Introduction
Le parcours professionnel conditionne ma réflexion. Une
pratique professionnelle de quinze années en école classique, et
une formation adaptée, constituent le préalable à
l'enseignement en milieu hospitalier. Le passage de la pédagogie de
groupe à une forme individualisée ne peut se faire sans
interrogation, surtout si cette pédagogie nécessite une
adaptation soutenue. La pratique en hôpital fait appel à une
démarche d'empathie * , conduisant à la compréhension de
l'humain.
On pourrait croire que l'école à l'hôpital
soumet les enfants à une forme d'acharne-ment pédagogique :
Ne vous acharnez pas ... Laissez-les donc se reposer !
tel est l'avis que formulent les adultes n'ayant pas
vécu l'hospitalisation d'un enfant.
Toutefois, les familles concernées, réunies en
associations, sont à l'origine, à Nouméa comme en
Métropole, de l'ouverture d'écoles au sein des hôpitaux.
Mon opinion quelque peu mitigée entre ces positions,
résulte d'une interrogation quant à l'avis des enfants eux
mêmes. La plupart d'entre eux se rend spontanément à
l'école de l'hôpital, mais nous ignorons les motivations qui les
poussent à quitter la chambre pour une classe où le travail
scolaire est de mise.
Une enquête permettra de consigner leur point de vue et de
savoir si :
L'école à l'hôpital répond
aux besoins des enfants hospitalisés ?
Leurs parents ont manifesté le désir que l'on
puisse satisfaire à deux exigences:
1° éviter la rupture de la scolarisation
2° prendre en compte la souffrance des enfants
Pour répondre à leur demande, l'enseignant doit
mettre en oeuvre le programme éduca-
tif global, et l'adapter à la situation. Les Institutions
par voie réglementaire en fixent
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les modalités et confirment la notion d'obligation
scolaire. Principe traduit par la Déclaration des droits de l'enfant
2 en termes de droits fondamentaux:
«L'enfant physiquement, mentalement ou socialement
désavantagé doit recevoir le traitement, l'éducation et
les soins spéciaux que nécessite son état ou sa
situation.»
Cette problématique, est-elle conciliable avec les
positionnements multiples (parents, soignants, enseignants), nous tenterons d'y
répondre par le biais du questionnement suivant:
1 Circulaire 1991-303 du 18 nov. 1991, Scolarisation des
enfants et adolescents accueillis dans les établissements à
caractère médical sanitaire ou social, B.O. n° 3 du
16/01/1992.
2 Organisation des Nations Unies, Déclaration des
droits de l'enfant, résolution 1386 (XIV), 20/11/1959.
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L'école à l'hôpital
répond-elle pleinement à la demande des parents et de
l'institution ? Pour que la réponse soit
«pleinement» positive il faut vérifier les exigences suivantes
:
a) le temps pédagogique assure la continuité
scolaire.
b) le temps pédagogique prend en compte la souffrance des
enfants hospitalisés. Nous comptons mesurer la première condition
en déterminant le temps effectivement réservé aux contenus
scolaires et en le comparant aux horaires officiels.
Puis, la seconde sera estimée par l'analyse de la
réponse des enfants à la question:
Pourquoi viens-tu à l'école de
l'hôpital ?
Les réponses exprimant un avis cognitif seraient
corrélées à la première exigence.
Les autres seront interprétées comme une demande
de prise en compte de la seconde (la souffrance) à moins qu'elles ne
révèlent d'autres aspirations?
La première partie du mémoire
sera consacrée à l'état des lieux, définissant le
cadre de l'action et des institutions, ainsi que les grands traits de
l'équipe au chevet (parents, associations, soignants et enseignants).
Sachant que l'enseignant à l'hôpital est le trait d'union entre
intervenants (internes/externes), nous aborderons un problème majeur,
celui relatif au partage de l'information. Ensuite nous présenterons
l'acteur principal: l'enfant malade, ses difficultés et notre
démarche pédagogique.
La seconde partie aborde l'enquête visant
à répondre à la problématique par:
· La mesure du temps pédagogique et ·
L'appréciation de la motivation des élèves.
Sans doute faut-il comprendre chez l'adulte qui opte pour
Ò le refus d'acharnement » l'idée sous-jacente de Ò
leurrer » les enfants pour qu'ils oublient la réalité.
L'exemple suivant nous apporte un élément de
réflexion :
Acharnement pédagogique ? Allan, 5 ans,
gravement brûlé, est hospitalisé en chirurgie.
Ses pansements sont renouvelés sous anesthésie
générale trois fois par semaine.
La famille présente en continu le soutient dans sa
douleur.
Allan ne porte aucune attention à l'enseignant qui prend
quotidiennement de ses nouvelles.
Il détourne les yeux, refuse le contact, ne consent
à regarder les livres que si la maîtresse se retire.
Apprenant que son travail sera transmis à son
école d'origine, il accepte de dessiner.
Après six semaines, pouvant se déplacer, il
décide de visiter l'école en présence d'un parent.
Il choisit de jouer avec l'enseignant mais se garde de lui
parler.
Deux jours, suffisent à délier sa langue :
« maman, tu peux partir maintenant ... Maîtresse,
tu peux me donner un livre ?...»
Métamorphosé, il s'attache à l'école
et déborde d'activité.
Les souffrances d'Allan le conduisaient à briser les
liens.
Son indifférence disparaît à la faveur de
l'amélioration de son état.
Capable de se détacher de ses parents il peut se
replonger dans la normalité de l'école,
assumer seul, son statut d'élève, parler,
apprendre, s'impliquer dans un projet.
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