Le juge du contentieux des communications électroniques au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Stéphane Maviane EFFA EFFA Université catholique d'Afrique Centrale Yaoundé - Master 2 en contentieux et arbitrage des affaires 2012 |
B. La nature des sanctions prononcées par l'A.R.T.
Le pouvoir de sanction de l'A.R.T découle de l'article 66 de la loi régissant les communications électroniques qui dispose que : « l'Agence peut (...) sanctionner après constatation ou vérification, les manquements des exploitants des réseaux de communications électroniques ou des fournisseurs de services de communications électroniques (...) ». Ce pouvoir de sanction participe de l'effectivité et de l'efficacité de sa fonction de contrôle103(*) sur les activités de communications électroniques. L'A.R.T étant une autorité administrative indépendante au regard de son statut d'établissement public, les sanctions qu'elle prend sont de nature administrative. Une sanction administrative est « une décision unilatérale prise par une autorité administrative agissant dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique104(*) », infligeant « une peine sanctionnant une infraction aux lois et règlements105(*) ». Elle se distingue des mesures de police ou restitutives106(*) qui sont également des décisions administratives. La sanction administrative a une nature quasi-pénale, qui lui confère un caractère de « sanction disciplinaire renforcée »107(*). En matière de communications électroniques, le manquement à une obligation peut être sanctionné par des peines privatives de droits et/ou des peines pécuniaires. Les peines privatives de droit ont pour but de priver l'autorisation de ses effets. Mais elles doivent être utilisées avec la plus grande précaution. En effet, leur application peut entraîner des dommages importants à l'endroit des utilisateurs, qui seraient pénalisés à la fois par le manquement de l'opérateur en cause, mais aussi par la sanction de l'Autorité régulatrice. Les peines privatives de droits peuvent prendre la forme d'une suspension de titre d'exploitation pendant une durée d'un (1) mois ; d'une réduction d'un (1) an sur la durée du titre d'exploitation ; ou d'un retrait du titre d'exploitation108(*). Sans préjudice de ces mesures, l'opérateur fautif s'expose généralement à d'autres sanctions. Il s'agit des peines pécuniaires ou pénalités. Lorsque le titulaire d'une convention de concession, d'une licence, d'un agrément ou d'un récépissé de déclaration, délivrés en application de la présente loi ne respecte pas les obligations qui lui sont imposées par les textes législatifs et réglementaires, il s'expose également à des pénalités. C'est le cas du refus d'interconnexion ou d'accès à un réseau sans motif valable109(*) ; de l'utilisation de ressources de numérotation sans autorisation ; de l'établissement ou de l'exploitation d'un réseau ou d'un service de communications électroniques sans titre d'exploitation ; du maintien sur un réseau frauduleux ; de la violation de la décision de suspension ou de retrait du titre d'exploitation110(*) ; et du non respect des obligations contenues dans le cahier de charges111(*). En principe, l'Agence ne peut prononcer de peine pécuniaire à l'égard d'un opérateur lorsque le manquement est constitutif d'infraction pénale. Cette règle découle de l'article 65 (2) de la loi régissant les communications électroniques, qui dispose que : « La compétence de l'Agence (...) n'est possible qu'au cas où les faits, objet du différend, ne constituent pas une infraction pénale ». Cet article est l'illustration parfaite du principe du non cumul des sanctions pécuniaires et pénales pour les mêmes faits. Par conséquent, lorsqu'un manquement est susceptible de recevoir une qualification pénale, le Directeur de l'Agence doit transmettre le dossier au Procureur de la République dans un délai n'excédant pas 8 (huit) jours. Mais dans le cas particulier du cumul des sanctions pénales, administratives et disciplinaires, le principe de proportionnalité des peines doit être respecté. Il implique que le montant global des sanctions prononcées n'excède pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues112(*). Certains opérateurs de communications électroniques, ont déjà fait l'objet de sanctions. Il s'agit entre autres de : ORANGE Cameroun, pour utilisation sans autorisation de ressources de numérotation (940 440 000 FCFA de pénalités)113(*), et pour établissement non autorisé de liaisons interurbaines (3 200 000 FCFA de pénalités)114(*) ; MTN Cameroun, pour utilisation sans autorisation de ressources de numérotation (523.220.000 FCFA de pénalités)115(*) ; et RINGO S.A, 420.950.550 FCFA de pénalités, pour exploitation sans autorisation de bandes de fréquences dans certaines villes (Yaoundé, Douala, Bafoussam et Limbé)116(*). En principe, le recours judiciaire contre de telles sanctions n'en suspend pas l'exécution. Cependant, lorsqu'elles sont susceptibles d'entraîner des conséquences manifestement excessives ou s'il est survenu postérieurement à leur notification, des faits nouveaux d'une exceptionnelle gravité, et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité, le juge de recours peut prononcer le sursis à exécution117(*). En somme, les différends de communications électroniques relèvent tantôt du droit privé, tantôt du droit administratif, et peuvent être réglés par l'A.R.T, selon des procédures bien distinctes. Cependant, en matière de recours contre de décisions de l'Agence, les juridictions compétentes ne sont pas expressément désignées. D'où la nécessité d'une détermination précise des juridictions compétentes dans le contentieux des communications électroniques. * 103 H.-M. CRUSIS, « Sanctions administratives », Juris-Classeur administratif, fasc.108-40. * 104 Décision n°89-260 DC du 28 juillet 1989, sur la Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, Rec. P. 71. * 105 Conseil d'Etat, Rapport annuel de 1995, Les pouvoirs de l'administration dans le domaine des sanctions, La Documentation française, Paris, 1995. * 106 Franc MODERNE, « Sanctions administratives et justice constitutionnelle », Paris, Economica, 1993. * 107Robert METTOUDI, « Les fonctions quasi-juridictionnelles de l'Autorité de Régulation des Télécommunications », Thèse de Doctorat soutenue le 2 septembre 2004 à l'Université de Nice-Sophia Antipolis, JOCE n° L 186/43 du 25 juillet 2003, p. 43. Http://www.mettoudilaw.com, le 12.05.2012, 02 : 30. * 108 Article 68 de la loi régissant les communications électroniques. * 109 Article 69 (1) de la loi sus citée. * 110 Article 69 (5) de la loi régissant les communications électroniques. * 111Article 69 (7) de la loi précitée. * 112 R. Salomon, « Le pouvoir de sanction des autorités administratives indépendantes en matière économique et financière : conformité aux garanties fondamentales », JCP G. 2000, N° 42, p. 1912. * 113 http://www.art.cm, l'A.R.T sanctionne, 06.01.2012, 8h 20, Décision N°0000067/ART/DG/DAJCI/SDAJPC/SCO du 22 juin 2011. * 114Décision N°0000064 /ART/DG/DAJCI/SDAJPC/SCO du 22 juin 2011. * 115Décision N°0000065 /ART/DG/DAJCI/SDAJPC/SCO du 22 juin 2011. * 116Décision N°000052/ART/DG/DAJCI/SDAJPC/SCO du 09 juin 2011. * 117 Article 65 (11) et (12) de la loi régissant les communications électroniques. |
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