L'essor de la micro-assurance en Afrique : enjeux et perspectives.( Télécharger le fichier original )par Hubert DADEM GNIAMBE Institut international des assurances (IIA) de Yaoundé ( Cameroun) - Cycle III 2010 |
CHAPITRE II - LES FONDEMENTS DE LA MICRO-ASSURANCESi la micro-assurance s'impose de plus en plus dans les stratégies de lutte contre la pauvreté aussi bien que dans les politiques d'extension du marché de l'assurance, c'est parce que les efforts jusque là déployés pour lutter contre la pauvreté se sont tous soldés par un échec plus ou moins retentissant. Qu'il s'agisse de l'Etat providence, de l'Aide Publique au Développement, du Plan d'Ajustement Structurel ou même de l'initiative PPTE19(*), tous ont présenté des insuffisances. Le marché de l'assurance classique n'a pas pu procurer aux couches sociales défavorisées la protection nécessaire pour leur permettre de remonter la pente. Il a donc fallu trouver des alternatives, tant pour des préoccupations sociales que pour garantir au marché de l'assurance de la visibilité. De par sa nature double, la micro-assurance représente aujourd'hui l'une des meilleures chances de réaliser cet objectif. Section I- La dégradation de la protection sociale
L'expansion de la pauvreté dans le monde (P1), l'insuffisance et l'inadaptation des couvertures sociales existantes (P2) ont progressivement contribué à dégrader considérablement la protection sociale gage de tout développement économique. Paragraphe1. L'expansion de la pauvreté dans le monde et particulièrement enAfrique La pauvreté est l'insuffisance de ressources matérielles comme la nourriture, l'accès à l'eau potable, les vêtements, le logement, et des conditions de vie en général, mais également de ressources intangibles comme l'accès à l'éducation, l'exercice d'une activité valorisante, le respect reçu des autres citoyens.20(*) La pauvreté est généralement considérée comme un phénomène multidimensionnel mais nous n'en retiendrons que les dimensions pécuniaire et de « pauvreté humaine ». La pauvreté pécuniaire ou de revenu monétaire est estimée au moyen de seuils de pauvreté ; un individu étant considéré comme pauvre lorsque son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté choisi. Différentes définitions de ces seuils existent. Les pays développés utilisent généralement le seuil relatif qui est fixé par rapport à la distribution des niveaux de vie de l'ensemble de la population, avec comme référence le revenu médian. Eurostat fixe le seuil de pauvreté relative à 60% du niveau de vie médian des européens. Pour les pays en développement, on utilise l'approche absolue qui consiste à fixer le seuil en fonction d'un panier de biens alimentaires et non alimentaires nécessaires à la survie quotidienne. Outre la dimension pécuniaire, la pauvreté s'exprime sous des dimensions regroupées sous l'appellation « pauvreté humaine ». Il s'agit des dimensions sanitaire, éducationnelle, sociale et politique de la pauvreté. Le Programme des Nations Unies pour le Développement a créé en 1990 l'indice de développement humain, puis deux indicateurs synthétiques de pauvreté : l'IPH-1 et l'IPH-2 (Indicateur de Pauvreté Humaine). La Banque Mondiale a fixé en 2008 le seuil de pauvreté international à 1,25 dollar par jour. Et pour les pays à revenu intermédiaire elle précise qu'il convient de fixer ce seuil à 2 dollars par jour. Selon ce nouveau seuil de pauvreté de 1,25 dollar par jour, environ 1,4 milliard de personnes dans le monde vit sous le seuil de pauvreté. Elle estime qu'en prenant le seuil de 2 dollars par jour, 2,6 milliards de personnes vivent sous ce seuil.21(*) Pour essayer de maîtriser le phénomène à l'échelle mondiale, l'ONU22(*) a mis en place un plan de réduction de la pauvreté au sein de ses Objectifs du Millénaire pour le Développement ratifiés en 2000 par les Etats membres ; le premier de ces objectifs était de réduire la pauvreté de moitié à l'horizon 2015. Manifestement il ne sera pas atteint. Certains auteurs pensent que les méthodes d'évaluation de la pauvreté utilisées par la Banque Mondiale sont « extrêmement douteuses » et qu'il y a des raisons de penser qu'avec une méthode plus plausible on observerait une tendance plus négative et une pauvreté beaucoup plus étendue23(*). Tel est l'avis du professeur Thomas Pogge qui pense que les seuils établis par la Banque Mondiale « n'ont aucune valeur » notamment parce que les parités du pouvoir d'achat utilisées surestiment fortement ce que les ménages pauvres peuvent acheter comme produits de première nécessitée et parce que la Banque Mondiale a pris en considération les prix de tous les produits selon leur part dans la consommation domestique des particuliers, au lieu de se limiter aux prix des produits de première nécessité qui sont seuls pertinents. Pogge critique en plus la signification du mot « pauvreté » telle que retenue par la Banque Mondiale et met au défi quiconque réussirait à s'en sortir avec seulement 41 dollars actuellement retenus comme seuil de pauvreté mensuel.24(*) Quoi qu'il en soit, nombre d'autres estimations de la pauvreté dans le monde avancent des chiffres nettement plus élevés par rapport à ceux de la Banque Mondiale. Ainsi depuis la première conférence internationale sur la micro-assurance de 2005, il est unanimement avancé que 4 milliards de personnes dans le monde vivent avec moins de deux dollars (US) par jour. Ce même nombre est donné par Prahalad pour désigner les populations qui occupent le bas de la pyramide. Pour sa part, l'OIT25(*) estime que près de 3 milliards de personnes dans le monde ne survivent qu'avec 2 dollars des Etats-Unis ou moins par jour.26(*) En Afrique, la pauvreté empêche le continent de tirer parti de son immense potentiel. L'Afrique comprend 61 entités politiques, dont 53 Etats, et ses 30 368 609 km² représentent 20,3% des terres émergées du globe. La population africaine, estimée à 922 millions en 2005, a doublé depuis 1980. On pense que l'Afrique a passé le cap du milliard d'habitants en 200927(*). Environ 30% des ressources minérales mondiales se situent dans le sous-sol africain bien qu'elles soient pour l'instant mal exploitées et les richesses mal redistribuées poussant ainsi 46% de la population du continent à vivre sous le seuil de pauvreté. Selon John May, démographe à la Banque Mondiale, la population de l'Afrique subsaharienne devrait doubler d'ici 2036. Ce qui constitue un véritable défi pour le continent qui doit fournir davantage d'efforts pour sortir du sous développement. * 19 Pays Pauvre Très Endetté * 22 Organisation des Nations Unies * 23 Thomas Pogge, « les instruments que mobilise la Banque Mondiale pour mesurer la pauvreté dans le monde sont-ils satisfaisants ? » ;disponible sur http://wikiwix.com * 24 Thomas Pogge, « Que savons-nous de la pauvreté dans le monde ? », 2006.Disponible sur www.mondialisation.ca * 25 Organisation Internationale du Travail * 26 « Le points sur la pauvreté en Afrique » par l'OIT. Disponible sur www.ilo.org * 27 « Géographie de l'Afrique » ; http://fr.wikipedia.org |
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