UNIVERSITE DE YAOUNDE II
THE UNIVERSITY OF YAOUNDE II
INSTITUT DES RELATIONS INTERNATIONALES DU
CAMEROUN
B.P. : 1637 Yaoundé
Tel : 22 31 03 05
Fax : (237) 22 31 89 99
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INTERNATIONAL RELATIONS INSTITUTE OF
CAMEROON
P.O Box: 1637 Yaoundé
Tel: 22 31 03 05
E-Mail: iric@uycdc.unicet.cm
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LA THEMATIQUE DE L'ENVIRONNEMENT DANS LA
JURISPRUDENCE DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
![](La-thematique-de-l-environnement-dans-la-jurisprudence-de-la-cour-internationale-de-justice2.png)
Mémoire de troisième cycle
présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention du Master
en Relations Internationales, option Contentieux International
Par :
M. ITOUROU SONGUE Serge
Sous la direction de :
Jean KENFACK
Docteur en droit public
Chargé de cours à l'IRIC
Sous la supervision de :
Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU
Professeur agrégé des facultés de
droit
Directeur adjoint de l'IRIC, chargé des
études
Novembre 2010
DEDICACE:
A MA FAMILLE...
REMERCIEMENTS :
Nous remercions sincèrement tous ceux qui, par leurs aides
multiformes, ont contribué à la réalisation du
présent mémoire, et plus particulièrement :
Au Professeur Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU, Directeur adjoint de
l'IRIC chargé des études, pour avoir accepté de
superviser ce travail, ainsi que pour ses conseils.
Au Docteur Jean KENFACK, enseignant à l'IRIC, pour avoir
accepté de diriger ce travail, pour sa disponibilité et ses
conseils.
A M. Fred EBONGUE MAKOLLE, Directeur du secrétariat des
conseils de cabinet dans les services du Premier Ministre, pour sa
disponibilité et ses conseils.
A mes camarades et amis de l'IRIC et de la faculté des
sciences juridiques et politiques de l'université de Yaoundé
II-Soa.
A ma famille et mes amis pour leurs encouragements et leur
soutien.
SIGLES ET ABREVIATIONS:
ACP-UE : Afrique Caraïbes Pacifique
- Union Européenne
AFDI : Annuaire Français de Droit
International
AUF : Agence Universitaire de la
Francophonie
CDI : Commission du Droit
International
CICR : Comité International de la
Croix-Rouge
CIJ : Cour Internationale de Justice
CPJI : Cour Permanente de Justice
Internationale
IRIC : Institut des Relations
Internationales du Cameroun
JDI : Journal du Droit International
LGDJ : Librairie Générale
de Droit et de Jurisprudence
OCDE : Organisation Pour la
Coopération et le Développement Economique
OMS : Organisation Mondiale de la
Santé
ONU : Organisation des Nations Unies
Op. Cit. : Opere
Citare/ Cité plus haut
P. : Page
PP. : Pages
RBDI : Revue Belge de Droit
International
RGDIP : Revue Générale de
Droit International Public
RIAA : Report of International Arbitration
Awards
RICR : Revue Internationale de
la Croix-Rouge
RJE : Revue Juridique de
l'Environnement
RQDI : Revue Québécoise de
Droit International
UNESCO : Organisation des Nations Unies
pour l'Education, la Science et la Culture.
LISTE DES ANNEXES:
-Résumé de l'arrêt du 25 Septembre 1997,
Affaire Gabcikovo-Nagymaros.
-Déclaration de Rio du 14 Juin 1992 sur l'environnement et
le développement.
SOMMAIRE :
INTRODUCTION
7
PARTIE I :
LA CONSECRATION DES NORMES ENVIRONNEMENTALES PAR LA
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
7
CHAPITRE I : LA DETERMINATION PAR LE JUGE DU
CONTENU DES NORMES DE DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT
16
Section 1 : Les clarifications
conceptuelles
16
_Toc24650383
Section 2 : La consécration des
principes de protection
7
CHAPITRE 2 : LA FORMULATION D'OBLIGATIONS
PRECISES ET DES CONDITIONS D'EXCLUSION DE L'ILLICEITE DU FAIT ETATIQUE
32
Section 1 : La formulation
d'obligations précises à la charge des Etats
32
Section 2 : Les conditions d'exclusion
de l'illicéité d'un fait étatique
50
PARTIE II :
LA DIFFICULTE POUR LE JUGE INTERNATIONAL A
S'AFFRANCHIR DES TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE TRAITEMENT DES QUESTIONS
CONTENTIEUSES
7
CHAPITRE 1 : LE RECOURS QUASI SYSTEMATIQUE
AUX TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE TRAITEMENT DES QUESTIONS CONTENTIEUSES.
59
Section 1 : L'adaptation des
mécanismes judiciaires traditionnels au contentieux environnemental.
59
Section 2 : La prise en compte
restrictive des considérations écologiques dans l'examen des
règles du droit des traités.
66
CHAPITRE 2 : LA NECESSAIRE CONCILIATION ENTRE
PRUDENCE ET HARDIESSE DU JUGE DANS LE TRAITEMENT DU CONTENTIEUX
ENVIRONNEMENTAL
74
Section 1 : La préservation de
la solidité de la structure institutionnelle et normative existante
74
Section 2 : La contribution du juge
à l'évolution du droit international de
l'environnement.............................................................................................
81
CONCLUSION
89
RESUME :
Les normes environnementales sont généralement
qualifiées de droit mou, de « soft law »
insusceptible de faire l'objet d'un contentieux devant le juge. Cette
impossibilité tient au fait que le juge applique à une situation
concrète une norme juridique préexistante dont le sens ne fait
l'objet d'aucune controverse. Mais l'étude de la jurisprudence de la
C.I.J. démontre que le juge parvient à faire application de ces
normes malgré le statut qui leur est reconnu. Cette prise en compte se
fait à travers une consécration des normes environnementales et
une adaptation de ces normes aux règles classiques du droit
international public.
ABSTRACT:
Norms relating to environmental protection are
generally qualified as «soft law»; as such, they do not
lend themselves easily as contentious matters, susceptible to be brought before
the judge. This is so because the judge applies laid-down and accepted legal
rules to concrete situations. But a study of ICJ's case law shows that the
judge succeeds to effectively apply these norms in spite of their
classification as «soft law». Such a realization is made possible by
the establishment and adaptation of these environmental norms into classical
rules of public international law.
INTRODUCTION
CONTEXTE ET OBJET DE L'ETUDE
La sonnette d'alarme tirée par les scientifiques et
relayée au sein de l'opinion publique a eu pour effet l'érection
de la protection de l'environnement au rang des préoccupations
actuelles. Cet état de fait ne date pas de longtemps
car « il y a peu d'années encore, les
préoccupations écologiques apparaissaient comme un
phénomène de mode, voire l'expression d'une conscience
retardataire sur les progrès de
l'humanité »1(*). Mais avec le temps, l'environnement est apparu comme
un bien précieux dont la protection passe pour être une
nécessité, sinon un impératif. Pourtant, l'idée
selon laquelle la protection de l'environnement nécessitait la
coopération de tous n'a pas toujours été universellement
admise. En effet, les pays en développement ne voyaient pas au
départ la nécessité de concilier le développement
et l'environnement. « Pour beaucoup d'entre eux, la
priorité absolue était le développement et les
problèmes d'environnement posés par les pays
industrialisés grâce aux mouvements d'écologistes,
étaient considérés comme étant en quelque sorte des
maladies des riches »2(*). Mais de nos jours, les problèmes
environnementaux ont acquis une place importante même dans les pays en
développement, la protection de l'environnement devenant l'un des
objectifs phares des politiques publiques de ces Etats. C'est ce qui fait dire
à A. Kiss qu' « il est possible de dire que ces
problèmes ont été résolus, au moins en
théorie, en ce sens que les pays du Tiers Monde ont largement
adhéré au principe que la coopération mondiale est
nécessaire pour sauvegarder la planète »3(*).Au Cameroun par exemple, la
prise de conscience des préoccupations environnementales a
été à l'origine de la création du Ministère
de l'environnement et des forêts le 09 Avril 1992.
