer d'aller à Tahoua en ces
termes : « Apparemment, ça n'évolue pas beaucoup
vous allez essayer de partir à Tahoua voir ce qui va se passer
... ». Etant à son neuvième accouchement, cette femme
et ses parents avaient du mal à comprendre pourquoi cette
référence, alors même qu'elle a toujours accouché au
village ou au CSI. C'est l'équipe de recherche
qui a finalement pu les convaincre à accepter de se
rendre à Tahoua. Admise à la maternité, vers 3h du matin,
la femme a subi une césarienne pour une grossesse gémellaire dont
un bébé déjà mort.
Ce n'est que dans la question guidée qu'ils confirment
qu'ils expliquent aux patients les raisons de la référence,
qu'ils impliquent la famille et qu'ils parlent des aspects financiers ou des
procédures au niveau de l'hôpital. Seulement 3 agents essayent de
rassurer le patient lors d'une urgence et 6 pendant une référence
à froid.
Dix-sept agents déclarent « essayer de
convaincre le patient » en cas de refus de la
référence. Un dit qu'il « oblige le
patient », un répond qu'il « donne le
bulletin de référence et le reste est son (le patient)
problème ». Sept sur 21 affirment qu'ils font signer un
certificat de décharge, parmi eux un déclare qu'il exige le
papier seulement après avoir tenté de convaincre le patient.
Pour convaincre le patient d'accepter une
référence, 14 évoquent le risque avec le patient, 6 agents
disent faire peur aux patients, 6 autres déclarent qu'ils essayent de
rassurer le patient (« L'hôpital ne tue
pas »). Personne n'a cherché à comprendre le
refus. Un agent dit « essayer de convaincre » le
patient à travers la famille en ajoutant que « c'est
souvent la famille qui fait obstacle ». Un autre agent
affirme qu'il dit en cas de référence à froid au patient
« qu'il ne faut pas attendre jusqu'à ce que ça se
complique parce que la prise en charge sera beaucoup plus chère à
ce moment ».
3.2.3. Difficultés rencontrées lors d'une
référence
En général, l'ensemble des agents de
santé interviewés indiquent que le transport et les coûts,
directs et indirects, liés à une référence
représentent les principaux obstacles pour l'acceptabilité de la
référence par le patient. En deuxième lieu sont aussi
évoqués, comme difficultés, les facteurs culturels (cadre
d'explication de la maladie, `iska', génies, etc.), les
difficultés de communication avec le centre de référence
(pas de radio la nuit et pendant les fins de la semaine). Comme facteurs moins
importants ont été cités le rôle de la famille et
l'influence de la saison : les gens attendent la fin de la saison
pluvieuse pour se faire soigner.
En général, les analyses faites par les
infirmiers correspondent remarquablement avec ce que la population a
évoqué à ce sujet.
Selon 18 infirmiers sur 21, dans les références
d'urgence, le problème de refus du patient ne se pose pas. Cinq se
rappellent un exemple concret et ont reconnu que parfois ils sont
confrontés à un refus de la part du patient aussi en cas
d'urgence. Un infirmier a raconté l'histoire d'une femme en travail, qui
a suivi d'abord un traitement traditionnel pour des difficultés de
couche. Quand elle est arrivée au niveau du CSI elle a refusé
initialement la référence. Elle s'est fait convaincre seulement
à la dernière minute et elle est décédée
avant son arrivée au CHD. Un autre a raconté l'histoire d'un
enfant souffrant de la méningite qui ne peut pas être
référé parce qu'on ne trouve pas quelqu'un pour
l'accompagner. Trois agents ont déclaré qu'ils n'ont jamais
été confrontés à un refus de la part du patient.
Parlant spécifiquement de la référence
à froid, seulement 7 sur 21 affirment que c'est facile de convaincre les
patients d'accepter une référence. Parmi eux, deux ont
déclaré que ce n'est qu'au moment d'une complication que les
patients acceptent la référence à froid, ce qui contredit
leur déclaration initiale. Cinq indiquent que ce n'est pas du tout
facile et rapportent des cas concrets comme par exemple une vieille femme qui
est tombée dans un puits et qui est finalement
décédée au village, ou encore une femme avec un
traumatisme de l'épaule qui a refusé la référence
et qui s'est présentée de nouveau après avec une
nécrose du bras.
Quatre infirmiers ont indiqué que devant eux le patient
ne refuse jamais, mais qu'après il ne respecte pas la
référence.
L'ignorance et les croyances traditionnelles sont souvent
évoquées aussi comme raison de refus (10 sur 21 ou 48 %). Quatre
agents évoquent aussi l'absence `d'un tuteur' au niveau de Tahoua. Ces
raisons recoupent celles que la population a mentionnées pendant les
focus groups.
3.2.4 L'utilisation des SPT et de la PCIME pour diriger la
décision de référer un patient
Dix sept infirmiers sur les 21 sont persuadés que le
respect des SPT amène à une hausse importante du nombre de
références.
« Les SPT ne tiennent pas compte des
spécificités des zones. Un CSI éloigné ne peut pas
référer comme un CSI urbain. Certains schémas
thérapeutiques échouent alors qu'il suffit de tenter autre chose
pour guérir le malade »
Dix-huit infirmiers sur 21 respectent souvent les
références selon le guide SPT et deux ne les respectent jamais.
Seulement 6 sur 21 (24 %) indiquent qu'ils respectent les SPT par rapport aux
références. La PCIME est en général plus
acceptée, ce qui est contradictoire parce que la plupart des infirmiers
ne sont pas formés pour la PCIME et objectivement la PCIME
prévoit plus de références que les SPT. Douze sur 21
affirment que selon eux, les SPT exigent des références qui vont
contre leur prestige.
L'attitude plutôt négative des infirmiers envers
les références est illustrée par leur opinion sur les
SPT :
« S'il faut suivre les SPT, 50% des patients
seront référés »
« 90 % des enfants en CN montrent des signes de
malnutrition alors qu'on ne peut pas les référer
tous »
« Les SPT empêchent aux gens de
réfléchir »
« Si on respectait les SPT, l'hôpital sera
débordé »
« En respectant les SPT, on sera un simple
service d'aiguillage. »
« En respectant les SPT, nous allons perdre
notre crédibilité aux yeux des patients. »
« En respectant les SPT, on a le sentiment de ne
rien valoir »
« Si nous décidons de respecter
rigoureusement les SPT, la population va bouder »
« Les SPT, c'est de la merde »
« Les SPT sont faites uniquement pour diminuer
le coût des soins »
« Les SPT diminuent la fréquentation car
elles proposent des comprimés alors que la population a plus confiance
aux injectables »
« Les SPT diminuent notre
prestige »
Les idées des infirmiers sur les SPT sont
colorées émotionnellement. Les SPT ont au Niger fait objet de
plusieurs études qui prouvent le contraire de la plupart des critiques
formulées ici. Les agents de santé expriment ici leur crainte de
perdre leur prestige en référant des patients (ne rien valoir,
service d'aiguillage, crédibilité aux yeux des patients).
