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L'expression du réel dans l'honneur perdu d'Amadou Ousmane.

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par Abdoulaye DOUMARI DOUBOU
Université Abdou Moumouni de Niamey Niger - Maà®trise es-lettres 2010
  

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I.2 L'adéquation du titre au contenu

D'ordinaire, le titre d'un roman n'est ni fortuit ni gratuit. Au contraire, il reflète le choix de l'auteur qui lui confère un sens latent ou manifeste. Ainsi, celui d'une oeuvre peut être analysé tout naturellement ou revêtir une ambiguïté, c'est-à-dire résister à l'analyse, ou à tout rapprochement avec ce dont il va parler. Dans ce cas, sa compréhension nécessite la saisie totale du sens de l'ouvrage. Pour Henri Benac, le titre est : « Le nom, la désignation d'un livre ou d'un chapitre (...) d'une oeuvre artistique, etc. »27(*) On constate qu'il est d'une importance capitale au point où Benac l'assimile même à la dénomination et à l'identité même du livre, d'où le titre semble offrir une information sur le contenu global d'un roman, puisqu'il permet de découvrir l'intention de l'auteur.

En considérant l'Honneur perdu l'on étudiera le titre en rapport avec sa concordance au contenu. Il apparaît une nette ressemblance entre la désignation de cette oeuvre et le thème principal. Quelles connotations Amadou Ousmane en confère-t-il ? Le roman en question aborde la thématique de la démocratisation au Bamoul à l'issue de laquelle on note plusieurs mutations sociopolitiques ayant caractérisé le régime du Général Okala. C'est ainsi qu'il apparaît des foyers de tension çà et là, du fait que les syndicalistes réclament l'avènement du multipartisme alors que ceux qui détiennent les rênes du pouvoir s'y opposent. Une telle dissension donne à la titrologie de ce roman tout son sens par le fait que les dignitaires du régime tel que le colonel Workou pensent que le pouvoir est un honneur, voire un prestige qu'il faut sauvegarder scrupuleusement.

Dès lors, le titre l'Honneur perdu se focalise sur le statut de ce personnage qui répugne le système démocratique sous peine de perdre son poste. Pour le narrateur : « Lorsqu'au hasard d'un remaniement ministériel impromptu, le colonel Workou alors ministre d'Etat avait été relégué au rang de simple préfet, il avait d'abord très mal pris la chose. »28(*) Le pouvoir, ainsi que le fait de gravir certains de ses échelons est un privilège, un avantage sur lesquels se fonde l'honneur recherché par le Colonel Workou. Par contre la crise sociopolitique qui ébranle le Bamoul présage sa perte, une sorte de déclin.

On peut affirmer qu'il y a une adéquation entre la dénomination du roman d'Amadou Ousmane et son fond puisqu'il renvoie à l'histoire principale. En conséquence, il l'inscrit dans la perspective réaliste se fondant sur la coïncidence de ses éléments de la structure.

En outre, on remarque une généralisation du sens de l'oeuvre, au point où sa signification transcende la sphère d'un personnage, pour s'étendre à tous les dignitaires du régime. A l'exclusion du Général Okala, le chef de l'Etat, tous ses collaborateurs estiment qu'il faut, vaille que vaille préserver le pouvoir. C'est pourquoi l'énonciateur déclare en ces termes : « Persuadés que le président finirait, comme d'habitude, par leur donner raison, les officiers s'étaient alors quittés avec le sentiment que `'l'heure du multipartisme n'avait pas encore sonné'' pour leur pays. »29(*)

On remarque ici qu'Amadou Ousmane livre une information au sujet de certains politiciens de la IIè République du Niger qui, à ses yeux, ne veulent pas perdre les avantages que leur procure le pouvoir. Ils s'intéressent peu à la légalité. Vue l'harmonie qui lie la dénomination d'un roman au récit des faits, d'aucuns affirment que «  le titre peut jouer un rôle déterminant dans la signification de l'oeuvre. »30(*) En effet, le rôle que joue l'Honneur perdu, en tant que titre de roman est prépondérant car il offre un éclairage dans la compréhension globale du texte. Il est comme son résumé.