L'unanimité faite autour de la nécessité
de protéger l'environnement contraste avec la difficulté
qu'il y a à parvenir à une définition consacrée de
la notion d'environnement. Le Professeur Maurice Kamto fait remarquer en effet
que « le terme environnement ne fait pas encore l'objet d'une
définition universellement admise en droit
positif »4(*). C'est ainsi que plusieurs définitions
s'appliquent à ce terme, variant en fonction du contexte ou des auteurs.
D'abord, le Petit Larousse Illustré définit l'environnement comme
l'ensemble des éléments physiques, chimiques ou biologiques,
naturels et artificiels, qui entourent un être humain, un animal ou un
végétal, ou une espèce5(*). Pour Michel Prieur, l'environnement est à la
fois la qualité de la vie, le bien être, les ressources
naturelles, les paysages, le patrimoine urbain et architectural, le milieu
urbain etc.6(*) Reformulant
la définition proposée par le « projet de pacte
international sur l'environnement et le
développement »7(*), Maurice Kamto conçoit l'environnement comme
étant le milieu, l'ensemble de la nature et des ressources, y compris le
patrimoine culturel et les ressources humaines indispensables pour les
activités socio économiques et pour le meilleur cadre de
vie8(*). Dans le cadre de
l'activité normative de l'UNESCO enfin, la convention de Paris sur le
patrimoine mondial culturel et naturel définit l'environnement comme
l'expression d'un patrimoine, c'est-à-dire d'un ensemble de biens soit
culturels soit naturels. Bien que présentant chacune quelques
spécificités, toutes ces définitions ont ceci en commun
que le terme environnement renvoie à plusieurs éléments
dont l'appréhension rend nécessaire la mobilisation de plusieurs
techniques et disciplines scientifiques9(*) parmi lesquelles le droit.
Le rôle du droit dans la protection de l'environnement
est indéniable tant il est vrai que le droit est le moteur des
politiques environnementales. Considéré au départ comme
une intrusion, l'intérêt porté par les juristes à la
matière n'a cessé de croître au point d'aboutir à la
création d'une discipline juridique y relative à savoir le droit
international de l'environnement (DIE). Le droit international de
l'environnement est l'ensemble des règles juridiques internationales
dont l'objectif est la protection de l'environnement. Ce droit de
création récente naît à la suite de la prise de
conscience que la planète court un grand danger écologique du
fait de l'activité humaine. Mais les multiples conventions
internationales régissant le domaine de l'environnement posent encore le
problème de leur effectivité. En effet, comme le fait remarquer
Claude Impériali, « la question de l'effectivité
des conventions internationales est l'une des préoccupations
essentielles actuelles de la doctrine et des
praticiens »10(*). C'est pour remédier à cette situation
que les Etats ont mis sur pied des moyens de contrôle de la mise en
oeuvre des conventions internationales et autres normes de droit international
de l'environnement. On note ainsi une émergence et une
consécration des procédures de mise en oeuvre du droit dans le
domaine de la protection de l'environnement telles que le système des
rapports étatiques, la procédure de non respect et les
contre-mesures11(*). Mais
ces procédures de contrôle de la mise en oeuvre des conventions ne
remettent pas en cause les mécanismes classiques de réaction
à la violation du droit. En effet, l'application du droit international
de l'environnement relève d'abord, du fait de la nature de telles
règles, du régime d'application des règles du droit
international classique12(*). C'est ainsi qu'on peut envisager une mise en oeuvre
juridictionnelle du droit international de l'environnement, plus
précisément un contentieux environnemental.
Le droit international de l'environnement comme tous les
autres domaines du droit international n'échappe pas au
phénomène de juridictionnalisation qui consiste à faire
trancher des différends par un tiers extérieur habilité
à cet effet. On dénombre de nos jours plusieurs instances
juridictionnelles devant lesquelles les questions environnementales ont
été et continuent d'être traitées au contentieux ou
à titre consultatif. C'est ce que fait remarquer Philippe Sands quant il
affirme: «the rise of environmental consciousness in
international law has been accompanied by another phenomenon: the growing
number of international fora within which environmentally related disputes can
now be addressed»13(*). On peut ainsi citer à titre illustratif le
Tribunal International pour le Droit de la Mer mis en place par la convention
de Montego Bay de 1982 ainsi que le tribunal arbitral institué par
l'annexe VII de ladite convention, le Centre International pour le
Règlement des Différends relatifs aux Investissements, l'organe
de règlement des différends de l'organisation mondiale du
commerce etc. Toutes ces instances ont été
précédées par la Cour internationale de justice qui a
été instituée en 1946 avec la plénitude de
compétence rationae materiae pour trancher toutes les questions
de droit international dont relève indubitablement le droit
international de l'environnement.
