INTRODUCTION
La forme d'organisation sociale que l'on désigne sous
le vocable Organisation non gouvernementale, est au carrefour de deux courants
de pensée, `'associationniste'' et `'missionnaire''. Les ONG ont
construit leur crédibilité, auprès des opinions publiques
et des donateurs, sur leur distance, leur hostilité, aux logiques et aux
symboles de la puissance étatique.
Que ce soit dans le climat idéologique de la fin des
années 1960 ou le mouvement anti-totalitaire dans les années 1970
et 1980, elles entretinrent longtemps une certaine défiance à
l'égard des logiques de puissance de la
« Realpolitik » qui caractérisaient le comportement
des Etats. De leur côté, nombreux d'Etats les considéraient
avec suspicion compte tenu de leur pouvoir de nuisance médiatique, dont
l'indépendance semble être leur maître mot.
Les ONG ont plus ou moins su répondre à des
besoins réels, en particulier dans des situations difficiles pour
lesquelles l'acheminement des appuis, des moyens matériels et humains
nécessitaient : connaissance du terrain et capacité à
identifier de façon précise ceux qui devaient recevoir l'aide en
priorité. Les actions des ONG dans leur dimension concrète, envoi
d'argent et/ou de personnels, étaient d'abord matérielles. Il
s'agissait de creuser des puits, de construire des écoles, des
dispensaires, de tracer des routes, de réaliser des petits
systèmes d'irrigation...
Certaines microréalisations laissaient des traces
visibles sur le terrain et on pouvait alors envoyer aux donateurs des photos de
ce qui avait été fait avec leur argent par contre d'autres non.
En second lieu, l'État étant considéré, dans ces
dernières décennies, comme l'acteur majeur du
développement, ce n'est que par substitution à son rôle
réel ou supposé que les ONG agissent. Autrement dit, elles
agissaient dans les `'rôles'' de l'action publique : les fonctions
traditionnellement dévolues à l'État en matière
d'éducation, de santé publique ou d'encadrement d'agriculteur ont
été alors assurées par les ONG, à la place de la
puissance publique.
Les Organisations Non Gouvernementales sont tributaires de
leur capacité à trouver des fonds nécessaires à
leur fonctionnement, et à les gérer efficacement. Dons
privés et subventions publiques constituent les deux principales sources
de leur financement. La générosité privée est donc
une ressource convoitée : cet état de fait entraîne
une vive concurrence entre les ONG, en termes de stratégies de
communication et de fidélisation des donateurs. En outre, les scandales
financiers des années passées (détournements d'argent et
cessations brutales d'activité) ont poussé de plus en plus
d'organisations à publier de façon transparente leurs comptes et
à adopter des chartes de bonne gestion.
Une grande partie de leurs interventions est cohérente
et convergente avec l'action des pouvoirs publics, que ce soit dans les
opérations de terrain (aide d'urgence et projets de
développement) ou dans le domaine de l'éducation au
développement. L'échec relatif d'un certain nombre de programmes
de développement importants mis en place après les
indépendances en Afrique (barrages, planification de
l'industrialisation, aménagement des terres agricoles...) et le doute
quant à l'efficacité des projets officiels, accusés de
gigantisme et soupçonnés d'être des lieux de corruption,
ont provoqué un vaste mouvement de changement.
Désormais, tout ce qui était mis au passif des
États `'inefficacité de l'aide publique, visées
géopolitiques/stratégiques, lourdeur des procédures
d'attribution et de réalisation des projets, faible transparence des
choix de moyens et de partenaires...'' a été versé, sans
autre forme de procès, au crédit des ONG, devenues, au niveau de
l'opinion publique, l'incarnation de l'efficacité, du
désintéressement, de la proximité et du dialogue
transparent. Dans le domaine de l'action non lucrative, elles semblent plus que
jamais nécessaires : elles sont porteuses de sens dans un monde
largement dominé par le secteur privé. Ensuite, les ONG ouvrent
et expérimentent de nouveaux espaces de gouvernance. Ce qui signifie que
les choix collectifs en matière de développement peuvent
être le fruit d'un dialogue entre les différentes composantes de
la société.
Ces opportunités qui sont offertes par la mise en place
des ONG tournées vers le développement régional ou local
en vue de l'amélioration des conditions de vie des communautés
à la base constituent pour nous un motif d'intérêt pour le
choix de ce thème : les ONG locales de développement et la
question de pérennisation de leurs actions dans la Préfecture de
Kankan.
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