Les cours d'appui au CM2: critique sociologique d'une pratique pédagogique. à‰tude de cas à Yeumbeul- Nord au Sénégal( Télécharger le fichier original )par Abdou FAYE Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Certificat d'aptitude aux fonctions d'inspecteur de l'enseignement élémentaire 2011 |
II.2. La question de la qualité dans les cours d'appuiLa connaissance est susceptible de développement et la science de progrès pour cette simple raison que nous pouvons être instruits par nos erreurs.40(*) Cette pensée de Popper fait percevoir que l'apprenant se rend à l'école pour acquérir des connaissances, mais il lui est difficile d'atteindre le sommet de la perfection. Dans ce processus apprendre, il va être confronté à des obstacles de toute nature, à des erreurs, en somme à des difficultés d'apprentissage auxquelles l'institution scolaire a l'obligation de résoudre afin que celui-ci ne sombre pas dans une situation d'échec avéré. Vianin précisait à ce propos : Les élèves en difficulté sont souvent en échec scolaire parce que qu'ils ne connaissent pas les stratégies d'apprentissage efficaces. Or les élèves viennent d'abord à l'école pour apprendre. Il n'est pas surprenant de constater que leurs difficultés relèvent fréquemment d'une incapacité à apprendre ou, autrement dit, à utiliser leurs ressources intellectuelles ou cognitives de manière efficiente41(*). C'est là, toute la noble mission de l'idée d'organiser des cours d'appui dans la commune d'arrondissement de Yeumbeul-Nord en vue d'aider ces nombreux élèves à sortir des situations de déséquilibre au plan cognitif et de renforcer leurs résultats scolaires. Toutefois, il sera constaté un fossé profond entre l'intention et la réalité, au plan de l'organisation pédagogique. En effet, des séances destinées à renforcer, à consolider ou à remédier, nécessitent beaucoup de rigueur de la part des acteurs, dans les choix des contenus, dans le diagnostic des difficultés, dans la sélection des cibles et dans la planification des activités dans le temps et dans l'espace. Même si les maîtres s'inscrivent dans une perspective d'améliorer les rendements scolaires, les stratégies et les outils mis en oeuvre ne semblent pas satisfaire cette ambition. En effet, les données laissent apparaître que ce sont les maîtres qui choisissent eux-mêmes les contenus à proposer en séance de cours d'appui, les équipes pédagogiques ne sont point impliquées, ni en amont, ni en aval des séances. En clair, aucune activité ne fait l'objet d'une préparation bien pensée, la démarche et les outils mis en oeuvre ne favorisent pas une bonne pratique de classe en cours d'appui. Les rythmes et les styles d'apprentissage doivent être pris en compte, car il n'y a pas deux apprenants qui apprennent de la même manière, ni deux apprenants qui progressent à la même vitesse. De ce point de vue, les méthodes et les démarches pédagogiques en cours d'appui doivent être centrées sur l'élève en difficulté et non sur l'argent. Cette situation laisse présager une absence de qualité dans l'organisation des séances de renforcement ou de remédiation et un manque d'intérêt pédagogique au grand dam des apprenants. Dans la même veine, les élèves affirment à la lumière de leurs réponses, contrairement aux maîtres, qu'une large plage horaire est consacrée aux leçons d'acquisition dans les disciplines instrumentales comme le français et le calcul à la place du renforcement ou de la remédiation. Peut être l'intention du maître ici, est de terminer dans les délais un programme qui, estiment-ils, est très vaste. Comme le précisent en substance ces élèves : «On fait beaucoup de leçons d'acquisition, le maître dit que le programme est vaste », « on fait beaucoup de leçons d'acquisition pour terminer tôt le programme », etc. Nous pensons qu'il y a là un problème car les cours d'appui doivent être organisés en fonction des difficultés des élèves en vue de pouvoir mesurer leur impact sur leurs performances et non pour un souci de terminer un programme très étendu. En somme, les renvois répétitifs d'élèves aux heures de cours d'appui et de cours officiels