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La thématique de l'environnement dans la jurisprudence de la cour internationale de justice.

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par Serge ITOUROU SONGUE
Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) - Master II 2011
  

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B - Les méthodes particulières en matière d'interprétation.

L'interprétation est une notion importante en droit international public. C'est ce que fait remarquer Serge Sur lorsqu'il affirme que « l'interprétation du droit, spécialement en droit international public, parait une notion capitale dont l'influence dans l'ordre juridique va bien au-delà des questions préalables ou des procédés techniques, et dont l'importance mérite qu'on en tente une synthèse »198(*). C'est une opération qui consiste à dégager le sens exact et le contenu de la règle de droit applicable dans une situation donnée199(*).

Il y a une grande controverse doctrinale sur l'existence ou non des méthodes d'interprétation. En effet, une partie de la doctrine estime comme Hans Kelsen qu' « il n'ya purement et simplement aucune méthode que l'on puisse dire de droit positif qui permettrait de distinguer, entre plusieurs significations linguistiques d'une norme, une seule, qui serait la vraie signification200(*) ». Une autre partie de la doctrine par contre reconnait l'existence des méthodes d'interprétation pour entre autres raisons que les méthodes sont inhérentes à tout système juridique201(*). Mais la Cour sort de cette controverse en consacrant l'existence d'une règle générale d'interprétation, à laquelle viennent s'ajouter d'autres règles pouvant être considérées comme secondaires.

D'abord pour ce qui est de la règle en matière d'interprétation, la Cour pose la règle fondamentale de l'interprétation : « La Cour doit appliquer ses règles normales d'interprétation dont la première est, d'après sa jurisprudence bien établie, qu'il faut interpréter les mots dans leur sens naturel et ordinaire dans le contexte où ils figurent202(*) ». Pour le juge Bedjaoui, il s'agit là de la règle générale d'interprétation d'un traité telle que prévue par l'article 31 de la convention de Vienne de 1969203(*). Pour ce qui est des autres règles dites méthodologiques, on peut distinguer entre autres la règle de la solution la plus évidente, celle de la solution la plus logique et celle de la solution la plus efficace204(*).

Mais une innovation majeure est faite par la Cour pour ce qui est des règles méthodologiques d'interprétation dans l'affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros. Il s'agit de la prise en compte du principe de l'interprétation évolutive d'un traité. Cette méthode déjà utilisée par la Cour dans l'avis consultatif du 21 juin 1971205(*) en matière de tutelle est appliquée pour la première fois au droit international de l'environnement. C'est ce qui fait dire à J. Sohnle que « la haute juridiction internationale a innové en l'appliquant (le principe) aux dispositions environnementales d'un traité206(*) ». Pour y parvenir, la Cour se base sur les articles 15,19 et 20 du traité de 1977 relatif à la construction et au fonctionnement du système de barrage de Gabcikovo-Nagymaros. Ces articles imposent aux parties de veiller à ce que la qualité des eaux du Danube ne soit pas compromise et à ce que la protection de la nature soit assurée. Pour la Cour, il s'agit là de dispositions évolutives à travers lesquelles les parties ont reconnu la nécessité d'adapter éventuellement le projet aux nouvelles normes de droit international de l'environnement207(*). C'est ce type d'articles que Jean Philippe Bufferne qualifie de clauses effectuant un renvoi « mobile » dans le temps et dont le contenu est appelé à se modifier208(*).

En accueillant le principe de l'interprétation évolutive des traités, la Cour est arrivée à la conclusion qu'il n'ya pas eu d'apparition de nouvelles normes pouvant justifier la terminaison du traité. Mais au-delà de permettre le maintien du traité, l'interprétation évolutive conporte deux principes clés du droit de l'environnement à savoir l'évaluation continue de l'environnement et le développement durable. Ces deux principes mettent à la charge des Etats l'obligation d'assurer une protection continue et appropriée de l'environnement, ce qui implique la prise en compte des normes nouvelles qui n'existaient pas au moment de la conclusion du traité. «  Ces normes nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles convenablement appréciées non seulement lorsque les Etats envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le passé209(*) ». Compte tenu de l'importance de l'environnement pour la Cour, on pourrait même envisager l'application du principe de l'interprétation même dans une affaire où les parties n'auront pas prévu des clauses « mobiles » , ceci en référence aux principes d'évaluation continue de l'environnement et du développement durable désormais considérés comme des principes généraux du droit international de l'environnement.

En opérant des ajustements institutionnels et en améliorant ses méthodes de travail, la Cour révise ses mécanismes traditionnels afin de les adapter aux contentieux environnementaux. Le même effort se poursuit, certes avec moins de réussite, pour ce qui est des règles du droit des traités.

* 198 Sur (S), L'interprétation en droit international public, Paris, LGDJ, 1974, P. 11.

* 199 Daillier (P) et Pellet (A), Droit international public, Paris, L.G.D.J., 2002, P. 253, 7e édition.

* 200 Cité par Sur (S), Op.cit., P. 252.

* 201 Ibid. P. 253.

* 202 Cour International de Justice, REC. 1961, P. 32.

* 203 Projet Gabcikovo-Nagymaros, opinion individuelle du juge Bedjaoui.

* 204 Daillier (P) et Pellet (A), Op.cit., P. 263 ; dans le même sens, Berlia (G), « Contribution à l'interprétation des traités », Recueil des cours de l'Académie de droit international de la Haye, 1965, vol. 1, Tome 114, PP. 287-331.

* 205 Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie, Cour International de Justice, avis consultatif, 21 juin 1971, Rec. 1971, P.16.

* 206 Sohnle (J), Op.cit., P. 98.

* 207 Par. 112, Al. 2

* 208 J. P. Bufferne, « La fonction de la Cour Internationale de Justice dans l'ordre juridique international : Quelques réflexions », Revue Québécoise de droit international, 2002, P. 168.

* 209 Par. 140, Al. 4.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault