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La règle du double degré de l'instruction dans le droit répressif camerounais

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par Rodrigue TCHATCHOUANG TCHEJIP
Université de Yaoundé II Cameroun - Diplôme d'études approfondies (DEA) en droit privé 2011
  

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INTRODUCTION GENERALE

Deux évènements majeurs et remarquables auraient sans doute été des instigateurs ayant conduit l'Etat camerounais à tenir les « promesses » faites quelques années plutôt s'agissant des droits et libertés fondamentaux. Il s'agit, si l'on doit se pencher uniquement sur le droit privé et particulièrement le droit pénal, qu'il soit de forme ou de fond, des premières journées portes-ouvertes de la justice camerounaise1(*), et surtout de l'analyse du thème « Droits de l'homme et droit pénal au Cameroun »2(*). En effet, la constitution camerounaise du 18 janvier 19963(*) à travers son « bloc de constitutionnalité » consacre pour ses citoyens un droit devenu aujourd'hui obligatoire dans tout Etat de droit. Il s'agit du droit à la justice4(*) ; droit qui ne sera considéré comme tel que si certains principes qui le protègent sont respectés. Le respect de ce droit passe, s'il faut s'en tenir seulement à la procédure pénale, par une organisation et un fonctionnement moderne de celle-ci, c'est-à-dire respectueuse des droits des individus délinquants ou victimes d'infractions.

Le plus souvent considérée comme le reflet d'une société, la procédure pénale qui de manière simple se définit comme le lien nécessaire, l'inévitable trait d'union entre l'infraction et la sanction5(*) est confrontée à une tâche titanesque. Il s'agit, pour remplir sa mission, de concilier l'impératif de protection de la société qui se déduit de la répression spontanée de tous les coupables, et celui de la sauvegarde des droits et libertés individuels. Les lois de procédure peuvent dès lors présenter un caractère rigide dans le premier cas, ou un caractère so uple si la priorité était accordée au second impératif.

Au Cameroun, la procédure pénale a oscillé entre l'impératif de protection de la société6(*), et celui de la sauvegarde des droits et libertés individuels7(*). Ceci se traduisant aussi bien par la nature composite des textes de procédure applicables que par les modifications qui y étaient effectuées. Cette situation n'était guère propice pour l'unification et la modernisation du CPP dans la mesure où les distances culturelles poussaient chaque « héritier» à persévérer et à maintenir la continuation de son héritage. C'est en effet ce que pensaient déjà Gaston-Jean Bouvenet et Réné Boudin dans le recueil des codes lois du Cameroun de 1956 qui fut remis à jours par le Journal Officiel du 15 Janvier 1967 en ces termes :

« Etablir le texte de code d'instruction criminelle en vigueur au Cameroun est une tâche délicate en raison de son caractère composite. Il est indispensable de prendre partie sur plusieurs points où de légitimes controverses peuvent s'instituer et le résultat d'un tel travail ne présente pas ce caractère de certitude absolue qui serait pourtant requis dans un domaine d'une importance capitale pour la protection de l'individu et de ses libertés. Seule une éventuelle consécration du texte ci-après reproduit par les arrêts de la Chambre criminelle de la Cour de cassation sera de nature à lui conférer cette nécessaire solidarité»8(*).

Il ressort de ce texte qu'harmoniser la procédure pénale au Cameroun n'était pas un problème facile à régler autant avant l'indépendance qu'après celle-ci. Aussi, est-il encore important de rappeler que depuis longtemps le Cameroun en matière de procédure pénale jouissait d'une législation double9(*).

Il a ainsi fallu attendre après l'indépendance une douzaine d'années, notamment en 1972 pour voir le législateur camerounais commencer à apporter sa marque dans son droit pénal de forme. Ce dernier fera une entrée remarquable dans l'échiquier procédural. Il va s'illustrer par la suppression du juge d'instruction tel que prévu par le CIC. Cette fonction sera dorénavant dévolue aux magistrats du Parquet, que l'on aura coutume d'appeler magistrat instructeur et qu'une doctrine bien avisée en fera le « JANUS » de la magistrature camerounaise10(*).

Cette situation marquait sans doute le désir pour le législateur camerounais de construire un droit judiciaire répressif11(*) « taillé à sa mesure ». Elle marquait aussi le début de la grande refonte du système procédural camerounais en matière pénale. Celle-ci prendra fin avec la loi n°2005/007 du 27 Juillet 2005 portant CPP du Cameroun12(*). Code qui aura fait, à en croire certains auteurs, l'objet d'une longue gestation13(*) et même d'une difficile parturition14(*). Devrait-on encore rappeler le caractère salutaire de cette refonte qui hisse le Cameroun aujourd'hui au rang des Etats de droits, du fait de la consécration d'une véritable « démocratie pénale »15(*). A ceci on peut ajouter une idée de justice telle que défendue par les Ecoles de Défense sociale Ancienne et de Défense sociale nouvelle16(*). Et pourquoi ne pas aussi penser que presque cinquante années après l'indépendance, « âge de la maturité »17(*) le législateur camerounais ne demandait qu'à produire un droit à l'image du pays, pour emboiter le pas à cet auteur qui pensait que : «comme on reconnait l'oiseau par son plumage on reconnait le droit criminel à l'Etat dans lequel il s'est formé»18(*).

A l'entrée en vigueur de cette loi, nous aurons droit à ``un revenant : le juge d'instruction''19(*), à une redistribution des rôles entre les acteurs de la procédure pénale au Cameroun, et surtout à un Procureur de la République ``décoiffé'' de sa casquette de magistrat instructeur20(*). Il faut ajouter à ceci beaucoup d'autres institutions et mécanismes concourant à la protection des justiciables. Nous pouvons entre autres citer la procédure d'habeas corpus, la précision et la délimitation des mesures de garde à vue et de détention provisoire, l'indemnisation des victimes de détention abusive, la reprécision de la règle « electa una via non datur regressus ad alteram » etc. il est à penser, lorsqu'on s'en tient à cette dernière énumération que seul l'individu est au centre de ce code. En réalité il n'en est rien, car l'intérêt social y occupe aussi une place de choix. L'article 64 précise :

 « (1) Le Procureur Général près une Cour d'Appel peut, sur autorisation du ministre chargé de la justice, requérir par écrit puis oralement, l'arrêt des poursuites à tout stade de la procédure avant l'intervention d'une décision au fond, lorsque ces poursuites sont de nature à compromettre l'intérêt social ou la paix publique.

(2) Dans le cas prévu au paragraphe 1er du présent article, le juge d'instruction ou la juridiction de jugement constate son dessaisissement sur l'action publique et donne mainlevée des mandats éventuellement décernés contre le bénéficiaire de l'arrêt des poursuites ».

Cet article marque la considération de l'intérêt social et de la paix publique dans le Cpp21(*).

Il faut remarquer ici que le Procureur Général près la Cour d'Appel ainsi que le politique par le biais du Garde des Sceaux disposent dans ces circonstances des pouvoirs non négligeables. C'est au prix de toutes ces nouveautés que le CPP aura sans doute été à la base de la loi n°2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire au Cameroun. Cette loi institue dans les tribunaux d'instance une fonction de juge d'instruction, et surtout une Chambre de Contrôle de l'Instruction logée au sein de la Cour d'Appel22(*).

Ces nouveautés nous font également part d'un historique tumultueux de la procédure pénale, et précisément de la juridiction d'instruction. En effet, s'il faut remonter l'historicité de la juridiction d'instruction, nous devons d'abord faire allusion au droit français. Plonger dans l'ancien régime, on constate que le Lieutenant Criminel jouait déjà ce rôle. Il faut noter qu'à cette époque ce dernier était sous l'autorité d'un Lieutenant Général considéré comme le chef des tribunaux. L'avant Code d'Instruction Criminelle sera aussi marqué par la présence d'un juge de paix, exerçant sous le contrôle d'un directeur de jury qui avait comme la Chambre de Contrôle de l'Instruction actuelle, la latitude de faire des suppléments d'information.