ne permettent pas une bonne maîtrise des contenus et restent en déphasage avec les principes de la qualité des enseignements-apprentissages à savoir l'efficacité, la pertinence et l'efficience. Sur le même registre, l'exploration des documents liés à ces cours payants, montre d'une part qu'il n'y a pas un travail en amont pour déterminer les véritables cibles qui doivent suivre les cours, d'autre part les cahiers utilisés en séance de cours d'appui, ne permettent pas une bonne lisibilité du travail qui s'y fait, vu leur état. Ceci amène à dire que la dimension pédagogique de cette pratique manque de considération. Nous en voulons pour preuve, une absence de programmation ou de planification des séances de renforcement ou de remédiation d'apprentissages où des élèves n'ont pas donné satisfaction à l'issue d'une série d'évaluations. Et l'aberration qui s'en suit c'est le fait d'obliger tous les élèves à suivre les cours, alors que certains ayant réussi à franchir les difficultés et à comprendre, n'en ont véritablement pas besoin. En plus, l'exploitation a révélé que les enseignements/apprentissages devant faire l'objet de renforcement ou de remédiation n'apparaissent nullement dans les cahiers de cours du soir. Dans le même ordre d'idée, ces cahiers présentent beaucoup de manquements et de légèretés. Ils ne donnent aucune indication sur l'objet à renforcer ou à remédier, ils ne laissent entrevoir aucun caractère officiel, aucune motivation (absence de correction des cahiers par le maître, préparations non matérialisées, etc.). En résumé, les maîtres de cm² ne se fixent pas d'objectifs tendant à atténuer les difficultés que les élèves rencontrent dans les apprentissages ponctuels. Ils se contentent de faire des révisions de contenus déjà vus (acquis ou non acquis) à travers le calcul par une panoplie d'opérations et de problèmes, le français par une kyrielle de dictées et de questions et enfin l'éveil, par des questions de cours tous azimuts. Parfois même, des notions non encore abordées, apparaissent en cours de renforcement. Suffisant alors pour tenter de nous questionner sur la fiabilité de la qualité des cours d'appui ou cours de renforcement. A ce rythme, même si les élèves réussissent en masse à l'examen, soit c'est la conséquence logique d'un bachotage intensif soit c'est l'imminente suppression de l'entrée en 6è par l'État qui se manifeste par la formule « tout le monde passe » (voir tableau des résultats du cfee dans le cadre d'étude), mais pas avec un encadrement efficace capable de produire des résultats durables, en somme de former les élèves. Tout compte fait, les cours d'appui, tels qu'ils se déroulent dans la commune d'arrondissement de Yeumbeul-Nord constituent une source de problèmes comme le laissent apparaître les différentes sources de données (cf. tableaux des données) et des documents. Ces problèmes sont principalement de deux ordres : celui lié à l'organisation sociale et celui relatif à l'organisation pédagogique des cours d'appui. Au plan social, les enquêtés estiment que toutes les difficultés rencontrées dans le fonctionnement des cours d'appui découlent de la non implication des parents et de leurs structures (APE/CGE) dans cette organisation. Au plan pédagogique, non seulement il n'y a pas implication des équipes pédagogiques sous la houlette des directeurs, mais il y a inexistence de diagnostic des difficultés, absence de planification et d'évaluation des activités et la non détermination en amont des cibles invitées à suivre telle ou telle séance de renforcement ou de remédiation. Fort de cela, il vaudrait mieux leur donner de nouvelles orientations que de les supprimer car ils peuvent être comptés parmi les intrants de qualité du système éducatif qui cherche désespérément à sortir des sentiers battus. * 40 Karl R. Popper cité par Villepontoux dans aider les enfants en difficulté à l'école. L'apprentissage du lire-écrire. P :37 * 41 Pierre Vianin, L'aide stratégique aux élèves en difficulté scolaire : Comment donner à l'élève les clés de sa réussite, 2009 |
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