SECTION IV. ANALYSE DES COMPORTEMENTS, PERCEPTIONS ET
REPRESENTATIONS DES COMMUNAUTES BENEFICIAIRES SUR LES ACTIVITES EXECUTEES PAR
LES ONG
Dans l'ensemble, la majorité des activités
planifiées ont été réalisés et la
quantité de travail accomplie par les ONG est non seulement
impressionnante comme le font remarquer certains interviewés
« l'APROFIG reste l'un de nos premiers partenaires surtout en
matière de développement scolaire et de l'intégration des
filles et des femmes dans le processus de
développement mais également des oeuvres de
très de bonne qualité », un autre de BATE SABATI
dira « Les réalisations de cette organisation sont aux yeux des
observateurs de développement très
appréciées ».
Toutefois, l'analyse des équipes d'évaluation a
relevé à quelques reprises que les mécanismes
centrés sur les résultats développent parfois une
`'culture de produits standards'' au niveau des équipes des
agents chargés de la mise en oeuvre. Exemple, le personnel des ONG, a
souvent tendance à présenter son travail en termes d'obligations,
de nécessité plutôt que « du point de
vue de sa pertinence par rapport aux objectifs du programme. Ainsi, en
s'inspirant d'expériences antérieures, le secteur de
l'éducation a renforcé son approche largement participative pour
atteindre un consensus pour le changement. »
Un important acquis auquel l'ONG/APROFIG a contribué
c'est la revitalisation de la culture de prise de décision basée
sur un processus participatif, qui implique les diverses parties prenantes des
différents secteurs d'intervention depuis les bases jusqu'au niveau de
la communauté entière. Selon plusieurs enquêtés,
cela représente un changement important par rapport aux pratiques qui
étaient davantage dirigées à partir du niveau
régional.
Ce processus participatif de prise de décision fait
maintenant partie des procédures courantes de la plupart des ONG et
commence à s'enraciner à un niveau plus large des organisations
de la société civile préfectorale et même
régionale, comme le confirme la déclaration de certains
responsables des OSC :
« Le processus participatif réussi est
l'élaboration des critères de qualité. Même si dans
plusieurs cas ces critères n'ont pas été remplis, ils
offrent des objectifs communs pour l'amélioration de la qualité
des prestations dans les domaines de l'éducation, de la santé, de
l'environnement etc. »
En termes de perspectives de pérennisation, les
critères de qualité fournissent une référence qui
demeurera valable à tous les niveaux même s'ils ne sont pas
entièrement atteints. Les activités réalisées par
les ONG, ont contribué au développement des capacités de
planification à différents niveaux du système. Une
décentralisation plus poussée constituerait une étape
très positive, mais ce processus continuera à présenter
des défis.
En effet, la décentralisation est une politique
introduite et mise en oeuvre dans nos communautés, n'est pas souvent
facile et comprise pour tous les acteurs engagés. Par exemple l'ONG
APROFIG, elle a entrepris la formation sur la base que la
décentralisation budgétaire allait devenir une
réalité non pas un vain discours. Cependant ni la conception
d'outils de gestion administrative et financière, ni la formation des
cadres aux niveaux déconcentrés n'a donné de
résultats significatifs. Plusieurs raisons expliquent ce
phénomène : Probablement le manque de consensus sur un cadre
budgétaire formel pour les services déconcentrés, et un
partage des rôles et responsabilités budgétaires et
financières entre différents services expliqueraient cet
état de fait.
Même si les prestations offertes dans le domaine de la
gestion financière par les agents de l'ONG ont été
utilisées par les communautés, il faut dire que les budgets de
fonctionnement ont été acheminés de façon
irrégulière et aucune ressource opérationnelle n'a
été mise à la disposition des différentes cibles.
Ce constat avait été fait par l'USAID en 2007 en ces termes
« l'utilité limitée de ces plans en l'absence de
ressources pour leur mise en oeuvre limiterait les actions des
ONG ».
Un ancien partenaire de la même institution et ancienne
personne ressource de BATE SABATI indique « tant que les
partenaires techniques et financiers continueront à procurer des
ressources aux ONG locales, il continuera à y avoir un besoin en
capacités de gestion budgétaire et financière et auront
une main basse ou main mise sur tout ce que font les ONG ».
L'ANALYSE DES DIFFICULTES RENCONTREES PAR LES ONG DANS
LA MISE LEURS ACTIONS
Les données recueillies montrent que les ONG dans leur
ensemble sont confrontées à des enjeux qui menacent la
durabilité de leurs actions. Ces enjeux sont d'ordres techniques
matériels et financières d'une part, et d'autres part à
des contraintes liées aux aspects organisationnels,
analphabétisme, pauvreté, besoin lucratif du gain
immédiat, de l'influence de la migration des membres surtout les membres
clés des certaines structures sélectionnées vers les zones
minières et d'autres centres commerciaux.