L'étude envisagée ici a pour objet de parcourir
la jurisprudence de la C.I.J. pour essayer de rendre compte de la
manière avec laquelle cette institution judiciaire aborde la
thématique environnementale dans l'exercice de ses compétences
contentieuse et consultative.
PRECISIONS CONCEPTUELLES
Le degré de précision nécessaire pour
tout travail de recherche commande que les notions utilisées soient
comprises dans le sens souhaité de façon à les rendre
opératoires. Cela est d'autant plus nécessaire que les mots n'ont
de sens que dans leur contexte d'utilisation. C'est donc pour leur donner un
plein effet et une valeur certaine qu'on va procéder à la
précision des concepts clés du sujet. Il s'agit notamment des
termes : Thématique, environnement et jurisprudence.
Le Petit Larousse Illustré de
2007 définit la thématique comme
désignant ce qui est relatif à un thème, qui s'organise
autour d'un thème14(*). Ainsi parler de thématique de l'environnement
dans la jurisprudence de la C.I.J. revient à s'intéresser
à la jurisprudence qui est centrée autour d'un thème,
celui de l'environnement notamment. Mais cette étude va au-delà
d'un simple recensement des décisions de la C.I.J. dans lesquelles
l'environnement constitue une thématique majeure. Il est aussi question
de dégager, à partir d'une lecture critique desdites
décisions, les tendances jurisprudentielles de la Cour afin d'en
déterminer les cohérences ou les incohérences, les
stabilités ou les variances. Cette démarche est d'autant plus
envisageable que le Dictionnaire sus-cité définit
également la thématique comme étant une méthode de
lecture critique qui vise, par l'étude des constances thématiques
et le retour des motifs, à dégager la cohérence d'un
univers imaginaire et l'intention profonde d'un écrivain15(*). L'étude
envisagée ici a donc pour but de parcourir l'ensemble de la
jurisprudence de la C.I.J. centrée autour du thème de
l'environnement, de manière à déterminer les constances,
les cohérences mais aussi l'intention profonde du juge de la C.I.J.
S'agissant du terme environnement, il a fait
l'objet de plusieurs définitions tant par la jurisprudence, la doctrine
que par les conventions internationales y relatives16(*). Mais de toutes ces
définitions, on retiendra pour les besoins de la cause, la
définition de la C.I.J. dans l'avis consultatif du 8 Juillet 1996 sur la
licéité de la menace ou de l'emploi d'armes
nucléaires. Selon cette dernière, l'environnement est
l'espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la
qualité de leur vie et de leur santé, y compris pour les
générations à venir. Cette définition est retenue
parce qu'elle est considérée comme la plus
élaborée17(*).
Enfin le terme jurisprudence peut avoir un
sens double. D'une part, la jurisprudence peut être définie comme
l'ensemble des solutions apportées par une juridiction dans l'adaptation
du droit18(*). D'autre
part, il peut être entendu comme la position qui se dégage, sur un
point de droit donné, des décisions rendues par une
juridiction19(*). Dans le
cadre de ce travail, le terme jurisprudence sera entendu dans son sens premier,
c'est-à-dire l'ensemble des décisions rendues par une
juridiction. Les décisions seront envisagées ici dans un sens
large, intégrant à la fois les décisions
définitives (arrêts et avis) et les décisions avant dire
droit (ordonnances en indication de mesures conservatoires).
INTERET DU SUJET
L'étude sur la thématique environnementale dans
la jurisprudence de la C.I.J. revêt un intérêt certain
à plus d'un titre.
D'abord sur un plan théorique, cette étude
permet d'analyser l'activité normative du juge international. En effet,
alors que le statut normatif des règles de droit international de
l'environnement est encore discuté, le juge de la C.I.J. a réussi
à faire application de ces règles dans l'exercice de sa fonction
juridictionnelle. Il devient donc intéressant de voir comment à
travers son office, le juge de la C.I.J. donne une consistance concrète
à des normes jusque là imprécises, et contribue ainsi
à la stabilisation des règles et principes du droit international
de l'environnement. Bref, il s'agit de s'attarder sur le rôle du juge
dans la détermination des règles du droit international de
l'environnement.
