Chapitre I. : DE L'ETAT DE NATURE
I.0. Introduction
La question de l'état de nature s'articulera autour des
trois points essentiels, à savoir la définition et la
nécessité de l'état de nature, l'état de nature ou
l'état de guerre et la sortie de l'état de nature.
I.1. Définition et nécessité de
l'état de nature
Par état de nature, Kant entend un état de
déraison, un état d'anarchie et sans lois dans lequel les
individus ne vivent pas de façon isolée mais ne se sont pas
encore constitués en un Etat de droit. Autrement dit, l'état de
nature est un état de violence et de guerre. Les individus sont enclins
à la guerre et à la violence si pas ouvertes du moins
latentes.
Face à cette propension à la violence et
à la guerre, Kant tire explicitement le noyau de son argument sur la
question de l'état de nature en stipulant que « pour les
hommes, l'état de nature n'est pas un état de paix, mais de
guerre, sinon ouverte, au moins toujours prête à s'allumer
»1.
Cette forte affirmation de Kant nous permet de confirmer la
thèse définitionnelle de l'état de nature en termes
d'état de guerre. Ceci soulève sans nul doute la question du
rapport et de la relation entre les hommes à l'état de nature,
à l'état de guerre. Pour répondre à cette question,
nous affirmons avec force, à la suite de Kant, que la relation entre les
hommes est marquée par un attrait vers la violence et une propension
radicale à la guerre - violence et guerre étant les attributions
de l'état de nature dans lequel les hommes vivent -. Et d'après
le philosophe de Könisberg
L'homme ou le peuple, qui vit dans l'état de nature, me
prive la sûreté et m'attaque sans être agresseur, par cela
même qu'il se trouve à côté de moi dans un
état d'anarchie et sans lois; menacé sans cesse de sa part
d'hostilités contre lesquelles je n'ai point de garant, je suis en droit
de le contraindre, soit
1 E. Kant, Projet de paix perpétuelle,
p.340.
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de s'associer avec moi sous l'empire de lois communes, soit
à quitter mon voisinage2.
Cette évocation kantienne sur la relation entre les
hommes à l'état de nature contient les prémisses de la
constitution civile et de l'Etat de droit. Nonobstant cette anticipation, il
convient de signaler que c'est la saisie de l'état en tant
qu'état de guerre, mieux, en tant qu'état de privation de la
sûreté personnelle qui captive notre attention à ce stade
de réflexion. Les hommes se sentent continuellement menacés,
leurs libertés étant en proie de ceux qui vivent à leurs
côtés à l'état de nature. Dès lors,
l'impérieuse nécessité de la sûreté
personnelle se fait sentir étant donné que l'état de
nature reste avant tout l'état de guerre.
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