L'expression du réel dans l'honneur perdu d'Amadou Ousmane.( Télécharger le fichier original )par Abdoulaye DOUMARI DOUBOU Université Abdou Moumouni de Niamey Niger - Maà®trise es-lettres 2010 |
III.2 Le roman miroir ou l'objectivité narrativeIl s'agit de prime abord d'insister sur une des spécificités de la narration, notamment la focalisation ou le point de vue du narrateur. En effet, elle se résume en trois formes. Tout d'abord, on distingue la focalisation interne selon laquelle le narrateur a une perception limitée ou subjective de l'histoire, car il fait percevoir la scène à travers l'oeil ou les pensées d'un personnage. Ensuite, l'énonciateur peut être le témoin des événements lorsqu'il observe de l'extérieur les actions des personnages. C'est ce qu'on appelle focalisation externe. Ce type de point de vue est déterminant au sens où il paraît dominant dans le roman qui fait l'objet de l'analyse. Il permet également de déterminer la dimension impartiale voire même objective du récit. Enfin, il y a lieu d'analyser l'omniscience du narrateur, c'est-à-dire sa vision d'ensemble de l'espace aussi bien que du temps romanesques. Le roman est « un miroir que l'on projette le long d'un chemin »70(*) affirme Stendhal depuis 1830, puisqu'il a le rôle d'image dans la société. L'acception stendhalienne du roman semble dire que l'oeuvre d'imagination exprime a priori le choix de l'écrivain, censé tenir le miroir reflétant les personnages. Le Rouge et le noir71(*) est un roman conçu à partir d'un fait divers dénommé l'affaire Berthet : « Antoine Berthet était un séminariste, devenu précepteur, qui venait d'être guillotiné pour avoir tiré deux coups de pistolet sur la femme d'un notable, Mme Michoud, qui avait été sa maîtresse. »72(*) En effet, l'auteur du Rouge et du noir s'est inspiré d'un fait divers pour exprimer le réel au plan narratif et même du récit. En paraphrasant Roland Barthes, on constate que le roman se caractérise par la prédominance de la troisième personne du singulier :''il''. Dans l'Honneur perdu, le narrateur est omniscient, puisque son degré de connaissance est supérieur à celui des personnages, il maîtrise également le cadre spatio temporel dans lequel ils se déplacent. Il affirme qu' « Ils ( les paysans ) savaient tout cela, et bien plus encore, car ils avaient vu récemment à la télévision, un éminent économiste expliquer que le multipartisme, autrement dit `'la nouvelle société'' qu'on venait leur proposer sur un plateau d'argent, était en réalité une exigence des bailleurs de fonds des pays `'amis'' ou institutions internationales qui avaient toujours dicté leur volonté aux dirigeants du Tiers monde, et qui maintenant, entendaient que l'aide extérieure soit désormais liée à la démocratie pluraliste. » 73(*)En effet, l'énonciateur est un démiurge connaissant la volonté, les pensées des personnages. Chez l'auteur de L'Honneur perdu, la narration est une façon de raconter le réel, des faits vrais tel que le néocolonialisme, le fait que l'Occident impose la démocratie aux Etats africains sous peine de refuser l'aide extérieure. La narration permet de voir un discours romanesque transposé, c'est-à-dire que le style est indirect puisque « les paroles ou les actions du personnage sont rapportées par un narrateur qui les présente selon son interprétation (+ ou - distant) ».74(*) Le narrateur dans le roman d'Amadou Ousmane est omniscient, parce qu'il ne donne pas au personnage la latitude de s'exprimer, il prend lui en charge lui-même le fait de raconter. Les faits sont en fait narrés avec réalisme. Autrement dit, ils ne sont pas idéalisés. En revanche, l'Honneur perdu semble refléter à la fois l'être fictif dans ses actions et son intériorité. De ce fait la conscience du personnage, ses pensées et états d'âme font l'objet de représentation au point de susciter la vraisemblance, d'où l'objectivité narrative. De même, le Rouge et le noir est vu comme un `'roman psychologique'', car on observe l'évolution de la psychologie des personnages tels que Julien Sorel et Mme de Rênal. « Dans le Rouge te le noir, Julien Sorel fait l'objet d'une étude approfondie. Ambition, amour, passé, tout est analysé. Le lecteur suit avec un intérêt croissant les méandres de sa pensée, qui conditionnent ses actions. Mathilde de la Mole et Madame de Rênal ne sont pas en reste. Leur amour pour Julien, égal l'un à l'autre, sont mis en perspective. Tout le monde est mis à nu sous la plume de Stendhal. »75(*) Ce roman est non seulement une chronique de la société française du XIXè siècle qui tente de restaurer la monarchie au détriment de la bourgeoisie, mais également, il exprime une certaine crise de la conscience due à l'ennui. Le héros stendhalien tente ainsi de se libérer. Julien Sorel tout comme Doudou Workou sont animés de passion, d'énergie et d'ambition. Gérard Genette a répertorié « cinq fonctions qui exposent le degré d'intervention d'un narrateur au sein de son récit, selon son impersonnalité ou l'implication voulue.»76(*) On a la fonction narrative qui représente la fonction de base, dans la mesure où tout récit, qu'il soit à narrateur absent ou non dans le texte, assume le rôle d'impersonnalité. Dans l'Honneur perdu, l'auteur a ainsi confié l'histoire à un narrateur hétérodiégétique, puisqu'il est absent du récit, mais rapporte les paroles et actions des personnages. On y retrouve également la fonction testimoniale par laquelle le narrateur atteste la vérité de son histoire, le degré de précision de sa narration. « ...partout à travers le monde les régimes autocratiques sont en train de s'effacer pour laisser s'éclore les libertés. »77(*) Pour l'énonciateur, le processus de démocratisation du Bamoul est un fait presque évident qui concerne tous les pays, d'où il veut attester la véracité de l'histoire qu'il raconte. Quant à la fonction idéologique de la narration, elle consiste selon Genette à interrompre l'histoire en vue d'apporter un propos didactique. C'est ainsi que le narrateur entend que le progrès d'un pays est indéniable si les citoyens ne sont pas intègres et patriotes à l'image du Général Okala. Au regard de l'analyse, le discours narratif dans l'oeuvre d'Amadou Ousmane tend vers l'objectivité. Ce qui s'explique par le choix du narrateur qui tente de raconter les faits tout en restant impartial. L'emploi du `'il `' et l'omniscience dont il fait montre sont donc illustratifs. * 70 F : /Le rouge et le noir-wikipedia-mht * 71 Stendhal, Le Rouge et le Noir, Presses pocket, 1990. * 72 F : /Le rouge et le noir-wikipedia-mht * 73 L'Honneur perdu, op. Cit, p. 44 * 74 File:// fr. Genette Narratologie Signo Théories sémiotiques appliquées.htm. * 75 F:/ le Rouge et le noir- Wikipédia-org. * 76 File:///Genette-Narratologie-Signo-Théories sémiotiques appliquées.-htm. * 77 L'Honneur perdu, op.cit, p69. |
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