Les SPT diminuent le prestige des infirmiers en ce sens qu'ils
parlent souvent « d'expérience personnelle, de bon sens, de
tenter autre chose », qui sont pour eux une alternative à la
référence.
Selon la thèse de doctorat de Dr Jaharou (Jaharou,
2000), les SPT actuelles, si elles étaient correctement
appliquées, élèveraient la référence
à un taux de 20%° des nouveaux cas (dont un quart d'urgences), ce
qui est tout à fait raisonnable comparé avec des taux de
référence retrouvés dans la littérature.
Les remarques ouvertement hostiles aux SPT doivent être
pondérées aussi avec les observations sur le terrain des
hospitalisations réalisées au niveau du CSI (voir plus loin).
Certaines réflexions témoignent d'une analyse
plus fondée :
« Pour un cas de pneumonie, même si on
réfère, ils ne vont pas observer la
référence ; donc souvent c'est même dangereux de
référer car le patient va se résigner et ne rien
tenter »
Une référence non respectée par le
patient peut évidemment affecter sa santé . Une
référence non fondée pourrait mettre en danger la vie du
patient en cas de refus, puisque le patient ne poursuivrait plus son traitement
au CSI non plus.
« Les SPT augmentent le nombre de
références justifiées seulement »
a été mentionné huit fois pour les urgences et 7 fois pour
les références à froid. « Les SPT diminuent
le nombre de références » cité
trois fois.
Quelques infirmiers ont une attitude positive vis-à-vis
des SPT :
« Sans les SPT les gens
bricolent » ; « Les SPT nous aident
beaucoup ». Les réactions positives proviennent
clairement des infirmiers les plus formés dans la matière.
Plusieurs observations directes peuvent illustrer la
réticence des agents de santé à référer des
patients et le non-respect des SPT. Les cas montrent souvent que les soins
continus et/ou intensifs ne peuvent pas être assurés au niveau du
CSI, bien que tous les produits pharmaceutiques soient disponibles.
Exemple 6 :
Lors d'une supervision dans le CSI, les superviseurs
observent l'hospitalisation depuis 3 jours, d'un patient qui souffre de la
méningite. La personne était correctement traitée avec le
chloramphénicol huileux.
Le patient était sévèrement
déshydraté, il avait fait des convulsions pendant la nuit sans
traitement supplémentaire et malgré sa fièvre très
élevée, le chloramphénicol huileux n'était pas
répété.
Exemple 7 :
Lors d'une supervision au CSI, les superviseurs ont
rencontré le cas d'un enfant sévèrement malnutri et
déshydraté avec une forte fièvre (palu
présumé) et avec la conscience sérieusement
baissée.
Bien que le CSI se trouve à peine à 20 km de
l'hôpital, que l'ambulance et la radio soient en bon état et que
-par coïncidence- une voiture de supervision soit disponible, l'infirmier
n'a pas eu le réflexe de référer l'enfant.
L'infirmier qui a vainement essayé de replacer
à deux reprises la perfusion intraveineuse, a toutefois conclut que
« ça ira aussi par voie orale (avec les
génériques) ».
Exemple 8 :
Pendant le monitorage de la recherche, un homme
ictérique avec une fièvre de 40° est mis en observation dans
le CSI pendant 4 jours.
Finalement l'homme est référé au CHD,
où il meurt après 48 heures.
Exemple 9 :
Une femme est admise au CHD pour hyperthermie et
diarrhée, avec dans son carnet : mise en observation avec
cotrimoxazole 2X2 comp. et Quinimax 0.6 inj pendant 6 jours au CSI.
Le femme est décédée au CHD la nuit de
son arrivée avec la GE ++++.
Exemple 10 :
Lors du monitorage de la présente enquête, le
médecin rencontre au CSI une femme avec une hémorragie
post-partum, mise en observation avec une prescription de fer-foldine.
Puisque le médecin était présent,
l'infirmier lui a demandé d'examiner la patiente.
Une référence d'urgence était
demandée et à l'admission au CHD, la femme avait une
hématocrite à 10 %. Un curettage a pu la sauver.
Exemple 11 :
Lors d'une formation en malnutrition, un médecin
observe qu'il avait demandé ce jour-là la référence
de deux enfants sévèrement malnutris du CSI urbain au CHD
à 1 km de distance. Les agents de santé n'ont jamais
proposé la référence aux mères.
Pendant les discussions, les infirmiers ont confirmé
qu'ils ne réfèreraient jamais de tels cas, parce que
« ça ne vaut pas la peine et l'hôpital serait
submergé ».
3.2.5 L'importance de la contre-référence
L'ensemble des infirmiers interviewés se plaignent de
l'absence totale de la contre-référence qui est
considérée par eux comme très importante. La
contre-référence permet selon les infirmiers, de s'assurer de la
continuité des soins, l'information et la formation continue. Elle
permet de s'auto-évaluer en comparant le diagnostic du CSI à
celui retenu par le CHD, donc de voir les faux positifs. D'autres indiquent que
la contre-référence permet de « mettre en
confiance les différentes parties ». Ceci fait
ressortir de nouveau la compétition pour les patients et le sentiment de
conflit entre le CSI et le CHD par rapport à la référence.
D'autres encore avancent que la contre-référence indique le
respect pour l'agent qui a référé.
3.2.6 Hospitalisation au niveau du CSI et la
crédibilité du CHD
Tous les infirmiers des CSI rencontrés déclarent
« hospitaliser » des patients. Dans la définition on
a inclus tous les patients qui restent un certain temps au CSI après la
consultation (donc aussi ceux à qui on a donné un simple abri ou
une mise en observation).
La plupart des infirmiers estiment que le nombre
d'hospitalisations tourne autour de 5 patients par mois. Parmi les raisons pour
lesquelles ils réfèrent moins que les SPT le demandent, les
agents de santé indiquent (15 sur 21) souvent que « ça
ne vaut pas la peine de référer » (6 ont ajouté
parfois).
Six agents de santé sur 21 avouent être
frustrés quand ils doivent référer. Un d'entre eux
précise que c'est seulement pour les références à
froid. Au nombre de ceux qui disent ne pas être frustrés, se
trouvent des infirmiers qui ne réfèrent presque jamais. La seule
aide-soignante, parmi les gens interviewés, a répondu
« je ne suis pas frustrée parce que je sais qu'il y a des cas
plus forts que moi ». Abordés directement, les agents de
santé déclarent que la référence ne diminue pas
leur prestige, mais presque tous avouent que l'hospitalisation à leur
niveau augmente leur prestige (17 sur 21 réponses).