Amadou Ousmane emprunte dans son roman la technique réaliste, notamment au niveau de la structure, parce qu'elle est soumise à un ordre logique.

Tout de même, le titre de son oeuvre revêt une apparente ambiguïté plus ou moins perceptible à l'issue d'une approche rigoureuse. On peut dégager un second sens du titre lorsqu'on considère un autre personnage central du roman, en l'occurrence Doudou. Son statut social confère également à l'Honneur perdu tout son sens.

Ce jeune homme de vingt cinq ans recherche dès le bas âge l'identité de son père parce qu'il apparaît comme un enfant illégitime. Doudou recherche l'honneur ainsi que la dignité, parce qu'il est complexé, réduit parmi ses camarades, malgré sa responsabilité de représentant des étudiants dans la société.

C'est pourquoi, le choix de ce titre par Amadou Ousmane n'est pas anodin, mais une manière pour le rapprocher, sinon de l'assimiler au contenu du texte. Ainsi, le concept de l'honneur revêt chez lui une dimension à la fois socioculturelle et politique. Ainsi le narrateur nous met au courant, d'un dialogue de personnages qui oppose d'un côté, le Colonel Workou à son chef de cabinet, Fadel où l'on peut lire : «  Fadel jura dès cet instant-là de tout faire pour aider le colonel Workou à récupérer son enfant perdu. »31(*)

Il est question d'un enfant perdu qui, dans la perspective du roman met en lumière le bien fondé de l'Honneur perdu qui apparaît comme un titre non pas surprenant, ou déconcertant, mais clair, puisqu'il est intimement lié à l'évolution sociale et politique, thème phare du roman.

On peut rapprocher l'Honneur perdu d'un autre roman nigérien dont le titre s'identifie à l'histoire narrée. Le Représentant32(*) d'Idé Oumarou se focalise sur le personnage principal, Karim qui représente une circonscription. Celui-ci se sert de son pouvoir pour exploiter les pauvres citoyens. Siddo en est une illustration, car il l'a berné et exploité.

Les deux romanciers se contentent uniquement d'évoquer les termes `'honneur'' et `'Représentant'' sans volonté d'une quelconque explication. Ils incitent pareillement le lecteur à en dégager lui-même la signification. Ainsi, le narrateur affirme que «battant pour sa part tous les records de longévité à la tête de la circonscription, le successeur (le Représentant) de Fodé peut valablement se targuer d'être un jeune cadre bien noté (...). Il connaît aussi, par coeur, toutes les charges et tous les honneurs qui alourdissent, parfois, et parfois auréolent les fonctions de Représentant. » 33(*)En effet, l'auteur du Représentant se borne à critiquer les travers des institutions par le biais de son personnage dont le nom apparaît comme un titre honorifique, attribué à une haute personnalité.

De même que le titre du roman, l'Honneur perdu fait directement appel au contenu de l'histoire, les intitulés des chapitres en expriment aussi une adéquation. Cela est évident quand on considère quelques-uns, dans la mesure où ils évoquent soit l'intrigue principale, la perte du pouvoir par les militaires, soit les péripéties afférant à la condition sociale des personnages, tels que Akaya et même Doudou, son fils. En fait, '' l'officier tout terrain'' est le titre du second chapitre dans lequel on montre le colonel Workou comme un fervent opposant à la démocratisation de son pays. Il vise ainsi son propre son intérêt, son honneur, au détriment de l'intérêt général, contrairement au Général Okala. On constate que ce titre renvoie à la thématique développée, à laquelle il se conforme harmonieusement. Tout le long du chapitre, on ne parle que de lui : «  Le colonel Workou (...) aime les honneurs (...) l'argent (...) »34(*).