En 1808, le CIC institue un juge d'instruction. Mais l'usage du terme était un peu abusif dans la mesure où celui qui en était véritablement chargé était loin d'être un juge, mais un officier de police désigné par le Procureur de la République. Les actes accomplis par ce dernier pouvaient tout de même faire l'objet de contrôle devant la chambre d'accusation qui, apparemment fît plus de figuration que de véritable contrôle, ce qui a conduit Pradel, parlant de cette institution en France à remarquer que :

« Les magistrats qui la composaient marquèrent peu d'empressement à exercer les pouvoirs d'évocation et de révision que leur accordait la loi ; le contrôle par la chambre d'accusation était largement illusoire ».

C'est vers la fin du siècle dernier que certaines lois en prenant en compte les droits de la défense vont permettre l'ouverture de l'instruction aux conseils de l'inculpé, permettant ainsi une possibilité de contester les actes d'instruction devant les juridictions supérieures. Ce premier pas qui rompait avec le mythe du secret de l'instruction annonçait certainement la modification la plus remarquée de l'histoire de la juridiction d'instruction. Il s'agit de la loi de 1958 qui érigeait un juge d'instruction devenu indépendant et surtout inamovible. Cette conception du juge d'instruction va s'appliquer au Cameroun jusqu'en 1972 où le grand banditisme eût raison du législateur. Celui-ci va peu après pour s'adapter à l'environnement prendre une ordonnance qui dispose en son article 24 que ;

 « Le ministère public ou parquet ; en matière pénale et sans préjudice des droits de la partie civile, recherche et constate les infractions, procède aux enquêtes et informations judiciaires, met en mouvement l'action publique»23(*).

Il est important de constater après ce bref rappel que la loi de 2005 portant Cpp n'a ressuscité qu'un être dont l'existence ne souffrait d'aucune contestation.

Cependant, le retour du juge d'instruction dans le Cpp au Cameroun n'aura pas été sans commentaires ni sans effets. L'aménagement de la juridiction d'instruction notamment à un double niveau ne fera pas du juge d'instruction l'homme le plus puissant du Cameroun à l'image de ce que disait Balzac s'agissant du juge d'instruction en France24(*). Aussi, on a pu dans le droit répressif déceler à l'image du double degré de juridiction, un double degré de l'instruction distinct de ce dernier principe.25(*) Il n'y a dès lors point de doute que l'analyse d'un tel principe ne peut découler que de la maîtrise même de la notion d'instruction.

Mais avant de cerner la notion même d'instruction, on peut d'abord s'interroger sur la place du juge d'instruction dans la procédure pénale. Est-il un organe incontournable dans le procès répressif ? Les avis sont partagés s'agissant de l'utilité du juge d'instruction. Pour les uns, le juge d'instruction n'est que celui là qui vient prolonger la procédure pénale. Pour les autres, le retour du juge d'instruction est perçu comme une évolution positive, ce qui a fait dire qu'il « vient au monde comme un messie au secours des justiciables en détresse »26(*). Nous estimons avec ces derniers auteurs que le retour du juge d'instruction dans le procès répressif est salutaire autant pour les justiciables que pour le système juridique tout entier. Il en est ainsi dans la mesure où la plus value qu'apportera le juge d'instruction à travers ces enquêtes permettra d'éviter les sanctions souvent injustes infligées aux citoyens. Cette fonction de la justice pénale permettra aussi au juge de faire un véritable procès de la personne du délinquant au sens de la doctrine des écoles de défense sociale. Et, il est à espérer qu'enfin sera oubliée cette imagerie populaire du temps du « JANUS » qui faisait du citoyen inculpé par le Procureur de la République un « présumé coupable ».

Du coté des justiciables, il faut envisager avec une telle institution une amélioration et surtout un élargissement de la sphère de protection des droits fondamentaux et libertés individuelles dans la mesure où l'instruction peut se faire à un double degré. Au même moment, placé du coté de la justice, service public de l'Etat, on admettra que l'institution du juge d'instruction contribuera certainement à l'amélioration des décisions de justice, dans la mesure où la mission du juge d'instruction est d'enrichir les prises de position du Procureur de la République et aussi les faits reprochés à l'inculpé. Ces qualités de décisions de justice contribueront à éviter la justice parallèle et surtout le divorce entre la justice et le justiciable.