3.3- interviews des patients
Les cent patients interviewés se répartissent
comme suit: 47 référés, 36 auto
référés et 17 cas de refus. Les patients
référés et les auto-références ont
été interviewés au CHD. Les rencontres avec les patients
qui avaient déjà refusé la référence se sont
réalisées aux villages des patients. Pour certains CSI, il est
plus facile grâce à la disponibilité de moyens de transport
ou l'accessibilité géographique, pour référer les
patients directement vers Tahoua (Mogheur, Affala, par exemple). Ceci explique,
en dehors des patients qui n'ont pas respecté la
référence, qu'il existe plus de fiches de référence
que de patients soumis à une interview. Durant la période de
l'enquête, l'enquêteur s'est absenté quelquefois du CHD pour
superviser les infirmiers dans les CSI. A ces occasions aussi, quelques
patients ont été ratés pour l'interview.
L'interview des patients envisage de mieux comprendre les
barrières que pose une référence, ainsi que les conditions
et les moyens déployés par le patient pour accepter la
référence. En même temps, l'interview permettra de comparer
l'opinion du patient individuel à celle de l'infirmier ou de la
communauté.
Parmi les 100 patients, seulement 24 ont le niveau de
l'école primaire, 4 sont alphabétisés et les 72 autres
restants sont sans instruction.
Parmi les patients interviewés, 8 vivent à
Tahoua (8 %). Puisque ces patients n'ont ni de frais de transport à
payer, ni le problème de nourriture, ni trop de peur de l'inconnu, une
référence vers le CHD pose sensiblement moins de problèmes
pour eux.
3.3.1 Les barrières
En analysant les barrières imposées par le
système de référence à travers l'opinion des
patients qui ont accepté la référence, un danger
d'introduire un biais se pose, puisqu'il s'agit ici de personnes qui ont su
vaincre les barrières. Pour ceux qui ont refusé la
référence, les mêmes barrières pourraient être
estimées insurmontables, mais elles pourraient être d'une autre
nature aussi. Par exemple, les maladies dites `traditionnelles' se
présenteraient beaucoup moins au centre de référence que
les maladies pour lesquelles l'hôpital est connu donner une
réponse adéquate.
3.3.1.1- Le séjour au CHD
Seulement 30 patients ayant séjourné au CHD sur
les 83 (référés et autoréférés), soit
(36%) , déclarent ne pas être satisfaits de l'accueil dans la dite
institution. Toutefois 16, soit 19%parlent quand même des longs temps
d'attente pouvant aller de 3 à 6 heures. 40 (48%) sur 83 des patients se
plaignent de l'absence de nourriture à l'hôpital, ce qui les
oblige à en acheter, d'où évidemment le coût
élevé du séjour. Cette barrière est
évoquée principalement par les patients qui n'ont pas de parents
dans la ville à Tahoua et qui ne peuvent donc pas se faire aider.
La grande majorité des patients (60, soit 72%) jugent
exorbitants les tarifs au CHD. "C'est cher pour nous les pauvres, il faut faire
des tarifs spéciaux pour les pauvres". Toutefois, certains patients
ayant l'expérience de l'Hôpital National les trouvent abordables.
Du point de vue de la crédibilité de
l'hôpital de Référence, la question s'est posée aux
patients de savoir si la référence au niveau de l'hôpital a
pu résoudre leur problème de santé. 45 sur 83 patients
interviewés se disent satisfaits des traitements reçus et
répondent qu'ils vont mieux. Parmi les 38 (46%) personnes qui n'ont pas
vu une amélioration se trouvent 8 cas de stérilité. Ceci
pourrait affecter la crédibilité de l'hôpital et jouer sur
l'acceptabilité de la référence en
général.
Cinquante patients sur 83 (60%) déclarent avoir un
`tuteur' au niveau de la ville de Tahoua. Ce sont ces tuteurs qui les
nourrissent à l'hôpital pour la plupart. Les autres (40%) qui
n'ont pas de tuteur à Tahoua indiquent qu'il s'agit d'une situation
angoissante et qu'ils « se contentent des restes de nourriture des
voisins hospitalisés ». Le système de santé au
Niger prévoit que les patients soient nourris par l'hôpital. Mais
pendant toute la période de l'enquête, l'hôpital ne
disposait pas de nourriture à offrir aux malades. Même si le
système prévoit une cuisine au sein de l'hôpital, il n'y a
pas d'infrastructures pour abriter des accompagnants avec des facilités
pour organiser la cuisine. C'est ce même groupe (n'ayant pas de tuteur et
la possibilité de manger convenablement) qui ne bénéficie
pas de la solidarité villageoise, jugée très importante
psychologiquement pour les malades.
3.3.1.2- Les moyens déployés, la
barrière financière
Bien que la grande majorité des patients acceptent les
tarifs du CHD, 47 (57 %) déclarent qu'ils ont eu des difficultés
financières lors de la référence. Cela confirme que les
coûts ne se limitent pas aux frais de l'hôpital et que les
dépenses en dehors de l'hôpital sont relativement très
importantes. Trente neuf (47%) patients ont emprunté de l'argent
auprès d'un membre de la famille ou d'un commerçant local, 29
(35%) ont dû vendre des animaux et 18 (22%) ont pu
bénéficier de la solidarité villageoise.
Pendant l'interview, l'enquêteur a essayé de
comprendre et de quantifier les dépenses selon plusieurs rubriques. Ceci
s'est révélé compliqué parce que les
dépenses étaient souvent fractionnées ou en nature rendant
le calcul difficile pour le patient. Ainsi on sait que les dépenses au
niveau du guérisseur traditionnel ont été importantes pour
beaucoup de patients, incapables de chiffrer les montants. L'aide de la part de
la famille était également difficile à chiffrer parce que
souvent cette aide se réalise sous forme de nourriture ou les visiteurs
donnent de temps à autre une petite somme d'argent.
Les 41 (49%) patients qui n'avaient pas ces difficultés
financières avaient un revenu monétaire (commerçants,
cordonniers) ou avaient un parent vivant à l'extérieur (Abidjan,
Niamey) qui leur avait envoyé de l'argent. Ce dernier groupe
dépendait néanmoins de ressources extérieures.
La barrière financière est donc très
importante et touche la grande majorité de la population de Tahoua. Mais
ces problèmes ne peuvent pas être résolus en diminuant les
frais de l'hôpital. Il faut étudier comment les autres frais
pourraient diminuer, notamment les frais de transport et la perte de ressources
dans d'autres itinéraires de santé, surtout pour les cas de
stérilité où ont été notées des
sommes très importantes dépensées pour le
guérisseur : « 50.000 f CFA ; 7 chèvres,
etc. ».
Les patients se sont également plaints des "à
côtés" à donner au personnel soignant de
l'hôpital.
