3.1.2 Les téléboutiques
Aujourd'hui encore, les tarifs de communication vers le
Sénégal proposés par des opérateurs comme Bouygues
Télécom, SFR et Orange restent relativement coûteux variant
entre 1,20 euros et 1,50 euros la minute de communication émise à
partir d'un téléphone mobile vers un numéro de
téléphone fixe ou mobile au Sénégal. Il est donc
plus intéressant d'utiliser les cabines téléphoniques
privées qui proposent des prix plus compétitifs variant entre 15
et 30 centimes d'euros pour une minute de communication vers le
Sénégal ou les cartes prépayées très
largement moins chères.
De nouvelles pratiques de communication
téléphonique se développent parmi les migrants
sénégalais au même titre que chez les autres migrants de
l'Afrique, du Maghreb et de l'Asie. Ces nouvelles pratiques sont en fait
liées à l'apparition des « télé et
cyberboutiques » comme celles observées et décrites par
Claire Scopsi à Château-Rouge à Paris88, ainsi
qu'à l'apparition des cartes téléphoniques
prépayées à codes confidentiels
88Claire Scopsi a mené une étude de
terrain dans les téléboutiques et les cyberboutiques
localisées au quartier de Château rouge dans le
18ème arrondissement à Paris (voir l'ouvrage
Mondialisation et technologies de la communication en Afrique sous la direction
de Annie Chéneau-Loquay, 2004, p.275). Château-rouge est un
quartier commercial où se côtoie une forte communauté
cosmopolite, français, africains, maghrébins, juifs, antillais,
asiatiques. Elle définit les téléboutiques et les
cyberboutiques comme des lieux commerciaux fournissant des services
téléphoniques et/ou d'accès à Internet. Ces
téléboutiques et
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afin de pouvoir effectuer des appels
téléphoniques vers l'international. L'émergence de ces
boutiques de communication résulte le plus souvent d'initiatives
strictement privées dans un contexte de crise de l'emploi dans le pays
de résidence. Ces lieux polyvalents servent à la fois de cabines
téléphoniques, de cybercafés, de points de vente de cartes
téléphoniques, de téléphones mobiles, de cassettes
vidéo et DVD véhiculant des variétés africaines,
indo-pakistanaises et les comédies de certains groupes de
théâtres africains. Certains proposent également dans leurs
téléboutiques des services de photocopies, d'envoi et de
réception de fax, etc. En France, ces téléboutiques sont
surtout utilisées quand on veut dire une chose urgente aux proches
restés dans le pays d'origine ou établis dans un autre pays
étranger et que l'on n'a pas assez d'argent. Ces points de vente,
implantés dans des quartiers à forte concentration de populations
immigrées, ont joué un rôle important dans la
démocratisation de l'accès aux TIC et aussi dans la
réduction de la fracture numérique.
A Bordeaux, les téléboutiques et cyberboutiques
restent pour l'essentiel gérées surtout par des Indo-Pakistanais,
et aussi par des Africains et des Maghrébins dans des proportions
moindres. Elles sont localisées essentiellement aux quartiers des
Capucins et Saint-Michel où se trouve une communauté cosmopolite
de migrants. Dans ces quartiers commerçants, peuplés autrefois de
populations d'origine espagnole et portugaise principalement, se côtoient
de nos jours des Africains, Antillais, Maghrébins et Turcs. Les
Indo-Pakistanais ont d'abord développé, sur la rue Elie-Gentrac,
des activités commerciales de produits alimentaires, cosmétiques
et autres produits exotiques ciblant principalement la communauté
africaine. C'est au début des années 2000 qu'ils ont
commencé à proposer dans cette boutique des cartes
téléphoniques à codes à leurs clients. Au fur et
à mesure que l'activité commerciale prospère, deux autres
boutiques spécialisées dans les produits cosmétiques ont
été ouvertes sur un petit rayon foncier. Ils vont se signaler par
la suite dans les ouvertures de téléboutiques sur le cours de la
Marne (04), le cours de l'Argonne (02) et sur la place Pey-Berland (01), des
téléboutiques tenues essentiellement par de jeunes
indo-pakistanais. Aujourd'hui, ils ont acquis une situation de quasi-monopole
dans ce secteur. Dans la même téléboutique, un petit espace
sert de cabines téléphoniques, un autre de cybercafé.
Ensuite, d'autres services sont proposés comme ventes de
téléphones mobiles, batteries, chargeurs et autres accessoires
pour
cyberboutiques s'inspirent du modèle des
télécentres africains et confortent les migrants comme des
acteurs de développement ici et là-bas.
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téléphone mobile. De même que des services
de décodage, d'impression, de photocopie y sont disponibles. Les clients
peuvent aussi y trouver des CD de téléfilms indo-pakistanais et
parfois africains. En outre, dans la téléboutique Eco Net Phone
située sur le cours de la Marne, les clients ont maintenant la
possibilité d'effectuer des transferts d'argent, via Ria transfert
d'argent (voir l'affiche de Ria sur la photo ci-dessous). Ces lieux peuvent
être considérés comme des lieux multiservices
adaptés aux besoins et aux attentes des populations migrantes.
Image1 : Téléboutiques
ou Taxiphones à Bordeaux : World Net Phone sur le cours
de l'Argonne et Eco Net Phone sur le cours de la Marne
![](Dynamique-des-reseaux-et-des-systemes-de-communication-des-migrants-senegalais-en-France6.png)
Photos : Moda Gueye
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