SECTION II. CADRE THEORIQUE
2.1. Théorie du
développement local
Le développement local est un processus de
diversification et d'enrichissement des activités économiques et
sociales sur un territoire d'échelle locale à partir de la
mobilisation et de la coordination de ses ressources matérielles et
immatérielles. Cette notion désigne à la fois une posture
vis-à-vis de la question du développement, une méthode
pour le développement des territoires locaux ainsi qu'un cadre d'analyse
de ses ressorts.
Ainsi, la notion de développement local apparaît
en France au moment où, dans les années 1970, certains acteurs
prennent conscience que leurs n'ont pas bénéficié des
grands courants du développement économique de
l'après-guerre. Pour eux, il s'agit alors de s'extraire de lois
macro-économiques et d'orienter leur destin selon des décisions
prises localement avec pour objectif de mobiliser les potentialités et
les ressources de groupes sociaux et de communautés locales, afin d'en
tirer un bénéfice social et économique, en premier lieu
pour les groupes en question. Dans ce sens, le développement local
correspond à une critique du fonctionnement économique en faisant
le constat que toutes les collectivités humaines, tous les territoires,
ne pourront pas remplir les conditions d'une intégration à un
fonctionnement économique national et, à plus forte raison,
mondial.
C'est ainsi que l'approche en termes de développement
local conduit à considérer que le développement ne
découle pas seulement de la valeur économique des
activités et qu'il ne relève pas seulement des systèmes
organisés de production et des institutions centralisées mais est
aussi lié à de petites initiatives localisées, à la
mobilisation de la population locale autour de projets utilisant des ressources
locales. Pour certains, cette approche s'inscrit dans une perspective humaniste
qui considère que l'Homme doit être replacé au centre du
fonctionnement économique. Partant les tenants de cette approche
considèrent que le développement ne correspond pas seulement
à la progression exponentielle des biens et des services produits mais
doit aussi permettre la prise en compte des besoins immatériels,
sociaux, culturels et psychologiques des personnes considérées
à l'échelle de leur lieu de vie.
D'un point de vue opérationnel, le développement
local s'appuie sur des méthodes qui mobilisent
généralement trois principaux éléments :
l'élaboration d'outils de production d'informations et de
connaissances afin d'identifier les ressources du territoire ; (ex :
diagnostic de territoire) la mise en place d'outils de concertation, de mobilisation et de
coopération entre acteurs visant à valoriser les ressources en
question et, si nécessaire, à en développer de
nouvelles ; (ex : forums, groupes de travail, etc.) l'élaboration et la mise en oeuvre de projets grâce
à un système plus ou moins formalisé de gestion et de
prise de décisions.
Cependant, alors que le développement local
relève d'une posture de nature politique dont découlent
méthodes et actions, certains travaux scientifiques, en économie
et en géographie, permettent de justifier cette approche d'un point de
vue théorique.
En économie, le concept de district industriel
forgé par l'économiste britannique MARSHALL à la fin du
XIX siècle peut être considéré comme une base
théorique pour le développement local. En effet, ce concept
qualifie la présence, au sein d'un territoire de petite taille, d'une
gamme de petites et moyennes entreprises organisées autour d'un
métier industriel, voire de plusieurs métiers, dont le
développement dépend des fortes relations qu'elles entretiennent
entre elles et avec les communautés locales.
L'intensité de ces relations s'explique par le partage
d'une culture commune des relations économiques et sociales
considérée comme une ressource propre au territoire. Dans les
années 1970, ce concept a été utilisé par des
économistes italiens (ex : G.Becattini) pour décrire
l'organisation industrielle de la Troisième Italie (Italie du Centre et
du Nord-Est). En France, cette analyse a suscité l'intérêt
de certains économistes qui ont proposé la notion de
« systèmes industriels localisés » pour
décrire l'organisation économique de territoires comme le
Choletais (textile). Afin d'élargir le champ de l'analyse aux autres
secteurs économiques, ils ont ultérieurement proposé la
notion de « système productif localisé ».
En géographie, c'est la notion de « milieu
innovateur » qui peut constituer une base théorique pour le
développement local. Il existerait des « milieux »
plus ou moins propices au développement selon la nature des relations
que les entreprises entretiennent avec leur territoire d'insertion. Un
« milieu innovateur » est celui où les entreprises
développent des réseaux d'échanges et de
coopérations et mobilisent les ressources humaines et matérielles
de leur territoire. Ainsi, la notion de « milieu
innovateur » permet d'analyser les facteurs de développement
économique d'un territoire AYDALOT.