Ensuite, l'étude envisagée ici présente
un intérêt pratique, car elle permet de savoir si le recours au
juge international permet une meilleure garantie de l'effectivité des
normes environnementales. Cette préoccupation se révèle
être importante tant il est vrai que « les actions
concrètes destinées à sauvegarder la planète et
à gérer de manière attentive et équitable, les
ressources à l'intérieur des pays, entre les pays et entre les
générations, n'ont pas été à la mesure des
espoirs suscités et des engagements souscrits20(*)».
Sur un plan personnel enfin, cette étude est une
étape supplémentaire dans les recherches entamées dans le
domaine du droit de l'environnement. Après l'étude sur la
protection de l'environnement dans le cadre de l'accord de libre échange
ACP-UE d'une part et l'apport du secteur de l'assurance dans la gestion des
risques environnementaux d'autre part21(*), l'étude sur la thématique
environnementale dans la jurisprudence de la C.I.J. est une approche judiciaire
des mécanismes de protection envisageables. Elle offre des
éléments techniques nécessaires à
l'élaboration d'une stratégie juridique efficace qui permettrait
à tout spécialiste du contentieux international de mener à
bien toutes les actions engagées devant les juridictions internationales
pour des questions liées au droit international de l'environnement.
REVUE DE LA LITTERATURE
Si le droit international de l'environnement se singularise
par « le nombre impressionnant des traités internationaux
relatifs à cette nouvelle branche du droit
international »22(*), force est de constater que la littérature
juridique y est aussi abondante. En effet, beaucoup d'ouvrages, articles et
plus en plus de thèses et mémoires s'intéressent à
ce domaine du droit international. C'est la raison pour laquelle nous avons eu
accès à un nombre appréciable de documents pendant la
réalisation de ce travail. Mais la difficulté rencontrée
est que les ouvrages, pour la plupart généraux, n'étaient
pas d'un grand apport pour notre thème qui se veut davantage une
étude de jurisprudence. Par contre, nous avons eu accès à
des articles assez proches de notre thème, qui ont été
d'un apport indéniable.
Pour ce qui est d'abord des ouvrages, c'est avec un grand
intérêt que nous avons consulté l'ouvrage de Maurice Kamto
intitulé Droit de l'environnement en Afrique23(*). En dépit de son
caractère général, l'ouvrage nous renseigne sur la
difficulté à laquelle fait face le juge international lorsqu'il
doit se prononcer sur un contentieux environnemental. De l'avis de l'auteur, le
juge international a de la peine à s'émanciper des règles
du droit international classique. Il souligne le « reflexe
inconditionné des juristes qui consiste à aborder les
problèmes nouveaux à l'aide d'ustensiles juridiques et de moyens
théoriques disponibles plutôt que de forger de nouveaux concepts
et de nouvelles approches »24(*). En parcourant la jurisprudence de la Cour, nous
avons pu nous rendre compte de la justesse de cette analyse. Toujours parlant
des ouvrages, il faut mentionner celui d'Alexandre Kiss intitulé
Droit international de l'environnement25(*). Dans cet ouvrage encore plus général,
l'auteur fait une présentation globale du droit international de
l'environnement, notamment son objet et sa nature, sa naissance et son
évolution, ses sources et les différents problèmes qu'il
pose. Ces ouvrages généraux nous ont certes permis d'avoir une
vue d'ensemble du droit international de l'environnement, mais c'est aux
articles que nous nous sommes référé pour avoir des
analyses plus proches de notre thème.