Sur le plan financier les ONG locales de développement
ne sont autonomes. Leur existence et leur survie dépend en grande partie
à des donateurs externes que sont les bailleurs de fond bi et
multilatéraux. Ceux-ci sont presque devenus standards et universels,
c'est soit l'union européenne, les pays du golf comme le Koweït,
l'agence américaine de développement, la coopération
technique allemande ou les institutions du système des nations unies.
Le plus souvent, les actions de développement dont sont
porteurs ces bailleurs de fond ne tiennent pas compte de certaines exigences
des populations bénéficiaires. Durant les entretiens, un
enquêté affirme que « Quand le changement est induit
de l'extérieur, rarement il sera accepté par un peuple
conservateur comme les notre, pour lesquels tout changement qui n'est pas venu
d'eux même est une menace qu'il faut repousser et combattre avec la
dernière énergie».
Les entretiens montrent que le système avec lequel, les
bailleurs financent les actions de développement dans les pays en voie
de développement demeure très compliqué à tel
enseigne que les fonds arrivés en compte goute et de façon
très dispersée ; ne permettant ainsi aux communautés
de bénéficier tout le financement.
Au dire d'un ancien responsable financier d'une grande
institution internationale « la majeur partie des projets
montés et destinés vers l'Afrique subsaharienne c'est juste pour
avoir des dollars et des 4x4 grosses cylindrées et se promené de
capitale en capitale ».
Cette situation avait été déjà
constatée par MALAFOSSE en février 2011 lors du
9ième Forum Social Mondial « nombreux sont les
bailleurs qui travaillent avec des moyens nécessaires et suffisants.
Parfois d'aucuns parmi eux ne connaissent pas ou ne maitrise pas suffisamment
leurs terrains et agit avec des moyens humains et matériels
disproportionnés ». Le même analyste continu en
disant que :
« ce qui est plus grave est sans doute le
manque de volonté de certains bailleurs de fonds et de donateurs
individuels, et partant, des dirigeant de certaines ONG locales de
développement de ne pas avoir donné la priorité à
la formation des cadres locaux qui sont les futurs gestionnaires de leurs
actions. Ceux-ci s'ils sont préparés conséquemment, aurait
pu, à un terme plus court qu'on ne le pense, prendre leur
responsabilité en les préservant pour les
générations future. »
Longtemps, ils sont venus de façon
dispersée et ont abordé un domaine très sectoriel.
Aujourd'hui, ils ont changé de stratégie ; c'est de faire
une association des donateurs sous la forme d'un consortium d'ONG
internationales où chacune est spécialisée dans un secteur
spécifique. C'est le cas du projet Faisons Ensemble sous le financement
de l'USAID.
Les bailleurs doivent se passer de cette stratégie en
traitant directement avec les organismes de relais, c'est-à-dire les ONG
locales sont les plus proches de bénéficiaires. Sans passer par
des intermédiaires qui allongent et compliquent la chaine d'obtention
des fonds. Ils sont un groupe d'ONG étrangères ficelant un projet
et associant formellement les ONG nationales ayant obtenu une certaine
expérience pour faire décrocher un marché ce serait
inutile d'agir car c'est un champ de jeux d'intérêt dès que
quelqu'un est lésé ; il claque la porte et quitte.
Ainsi comme l'a fait remarquer la majorité des
personnes au près desquelles nous avons réalisé nos
entretiens, l'idéal serait d'élimer les sous-traitances dans les
marchés en matière de développement et instaurer la
collaboration directe entre l'organisme de relais que sont les ONG et les
bailleurs pour l'intérêt des communautés locales seules
bénéficiaires.
Le retour au statu quo des bénéficiaires trouve
sont explication à l'interne même des communautés et au
niveau des organismes d'appui. Primo comme cela avait été
déjà décrit plus haut, les populations des pays du sud
vivent dans l'extrême pauvreté avec un seuil de pauvreté
très inquiétant. L'accès aux services sociaux de base
reste très faible et un pouvoir d'achat qui se détériore
du jour au jour. Ainsi devant un tel phénomène les populations
sont très avides du gain rapide d'une activité. Pour elles, il
faut chercher de quoi se nourrir. Ce en fait l'interminable recherche du
quotidien. Donc comme le fait remarquer un enquêté
« toute action qui ne permet pas de résoudre le quotidien
ne pas pour nous mais contre nous ».
A côté de cette réalité, existe une
autre explication ; ce que de nos jours les communautés locales
sont devenues trop dépendantes vis-à-vis des aides externes.