3.3.1.3- Qualité de la communication
Vingt deux patients des 45 référés (soit
49%) disent comprendre pourquoi ils ont été
référés. Virtuellement 51 % des patients mentionnent donc
ne pas comprendre les raisons de leur référence. Ils
disent : « Il m'a dit simplement que je devrais aller, donc je
suis parti ». Seulement 18 (40%) sur 45 affirment qu'ils ont eu des
explications spécifiques.
Trente-cinq patients (78%) sur 45 disent qu' « il
faut obéir » à l'infirmier et 20 (44%) soutiennent
qu'ils étaient convaincus parce qu'ils estimaient leur état de
santé grave et 9 (20%) sur 45 disent que c'était eux-mêmes
qui voulaient partir. Cette opinion illustre la relation plutôt
autoritaire entre l'agent de santé et le patient.
Cette situation explique au moins partiellement la
réticence des patients à parler de l'attitude des infirmiers. Ils
préfèrent rester neutres si des questions sont posées sur
l'influence d'une référence sur le prestige de l'infirmier.
Néanmoins on n'a pas l'impression q'aux yeux du patient, l'infirmier
perdrait de prestige quand il réfère un patient ou qu'il serait
jugé incompétent. Les patients se sont plaints
particulièrement du comportement du personnel soignant au CHD.
La relation entre agent de santé et patient est
plutôt autoritaire et hiérarchique. L'infirmier ne fournit aucun
effort notable pour briser cette relation de dépendance et essayer de
rentrer dans un dialogue de négociation entre adultes.
3.3.1.4- Les émotions au moment de la
référence
Vingt-quatre patients sur 45 (49%) ont affirmé qu'ils
étaient soulagés au moment où l'infirmier proposait la
référence. Dans ce groupe, deux (4%) se sont rendus au CSI avec
une référence dans l'esprit. Pour 17 (38%) patients, la
référence ne posait aucune émotion particulière.
Ils « se résignent et se remettent à Dieu ».
Quatorze personnes (31%) ont déclaré avoir eu peur, surtout peur
de mourir, au moment où l'infirmier a proposé la
référence, puisqu'elles estiment qu'« une
référence, ça veut dire que c'est grave ».
Une patiente (2%) a dit ne pas avoir accepté la
référence immédiatement. Parmi les raisons du refus, sont
mentionnées l'émotion et la peur de l'inconnu. C'est finalement
l'infirmier et l'entourage qui ont pu la convaincre.
La référence est donc réellement
vécue comme un événement de forte émotion pour
beaucoup de patients. Les infirmiers ne s'en rendent compte que très
peu, comme l'ont démontré les résultats de l'interview des
infirmiers où seulement 12 % font allusion à la peur
spontanément. Il y en avait même qui essayaient de convaincre le
patient d'accepter la référence en lui faisant peur. Au regard de
la qualité de la communication entre l'infirmier et le patient qui est
souvent réduite au strict minimum, il est clair que la peur est rarement
considérée comme un facteur important pendant la
référence.
3.3.2 La compréhension d'un système de
santé en deux échelons
Vingt-cinq patients sur 45 (56%) comprennent que
l'hôpital de district dépasse le CSI en compétence. Les
patients utilisent le terme « grand frère », pour
indiquer la différence entre l'hôpital et le CSI, ou ils comparent
la ville de Tahoua au village où se trouve un CSI. Ils comprennent que
les CSI ne disposent pas de tous les moyens et que l'infirmier peut être
dépassé par la maladie. Cette perception de l'hôpital de
référence comme étant le centre le plus crédible
comparativement au CSI est la raison avancée par les patients qui ont
contourné les CSI pour se justifier.
Selon des patients auto-référés," mieux
vaut venir directement à l'hôpital, le grand centre, que de passer
au CSI car, même si on part là-bas on sait qu'on ne va pas avoir
le traitement souhaité"
Cependant, 40 patients sur 45 (89%) semblent ne pas comprendre
cette hiérarchie et souhaitent qu'on leur fasse tout sur place (au
niveau CSI) et restent sans opinion sur les niveaux sanitaires
différents. Ceci correspond aux idées notées au niveau des
focus groups où les enquêtés acceptent qu'il existe des
différences entre guérisseurs mais qu'il ne s'agit pas d'une
hiérarchie, plutôt des limites inhérentes à chaque
individu.
3.3.3. Les moyens de transport utilisés (par les 83
patients hospitalisés au CHD).
Tableau N°2 : Les moyens de
transport utilisés.
Les moyens de transport utilisés
|
Nombre
|
Pourcentage %
|
Transport Public
|
32
|
39
|
Charrette
|
26
|
31
|
A pieds
|
14
|
17
|
Ambulance
|
10
|
12
|
Moto
|
1
|
1
|
Total
|
83
|
100
|
Une majorité de patients est arrivée à
l'hôpital par le transport public, souvent à des coûts
financiers énormes(45000 FCFA pour une distance de 50 kms, par exemple).
La charrette, qui vient en deuxième place comme moyen de transport
utilisé, est souvent louée par les patients. L'ambulance n'est
utilisée que pour les urgences. Ceci confirme que le transport et
l'accessibilité géographique posent de réels
problèmes dans la zone de Tahoua, contrairement à certaines
autres régions au Niger.
IV- DISCUSSION
Dans la discussion, il s'agit de confronter les concepts sur
le système de référence, développés dans les
généralités, avec les résultats de l'enquête
et observations. Les résultats seront donc discutés dans leur
ensemble. Ceci permet de développer une vue d'ensemble et de
dépasser les observations fractionnées dans les chapitres
précédents.
La présente étude a pu démontrer que le
système de référence est très complexe, avec un
nombre important de déterminants qui interfèrent les uns avec les
autres. Les barrières liées au système de
référence au Niger sont sans doute très fortes et sont
à la base d'un taux de référence extrêmement bas
pour la plupart des départements. D'autres études faites au Niger
ont également constaté que les taux de référence
sont très bas et souvent non conformes à une application correcte
des instructions transmises aux agents de santé. Ainsi,
« l'enquête nationale sur la prise en charge des cas
d'infections respiratoires aiguës et la référence des cas
graves de diarrhée chez les enfants de moins de 5 ans »
(Anonymous, 2000), n'a pas pu observer un cas de référence entre
les CSI ruraux et l'hôpital de district.
Déjà la mise en place d'un système
d'ambulance - radiophonie change sensiblement le taux de
référence. A Tahoua, le taux de référence a
augmenté d'un facteur 7 environ, suite à l'introduction du
service (de 2,4 en 1998 à 16,4 en 2001). Cette augmentation
spectaculaire a été possible parce que le taux de
référence de départ était extrêmement bas. Ce
taux de référence constaté à Tahoua en comparaison
avec d'autres districts sanitaires est fortement influencé par le milieu
urbain où les taux de référence sont toujours beaucoup
plus élevés. Malgré cette hausse, le système de
référence comporte beaucoup de lacunes surtout pour les
`références à froid'.
