La participation des collectivités territoriales décentralisées à la protection de l'environnement au Cameroun, en Belgique et en France.( Télécharger le fichier original )par Guy Laurent KOUAM TEAM Université de Limoges (France) - Master en droit international et comparé de l'environnement 0000 |
CHAPITRE I :DES COMPÉTENCES LÉGALES PROPRES ET SPÉCIFIQUESEN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AU CAMEROUN, EN BELGIQUE, ET EN FRANCE
Les collectivités territoriales en France, en Belgique, et au Cameroun disposent effectivement de compétences propres en matière d'environnement. Ces compétences leur sont attribuées comme nous le verrons par la loi. Les communes et les provinces belges ne possèdent pas les mêmes attributions et la même organisation. En effet, la constitution belge donne aux Parlements de communauté ou de région, la possibilité de régler par une loi spéciale l'organisation et l'exercice de la tutelle administrative des institutions provinciales et communales. Mais les principes d'attributions des compétences aux collectivités territoriales décentralisées sont garantis par la constitution. L'alinéa 2 de l'article 162 de la constitution belge précise que pour ce qui est des institutions provinciales et communales la loi consacre le principe de l'attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d'intérêt provincial et communal, sans préjudice de l'approbation de leurs actes, dans les cas et suivant le mode que la loi détermine. L'alinéa 3 du même article consacre le principe d'une décentralisation d'attributions vers les institutions provinciales et communales. Au Cameroun l'article 26 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 énumère le domaine de la loi. Ainsi, l'article donne compétence à la loi pour l'organisation, le fonctionnement, la détermination des compétences et des ressources des collectivités territoriales décentralisées. Ces lois ne commenceront à être promulguées qu'en 2004. D'abord c'est la loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant « Loi d'orientation de la Décentralisation » qui fixe les règles générales applicables en matière de décentralisation territoriale, ensuite la loi n°2004-018 fixant les règles applicables aux communes, et enfin la loi n° 2004-019 fixant les règles applicables aux Régions. En France, le 2 mars 1982, la France adoptait la Loi no 82-213, relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions (loi Defferre). Point de départ de la décentralisation en France, la loi Deferre a conduit à la révision constitutionnelle de 2003, qui constitue l'étape d'approfondissement de la décentralisation en France. Cette réforme constitutionnelle a induit la publication de lois organiques en 2003 et en 2004. Le 28 mars 2003, la « Loi constitutionnelle n° 2003-276 relative à l'organisation décentralisée de la République » est adoptée. Cette loi confirme l'organisation décentralisée de la République (article 1), la démocratie locale directe, l'autonomie financière des collectivités territoriales, et le statut des collectivités d'outre-mer. La Loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, a défini une nouvelle répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales. Ces nouveaux transferts de compétences sont en vigueur, pour la plupart, depuis le 1er janvier 2005.
SECTION 1: La commune et les niveaux intermédiaires de décentralisation dans ces trois pays en matière environnementaleLa commune est une collectivité territoriale administrée par un maire assisté du conseil municipal. C'est la communauté locale de base dans les trois pays. Cependant il existe entre l'État et les communes, d'autres collectivités territoriales intermédiaires qui disposent également des compétences en matière environnementale. Ainsi donc, nous verrons qu'en matière de protection de l'environnement, la commune est le rempart incontournable de l'organisation administrative dans les trois pays mais que les collectivités intermédiaires y jouent également un rôle considérable. & .I. La commune, premier rempart de protection de l'environnement dans les 3 pays : États des lieuxLa commune est le premier palier du pouvoir local. Mamelle nourricière de la décentralisation, elle a un rôle de gestionnaire de proximité. Le niveau communal est considéré comme la clé de voûte de l'organisation des collectivités locales. Historiquement les communes existent dans nos trois pays bien avant la généralisation des processus décentralisation. Cette raison justifie quelques peu la position de consensus que l'on peut constater dans nos trois États pour une véritable autonomie et une gestion efficace dans la commune par des autorités locales. En général