3.2 Approches empiriques
L'analyse de la causalité entre la consommation
d'énergie électrique et la croissance économique a fait
l'objet de nombreuses publications dans la littérature
économique. Cependant, les conclusions de ces études conduisent
à des résultats antagonistes.
En effet, c'est à Kraft et Kraft (1978) que l'on doit
les premières études sur les relations de causalité entre
la demande d'énergie et le produit national brut. Dans le but de mettre
en évidence l'existence d'un lien entre le PNB et la demande
d'énergie aux USA, Kraft et Kraft partent d'une analyse sur la
consommation d'énergie et le PNB des Etats Unis sur la période
1947-1974 pour parvenir à la conclusion qu'il existe une relation
unidirectionnelle allant du produit national brut vers la demande
d'énergie. Ainsi, les conclusions des travaux impliquent alors que toute
action visant à promouvoir et redynamiser le secteur de l'énergie
n'aurait aucune influence sur l'évolution du Produit National Brut.
Cependant, les résultats des travaux de Kraft et Kraft ont fait l'objet
de critique de la part d' Akarca et Long.
Pour Akarca et Long (1980), les résultats auxquels sont
parvenues Kraft et Kraft sont biaisés dans la mesure où la
période choisie pour les études est jugée instable car
elle incluait le premier choc pétrolier. Ainsi, en écourtant la
période d'étude de 1950 à 1968, ces auteurs montrent une
absence de relation de causalité entre le PIB et la consommation
d'énergie.
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Au même moment, Yu et Choi (1985) étudient
l'existence de relation entre la consommation d'énergie et le PNB sur un
panel de pays composé du Brésil, des USA, du Royaume Uni, de la
Pologne et de la Corée du Sud. Ils parviennent à la conclusion
qu'il n'existe aucune relation de causalité entre la consommation totale
d'énergie et le PNB pour les USA, le Royaume Uni et la Pologne. Par
ailleurs, ils détectent un lien causal allant du PNB sur la consommation
d'énergie pour la Corée du Sud et le contraire pour les
Philippines.
En Chine, Shiu et Lam (2004) ont eu recours au test de
causalité de Granger pour mettre en évidence le lien causal entre
la consommation d'électricité et le PIB réel sur la
période 1971- 2000. Ils aboutissent au fait que la consommation
d'électricité cause le PIB au sens de Granger. Ainsi, les
initiatives et innovations dans le domaine de l'électricité
contribuent à l'amélioration de l'activité
économique.
En Turquie, Galip Altinay et al (2005), ont eu recours
à deux tests à savoir le test de Dolado-lukepohl dans un VAR
à niveau et celui de Granger selon la procédure de Toda-Yamamoto
(1995) pour mettre en évidence les relations entre la consommation
d'électricité et le PIB réel sur la période
1950-2000. Après estimation, les deux tests utilisés pour leur
modélisation ont donné une preuve solide de la présence
d'une causalité unidirectionnelle allant de la consommation
d'électricité au revenu. Au vu de ces résultats, Galip
Altinay et al encouragent des politiques visant à améliorer les
services de fourniture d'électricité car elles sont une
importance vitale pour une augmentation de la consommation
d'électricité qui permettrait de soutenir la croissance
économique.
Sur les îles Fidji, pays dépendant de
l'énergie pour son développement, P. Narayan et Singh (2006) ont
réalisé une étude sur les liens entre la consommation
d'électricité et le Produit Intérieur Brut. Ces auteurs
utilisent dans leurs analyses les nouvelles techniques de cointégration
développée par Pesaran, Shin et al (2001) et la causalité
de Granger. Les tests économétriques appliqués pour ce
pays révèlent qu'il existe une relation de causalité de
long terme allant de la consommation d'électricité vers le PIB.
Narayan et Singh proposent d'engager des politiques visant à faciliter
l'accès à
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l'électricité dans la mesure où les
actions ayant pour but de conserver l'énergie auront un impact
négatif sur la croissance économique.
