§2- Les facteurs
exogènes comme obstacle à l'éclosion des mouvements
rebelles.
Depuis la disparition du monde bipolaire, certains conflits
intra-étatiques n'attirent plus beaucoup l'attention des grandes
puissances ; exceptés ceux mettant en jeu le contrôle des
matières premières.
Mais la montée et le positionnement de la Chine dans
certains conflits peuvent produire aujourd'hui des effets significatifs. Ainsi,
dans le conflit tchadien, le rétablissement des liens diplomatiques (A)
par les autorités de N'djamena avec les autorités de Pékin
peut être une donnée non négligeable dans le renversement
de la situation des rebelles ; quand il est apparu que ces derniers
reçoivent, par Soudan interposé, le soutien chinois.
Aussi faut-il rappeler que le Soudan et le Tchad, depuis
l'éclatement de la crise du Darfour, se font une guerre par rebelles
interposés. Mais dans cette guerre il est difficile de désigner
le gagnant et le perdant. Il faut admettre que l'effet de la crise du Darfour
peut être analysé comme un élément favorable au
régime de N'djamena. C'est à travers le mandat d'arrêt
international lancé contre le président soudanais que se
décline cet effet (B).
· A- Le rétablissement des liens diplomatiques
avec la Chine comme une nouvelle stratégie du pouvoir de N'djamena.
Soucieuse de sécuriser ses approvisionnements
énergétiques, la Chine déploie depuis 2000 une
véritable diplomatie pétrolière en Afrique. Cette
diplomatie conduit la Chine à s'intéresser à tous les
fournisseurs potentiels, et le Tchad entre dans cette catégorie depuis
que le pétrole y a été trouvé et exploité.
Mais la Chine, compte tenue des liens diplomatiques rompus avec le Tchad depuis
1997, se sert du Soudan pour atteindre le Tchad.
Le Soudan reste son partenaire privilégié
où il investit massivement en dépit du boycott
opéré par les compagnies américaines et canadiennes au
motif du non respect des droits humain. Représentant 7% du brut des
exportations chinoises, le Soudan est l'allié sûr qui concentre
les investissements chinois. 13 des 15 sociétés
étrangères les plus importantes92(*) qui exploitent le brut soudanais sont chinoises.
La China National Petrolium Corporation (CNPC), par exemple, a
investit plus de trois milliards de dollars, le plus important projet chinois
à l'étranger, pour la mise en route du champs de Muglad (500000
barils/ jour), une affinerie (capacité de 2 500 000 tonnes /an) et d'un
oléoduc de long de 1500 kilomètres pour l'exploitation de brut
à partir d'un terminal sur la mer rouge.
Mais étant donné que les liens diplomatiques
sont suspendus entre N'djamena et Pékin, ce sont les rebelles qui seront
visés par la Chine grâce aux services soudanais. L'aide chinoise
à Khartoum et, directement ou indirectement, aux oppositions
armées tchadiennes n'est sans doute pas le fruit d'un lobbying de
Khartoum. Elle s'inscrit dans une posture classique de la Chine populaire
depuis plus d'une dizaine d'années de ramener Taiwan sous son aile et de
punir ses appuis internationaux de quelque manière que ce soit. Et cette
logique a fortement joué en défaveur d'Idriss Déby
lorsqu'il s'est allié à Taiwan. Elle oblige ce dernier à
revoir son positionnement, compte tenu des capacités de nuisances dont
ont fait preuve les coalitions rebelles tchadiennes aux portes de la capitale
N'djamena.
En août 2006, le Tchad décide de normaliser ses
relations diplomatiques avec la Chine Populaire en renonçant à la
reconnaissance de l'indépendance de Taiwan. Cette reconnaissance
taiwanaise, faut-il le souligner, avait permis au régime d'Idriss Deby
de bénéficier des pétrodollars taiwanais. Le retour
à la Chine populaire revêt plusieurs aspects, mais deux
retiendront notre attention.
En renouant les relations avec la Chine, le régime
d'Idriss Déby réaffirme d'abord une amitié qui date de
1972 entre les deux Républiques. Au-delà de ce côté
symbolique, Idriss Déby amène la Chine à se
désintéresser des rebelles pour se tourner vers le pouvoir de
N'djamena. Ce désintéressement doit se traduire
concrètement par le non soutien logistique et financier des rebelles par
la Chine via le Soudan. Par cette stratégie, Idriss Déby compte
ainsi tarir les possibles sources de financements des rebellions pour les
obliger à revenir à la table des négociations.
Ensuite, ce réchauffement des liens diplomatiques et
consulaires rencontre l'intérêt de la Chine qui peut, à
partir de maintenant, s'ériger en acteur dans le schéma de
l'exploitation pétrolière au Tchad. C'est ainsi que la Chine par
le truchement de China National Petrolium Corporation (CNPC) est très
active aujourd'hui au Tchad. La CNPC est engagée dans la construction du
gazoduc dans la partie sud-ouest qui permettra d'ici 2011 le transport du brut
du champ de pétrole de Kouldawa Djarmaya à la raffinerie
située aux alentours de N'djamena . Ce projet vise à
réduire la dépendance en gaz et pétrole du Tchad de ses
pays voisins (le Nigeria et le Cameroun). Par ce retour à la normale,
Pékin trouve ce qu'elle cherche en tentant de financer les rebelles, et
permet au pouvoir de Déby de prendre l'ascendant sur ses rivaux. Ce
revirement opéré par Déby vient fragiliser quelque peu les
calculs des rebelles ainsi que les positions soudanaises.
* 92 David Mascré,
« course aux hydrocarbures, crise du Darfour, déstabilisation
régional : le Tchad entre jeux pétrolier et jeux
guerriers », Working paper, Institut Thomas More, n°9
avril 2007 p.4
|