Encore appelé instruction préparatoire ou information judiciaire, l'instruction se distingue de l'instruction définitive qui est conduite par le juge de jugement. Elle se définit comme la phase du procès pénal obligatoire en matière de crime, facultative en matière de délit et exceptionnelle en matière de contravention au cours de laquelle le magistrat instructeur procède aux recherches tendant à identifier l'auteur de l'infraction, à éclairer sa personnalité, à établir les circonstances et les conséquences de cette infraction, afin de décider de la suite à donner à l'action publique27(*). Dans le même sens, le Lexique des termes juridiques parle de la phase de l'instance pénale constituant une sorte d'avant procès28(*) qui permet d'établir l'existence d'une infraction et de déterminer si les charges relevées à l'encontre des personnes poursuivies sont suffisantes pour qu'une juridiction de jugement soit saisie. Cette phase facultative en matière de délit, obligatoire à deux degrés en matière de crime est menée d'abord par le juge d'instruction ensuite et éventuellement par la chambre d'accusation29(*). Cette dernière définition bien que plus expressive pour la conduite de notre investigation se résume parfaitement dans cette autre qu'offre la doctrine à savoir ``les moments qui forgent les éléments d'appréciation de la personne poursuivie''30(*).

Après ces multiples définitions de l'instruction, nous pouvons en déduire logiquement que celle du double degré de l'instruction signifie simplement que les actes et les ordonnances du juge d'instruction puissent être remis en cause devant des juges supérieurs par les mécanismes légaux prévus expressément par le Cpp. De manière plus concrète, la règle du double degré de l'instruction signifie qu'en matière pénale, une même affaire doit pouvoir être successivement instruite par deux juridictions différentes dont l'une est supérieure à l'autre, en l'occurrence le juge d'instruction et la Chambre de Contrôle de l'Instruction.

Cette définition du double degré de l'instruction semble bien justifiée par ces propos du professeur Minkoa She qui, parlant du juge qui conduit la procédure écrit :

 « Le juge n'est pas un personnage sacré, il n'est pas un artiste solitaire, il n'est pas non plus le propriétaire d'une charge. Il est simplement ``un homme ordinaire'' à qui on demande de remplir une fonction extraordinaire »31(*).

L'auteur ne cache pas son sentiment pour la reconnaissance des fonctions judiciaires comme une tâche rude pouvant conduire celui qui l'accomplit dans des travers indésirables pour la société exigeante, le demandeur assoiffé de bonne justice et surtout le présumé innocent en quête de son innocence.

Dans le même sens, certains auteurs trouvent la nécessité d'un double degré de l'instruction pour ces raisons que les ordonnances du juge d'instruction peuvent avoir des ``conséquences fâcheuses pour le prévenu ou l'accusé''32(*), que le juge d'instruction malgré sa «science et sa conscience» peut commettre des erreurs qu'il faut absolument réparer33(*). Toutes ces argumentations en faveur de la pratique du double degré de l'instruction corroborant avec les dispositions de la loi de 2006 portant organisation judiciaire et celle de 2005 portant Cpp34(*), nous pouvons sans risque de se tromper dire de ces deux textes qu'ils arriment le label juridique camerounais aux importants textes internationaux, en l'occurrence l'article 14 alinéa 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui dispose : 

« Toute personne déclarée coupable d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de sa culpabilité et la condamnation conformément à la loi »35(*).

Si ces textes sont justifiés par la nécessité d'une justice équitable, l'expérience accrue des magistrats qui composent la juridiction supérieure ajouté à la garantie d'un nouvel examen de l'affaire sont les moyens pour atteindre cette fin. Le litige sera ainsi soumis à une double discussion. Ce qui suppose que les preuves vont être à nouveau librement et contradictoirement débattues. Il nous semble cependant important de dire à l'image de Faustin HELIE que :

« Ce second examen n'est efficace que s'il est soumis aux mêmes règles et aux mêmes conditions que le premier. Dès lors qu'il s'agit d'un second degré de juridiction, il faut que l'instruction passe par les mêmes phases. A défaut, ce ne serait qu'une révision sommaire du procès, qu'un simple contrôle des formes procédurales plutôt que du fond de la prévention »36(*).