dans les communes de France, de Belgique, et du Cameroun, l'organisation institutionnelle est presque identique. En effet on retrouve dans ces pays, l'organisation classique du type, d'une part, l'exécutif communal avec à sa tête un maire ou bourgmestre et, d'autre part, un conseil communal qui est chargé des délibérations sur les questions relevant de la compétence des communes. Cette double structuration au niveau communal se retrouve également au niveau des compétences. Cet état de choses se justifie non seulement par les objectifs de démocratie locale que doit assurer la commune à travers un conseil élu mais également des nécessités de célérité et de gestion des affaires courantes et urgentes de la localité. Nous verrons donc malgré cette structuration quasi identique, quelles sont les compétences attribuées au maire dans ces différents pays en matière environnementale(1) et ensuite les compétences environnementales reconnues globalement à leurs différentes communes. (2). I. Des pouvoirs environnementaux larges des maires dans chacun des trois paysLa matière environnementale est transversale et recouvre plusieurs domaines. Le maire est le chef de l'exécutif communal dans les trois pays. Au regard des différentes lois régissant les collectivités locales dans ces pays et des compétences environnementales reconnues au maire, il apparaît que les maires des communes belges, camerounaises, françaises ont des pouvoirs très importants en matière de police environnementale. Une distinction s'établit clairement dans les différentes législations, entre les pouvoirs de police du maire ou du bourgmestre qu'il tire de sa qualité d'autorité et celles qu'il tire en sa qualité de représentant de l'État. Cette distinction est très visible dans le code général des collectivités territoriales en France36(*). Les pouvoirs des maires et bourgmestres sont assez encadrés et la loi a tout de même veillé à ce que l'autorité municipale exerce ses attributs sous le contrôle du conseil communal tout en veillant à ce que l'action de ce dernier ne puisse paralyser l'action de l'exécutif communal37(*) qui doit toujours disposer de la capacité d'agir d'office et de manière préalable. 1.1. De larges pouvoirs environnementaux exercés au nom de la commune
En France, comme au Cameroun et en Belgique, le maire est de plus en plus responsabilisé face aux problèmes environnementaux. Ses pouvoirs légaux sont essentiellement de deux ordres. Il s'agit de ses pouvoirs réglementaires et de ses pouvoirs d'exécution. S'agissant des pouvoirs réglementaires, le maire français les tire de législations éparses qui sont de plus en plus regroupées dans le code de l'environnement et les textes de la décentralisation. Il est à cet égard chargé de l'exercice des pouvoirs de police38(*) notamment, en matière d'esthétisme39(*), de la police de la baignade et des activités nautiques40(*), et en matière de pollution des eaux41(*). Le maire camerounais, quant à lui, tire l'essentiel de son pouvoir réglementaire local de l'article 84 de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes. Cet article lui permet d'ordonner les mesures locales sur les objets confiés par la législation en vigueur à sa vigilance et à son autorité. La législation camerounaise sur la décentralisation est plus précise que la législation française dans les pouvoirs de police environnementale du maire et le charge sous le contrôle du conseil municipal de veiller à la protection de l'environnement, de prendre en conséquence, les mesures propres à empêcher ou à supprimer la pollution et les nuisances, à assurer la protection des espaces verts et à contribuer à l'embellissement de la commune42(*). En Belgique, c'est l'article 134 de la nouvelle loi communale qui justifie les pouvoirs réglementaires du bourgmestre dans sa commune. Grâce à cet article, en cas d'urgence et d'absolue nécessité, celui-ci dispose du pouvoir de mettre un terme par des ordonnances aux nuisances en cas d'émeutes, d'attroupements hostiles, d'atteintes graves portées à la paix publique ou d'autres événements imprévus, lorsqu'une intervention tardive pourrait occasionner des dangers ou des dommages pour les habitants. Ce texte donne donc à l'autorité municipale belge la possibilité d'intervenir en cas d'atteinte à l'environnement dans le cas où une intervention tardive pourrait se retrouver être inefficace et les dommages irréversibles. Il ne faut cependant pas croire que les règlements communaux adoptés par le conseil communal soient inutiles sous prétexte que le bourgmestre peut également agir car les mesures prises par le conseil communal ont un caractère réglementaire général alors que le bourgmestre agit par des