CONCLUSION GENERALE
Au cours de ce travail de recherche
intitulé « Du pouvoir exorbitant de l'Etat face à
l'exécution forcée des jugements», nous avons
étudié d'une part les pouvoirs exorbitants de l'Administration et
d'autre part les moyens des administrés pour contraindre
l'Administration à s'exécuter en vue d'encourager les
justiciables à utiliser ces moyens.
L'effectivité des droits fondamentaux passe par
l'effectivité des décisions de justice censurant la
méconnaissance de ces droits. Or il existe des obstacles politiques et
juridiques à l'effectivité de la justice en matière de
droits et libertés. Les insuffisances des moyens de droit visant
à assurer que les personnes publiques respectent l'autorité
juridictionnelle ne sont pas les moindres de ces obstacles.
En effet, la contrainte sur l'Etat et l'Administration fait
presque partout l'objet de réserves, de réticences, et dans
certains cas, elle est frappée d'une prohibition pure et simple.
Pourtant, l'inertie, voire même la mauvaise volonté des
autorités, à l'égard de jugements leur étant
défavorables constitue un phénomène qui n'épargne
aucun pays. Ce serait occulter les dysfonctions réelles résultant
des prérogatives souvent anachroniques de la puissance publique et qui
apparaissent singulièrement menaçantes pour la démocratie
lorsque les droits et libertés du citoyen sont en cause.
Ainsi, comme nous avons pu le montrer, l'Administration a
d'abord un droit de commandement avec le pouvoir réglementaire. Elle a
le droit de réquisitionner, d'exproprier, de prendre des
décisions sans l'accord des administrés. Alors qu'en droit civil,
l'obligation ne peut naître que par la loi ou par le consentement de
l'obligé. Par le privilège du préalable, l'Administration
peut modifier les situations juridiques par sa seule volonté, sans le
consentement des intéressés. En droit privé, le principe
est que « nul ne peut se faire justice à
lui-même ». En règle générale, nul, dans
les rapports entre particuliers, ne peut voir sa situation juridique
modifiée sans son consentement, par la seule volonté d'autrui.
Dans ses obligations, l'Administration bénéficie du
privilège de prescription abrégée ainsi que
l'immunité de saisie.
En outre, il y a aussi l'absence des voies d'exécution
forcée contre l'Administration. Cette dernière doit toujours
être présumée de bonne foi, bonne foi qui rend paradoxale
et vaine toute prétention à la contraindre à
s'exécuter : d'une part en effet, l'Etat n'est jamais insolvable
et, d'autre part, la force publique étant entre ses mains, il n'est
guerre concevable qu'il s'exécutera lui même. Parmi ces
prérogatives de la puissance publique il y a l'absence des voies
d'exécution forcée contre l'Administration et
l'inaliénabilité du domaine public de l'Etat qui ont comme
corollaire l'insaisissabilité des biens de l'Etat et qui font que
l'Administration s'exécute volontairement. Le principe qui fait que tout
créancier muni du titre exécutoire peut mettre en oeuvre une
mesure d'exécution forcée contre son débiteur est
renversé.
Cependant les créanciers de l'Etat dont les
créances restent inexécutées ne peuvent pas croiser les
bras, ils doivent agir car il y a les moyens prévus pour se servir
même si son efficacité est douteuse. Parmi ces moyens nous avons
parlé de ceux qui préviennent l'inexécution de la chose
jugée par l'Administration à savoir l'injonction souvent assortie
d'une astreinte, ceux qui incitent l'Administration à s'exécuter
à savoir le recours à l'Office de l'Ombudsman au Rwanda et afin
ceux qui sanctionnent l'exécution de décision de justice par
l'Administration à savoir mettre en cause la responsabilité de la
personne publique pour obtenir l'indemnisation du préjudice subi du fait
de l'inexécution, de l'exécution tardive ou de l'exécution
incomplète de la chose jugée.
En réalité, il est remarquable que les moyens
pour contraindre l'Administration à s'exécuter existent au
Rwanda, mais ne sont pas mise en oeuvre par les administrés. Raison pour
laquelle nous recommandons aux créanciers de l'Etat muni de titre
exécutoire de se servir de ces moyens pour obtenir l'exécution de
la chose jugée.
Et pour terminer, nous demandons et ouvrons les horizons aux
autres chercheurs d'ici ou de loin, intéressés dans cette
matière, de critiquer et nous compléter s'il y a lieu sur
certains points restés sans réponses satisfaisantes. Et puis,
nous recommandons au législateur rwandais de réagir sur les
questions soulevées et qui ont fait l'objet de nos critiques.
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