Pour mieux structurer les discussions, les difficultés
autour du système de référence seront réparties en
trois types de barrières. Il est évident que ces barrières
montreront encore des interactions entre elles rendant la réalité
toujours plus complexe. Le fait que peu de données de la présente
étude sont quantifiables, ne facilite pas la tâche.
Les barrières retenues sont:
v La barrière « physique » qui
comporte les facteurs géographiques, les difficultés autour du
transport, les coûts.
v La barrière « culturelle » qui
comporte les facteurs dépendant du patient ou de son entourage :
les facteurs dans le domaine de l'anthropologie de la santé et de la
maladie, les croyances traditionnelles, la crédibilité des
institutions sanitaires (CSI et CHD), la qualité de la relation entre
l'agent de santé, le patient et sa famille, du point de vue du
patient.
v La barrière « du système de
santé » qui englobe les attitudes et le comportement des
agents de santé, leur relation avec la société et le
patient en particulier, la crédibilité et la qualité des
soins au CHD (du point de vue de l'infirmier), la gamme de soins offerts et la
politique nationale en la matière.
4.1- les barrieres physiques
Les infirmiers, la population et les patients ont
indiqué tous que les barrières physiques par rapport au
système de référence sont très importantes. Les
moyens de transport des villages vers la ville de Tahoua sont rares, à
l'exception des jours du marché. En plus, le prix du transport joue
beaucoup.
Le prix du transport, souvent plus élevé que les
frais de l'hospitalisation, combiné avec les dépenses secondaires
(nourriture, surtout des accompagnants, leur logement, la corruption, le retour
au village) constituent une véritable barrière financière,
au-delà des frais de l'hospitalisation. La location d'un véhicule
pour un malade coûte environ 35.000 f CFA pour 56 km (distance CSI de
Edir vers le CHR de Tahoua). L'ambulance (à un taux fixe de 85 f CFA par
km, à payer aller retour) coûterait à peu près
10.000 f CFA, l'équivalent du prix d'une césarienne au CHD. Pour
les patients qui viennent des CSI les plus éloignés, le
coût de l'ambulance vaut 3 fois l'intervention et jusqu'à 6 fois
s'il s'agit d'un véhicule privé. Les mêmes constats ont
été faits au Burkina Faso et Sierra Léone (Coulybali et
al. , 2000; Samai and Sengeh, 1997). Le coût élevé du
transport s'explique aussi par des distances énormes qui existent entre
les CSI et le CHD et le mauvais état des pistes, comme cela a
été décrit aussi par exemple au Kenya (Macyntyre and
Hotchkiss, 1999).
Des dépenses importantes sont souvent oubliées
dans les discussions sur le système de référence,
notamment le transport des corps des patients décédés de
l'hôpital vers le village. Ce transport coûte excessivement cher
à la famille et là où la famille ou l'entourage du patient
ne sont pas vraiment convaincus de la grande chance du patient de s'en tirer,
l'entourage forme un obstacle très important pour la
référence, avec plus de `pouvoir' que le patient même.
L'interview des patients référés a pu
démontrer que 17% des malades à Tahoua arrivent à pieds,
31 % utilisent la charrette 39 % ont accès à un véhicule
moderne, souvent à des coûts financiers énormes. La simple
disponibilité des moyens de transport reste encore un problème
sérieux à Tahoua. Cinquante-deux pour cent des patients
référés ont eu des problèmes financiers pour
respecter la référence et 39 % ont dû s'endetter.
La corruption était mentionnée plusieurs fois
dans les discussions avec la population. Elle pose une barrière
financière réelle pour les patients, plus qu'une barrière
culturelle apparemment, puisque la population n'a presque jamais attaqué
le principe de la corruption même. Cependant, il faut souligner que la
corruption n'a pas fait l'objet de l'étude et qu'il faudrait une
enquête en profondeur pour en dire quelque chose avec plus de
certitude.
La nourriture, pour le patient et pour les accompagnants
constitue aussi un frein pour l'utilisation des services hospitaliers.
Pour améliorer l'accessibilité de
l'hôpital de district, les dépenses `secondaires' devraient
être considérées et pas seulement les dépenses pour
se faire soigner. Mais les marges de manoeuvre à ce niveau sont
limitées. Un CHR est sensiblement plus coûteux qu'un hôpital
de district bien que la plupart des soins soient les mêmes.
Dans certains pays (Magassa et al. , 1996), le transport pour
les références d'urgence est partiellement pris en charge par le
centre de santé qui réfère le patient. Le recouvrement de
coûts permet aux CSI de disposer d'un fonds qui finance le transport des
patients référés d'urgence. Puisqu'il n'y a que peu
d'urgences parmi tous les nouveaux consultants au niveau d'un CSI, il ne s'agit
que d'une petite marge du bénéfice du recouvrement de coûts
qu'il faut investir pour le transport de ces cas. Pour ne pas tomber dans le
piège de sur-référence non plus, une contribution de la
part du patient devrait demeurer.
Pour les références à froid, la question
est plus difficile. Comment subventionner les frais de transport ? Est-ce
que ceci faciliterait vraiment la référence ? Est-ce que le
nombre de patients référés par les CSI permet d'organiser
leur transport de façon viable à partir d'un hôpital ?
Dans certains pays, ceci se fait déjà, mais le service est
partiellement subventionné et les taux de référence sont
beaucoup plus élevés. Les taux s'adapteraient probablement assez
vite dès que certaines barrières seraient levées.
Et quoi faire avec le transport des patients
décédés ? Leur transport constituerait quelle charge
au système de santé et quel serait l'impact sur
l'acceptabilité de la référence et donc sur l'utilisation
de l'hôpital ? Si l'utilisation de l'hôpital devenant ainsi
plus importante, les dépenses par rapport au transport pourraient
être considérées comme un investissement nécessaire
pour améliorer la viabilité de l'hôpital et pour
améliorer la santé de la population.
La présente étude ne peut pas répondre
à ces interrogations. Elle a permis en revanche de soulever ces
questions importantes qui pourraient être à la base d'un
changement au niveau de l'organisation du système de santé.
Surtout pour les références à froid, plusieurs
scénario de recherche action pour les faciliter pourraient être
entamés. Il existe déjà certaines expériences dans
d'autres pays comme par exemple au Kenya, où des assurances à
base communautaire facilitent le transport des patients (Macyntyre and
Hotchkiss, 1999).
4.2- la barriere
« culturelle »
Probablement la barrière
« patient » ne doit pas être exagérée.
La grande majorité des patients référés respectent
la référence. Le non-respect est le plus souvent lié
à des obstacles en dehors de leur pouvoir tels que le transport et
l'argent nécessaire pour entamer un tel voyage. En même temps il
faut relativiser ce constat puisqu'il pourrait exister un biais de
sélection : les infirmiers ne proposent la référence
qu'aux patients qui ne la refuseront pas. Les autres ne reçoivent
simplement pas la proposition.