Il ressort de ce qui suit que le juge supérieur ne rendra efficace le mécanisme que s'il avait totalement réexaminé et ce dans les mêmes conditions les actes effectués par le juge inférieur.

Traditionnellement présenté comme une garantie de la bonne justice, le principe du double degré de juridiction comme celui de l'instruction est un principe fondamental de la procédure pénale. Il est même par de nombreuses jurisprudences, considéré comme un principe qui s'impose tant aux juges qu'au législateur non seulement en ce qui concerne le jugement de l'action publique, mais aussi en ce qui concerne le jugement de l'action civile exercée par la victime dans la mesure où son non respect « serait nécessairement générateur d'inégalités devant la justice »37(*). Dans ce même ordre d'idées, le Conseil d'Etat va plus loin en estimant qu'il s'agit d'un principe général du droit qui ne peut être écarté par aucune loi. La chambre criminelle ne s'en écarte pas non plus. Elle affirme que : « Dans tous les cas où la loi n'a pas attribué à une juridiction le pouvoir de statuer en dernier ressort, la faculté d'appel subsiste à l'égard de ses décisions »38(*).

Cette considération du double degré de juridiction peut conduire à diverses interrogations lorsqu'on s'engage dans l'analyse d'un tel mécanisme. La règle étant l'un des multiples mécanismes prévu par le Code de procédure, on ne peut émettre de doute sur le fait que le législateur veuille par une telle institution gagner le pari de la célérité.

Ainsi donc, comment la règle du double degré de l'instruction s'illustre-t-elle dans la procédure répressive camerounaise ? Aussi, s'agit-il simplement d'une étude de l'aménagement du double degré de l'instruction, suivie d'analyses à l'aune de la pratique.

L'ordre judiciaire camerounais aussi précis que varié nous conduira à analyser le double degré de l'instruction uniquement devant les juridictions répressives de droit commun39(*). Ceci exclut l'analyse de ce mécanisme devant les juridictions d'exception où l'instruction est le plus souvent dès le premier degré instruit par un collège de juges40(*). Le choix d'une telle délimitation n'est pas sans objet dans la mesure où ces juridictions connaissent des litiges de la quasi-totalité des citoyens. Dès lors, l'analyse du principe du double degré de l'instruction présente plusieurs intérêts. On peut en trouver qui sont scientifiques et d'autres qui sont sociaux.

Sur le plan scientifique, le décryptage du mécanisme du double degré rendra compte des garanties que le droit pénal offre aux individus (délinquants et victimes) pour la sauvegarde de leurs droits et libertés. Du côté de l'administration judiciaire l'étude du mécanisme permettra de l'édifier sur les moyens de contrôle des actes du juge d'instruction afin d'éviter l'arbitraire de ce dernier.

Sur le plan social, la protection des intérêts de la société peut être une astuce pour redorer le blason de la justice étatique qui le plus souvent s'éclipse au profit de la vindicte populaire.

Sous cet aspect, il convient d'admettre que l'examen des dispositions législatives fait observer une importante réforme du procès pénal, la juridiction d'instruction qui renaît et s'organise à un double degré dont l'encadrement mérite d'être analysé (titre I), et dont l'appréciation, voir l'évaluation du principe dans la pratique judiciaire en constitue un autre point d'étude (titre II). 

* 1 Elles se sont tenues du 25 au 29 octobre 1999 dans tous les chefs-lieux de province. Pour l'essentiel, la direction des assises était assurée par les présidents de Cours d'Appel, à l'exception de la cérémonie tenue à Yaoundé sous la présidence du ministre de la Justice, Garde des Sceaux.

* 2 Ce thème est le titre de l'ouvrage du professeur Minkoa She Adolphe, ouvrage dans lequel l'auteur fait le point sur le niveau de prise en compte des droits de l'homme dans le droit pénal camerounais, Economica, 1999.

* 3 Elle est issue de la loi n° 96 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 Juin 1972. Il est aussi important de noter qu'elle a été légèrement modifiée par une loi du 14 avril 2008.

* 4 Le droit à la justice ou droit d'accès à la justice est devenu aujourd'hui une aspiration partagée par plusieurs Etats modernes. Il sous-tend plusieurs autres droits tels, le droit à la présomption d'innocence, à la défense, à l'exécution des décisions et même le droit à un juge indépendant et impartial.

* 5 Pradel Jean, Procédure pénale, paris, 9e éd. n°2.

* 6 Le durcissement de la loi pénale dans le but de réprimer le ``grand banditisme'' a donné lieu à l'ordonnance du 26 août 1972 qui consacrait la suppression du juge d'instruction.

* 7 Telle est la position consacrée dans la refonte du droit pénal de forme au Cameroun.

* 8 Ce texte est cité par Emmanuel Ndjere, in L'information judicaire au Cameroun, Presses de l'UCAC, juin 2003.

* 9 Etaient appliqués au Cameroun après l'indépendance et la réunification le Code d'instruction criminelle de 1808 hérité des colonisateurs français et la « criminal procedure ordinancy » du colon anglais. Le premier était applicable dans le Cameroun oriental. Il présentait un caractère mixte où la procédure inquisitoire menée par un juge d'instruction était strictement secrète. Le second applicable dans le Cameroun occidental était accusatoire, privilégiant ainsi les droits et libertés individuels par la garantie de l'égalité entre l'accusé et l'accusateur dans le duel qu'il organise entre ceux-ci dans un procès oral, public et contradictoire.

* 10 Anoukaha Francois, « Le Procureur de la République ``JANUS'' de la magistrature Camerounaise », Pénant 1985, P.111 et s.

* 11 Cette expression est de Boulan Fernand, ``Le double visage de l'action civile exercée devant la juridiction répressive', JCP, 1973, I 2563.

* 12L'expression code de procédure pénale semble pour nous plus approprié au détriment de celui de nouveau code de procédure pénale dans la mesure où le Cameroun n'en a jamais eu un du genre et n'avait jusqu'ici qu'appliqué les textes conjugués français et britannique.

* 13 Tchokomakoua Venant, « Chronique de la longue gestation : Du code d'instruction criminelle au code de procédure pénale», in Les tendances de la nouvelle procédure pénale Camerounaise, vol 1, PUA. 2006.

* 14 Le Code de procédure pénale devait ici attendre près de treize mois pour être appliqué comme tel au Cameroun. Ce laps de temps observé après la promulgation de la loi de 2005 devrait selon les autorités permettre aux acteurs de la procédure de mieux s'imprégner du précieux sésame.

* 15 Si la démocratie doit s'entendre comme l'art de parler et d'écouter les autres dans le strict respect des droits des personnes, on peut à la lecture du code de procédure pénale camerounais affirmer l'existence d'une telle démocratie dans la procédure camerounaise, notamment au cours de l'instruction où l'inculpé peut interroger d'autres personnes et surtout au cours de la phase de jugement.

* 16 Ces écoles respectivement défendues par Grammatica et Marc Ancel défendent l'idée selon laquelle la protection de la société passe par celle des individus asociaux (délinquants) ; le jugement de ses individus devait se dérouler en deux phases, le procès de l'acte, phase au cours laquelle le juge devait établir la matérialité des faits et se prononcés sur la culpabilité du prévenu ; ensuite devrait suivre le procès de la personne, phase au cours de laquelle le juge procédait à l'étude de la personnalité de l'individu asocial en vue de moduler la peine à son degré de responsabilité morale et de prendre les mesures de protection les plus adéquates. Sur l'ensemble de la question, lire Merle et Vitu, traité de droit criminel. Problèmes généraux de sciences criminelle et droit pénal général, 4e éd, Cujas, tome1, n° 73 et Pradel (J), Droit Pénal Général, éd 2001, Cujas, P.28 et s.

* 17 Cette qualification a été tirée des discours du chef de l'Etat camerounais prononcés lors de ses multiples sorties courant 2010.

* 18 Berend (B), L'influence de l'organisation de l'Etat sur le droit pénal, RIDP, 1949, P.23 cité par Minkoa She (A) in Droit de l'homme et droit pénal au Cameroun, op.cit.

* 19 Pour reprendre l'expression de Ohanda Eloundou, in Juridis- périodique, n° 65, 2006, P. 91 et s. 

* 20 Mebu Nchimi Jeanne Claire, «Le Procureur de la République « décoiffé» de sa casquette de magistrat instructeur» ; in Les tendances de la nouvelle procédure pénale Camerounaise, vol 1, PUA, 2007, P.241 et s.

* 21 Sur l'ensemble de la question, lire Tchakoua Jean Marie, « La considération de l'intérêt social et de la paix publique en matière de poursuite : conjectures autour de l'article 64 du code de procédure pénale », in Les tendances de la nouvelle procédure pénale camerounaise, vol 1, PUA, 2007.

* 22 Sur l'ensemble de la question, lire Anoukaha (F), «Commentaire de l'organisation judiciaire au Cameroun », in Juridis- périodique n°65 de 2006.

* 23 Ordonnance n°72/4 du 26 Aout 1972 portant organisation judiciaire au Cameroun.

* 24 La comédie humaine, éd. La pléiade, T.6, P.178.

* 25 Contrairement au double degré de juridiction qui consiste à interjeter appel après un premier jugement rendu sur le fond de l'affaire, le double degré de l'instruction consiste quant à lui à remettre en cause par appel l'ordonnance du juge d'instruction. Il est aussi important pour dissocier ces deux mécanismes de rappeler qu'ils peuvent s'exercer dans une seule et même affaire à la condition que cette dernière soit sujette à instruction.

* 26 Ohanda Eloundou, « Un revenant : le juge d'instruction », juridis-périodique n° 65, 2006, P.91 ; Ndjere (E), Du juge d'instruction au juge d'instruction : quel changement pour quel résultat ?, Yaoundé, Presses de l'UCAC, 2006.

* 27 Cette définition est donnée par le Vocabulaire juridique, Gérard Cornu, Association Henri Capitant, 8e éd, PUF, 2009, P .500.

* 28 On peut sans risque dire avec ces auteurs que l'instruction est une véritable sorte d'avant procès non parce qu'elle se situe en amont de l'instruction définitive mais au regard du véritable débat contradictoire qui anime cette phase de la procédure.

* 29 Guillien (R) et Vincent (J), Lexique des termes juridiques, D, 13e éd, P.311. Il faut dire que la Chambre d'accusation, aujourd'hui Chambre de l'instruction en France a pour équivalent au Cameroun la Chambre de Contrôle de l'Instruction.

* 30 Mebu Nchimi (J.C), op.cit, P.242.

* 31 Minkoa She (A), op.cit. P.179.

* 32 Perrot (R), Institution judiciaire, 8e éd, Montchrestien, P.149.

* 33 Merle et Vitu, Traité de droit criminel, procédure pénale, Paris, 1980, 3e éd, Cujas, T. II, P. 518 et s.

* 34 Ces deux lois organisent la pratique du double degré de l'instruction.

* 35 Dans le même sens, on peut faire allusion aux articles 7 de le Convention Européenne des droits de l'homme, de la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples, et enfin l'article 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.

* 36 Faustin Helie, Traité d'instruction criminelle, n°1676, cité par D Allix, in Les droits fondamentaux dans le procès pénal, n°115.

* 37 Cons const, 19 janvier 1981.

* 38 Cass. Crim. 29 décembre 1964, Gaz. Pal, I, 257.

* 39 Au Cameroun, elles se composent des juridictions d'instance, des Cours d'Appel et de la Cour Suprême.

* 40 C'est le cas devant la Haute Cour de Justice

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