Chapitre 9. Migrants, TIC et développement
Beaucoup d'observateurs s'accordent à penser que dans
le futur les TIC vont irréversiblement prendre une part croissante dans
de nombreux aspects de l'activité humaine ainsi que dans le
fonctionnement des sociétés et principalement les plus
industrialisées. « Ces technologies sont parées de toutes
les vertus ; sésames pour le marché et le « grand bond en
avant », outils de libération individuelle, elles sont
censées en elles-mêmes accroître la qualité de la
vie, stimuler la participation politique, promouvoir la cohésion sociale
et l'égalité dans toutes les régions du monde » (A.
Chéneau-Loquay, 2004). Pour ceux qui en ont une vision
idéalisée, les TIC semblent être la panacée qui va
enfin permettre de combler le gouffre économique entre les pays riches
et les pays pauvres. Dans cette société qui émerge
à l'aube de ce 21ème siècle,
la high-tech contribue incontestablement à réduire le
fossé Nord-Sud. (Pascal Renaud, 2001). Le processus d'insertion de
l'Afrique dans la toile mondiale est devenu irréversible. Il faut alors
réfléchir sur les moyens de surmonter de façon rationnelle
les contraintes spatiales et politiques liées au déploiement des
infrastructures ou équipements de télécommunications dans
les territoires africains.
De même, l'interaction entre migrants et TIC pourrait
contribuer à renforcer les moyens par lesquels les migrants peuvent non
seulement participer au développement économique et social des
territoires d'origine mais aussi à l'élaboration et la mise en
oeuvre des différents projets les concernant. Car, bien plus que le
simple maintien de contacts réguliers avec le pays d'origine, les TIC
offrent également aux migrants la possibilité de participer de
façon plus active au développement de leur pays d'origine aussi
bien du point de vue économique que du point vue social, technique,
culturel... En effet, les migrants font usage des TIC pour élaborer,
mener et gérer en commun des projets en faveur du développement
du pays d'origine, parfois avec le partenariat de divers acteurs. Parmi ces
derniers, les organismes internationaux ainsi que les organismes de
coopération et de solidarité du pays d'origine font figure de
bailleurs de fonds et aussi apportent leur expertise. Dans le pays d'origine,
ils peuvent compter sur le capital humain, c'est-à-dire l'expertise
locale mais surtout la détermination des populations à
s'approprier les projets afin d'améliorer leurs conditions de vie.
Nonobstant ces projets, la
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contribution des migrants peut prendre d'autres formes. Elle
peut se traduire par exemple par des envois d'argent, des transferts de
compétences ou de connaissances ainsi que par la promotion des
ressources du pays d'origine auprès des investisseurs potentiels dans le
pays de résidence.
Les TIC semblent posséder de nombreux avantages, y
compris pour les migrants qui souhaitent effectuer des démarches en vue
d'investir au Sénégal. En effet malgré la distance, les
migrants sont constamment à l'affût des opportunités
d'investissement dans leur pays d'origine. D'autre part, il convient de
souligner qu'il existe au sein de la diaspora sénégalaise de
nombreux migrants disposant d'une expertise avérée dont la
mobilisation et l'utilisation à bon escient pourraient, dans bien des
cas, se révéler extrêmement bénéfiques au
bien-être des populations restées dans le pays d'origine. Dans les
zones rurales qui en sont dépourvues, les migrants contribuent, à
travers leurs associations, à construire des équipements sociaux
collectifs (hôpitaux, centres de santé, écoles, bureaux de
poste...), à aménager des périmètres
irrigués ou des jardins maraîchers équipés de
pompes, forages, châteaux d'eau et aussi à créer d'autres
activités économiques.
Au Sénégal, des efforts considérables ont
été consentis afin de faciliter l'accès et l'utilisation
des TIC par les populations locales, à travers la multiplication des
points d'accès collectifs, notamment les cybercafés
privés, les centres multimédias communautaires (CMC) et les
dispositifs d'accès publics réalisés grâce au projet
d'appui au désenclavement numérique (ADEN).
L'intérêt des populations pour ces dispositifs d'accès
collectifs témoignent parfois d'une capacité d'adaptation
remarquable dont font preuve les organisations paysannes et les associations de
femmes. Tout cela constitue autant d'atouts pour favoriser des échanges
socio-économiques directement entre ces diverses structures, les
migrants qui disposent de connaissances et d'expériences par exemple
dans les domaines agro-alimentaire, économique, de la santé... et
les autres acteurs de développement.
Mais ce qui est surtout fondamental, ce sont bien entendu les
effets positifs que peuvent avoir les outils modernes de communication et
d'information sur les différentes stratégies
déployées afin d'inciter les migrants à effectuer des
investissements et participer à la création d'emplois dans le
pays d'origine. Avec les TIC, l'accès aux possibilités
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d'investissement devient plus démocratique et plus
transparent et certaines démarches administratives peuvent être
effectuées en ligne.
On observe ainsi la création tous azimuts de sites web
diasporiques où se construisent des identités collectives mais
aussi où se développent des initiatives susceptibles d'avoir des
répercussions sur l'organisation de l'espace dans les territoires
d'origine. L'enjeu, c'est de parvenir à faire en sorte que les TIC
puissent favoriser la mise en place d'un système de partenariat
véritable articulé autour des migrants, des différents
acteurs publics et privés dans les pays de résidence comme dans
les pays d'origine pour un développement social et économique
durable.
9.1 Les migrants des acteurs incontournables du
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