Elles attendent tout de l'extérieure même ce qu'elles peuvent
faire elles même. Si non les sujets tabous se raréfient dans les
communautés mais comme le dit cet enquêté
« aujourd'hui, ce sont ces sujets tabous qui sont
utilisés pour obtenir des ressources financières au près
des bailleurs, mais en réalité, elles n'intègrent pas
». Un autre témoigne « entre les bailleurs, les
organismes de relais et les populations à la base règne un jeu
d'un poids deux mesures de où chacun semble être le plus
intelligent pour duper l'autre »
Toutes ces difficultés font que les acquis des ONG
sont perdus quelques temps après leur réalisation. Dans le cas de
BATE SABATI, selon le conseil préfectoral des OSC :
« L'ABS était venue sur le terrain au
moment où il y avait presque pas d'ONG, donc le terrain était
encore très vierge en matière d'organisme d'appui au
développement local. Sa zone d'intervention était un
véritable chantier pour les acteurs du développement. Au
début, elle a eu un bon départ, elle a séduit à
plus d'un titre mais très vite elle a été miné par
la mauvaise gouvernance, l'esprit de paternalisme, de leadership dès
lors il est né un manque de confiance entre elle et ses principaux
bailleurs de fond. »
Les ONG initient souvent des objectifs qui dépassent
leurs capacités d'action ; or une ONG si elle se veut
sérieuse et agir durable, doit commencer par des moyens de bord bien
définis ; avec des objectifs mesurables et atteignables. Mieux
`'très jeune'', elles veulent couvrir un rayon d'intervention
très large. C'est soit la préfecture toute entière ou la
région entière dès fois même le territoire national.
Face à cette réalité, une nécessité de
concentrer les actions sur un rayon qu'on peut maitriser. Le manque de
stratégies de pérennisation des actions des ONG reste et demeure
l'un des motifs de leur perte. Par exemple à l'ABS :
« L'idée est venue un bon matin de mettre
sur pied une association, où se `'débrouillerons'' des
étudiants diplômes sans emploi ou des cadres de l'administration
qui le plus souvent ont une grande charge sociale à la maison et qui
sont à la retraite ou que la fin de mois devient souvent longue que
prévu. Dès lors la nouvelle structure devient une nouvelle source
de revenu »
L'absence des mécanismes de préservation de ce
que faisait l'ONG, ne l'a permis de pérenniser les acquis. Les
résultats des entretiens ont fait comprendre que les sources de
financement de l'ONG étaient toutes externes puisque même les
cotisations n'étaient pas régulières et étaient mal
gérées. Aucune autre activité génératrice de
revenu n'avait été planifiée pour pouvoir soutenir les
actions de l'association. Après une activité financée
à l'externe c'est la période de la vache maigre.
En fait ce que l'APROFIG a très tôt compris. A sa
création en 1998, elle s'était fixée pour
priorité l'éducation des jeunes filles. Immédiatement elle
a crée une école des jeunes filles et des activités de
tutorat. Ainsi chacune de ces activités générait des fonds
à l'ONG. Plus tard après le retrait de la coopération
Française dans son projet d'appui au désenclavement
numérique, les matériels et les équipements sont
restés et sont revenus à l'ONG.
Depuis, l'ONG, a continué les activités cette
fois en initiant des modules de formation en informatique. De lors les
activités ne cessent de grandir et de procurer des ristournes à
l'ONG. Ces ristournes ont permis à APROFIG de payer son personnel
permanant, les équipements et le mobilier de bureau ; de renforcer
trimestriellement les capacités de son personnel, de suivre
régulièrement ses actions sur le terrain.
Tant que les organisations de développement local sont
minées par la mauvaise gouvernance, l'abus de confiance entre les
donateurs et les bénéficiaires et tant qu'elles demeurent un
comptoir d'affaire où chacun vient chercher son pain. Elles ne joueront
point leur rôle traditionnel celui d'appuyer les communautés
à sortir de ce cercle vicieux de développement et enfoncerons
celles dans l'eternel pauvreté.
En fin l'Etat a un droit de `'veto'' sur ce que font les ONG
sur le terrain. L'Etat à travers ses structures
déconcentrées doit suivre et évaluer périodiquement
les activités des ONG. Ce regard de l'Etat permettra aux ONG de ne pas
supposer leurs actions c'est-à-dire faire ce que l'autre a
déjà fait. Toute fois si un répertoire de capitalisation
des acquis des ONG était mis en place, ce ci permettrait d'avoir une
vision plus large et globale de toutes les activités des ONG tant au
niveau local qu'au niveau national. La loi sur la création,
fonctionnement et statut des ONG ne doit pas être un simple écrit
mais une réalité.
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