décisions individuelles. Il existe une éventualité intéressante pour une protection rapprochée de l'environnement par le maire, c'est celle donnée par l'article 28 de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 au Cameroun. Celle-ci donne la possibilité au conseil municipal de déléguer l'exercice d'une partie de ses attributions au maire. Ce qui lui donne assurément un moyen en cas de délégation du conseil municipal d'acquérir un vaste champ d'action en matière environnementale. Cette alternative existe également en France et en Belgique43(*). La différence entre ces pays, s'agissant des pouvoirs réglementaires du maire dans l'exercice de ses fonctions communales se situe surtout au niveau du contrôle. Dans les législations camerounaise et française, il est régulièrement fait appel à l'autorité de tutelle la plus proche pour contrôler les actes pris par le maire en matière de police, ce qui ne semble pas être toujours le cas en Belgique. Ceci est certainement dû à la grande tradition centralisatrice de la France dont le Cameroun fait également écho. Le pouvoir réglementaire du maire en tant qu'une autorité municipale est sous le contrôle administratif exclusif du représentant de l'État dans la localité au Cameroun et en France. C'est ce qui ressort des articles L2122-24 du CGCT en France et 85 alinéa 1 de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 au Cameroun. Dans ce dernier article, il ressort clairement que les actes pris par le maire ou le conseil municipal sont immédiatement communiqués au représentant de l'État, qui en assure le contrôle, conformément à la loi d'orientation de la décentralisation. En Belgique le contrôle des pouvoirs réglementaires du maire est exercé d'abord par le collège des bourgmestres et échevins et le conseil communal. Comme le bourgmestre se substitue temporairement au conseil communal, le règlement de police qu'il établit équivaut à un règlement du conseil communal et est soumis aux mêmes règles que celui-ci. Aussi il est soumis à certaines formalités particulières : le bourgmestre doit justifier l'existence de circonstances qui provoquent son règlement et les motifs de l'urgence, il doit ensuite communiquer sur le champ au conseil communal44(*) qui doit confirmer le règlement. Cette procédure qui transparait comme un premier contrôle montre bien l'esprit de démocratie locale que veut promouvoir la décentralisation belge, tout en préservant la faculté pour l'autorité municipale d'agir dans l'urgence. La prise de conscience environnementale n'étant pas encore la priorité de beaucoup d'élus locaux, la protection de l'environnement peut gagner à ce jeu de contrôle qui est fait à la fois par l'autorité de tutelle et les différents conseils municipaux, surtout en cas de présence dans ces dernières d'élus sensibles aux questions environnementales. Les maires, dans ces trois pays, disposent également dans le cadre de leurs prérogatives, dans leur position d'autorité communale d'un pouvoir d'exécution. Comme au Cameroun il faut rechercher dans l'ensemble des attributions du bourgmestre en Belgique pour constater par exemple dans l'article L1123-29 du « Code de la démocratie locale et de la décentralisation » en Région wallonne et l'article 133 de la « Nouvelle loi communale » en région Bruxelles-capitale, qu'il est chargé de l'exécution des règlements et arrêtés du conseil provincial et du collège provincial. En effet, le bourgmestre est spécialement chargé de l'exécution des lois, décrets, ordonnances et arrêtés de police. Il faut tout de même souligner le caractère subsidiaire de cette disposition, car elle n'interdit pas au législateur de confier cette exécution à une autorité autre que le Bourgmestre. Il résulte de la généralité des termes utilisés qu'il appartient au Bourgmestre seul d'assurer l'exécution de toutes les dispositions de police, notamment les ordonnances de police, qui peuvent être environnementales, édictées par le conseil communal. Il est en outre généralement admis que le Bourgmestre peut prendre d'office toutes les mesures individuelles qui ont vocation à assurer dans la commune le maintien de l'ordre public. Le maire camerounais détient ces prérogatives d'exécution des décisions d'intérêt communal de l'article 71 alinéa1 de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004. A cet égard, dans sa commune il est chargé d'exécuter les délibérations du conseil municipal. En France, cette prérogative du maire se fonde sur l'article L2122-21du CGCT qui précise que le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal. Ce pouvoir d'exécution de l'autorité municipale des délibérations du conseil communal dans les trois pays est une garantie de protection de l'environnement à condition que le dit conseil soit fortement sensibilisé aux questions environnementales, qu'il délibère et prenne des décisions allant dans le sens de la protection de l'environnement. L'autorité municipale dispose dans certains cas du pouvoir de réquisition, car il est le chef de la police locale. Il peut donc faire usage de la police locale et en disposer pour assurer le respect des mesures qu'il a prises par l'usage de la force. 