Cette logique, que les patients veulent toutefois utiliser les
services semble trouver une confirmation dans le livre de J.P. Olivier de
Sardan qui explique la situation paradoxale de la médecine occidentale
dans les campagnes africaines : « très demandée
comme itinéraire thérapeutique , elle ne constitue pas encore un
`système de sens' alternatif aux systèmes de sens `traditionnels'
qui se situent pour une part dans un registre de `l'imputation', à
connotations `magico-religieuses', peuplé de génies et de
sorciers, et pour une autre part dans un univers plus prosaïque de la
`nomination'. » (de Sardan, 1995). En d'autres mots, bien que le
patient ne se retrouve pas dans le cadre explicatif des maladies dans la
médecine occidentale, il veut bien tenter sa chance si cela rapporte une
amélioration de sa situation.
Plusieurs indices existent et prouvent que les patients ne
comprennent que partiellement le système de référence. Ils
n'auraient pas bien compris la hiérarchie qui devrait exister entre
l'hôpital et les CSI. Ils estiment que la référence
représente un échec au niveau de l'infirmier, échec
ressenti comme tout naturel parce que l'être humain est limité de
toute façon. Il n'y a aucun indice que la population reproche quoi que
ce soit aux agents de santé si ces derniers avouent qu'ils n'arrivent
pas à soigner la maladie et qu'aux yeux des patients, le prestige des
infirmiers serait en jeu. Mais cette notion de voir la référence
comme une suite logique après un échec, expliquerait
partiellement pourquoi les patients insistent d'être pris en charge
d'abord au niveau du CSI et qu'une référence immédiate est
peu acceptable sans les explications des infirmiers sur la probabilité
de recevoir une réponse favorable à leur problème. Ils
pensent aussi que souvent les moyens manquent, mais qu'ils devraient être
disponibles au niveau du CSI et que peut-être s'ils insistent,
l'infirmier sortira quand même ses derniers médicaments de quelque
part. Ceci est peu étonnant en perspective de la situation historique
où les CSI, jusqu'à récemment, ne disposaient que de
très peu de médicaments et que les médicaments
étaient nécessairement dispensés à compte
goutte.
Une autre barrière est constituée par l'angoisse
du patient. Au niveau individuel mais aussi dans les focus groups, l'angoisse a
été mentionnée comme une émotion forte qui pourrait
émerger lors d'une référence. La peur peut jouer un
rôle différent selon les circonstances et la personnalité
du patient. Une personne peut utiliser son angoisse comme moteur pour agir, par
contre, pour d'autres, il s'agit plutôt d'un facteur qui paralyse. Cette
angoisse ne se trouve pas seulement au niveau du patient mais aussi au niveau
de son entourage. L'angoisse est nécessairement subjective. Elle peut
pousser les gens à réfuter la référence tandis que
la situation n'est peut-être pas si désespérée que
ça.
La plupart des patients mentionnent ne pas savoir pourquoi ils
ont été référés. Les patients et la
population en général indiquent qu'il faut
« obéir » à l'agent de santé
et que « c'est le papier qui parle ». Il
s'agit d'une relation de soumission, plutôt que d'une relation qui permet
la discussion et donc la compréhension. Les enquêtes n'ont pas pu
dévoiler si la communauté ressent cette situation comme
embarrassante ou pas.
La barrière de croyances traditionnelles est
étroitement liée aux incompréhensions des maladies
déjà mentionnées. Beaucoup de maladies sont dites
`traditionnelles' et les gens consulteraient d'abord le guérisseur pour
ces maladies. Mais même s'ils ne comprennent pas tout ce qui se passe au
niveau de la médecine moderne, les gens tentent leur chance. Thierry
Berche donne l'exemple de l'épilepsie pour expliquer que si l'offre est
là, les patients utiliseront les services :
« Ces maladies (épilepsie, folie,
lèpre, maladies dites traditionnelles) devraient donc
théoriquement être prises en charge exclusivement par les
guérisseurs spécialisés. Or, depuis fin 1988, un programme
de prise en charge des malades épileptiques a été
lancé par le service de santé (...), et très vite,
« la demande a dépassé l'offre » et de
nombreux malades ont afflué vers les centres de santé où
ils suivent encore régulièrement un traitement
chimiothérapeutique simple qui fait disparaître les crises en
quelques mois, alors que le traitement « traditionnel » n'y
parvenait pas... » ( Berche, 1998, p 113).
De nouveau, le cadre explicatif des maladies n'empêche
pas aux patients d'utiliser les services.
L'étude a mis en exergue le recours des populations et
des patients aux guérisseurs traditionnels. Non seulement, ceci peut
constituer un retard important avant que le patient ne se présente au
niveau du CSI, mais les patients y dépensent des sommes exorbitantes qui
augmentent la barrière financière. Les patients ont
mentionné des sommes comme 50.000 f CFA ou encore « 7
chèvres ». Pourtant, au regard des coûts secondaires
élevés (pour le patient et pour la société),
liés au système de santé moderne, il n'est pas si
sûr que le guérisseur soit plus cher que l'hôpital.
Mais ces croyances traditionnelles n'empêchent pas
réellement l'utilisation des services si les soins traditionnels n'ont
pas donné de résultats satisfaisants.
Devisch (Devish,1993) écrit que `l'hospitalisation' au
niveau d'un guérisseur symbolise le retrait du patient et une
régression dans un état prénatal (la case du
guérisseur est comparée à un utérus). La
période de la maladie doit permettre au patient de se rétablir
complètement sur tous les domaines, psychique, social et existentiel,
avant de quitter la case et de renaître dans le monde. Est-ce à
cause de cela que les patients ne voient pas clairement la différence
qualitative entre une hospitalisation au niveau du CSI et au niveau d'un
hôpital ? Ceci mériterait une étude anthropologique
approfondie qui dépasse ce mémoire. Toutefois, on peut retenir
que l'utilité de l'hôpital dans l'opinion de la population, et
donc son utilisation, dépend de plusieurs facteurs culturels complexes
et que notre compréhension reste sûrement incomplète.
D'autres barrières culturelles identifiées sont
la tendance nette de la société à négliger
relativement les maladies des petits enfants et l'obligation morale des
villageois de visiter le malade hospitalisé. Le poids qui repose sur la
population de visiter les malades hospitalisés rentre comme un des
arguments réels dans la dynamique de la prise de décision par
rapport au respect de la référence.
4.3- LES BARRIERES INSTITUTIONNELLES : la
communication et l'empathie envers le patient.