Toujours dans cette même optique, Yoo et Kwak (2010)
étudient la consommation d'électricité et le PIB
réel sur un panel de sept pays de l'Amérique du Sud à
savoir l'Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, l'Equateur, le
Pérou et le Venezuela sur la période 1975-2006. Yoo et Kwak
parviennent à la conclusion qu'il existe une relation de
causalité unidirectionnelle de la consommation
d'électricité vers le PIB pour l'Argentine, le Brésil, le
Chili, la Colombie et l'Equateur. Cela veut dire que toute action ou politique
visant à améliorer les performances du secteur de
l'énergie électrique affecte directement la croissance
économique de ces pays. Pour le Venezuela par contre, les
résultats montrent qu'il y a une causalité bidirectionnelle entre
la consommation d'électricité et la croissance économique.
Cela implique qu'une augmentation de la consommation
d'électricité affecte directement la croissance économique
et cette croissance économique stimule aussi la consommation
d'électricité dans ce pays. Concernant le Pérou, les
conclusions de l'étude de Yoo et Kwak indiquent une absence de lien de
causalité entre la consommation d'électricité et la
croissance économique.
D'autres techniques ont été utilisées
pour mettre en évidence le lien entre la consommation
d'électricité et la croissance économique. Au nombre de
ces méthodes figure la méthode de cointégration de
Pédroni.
La méthode de cointégration de Pedroni sur les
données de Panel sera utilisée par Ali Arcaravci et Ilahn Orzturk
(2009) pour rechercher l'existence d'une relation de long terme entre la
consommation d'électricité et la croissance économique
pour un panel de quinze pays en développement de l'Europe de l'est. Ces
auteurs vont estimer un modèle à partir de la consommation
d'électricité par tête et le produit intérieur par
tête de ces pays sur la période 1990-2006. Ils aboutissent au fait
qu'il n'existe pas de relation de long terme entre ces deux variables. De ce
fait, les politiques de consommation d'énergie électrique n'ont
aucun effet sur la production réelle dans le long terme pour ces
pays.
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Dans une autre étude, Ali Arcaravci et Ilahn Orzturk
(2011) ont utilisé une l'approche ARDL de Pesaran et al (2001) pour
étudier la relation et le sens de causalité entre la consommation
d'électricité et le PIB pour onze (11) pays du Moyen Orient et de
l'Afrique du Nord de 1990 à 2006. Les résultats du test de
Pesaran révèlent une absence de relation d'équilibre de
long terme entre la consommation d'électricité et la croissance
économique en Iran, au Maroc et en Syrie. De ce fait, les auteurs ont
décidé de les éliminer de l'échantillon. Toutefois,
l'étude a révélé l'existence de relation entre les
niveaux de consommation d'électricité et de croissance
économique pour l'Egypte, Israël, Oman et l'Arabie Saoudite. Le
test de causalité montre l'existence d'une causalité de court
terme allant de la croissance économique vers la consommation
d'électricité en Israël. En Egypte et en Israël, le
sens de la causalité va de la consommation d'électricité
vers la croissance économique.
En Afrique, peu d'études se sont consacrées au
lien entre le niveau de richesse d'un pays et sa consommation
d'électricité (Jumbe, 2004). Cependant, il existe certains
auteurs qui ont essayé de mettre en évidence ces relations soit
sur des pays pris individuellement ou sur des groupes de pays. Tout comme dans
le cas des pays industrialisés, les études sur les relations
entre la consommation d'électricité et la croissance an Afrique
indiquent une absence de consensus sur le sens de causalité.
Jumbe (2004) a abordé la question dans ces travaux sur
le Malawi. Il a montré qu'il existe une relation de causalité
unidirectionnelle du PIB vers la consommation d'électricité sur
la période de 1970 à 1999 dans ce pays.
Wolde Rufael (2004) à la question de savoir les
relations entre la consommation d'électricité et la croissance a
utilisé les nouvelles techniques de Pesaran, Shin et Smith (2001) sur
quinze pays africains. Wolde Rufael montre en utilisant le PIB comme variable
explicative qu'il existe une relation de long terme pour quatre pays (Gabon,
Côte d'Ivoire, Nigéria, et le Soudan). Par contre, lorsque la
consommation d'électricité est utilisée comme variable
endogène, il obtient une relation de cointégration pour quatre
pays (Algérie, RDC, Ghana). Pour les onze autres pays de l'étude,
les tests de cointégration indiquent une absence de cointégration
quelque soit la variables utilisée comme endogène.