Pour ce qui est maintenant des articles, on pourrait les
classer en trois grands groupes :
Le premier groupe concerne les articles centrés sur la
nature des normes du droit international de l'environnement. Il s'agit entre
autres de l'article de Prosper Weil intitulé « Vers une
normativité relative en droit international ? »26(*). Dans cet article, l'auteur
présente un droit international malade de ses normes. Il soutient que
« la multiplication de normes soft, de ce
droit « incitatif » ou
« programmatoire », est un symptôme de la faiblesse
du système normatif international »27(*). On voit très bien
le lien qui s'établit entre ces propos et le droit international de
l'environnement dont les normes sont souvent qualifiées de soft. Prosper
Weil arrive à la conclusion que : « A force de se
laisser tenter par les délices et poisons de la sophistication et du
laxisme intellectuel, le système normatif international risque de
dériver irrémédiablement vers le relatif et
l'aléatoire »28(*). Dans le même sens, Maurice Kamto dans son
article intitulé « Les nouveaux principes du droit
international de l'environnement »29(*), souligne l'imprécision du concept de
« principe » en droit international de
l'environnement. En relevant le caractère parfois trop
général des principes, il se demande si la forte inclination du
droit international de l'environnement pour les principes ne traduit pas un
malaise, une faiblesse du droit30(*).
Le deuxième groupe concerne les articles qui analysent
la contribution de la C.I.J. au développement du droit international de
l'environnement. Dans cette rubrique on peut citer l'article de Jorge Vinuales
intitulé « The contribution of the international
court of justice to the development of the international environmental law:
contemporary assessment »31(*). L'auteur montre que la C.I.J. a joué un
rôle important dans le développement du droit international de
l'environnement. A travers sa jurisprudence, elle a reconnu le caractère
coutumier de certaines règles du droit international de l'environnement.
Dans une analyse prospectrice, l'auteur pense que les affaires encore pendantes
permettrons à la Cour de préciser des normes spécifiques
du droit international de l'environnement, de les rendre obligatoires et
d'établir une relation entre les traités et le droit
international de l'environnement coutumier. Toujours dans cette rubrique, on
peut citer l'article de Jochen Sohnle intitulé « Irruption du
droit de l'environnement dans la jurisprudence de la C.I.J. : L'affaire
Gabcikovo-Nagymaros »32(*). L'auteur analyse le volet environnemental de
l'affaire Gabcikovo-Nagymaros qui oppose la Hongrie à la Slovaquie
à propos d'un traité relatif à l'utilisation des eaux du
Danube. A son avis, il s'agit là de la première fois que la Cour
discute amplement un arrière fond écologique. Il souligne dans
l'attitude de la Cour une réaction ambivalente au regard du droit
international général d'une part, et une application
sélective des principes du droit international de l'environnement
d'autre part.
Pour ce qui est du troisième groupe enfin, il s'agit
des articles qui remettent en cause l'aptitude des mécanismes et
institutions classiques à s'appliquer au droit international de
l'environnement. Dans son article intitulé « La mise en oeuvre
du droit international dans le domaine de la protection de
l'environnement : Enjeux et défis »33(*), Laurence Boisson de
Chazournes montre le rôle marginal des mécanismes classiques de
réaction à une violation du droit. Elle signale par ailleurs
l'émergence et la consécration de nouvelles procédures de
mise en oeuvre du droit dans le domaine de la protection de l'environnement.
Dans le même sens, on peut citer l'article de Stéphane
Doumbé-Billé intitulé « Evolution des
institutions et des moyens de mise en oeuvre du droit de l'environnement et du
développement »34(*). Ici l'auteur plaide pour une rénovation
institutionnelle et une adaptation des moyens de mise en oeuvre du droit de
l'environnement et du développement. Cette analyse certes centrée
sur le droit interne ne manque pas de pertinence en droit international, compte
tenu des imbrications entre l'interne et l'international et du caractère
transnational des problèmes environnementaux.
ETAT DE LA QUESTION
La contribution de la C.I.J. à la protection de
l'environnement est un sujet qui a préoccupé tant la doctrine que
la jurisprudence. Sur ce dernier point, on peut lire au paragraphe 53 de
l'arrêt du 25 Septembre 1997 dans l'affaire Gabcikovo Nagymaros
que « la cour rappellera qu'elle a récemment eu
l'occasion de souligner dans les termes suivants toute l'importance que le
respect de l'environnement revêt à son avis, non seulement pour
les Etats mais aussi pour l'ensemble du genre humain »35(*). Cette importance de la
protection de l'environnement s'illustre bien par la création en son
sein le 19 Juillet 1993 d'une chambre spéciale pour les questions
environnementales. Pour Raymond Ranjeva, la création d'une chambre pour
l'environnement a constitué la réponse apportée par la
cour à la double question relative à son rôle
éventuel dans le règlement des différends concernant
l'environnement et le développement durable d'une part et à un
aménagement de sa méthode de travail d'autre part36(*).