L'empathie peut être définie comme la
capacité d'une personne à reconnaître et comprendre les
problèmes d'autrui et à l'aider à trouver les solutions
appropriées La satisfaction du patient dépend largement de la
qualité de sa communication avec son agent de santé (Bensing,
1993). Quand le patient consulte pour une maladie, il se sent malade. En
général il ne sait pas de quoi il souffre et il cherche une
amélioration de sa situation pour pouvoir se sentir et fonctionner
mieux. Sa personnalité et sa perception de la maladie et la santé
en général, jouent un rôle primordial dans le processus de
la consultation. La maladie est toujours accompagnée d'une
émotion particulière et personnelle.
A travers sa connaissance de la médecine, l'agent de
santé se trouve dans une position de pouvoir vis-à-vis de son
client. Pour lui, la guérison est un but, pour le patient, il s'agit
aussi de pouvoir vivre `agréablement'.
Schématiquement ce processus peut être
résumé comme suit (41) :
Figure N°5 : Le patient au
coeur des soins
La situation initiale
Le patient
v Malade
v `Ignorant' en matière santé
v Sa personnalité
L'agent de santé
v Connaissance
v Culture scientifique
v Sa personnalité
Processus de communication et de
négociation
v Ecouter activement
v Interprétation participative
v Négociation des solutions
v Formulation d'une stratégie
v Discussion
sur la motivation
Le résultat recherché :
v Partage de pouvoir
v Relation de partenariat
v Engagement de l'agent de santé
Source :
Dr Bossyns P.
Durant la consultation, le médecin doit essayer de
comprendre son patient en écoutant activement et en
réfléchissant ensemble avec le patient sur son problème.
La compréhension est suivie d'une négociation des solutions
possibles, tout en formulant des stratégies et en motivant le patient.
Le résultat final est un `contrat' entre le médecin et son
patient sur la gestion de la maladie (ou du problème).
Ce type de communication est difficile et est
accompagné d'une certaine perte de pouvoir de l'agent de santé,
ce qui explique la résistance de celui-ci pour un engagement
sincère en ce sens (Bossyns, 2000).
Les patients individuels et la population dans les focus
groups confirment, sans pour autant protester ouvertement, que la communication
avec les agents de santé est plutôt minimaliste :
« C'est le papier qui parle ». La grande majorité
des patients ne savent pas trop bien pourquoi ils ont été
référés.
Déjà en discutant des
généralités, il était postulé que la
référence est une situation où le degré d'empathie
définira son succès. Il s'agit souvent de malades avec des
problèmes de santé complexes et qui vivent souvent en plus de
fortes émotions. L'infirmier doit laisser tomber sa situation de pouvoir
pour `avouer' son impuissance devant le malade. Tandis que l'hospitalisation du
malade à son niveau augmenterait son prestige et donc son pouvoir
auprès de la population, il a le sentiment de perdre du pouvoir face
à une référence. La résistance de l'infirmier de
référer des patients se montre aussi dans le fait que les
infirmiers accusent beaucoup les SPT qui les obligent à
référer tous, un constat purement basé sur des craintes et
pas sur la réalité. Mais les SPT sont négativement
appréciées dans le sens qu'elles identifient les cas à
référer sans trop de discussion ou d'interprétation
possible.
A partir des réponses des infirmiers, on peut
déduire qu'ils ne comprennent pas grand chose de cette dynamique
`d'empathie'. Très peu ont mentionné par exemple l'angoisse que
les patients pourraient éprouver. Les patients sont `coupables' s'ils
refusent la référence. Les infirmiers ne semblent pas
réaliser ce que ça pourrait signifier pour un patient de devoir
signer un papier de décharge devant une référence
refusée.
Ce manque de communication et d'empathie a été
observé à d'autres occasions au Niger, tout comme dans beaucoup
de pays de la sous-région. Au Cameroun, une sage-femme l'a
exprimé comme suit : « Les malades ne sont pas bien
reçus, mais beaucoup ne comprennent rien à ce qu'on leur
dit » (Hours, 1985). A l'occasion d'une discussion en groupe avec les
infirmiers de Ouallam sur la planification familiale, exactement la même
expression a été utilisée par un des agents de
santé.
Avec le développement des concepts de management total
de la qualité (Bossyns, 2000), la satisfaction du client, ici le
patient, est considérée comme aussi importante que la
qualité du produit, ici la guérison physique.
Dans une étude menée à Niamey sur la
qualité des soins (Souley, 2000), l'auteur observe le manque de
véritable communication à travers le `pouvoir du papier et du
stylo' : « A notre sens, l'omniprésence du stylo et du
papier, ainsi que les problèmes d'accueil évoqués plus
haut, témoignent d'un sérieux déficit de
communication ».
Les résultats de l'étude ont montré que
l'infirmier maîtrise peu les enjeux liés à la
référence. Il ne sait donc pas bien orienter la communication
avec le patient et ne sait pas trop comment le persuader par exemple.
La résistance des infirmiers envers la
référence se situe sur deux plans, étroitement
liés. D'un côté, ils essaient d'éviter de montrer
leur incapacité devant certaines situations ou maladies, de l'autre
côté les lits d'hospitalisation leur donnent une
opportunité d'augmenter leur prestige à travers les
hospitalisations. Les patients hospitalisés peuvent représenter
des cas qui auraient dû être référés, mais
aussi des situations moins graves qu'ils essaient de dramatiser pour leur
propre gloire. La résistance contre toute instruction (SPT, PCIME) qui
représente un contre-poids puisqu'elle indique de façon assez
stricte quand il faut référer, doit être
interprétée comme une rationalisation de leur part : les
infirmiers accusent les instructions pour justifier leur approche.
Ceci dit, il faut souligner de nouveau que l'étude n'a
pas pu trouver un comportement uniforme parmi les infirmiers. Il existe une
grande disparité entre les différents CSI et on a constaté
une absence de règle générale dans l'attitude des
infirmiers. Cette absence répandue dans le pays d'une ligne
générale montre qu'il existe des lacunes dans la politique
sanitaire.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
Le système de référence est un
système dont la complexité est souvent sous-estimée. Ceci
explique pourquoi il est largement négligé dans la
littérature de santé publique.
Sa complexité est due aux facteurs matériels et
humains qui sont liés étroitement les uns aux autres. Les
facteurs humains, aussi bien du côté du patient que du
côté des agents de santé avec à chaque partie ses
émotions, croyances et comportements, font que les observations
répondent peu à des catégories standardisées, mais
sont plutôt spécifiques.
Le faible taux de référence au Niger peut
être compris à travers un mécanisme d'un cercle vicieux.
Les réticences du patient pour être référé,
liées à son angoisse et à son incompréhension du
système médical `moderne', se voient renforcées par
l'attitude des agents de santé considérant la
référence comme une perte de prestige et préférant
rester dans leur position de pouvoir vis-à-vis du patient. Les deux
parties se trouvent en même temps devant des barrières
financières et géographiques souvent très importantes. Le
troisième acteur important dans le système de
référence est l'hôpital de district qui souvent n'a pas
encore un niveau de qualité et de quantité de soins pour
établir une forte crédibilité auprès des patients
et des infirmiers.