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Parmi ces rares études, on peut aussi
énumérer celui de KANE (2009). Cet auteur analyse
l'intensité énergétique du PIB dans la zone UEMOA en
utilisant les données de panels hétérogènes non
stationnaires et les tests de cointégration basés sur les
données de panel. Il met en évidence un modèle
économétrique en prenant en compte quatre (4) variables :
l'investissement, la structure productive, le PIB par tête, le taux
d'urbanisation. Les résultats de sa modélisation
révèlent que l'intensité énergétique du PIB
au sein de l'UEMOA dépend largement du niveau d'investissement, de la
structure des économies et du taux d'urbanisation. Il montre
également que la consommation d'énergie est dominée par le
secteur industriel.
Au Nigéria, ce sont les travaux d'AKINLO (2009) qui ont
été les premiers à s'intéresser à cette
problématique. En effet, pour faire ressortir le lien entre la
consommation d'électricité et la croissance du PIB, l'auteur
décompose les séries sur la consommation
d'électricité et le taux de croissance réelle en utilisant
le filtre de Hodrick-Prescott. En appliquant ce filtre, il parvient à
décomposer chaque série en sa composante saisonnière,
cyclique et sa tendance. Les résultats des estimations montrent qu'il y
a cointégration entre la tendance et les composantes cycliques des deux
séries, ce qui semble suggérer que la causalité de Granger
est probablement liée au cycle économique. L'auteur
suggère donc d'investir davantage dans le secteur de
l'électricité afin de réduire l'inefficacité dans
la fourniture et dans l'utilisation de l'électricité pour
stimuler la croissance économique au Nigéria.
Idrissa OUEDRAOGO (2010) utilise les techniques de
cointégration aux bornes de Pesaran et al pour mettre en évidence
la consommation d'électricité et la croissance économique
au Burkina Faso sur la période 1968-2003. Il intègre dans sa
modélisation certaines variables à savoir ; la
formation Brute de Capital Fixe, le PIB et la consommation d'énergie
électrique. Après application de la méthode
de Pesaran, l'auteur aboutit au fait qu'il existe une relation de long terme
bidirectionnelle entre la consommation d'énergie et l'investissement.
Les travaux de Ouédraogo révèlent également
l'existence d'une relation rétroactive positive entre les
investissements et le Produit Intérieur Brut. Au regard de ce qui
précède, l'auteur préconise que les
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politiques énergétiques doivent être mise
en oeuvre de telle sorte que l'électricité ne
génère aucun impact négatif sur l'activité
économique.
Si les développements précédents nous ont
permis de mettre en évidence l'évolution de la consommation
d'électricité et la croissance économique, il n'en demeure
pas moins que la problématique de l'accessibilité soit une
question importante pour que le secteur de l'électricité puisse
jouer un rôle déterminant dans la croissance économique.
Ainsi, les effets de l'énergie électrique sur la croissance
économique pourraient dépendre de son organisation, de la
disponibilité du service et du niveau d'accès des populations au
service. Il est donc impérieux de passer en revue l'historique et
l'organisation du secteur de l'électricité en Côte d'Ivoire
et d'analyser la consommation d'électricité en Côte
d'Ivoire.
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CHAPITRE 2 : SITUATION DE L'ENERGIE ELECTRIQUE EN COTE D'IVOIRE : ETATS DES
LIEUX
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Depuis les années 1990, la Côte d'Ivoire a
adopté une série de réformes permettant de faire du
secteur de l'électricité, un secteur clé pour son
développement économique. Ces réformes avaient pour but
d'améliorer la qualité des services afin de répondre
à une demande en pleine expansion et d'assurer la rentabilité des
investissements. A cet effet, de nombreuses stratégies ont
été mises en oeuvre en vue d'une organisation et d'un
développement harmonieux du secteur de l'électricité
à travers un cadre institutionnel adéquat.
De ce fait, Il convient d'une part, d'analyser
l'évolution de l'organisation du secteur de l'électricité
en Côte d'Ivoire et d'autre part, de mesurer l'effet sur
l'évolution de la consommation d'électricité et la
croissance économique.
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