III.3. le droit cosmopolitique
Le jus cosmopoliticum se définit comme le
droit de tous les citoyens du monde. Autrement dit, c'est le droit qui porte
sur l'unification possible de tous les peuples, relative à certaines
lois universelles. Cette définition se comprend du fait que
Tous les peuples sont originairement en situation de
communauté du sol, non pas certes de communauté juridique de
possession(commerce), ni donc d'usage ou de propriété de ce sol,
mais en situation d'action réciproque physique possible(commercium),
c'est-à-dire le rapport généralisé entre chacun et
tous les autres consistant à se prêter à un commerce
réciproque, ils
65 E. Kant, Projet de paix
perpétuelle, p.379.
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ont le droit de tenter d'instaurer ce commerce avec chacun,
sans que l'étranger soit pour autant justifié à traiter en
ennemi celui qui fait cette tentative66.
Cette citation tirée de la pratique du commerce entre
les peuples illustre à suffisance le caractère d'unification des
peuples, tel que la définition du jus cosmopoliticum le met
profondément en musique.
III.3.1. Le républicalisme ( la constitution
républicaine)
Le premier article définitif pour la paix
perpétuelle stipule que « La constitution civile de chaque
état doit être républicaine». Car, poursuit Kant,
« il n'y a donc que la constitution républicaine, qui,
relativement au droit, serve de base primitive à toutes les
constitutions civiles ; reste à savoir, si elle est aussi la seule qui
puisse amener une paix perpétuelle. »67
Reposons-nous donc la question de savoir de quelle
manière la constitution républicaine peut-elle nous faire
espérer une pacification permanente ? Pour y répondre Kant
souligne que
Suivant le mode de cette constitution, il faut que chaque
citoyen concoure, par son assentiment, à décider la question si
l'on fera la guerre, ou non. Or, décréter la guerre, n'est-ce
pas, pour des citoyens, décréter contre eux-mêmes toutes
les calamités de la guerre : leurs propres moyens aux frais de la guerre
; de réparer péniblement les dévastations qu'elle cause ;
et pour comble de maux, de se charger enfin de tout le poids d'une dette
nationale qui rendra la paix même amère et ne pourra jamais
être acquittée, puisqu'il y aura toujours de nouvelles
guerres68.
Il découle de cette affirmation que les citoyens,
reconnaissant les conséquences de la guerre, ne peuvent d'aucune
manière être enclins à souscrire pour la thèse de la
guerre ; mais ils rechercheront à tout prix la paix entre tous.
Cependant, pour empêcher qu'on ne confonde la
constitution républicaine avec la démocratique, il faut faire les
observations suivantes :
66 E. Kant, Métaphysique des moeurs. I.
Doctrine du droit, p. 626.
67 E. Kant, Projet de paix
perpétuelle, p.342.
68 Ibidem, p.343.
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Les formes d'un Etat peuvent être divisées, soit
selon les personnes qui jouissent du souverain pouvoir, soit d'après le
mode d'administration dont use le chef quelconque du peuple.
La première forme s'appelle la forme du souverain(forma
imperii) et il ne peut y en avoir que trois : l'autocratie, quand un seul a le
pouvoir suprême ; l'aristocratie, quand plusieurs le partagent ; la
démocratie, quand tous les membres de la société
l'exercent.
L'autre forme est celle du gouvernement (forma regiminis) ;
C'est le mode constitutionnel suivant lequel la volonté
générale du peuple a décidé que s'exercerait son
pouvoir ; et sous ce rapport, elle est ou républicaine ou despotique.
Toutefois, dit Kant,
Un Etat peut avoir un gouvernement républicain, alors
même qu'il laisse encore subsister un pouvoir despotique, jusqu'à
ce que le peuple cède enfin à l'influence de l'autorité
seule de la loi, comme si elle avait une puissance physique, et qu'il soit
capable d'être son propre législateur, ainsi que son droit
primitif l'exige. 69
Il s'avère donc nécessaire dans la perspective
de la paix perpétuelle que les Etats optent pour le gouvernement de type
républicain de telle sorte que « les relations internationales
perdent leur caractère belliqueux dans la mesure où les Etats
adoptent des gouvernements de type républicain. »70
Aussi faut-il noter, à la suite de Kant, que «
dans une communauté républicaine, les principes de la
constitution offrent des critères qui doivent permettre d'évaluer
publiquement la politique menée »71. Ceci attribue
davantage la fiabilité à la constitution républicaine dans
la mesure où elle constitue l'essentiel du premier article
définitif pour la paix perpétuelle.
69 E. Kant, Projet de paix
perpétuelle, p.367.
70 J. Habermas, op.cit., p.28.
71 Ibidem, p.39.
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