Figure N°6 : Le défi d'un cercle
vicieux pour le système de référence :
Les patients
v Barrière financière et
géographique
v Incompréhension du système de
référence
v Croyances sur les maladies
v Patient peu émancipé
L'Hôpital de district
v Une gamme de soins incomplète
v Faible qualité des soins / accueil
v Inexistence de la
contre-référence
Les agents de santé
v Prestige à travers
l'hospitalisation
v Incompréhension du système de
référence et sa place dans le système de
santé
v Manque d'empathie et de communication avec les
patients
v Incompréhension sur le mandat spécifique
de la première ligne de soins
Source :
Dr. Bossyns P. 2000
Pour briser ce cercle vicieux, il faut des efforts à
tous les niveaux avec des synergies vers le même but. Les hôpitaux
de districts doivent nécessairement augmenter leur performance pour
pouvoir réclamer les patients non référés
jusqu'ici. Le système de santé devrait faciliter le transport des
malades aussi bien pour les urgences que pour les références
à froid. L'infirmier doit être conscientisé sur le
système de référence et sur son attitude envers le
patient. Il doit apprendre des techniques de communication verbale et
non-verbale et la dynamique des relations entre l'agent de santé et le
patient.
L'actuelle politique sectorielle de santé reste peu
explicite sur le fonctionnement du système de référence
qui y est largement négligé. Les expériences avec le
service ambulance à Ouallam et Tahoua restent marginales par rapport
à la politique officielle. Sur le transport des malades non urgent ou
les autres barrières liées à la référence,
très peu de réflexions sont engagées. Pourtant, ce faible
taux de référence met en danger la viabilité et
l'efficacité des hôpitaux de district et est à la base
d'une surmortalité puisque beaucoup de patients n'arrivent pas au CHD,
alors qu'ils devraient être pris en charge à ce niveau.
Le taux de référence pourrait constituer un des
indicateurs de qualité de la performance du système de
santé global. Puisqu'il existe un repère, il est possible
d'identifier un déficit en référence. Tant que le
déficit reste très important, le `taux de repère' peut
rester peu précis.
Les résultats de l'étude sur les
déterminants du faible taux de référence des CSI ruraux
vers le deuxième échelon, dans le district sanitaire de Tahoua a
pu confirmer plusieurs hypothèses de départ :
v La
qualité de la communication
Il ressort de l'étude un déficit de dialogue
entre les prestataires de soins et les patients lors d'une proposition de
référence. Ceci semble être confirmé et par les
infirmiers eux-mêmes et par les patients.
v Les
hospitalisations au niveau CSI
Les infirmiers ont confirmé que les hospitalisations
à leur hauteur augmentent le prestige de l'agent. La population semble
apprécier ces hospitalisations et renforce donc la tendance à
préférer l'hospitalisation locale à la
référence.
v L'impact
de la référence sur le prestige des infirmiers
Les infirmiers ont l'impression que la référence
agit négativement sur leur prestige. La population et les patients
jugent d'une part la référence comme une bonne chose et d'autre
part reconnaissent immédiatement les contraintes qui en sont
liées. Cette ambiguïté de la population envers la
référence n'encourage pas les infirmiers à s'investir dans
un bon dialogue pour convaincre les patients de la nécessité
d'une référence.
v Les
obstacles à la référence
Ont été identifiés comme obstacles :
ü Le problème de transport et son coût
ü La perception négative envers
l'hôpital
ü Les problèmes financiers en
général
ü La corruption
v Les
barrières culturelles (le recours au guérisseur traditionnel)
L'utilisation du guérisseur traditionnel est
très répandue. Elle explique plutôt un retard pour la
population dans l'utilisation des services dits modernes et donc de la
référence ainsi qu'une véritable barrière.
Au regard de ce qui précède, quelques
recommandations seront formulées en guise de contribution pour
l'amélioration et le renforcement du système de
référence au Niger en général et dans le district
sanitaire de Tahoua en particulier. Elles sont entre autres :
POUR LE MINISTERE DE LA SANTE PUBLIQUE
Ø Formuler une politique nationale actualisée
sur le système de référence, tenant compte des
barrières réelles, des exigences médicales et des mandats
spécifiques des différentes structures sanitaires.
Réglementer avec plus de précision les mises en observation au
niveau des CSI.
Ø Identifier une norme approximative d'un taux de
référence acceptable pour le Niger.
Ø Adopter une politique autour d'un service
d'évacuation des patients.
Ø Accélérer la création
d'hôpitaux de district fonctionnels avec un bloc opératoire.
Ø Accélérer la mise en oeuvre du
programme de formation pour la chirurgie de district.
Ø Renforcer la gamme des soins des hôpitaux de
district avec certains soins ophtalmologiques, soins dentaires, soins ORL, lits
d'observation intensive.
AU NIVEAU DU DISTRICT SANITAIRE
Ø Introduire des bulletins standardisés et
obligatoires de `mise en observation' au niveau des CSI pour tous les patients
qui restent plus de deux heures sous observation. Utiliser
systématiquement les bulletins d'observation pendant la supervision du
CSI, dans le cadre de la formation continue.
Ø Revoir systématiquement tous les patients mis
en observation présents lors de la visite de supervision.
Ø Organiser une formation pour les infirmiers sur le
système de référence, tout en clarifiant (entre autres) la
différence entre une mise en observation d'un patient, une
hospitalisation ou simplement `loger quelqu'un'.
Ø Former les agents de santé en dynamique de
communication entre un agent de santé et son patient afin
d'améliorer cette interaction entre personnes et renforcer ainsi la
qualité des soins.
Ø Intensifier le dialogue avec la population à
travers les comités de santé des CSI et l'animation villageoise
à ce sujet.
Ø Sensibiliser les matrones à
référer à temps au CSI et assurer leur formation
continue.
Ø Former les agents de santé (de nouveau) en
SPT et PCIME tout en révisant ensemble les critères de
référence et leur applicabilité sur le terrain.
Ø Discuter du système de
référence avec la population, à travers les comités
de santé dans chaque CSI en expliquant la spécificité
différente du mandat et de la qualité des soins des CSI et de
l'hôpital de district.
Ø Organiser le monitorage quantitatif et qualitatif du
système de référence et des patients `mis en
observation'.
Ø Augmenter la gamme des soins au niveau des
hôpitaux : Prise en charge de la malnutrition, les traumatismes, le
paquet d'ophtalmologie, ORL et les soins dentaires, la chirurgie de
district.
Ø Organiser des recherches opérationnelles sur
le transport des patients avec plusieurs options de financement, comme par
exemple la création des caisses villageoises, une subvention et/ou un
système de crédit à partir des recettes des CSI, etc.
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