Dans le chapitre intitulé ''l'invitation'', Amadou Ousmane abonde également dans le sens de la conformité du titre au contenu, puisqu'il s'agit d'une réelle invitation à l'issue de laquelle le colonel Workou propose à son fils une bourse d'études au détriment du syndicalisme.

Au demeurant, il ressort que le titre d'un roman soit un élément clé dans l'analyse de sa structure, d'où l'intérêt porté à l Honneur perdu, qui se singularise par sa conformité, sa cohésion avec le contenu. En effet, le processus de démocratisation au Bamoul semble être un fait indéniable au point où des dignitaires du régime, à l'instar du colonel Workou s'en plaignent, parce qu'ils pensent perdre le pouvoir, l'honneur. Amadou Ousmane vise à rendre son récit romanesque vraisemblable. En conservant ainsi le titre il entend, à la manière de Sembène Ousmane « rester au plus près du réel »35(*). Chez l'auteur de L'Honneur perdu, la proximité au réel se dégage essentiellement dans l'harmonie du titre au contenu global de l'oeuvre, à savoir l'avènement du multipartisme à l'issue des bouleversements sociaux et politiques.

L'on peut également rapprocher le titre du roman qu'on analyse aux Forces vives36(*) d'Idimama Kotoudi, écrivain nigérien qui affirme que : « ...les forces vives battent maintenant campagne jusque dans les plus petits villages, mon ministère (de l'intérieur) enregistre chaque jour la naissance d'au moins un parti politique, deux syndicats et trois associations, celui de la justice reçoit chaque jour au moins trois plaintes contre le gouvernement, pour violation de droits de l'homme, abus administratif, etc. »37(*)

En effet, le roman de Kotoudi se focalise sur les actions des forces vives, leur combat en faveur de l'Etat de droit. Donc, il y a une adéquation entre le titre et le thème principal développé dans l'oeuvre. C'est pourquoi, on peut l'assimiler à l'Honneur perdu. De la même manière que le régime de la première République du Niger a inspiré les romanciers, l'avènement du multipartisme constitue aussi la trame de plusieurs récits. Ils relatent ainsi cet état de fait comme un rapport de forces entre les tenants du pouvoir et les militants syndicaux.

Le Témoin gênant est le titre d'un autre récit du romancier dans lequel il aborde la question judiciaire suite au meurtre de Miki, un jeune mécanographe à la Banque Internationale pour l'Afrique Occidentale (BIAO) qui constitue de ce fait, un observateur importun pour El Hadj Mai Ajiya, un caissier de ladite banque. Celui-ci est auteur d'une malversation financière et craint d'être dénoncé par son collègue. Voilà pourquoi il le fait tuer. Tel est le sens de ce titre.

En fait l'adéquation du titre d'un roman à son contenu renvoie à la littéralité, son degré d'exactitude avec l'histoire narrée. Et on peut noter en ce sens le réalisme d'Amadou Ousmane dont l'objet est de créer une harmonie entre le fond et la forme.

En conséquence, la dénomination de l'Honneur perdu est pareille au résumé de l'oeuvre. C'est pourquoi, on observe un rapport de cause à effet qui lie intimement les personnages selon leurs actions.

* 27 Guide des idées littéraires, p.505.

* 28 L'Honneur perdu, p.33

* 29 Idem, p.20.

* 30 Encyclopédie universelle, Vol 20, Paris, 1980, p.2090.

* 31 L'Honneur perdu, op. Cit., p.61.

* 32 OUMAROU Idé, le Représentant, Abidjan, NEA, 1984.

* 33 Idem, p.199.

* 34 L'Honneur perdu, p.34.

* 35 OUSMANE Sembène, l'Harmattan, Présence africaine, 1980, p.9.

* 36 KOTOUDI Idimama, les Forces vives, Niamey, N.I.N, 2005.

* 37 Idem, p.52.

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