1.2. De larges pouvoirs environnementaux exercés au nom de l'État Dans ce cadre, le maire agit bien plus en tant qu'une autorité déconcentrée qu'une autorité communale. Le maire belge, le bourgmestre comme on l'appelle, détenteur du pouvoir exécutif au niveau communal, est aussi le représentant du gouvernement dans la commune. A cet effet, il est chargé de l'exécution des lois, des décrets, des règlements de l'État, des Régions et Communautés45(*). A ce titre, le maire belge est chargé de l'exécution des lois, des décrets, des ordonnances, des règlements et arrêtés de l'État, des Régions, des Communautés, des Commissions Communautaires, du conseil provincial et de la députation permanente du conseil provincial, à moins que cette exécution ne soit formellement attribuée au collège échevinal ou au conseil communal46(*). Le maire camerounais et son homologue français détiennent également des prérogatives d'exécution des décisions de l'État. A cet égard, dans sa commune il est chargé, d'une part, de la publication et l'exécution des lois, des règlements et mesures de portée générale, d'autre part, de l'exécution des mesures de sûreté générale47(*). Ces compétences sont clairement des pouvoirs de police dont le maire ou le bourgmestre dispose en tant que représentant de l'État ou du gouvernement de sa Région. Des fonctions spéciales qui lui sont attribuées par la loi. En France48(*), le maire peut prendre des arrêtés municipaux (CGCT art. L2122-28) il en est de même au Cameroun et en Belgique, afin d'ordonner des mesures locales sur les objets confiés par les lois à sa vigilance et à son autorité et de publier à nouveau des lois et règlements de police et de rappeler les citoyens à leur observation. Ces lois et règlements peuvent rentrer dans le cas de l'action gouvernementale en matière environnementale dont le maire, représentant de l'État, est chargé de veiller à l'application. Dans le cadre des fonctions spéciales attribuées par la loi en France , le maire est par exemple, chargé par le législateur sous le contrôle administratif du préfet, de mettre en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 2122-21 (9°) du Code Général des Collectivités Territoriales49(*). Cette prérogative d'exécution des décisions de l'autorité centrale est de bonne augure pour la protection de l'environnement dans les trois pays. Car la compétence environnementale comme nous l'avons vu, est en général une compétence partagée entre les autorités centrales et les autorités décentralisées. Cette possibilité donne l'opportunité au maire ou au bourgmestre de s'assurer de l'exécution des lois, des règlements et des mesures d'intérêt général édictés par l'administration centrale en direction de l'environnement. Plus encore de nombreuses lois spéciales confient des attributions particulières au maire agissant en qualité de délégué de l'autorité centrale50(*). * 36- Art L2122-21 à L2122-34 du CGCT. * 37- En région de Bruxelles-Capitale, article 133bis de la nouvelle loi communale et article 93 de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 au Cameroun. * 38- L'article L 131-2 du Code des communes et l'article L2122-24 du CGCT * 39- La Loi du 29 décembre 1979 modifiée par la Loi du 2 février 1995 * 40- L'article L 132-1 du Code des Communes. * 41- Les articles 22 et 23 de la loi du 3 janvier 1992. * 42- Cf. Art. 71 al.1 de la loi n°2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes * 43- Cf. Article L2122-22 du CGCT * 44- Lors de sa plus prochaine séance. * 45- Article L1123-29 du « Code de la démocratie locale et de la décentralisation » * 46- Art. 133 de la NLC. * 47- Article L2122-27 du CGCT en France, et article 76 de la loi n° 2004/018 du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes au Cameroun. * 48 - Le maire est officier de police judiciaire (Code de procédure pénale art. 16, CGCT art. L2122-31), il est le responsable de la police municipale et des gardes champêtres (CGCT art. L2212-1), * 49 - Article L427-4 du code l'environnement. * 50 - Le décret wallon du 11/03/1999 relatif au permis d'environnement, M.B. Du 08/06/1999 lui demande d'exercer une certaine surveillance sur les établissements polluants installés sur sa commune. |
|