Ces deux approches ont en commun de considérer l'espace
non pas comme un simple morceau de sol mais comme un ensemble de rapports
techniques, économiques ou sociaux, plus ou moins riches en interactions
et donnant inégalement lieu à des processus d'apprentissages
collectifs. Par conséquent, elles s'intéressent aux territoires
dans leur dimension géographique (localisation, topographie, paysage,
climat, densités et répartitions de la population,
présence et qualité des ressources du milieu...), culturelle
(comportements, savoirs, coutumes qui modèlent une société
et sur lesquels se fonde un sentiment d'appartenance) et sociale (constitution
d'un réseau de relations territoriales support des initiatives locales).
L'analyse de ses dimensions permet de fournir des explications quant aux
différences de développement des territoires.
En France, ces dernières années, l'approche en
termes de développement local a été mobilisée par
l'État dans le cadre d'actions menées au titre de
l'aménagement du territoire. À titre d'exemple, on peut citer les
financements mobilisés à partir de 1998 par la DIACT (ex-DATAR)
pour soutenir l'émergence et le développement de territoires. De
manière plus générale, l'élaboration des projets de
territoires locaux s'inscrivant dans les cadres législatifs (Loi
d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire, 1999) et réglementaires de la politique d'aménagement
du territoire (ex. : politique des pays) mobilisent également les
méthodes du développement local.
Cette évolution correspond à une certaine
institutionnalisation de la démarche du développement local alors
même que ses justifications théoriques s'appuient sur des exemples
de territoires souvent correctement insérés dans le jeu de
l'économie mondiale. Aujourd'hui, la posture militante initiale ne
semble donc plus suffire pour caractériser les différents avatars
du développement local.
Les théories du développement face aux histoires
du développement réel en cette fin du XXème siècle
abordent seulement les politiques de développement et sont assez
éloignées des pratiques liées au développement
à l'échelle mondiale. En réalité, la pensée
concernant le développement dans son contexte historique, ne peut
comprendre le processus de formation de la pensée sur le
développement ni la diversité de ses orientations, que si on la
resitue dans une périodisation qui correspond aux inflexions du contexte
historique dans laquelle elle s'est déployée, et aux conflits
d'acteurs qui ont marqué ces différentes périodes".
"Il s'agit de situer les discours sur le développement
et leurs avatars pratiques par rapport aux vicissitudes du `'
développement réel'", à travers "une opposition entre
l'ordre des choses et l'ordre des peuples et des gens". L'insertion des
théories dans l'histoire qui les a produites se fait au niveau de la
macroéconomie et non au niveau de ses effets sur les populations qui
leur sont prétexte autant qu'elles en sont victimes, autant aussi,
qu'elles en sont, à la marge, acteurs.
La micro-économie locale de ce que l'auteur appelle "la
farce humanitaire" des Grands Lacs montrerait, en effet, des acteurs locaux,
voire même nationaux, menant leur politique propre dans le contexte
évoqué. A ce niveau de base, manque l'approche des processus de
développement réel au sein desquels, pour rester dans cette note,
les appropriations locales du mondial humanitaire rejoignent parfois le
libéralisme le plus sauvage.
Colin Leys analyse les théories du développement
à la lumière des circonstances de leur production. En limitant
son ouvrage à l'Afrique, l'auteur opte, pour une confrontation plus
étroite des théories à des réalités qui,
sans être homogènes, présentent des similarités
quant à l'héritage colonial, au rôle de l'état ou
aux modes de production et d'accumulation. Il montre aussi la marginalisation
croissante de l'Afrique dans le contexte mondial. Ici, les théories,
depuis celle de la modernisation jusqu'à celle du choix rationnel en
passant par la théorie de la dépendance, sont confrontées
aux réalités africaines. Pour C. Leys, l'étude de la
formation d'une bourgeoisie africaine et de ses stratégies est au coeur
de l'étude du développement africain.
Mais la "tragédie africaine montre aussi clairement et
de façon fort concrète que les théories du
développement ne peuvent se limiter au Tiers Monde ou traiter le monde
développé et ses options comme un "donné". Cette
perspective le démarque de l'ouvrage de J.-Ph. Peemans dont
l'érudition éloigne le lecteur des populations cibles qu'il
ne parvient pas à percevoir comme des sociétés, des
peuples possédant une autonomie et des modes de fonctionnement
propres.
Les pays sous-développés, sont dans un cercle
vicieux de pauvreté, en raison de la faiblesse de la demande interne
liée aux faibles revenus, et sont dans l'incapacité de lancer des
projets d'investissement rentables et capables de déclencher le
processus de développement. Du côté de l'offre, la faible
capacité d'épargne résulte du bas niveau de revenu
réel qui lui-même reflète la faible productivité qui
résulte, à son tour, du manque de capital, un manque de capital
qui lui-même est le résultat de la faible capacité
d'épargne ; ainsi, le cercle est fermé. (Nurkse, 2006).
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