Paragraphe 2 : Les
contre-mesures
Tout comme la Hongrie l'a fait avec l'état de
nécessité écologique, la Slovaquie a invoqué la
notion de contre-mesure dans le but de se dégager de sa
responsabilité pour fait internationalement illicite du fait de la
construction de la solution provisoire (variante C) et sa mise en service. La
contre-mesure invoquée par la Slovaquie avait ainsi pour but d'exclure
l'illicéité de l'acte qui lui était reproché.
Fidèle à sa logique, la Cour va d'abord s'atteler à
vérifier si les conditions requises pour qu'une contre-mesure soit
licite sont remplies dans le cas d'espèce. Elle va pour se faire
s'appuyer sur sa jurisprudence établie, ainsi que sur le projet
d'articles sur la responsabilité des Etats (A). Mais au-delà du
droit de la responsabilité stricto-sensu, la jurisprudence
Gabcikovo-Nagymaros a le mérite de considérer l'environnement
comme un instrument de mesure de la proportionnalité (B).
A. L'examen des conditions
de licéité d'une contre-mesure
Trois points ont successivement été
présentés comme constituants les conditions requises pour qu'une
contre-mesure soit jugée licite :
D'abord, le premier point examiné a trait au but de la
mesure adoptée en réponse aux actes illicites de la Hongrie. Pour
être licite, une contre-mesure doit être prise pour riposter
à un fait internationalement illicite d'un autre Etat et doit être
dirigée contre ledit Etat. Cette affirmation appelle au moins deux
observations. La première est qu'il n'y a contre-mesure que si la mesure
d'un autre Etat contre laquelle on riposte est illicite. On ne peut donc pas
parler de contre-mesure si l'illicéité de la mesure de la partie
adverse n'est pas établie. C'est la raison pour laquelle la Cour
décide d'examiner l'argument de contre-mesure seulement après
avoir conclu que la Hongrie avait commis un acte internationalement illicite en
suspendant puis en abandonnant les travaux dont elle avait la charge aux termes
du traité de 1977. La seconde observation concerne la contre-mesure
elle-même qui par nature est une mesure illicite mais dont
l'illicéité est écartée compte tenu de l'objectif
poursuivi par ladite mesure. Si la mesure prise pour riposter à un acte
illicite d'un Etat est elle-même licite, alors il n'est pas
nécessaire d'invoquer la contre-mesure. C'est d'ailleurs la raison pour
laquelle l'article 53 du projet d'articles de la C.D.I. précise bien que
la contre mesure doit cesser « dès que l'Etat responsable
s'est acquitté des obligations qui lui incombent à raison du fait
internationalement illicite ». La contre-mesure a donc un
caractère anormal et temporaire. De plus, pour justifier l'examen de la
contre-mesure, la Cour rappelle la conclusion à laquelle elle est
parvenue au paragraphe 78 de l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros, notamment que
la Tchécoslovaquie a commis un acte internationalement illicite en
mettant en service la variante C.
Ensuite, le deuxième point examiné par la Cour a
trait aux tentatives vaines de l'Etat lésé pour amener l'autre
partie à faire cesser son comportement jugé illicite. En effet,
l'Etat lésé doit avoir invité l'Etat auteur du fait
illicite à mettre fin à son comportement illicite ou à en
fournir réparation. L'article 52 du projet d'articles de la C.D.I. qui
énonce cette exigence ajoute que l'Etat lésé doit avoir
offert d'entrer en négociation avec l'Etat auteur de l'acte illicite, ce
qui est de nature à encourager les solutions concertées.
Enfin, le troisième point prend en considération
la proportionnalité qui doit exister entre la contre-mesure
adoptée par l'Etat lésé et les dommages subis par ce
dernier compte tenu des droits en cause. Une insistance est faite sur cette
condition qui, de l'avis de la Cour, est une condition importante. Elle est
certainement importante parce que c'est elle qui fait le plus l'objet de
violation par l'Etat lésé. Mais elle l'est davantage parce
qu'elle prend en compte des considérations écologiques. En effet,
la C.I.J. a pu démontrer à travers sa jurisprudence que
l'environnement peut être pris en compte pour mesurer la
proportionnalité d'une contre-mesure.
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