9.2.2 Les modes de transferts informels
Difficiles à appréhender par nature, les
transferts d'argent par les circuits informels restent quand même
largement encore répandus au sein de la diaspora
sénégalaise, en particulier auprès de certains migrants
commerçants et certains migrants originaires de la vallée du
fleuve Sénégal. Mamadou Ly, correspondant de Seneweb à
Paris, considère
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que l'utilisation de ce système de transfert
appelé « fax » est plus répandue auprès des
ressortissants de Tambacounda et du Fouta. Il explique comment fonctionne ce
système :
« Le "fax" dont la transaction est simplifiée
mais non sécurisée se fait comme suit : l'expéditeur se
présente dans un foyer avec le montant à envoyer moyennant une
commission de 5 à 10 euros selon les montants à expédier.
L'expéditeur donne le nom du destinataire au pays et ses
coordonnées téléphoniques. Aussitôt la personne est
mise au courant par un simple coup de fil. Le destinataire se pointe au lieu du
représentant du « fax » pour retirer l'argent ».
C'est essentiellement auprès de ces migrants,
composés par un nombre relativement important de personnes non
instruites en français, que l'on trouve un certain nombre de pratiques
tournées encore vers l'informel. Un internaute pense que les personnes
qui se servent du « fax » n'ont pas vraiment le choix.
« En France la majeure partie de
ceux qui envoient de l'argent par fax sont des sans papiers. Ils n'oseront
jamais se présenter devant une poste française pour faire un
transfert ».
La plupart du temps, ces envois dits informels transitent
entre les mains des grands commerçants ou des voyageurs. Habituellement,
les fonds collectés en France par ces commerçants sont
payés aux bénéficiaires au Sénégal en biens
de consommation courante. En effet, au lieu de se faire rembourser localement
en argent, les bénéficiaires peuvent par exemple s'approvisionner
en denrées alimentaires, en équipements de maison ou en
matériaux de construction ou encore passer de temps en temps
récupérer la dépense quotidienne dans les boutiques des
commerçants-convoyeurs. Ces derniers sont souvent
représentés au Sénégal par des membres de leur
famille ou par d'autres commerçants avec qui ils entretiennent des
relations privilégiées. Pour fonctionner, ce système
nécessite bien entendu une confiance réciproque entre les
émetteurs des transferts, les commerçants-convoyeurs et leurs
représentants au Sénégal. Néanmoins, les
bénéficiaires peuvent aussi se faire totalement rembourser en
argent. En fait, tout dépend des indications données par
l'émetteur en France. Les fonds mis à la disposition des
commerçants peuvent servir à acheter des marchandises pour
approvisionner les boutiques en France et au Sénégal. En
réalité, ces transactions financières sont
généralement effectuées sans que l'argent ne se
déplace physiquement. Dans tous les cas, un système de
compensation ingénieux est mis en place et chacun y trouve son
compte.
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Chaque fois que l'occasion se présente par ailleurs,
les voyageurs, sur le point de se rendre au Sénégal, peuvent
être sollicités par des parents et amis pour remettre de l'argent
à leurs familles restées au pays. Ce type d'opérations
nécessite également une parfaite confiance entre les
différentes parties. Il n y a absolument rien de signé entre
personnes concernées. Il n'en demeure pas moins que ces transferts
d'argent par des canaux non officiels comportent des risques non
négligeables, comme le souligne Gorgui:
« Ce système de transfert d'argent
parallèle est aussi ancien que le monde. La base de ce système
c'est la confiance ainsi cela se fait dans des communautés
fermées. Tu ne les entendras jamais se plaindre. Le taux de change est
meilleur et le prix très abordable. Le seul problème c'est les
risques de blanchiment d'argent. Des gens véreux peuvent l'utiliser pour
blanchir de l'argent sale ».
Des cas de retards de paiement sont fréquemment
évoqués. De même, en cas de perte ou de vol, les relations
peuvent dégénérer entre les protagonistes. Pour
réduire les risques, les acteurs qui interviennent dans les transferts
d'argent informels ont recours aux nouvelles technologies, notamment le
téléphone mobile qui leur permet d'améliorer leurs
services en efficacité et en sécurité. Dans tous les cas
estime cet internaute qui signe sous le pseudonyme d'Elton John:
« Les gens préfèrent enrichir leur
propre parent détenteur de fax à moindre coût que de verser
5 à 10 voire plus à la Poste ou ailleurs alors que l'État
du Sénégal ne fait rien dans ces localités du Fouta
».
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