Mais les avis restent partagés au sein de la doctrine
en ce qui concerne la contribution du juge de la C.I.J. à la protection
de l'environnement. Dans son article intitulé « la mise en
oeuvre du droit international dans le domaine de la protection de
l'environnement : enjeux et défis », Laurence Boisson de
Chazournes souligne que « les clauses compromissoires de
règlement des différends insérées dans les
conventions de protection de l'environnement n'ont jamais été
invoquées pour régler un différend. Cela, même si
certaines d'entre elles prévoient que lorsque le différend
n'avait pas été réglé par voie de
négociation ou par un autre mode, il pourrait alors être soumis
à une procédure juridictionnelle à la requête d'une
seule des parties au différend ». Elle ajoute que
malgré le recours aux juridictions internationales, si on se
réfère à certaines affaires récentes portées
devant la C.I.J., « il faut admettre que tant dans l'affaire
relative à certaines terres à phosphate à Nauru que dans
l'affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros la question de la protection
de l'environnement n'a pas été, et n'est pas, l'objet principal
du différend ». Dans le même sens, le professeur
Stéphane Doumbé-Billé estime que « les
illustrations jurisprudentielles ne brillent pas par leur impact réel
sur l'évolution des règles, ni véritablement sur la
matière dans laquelle celles-ci s'inscrivent. Dans tous les cas, les
solutions majeures s'analysent essentiellement au passé qu'il s'agisse
de sentences arbitrales ou des décisions judiciaires. Même en
relativisant la portée de leur dimension environnementale, c'est
essentiellement à travers les affaires de la Fonderie du Trail en 1941,
du Détroit de Corfou en 1949 et du Lac de Lanoux en 1956 que le droit
international de l'environnement a émergé dans le droit du
contentieux international 37(*) ».
A contrario, Jochen Sohnle fait remarquer que
l'affaire Gabcikovo-Nagymaros marque l'irruption de l'environnement dans la
jurisprudence de la CIJ car «d'une manière inédite en
matière contentieuse, à l'invitation de la Hongrie, la cour a
accepté de traiter cette affaire sur le terrain
écologique »38(*). « Pour la première fois la
Cour internationale de justice discute amplement un arrière fond
écologique 39(*)». C'est dire toute l'importance que l'auteur
accorde à la jurisprudence de la Cour en matière de protection de
l'environnement. Dans un article publié à l'oecd globalforum
on international investment, Philippe Sands note que: «A number
of decisions in the past decade are noteworthy for having contributed to the
development of international environmental law, by identifying and then
applying various rules, and also by clarifying their meaning and effect and
relationship with other rules of international law arising outside the
environmental domain»40(*). Cette idée est défendue par Jorge
E. Vinuales dans un article publié au Fordham International Law
Journal, dans lequel il fait remarquer qu'avec l'affaire des usines de
pâte à papier, « the icj is again presented with an
opportunity to clarify some important issues of international environmental
law »41(*).
Dans un sens plus général, le professeur
Alexandre Kiss pense que « l'importance réelle des
arrêts ou des avis consultatifs de la cour de la Haye, d'arbitres ou
d'autres juridictions internationales est bien plus grande. Ces
décisions sont plutôt considérées comme la
formulation, la consécration ou la révélation des
règles coutumières, selon les cas 42(*)». Il est donc
nécessaire d'apporter des réponses claires à ces
idées contradictoires par une étude minutieuse de la
jurisprudence de la CIJ relative au droit international de l'environnement.
DELIMITATION DU SUJET
L'étude envisagée dans le cadre du
présent mémoire va connaître une délimitation du
point de vue du champ matériel pris en considération. En effet,
on peut noter que la CIJ a rendu plusieurs arrêts et avis qui de
près ou de loin, ont un lien avec la protection de l'environnement. Mais
l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros est considéré comme un tournant
décisif dans la jurisprudence de la CIJ car ce serait la première
fois que la cour accepte de traiter une affaire sur le terrain
écologique43(*).
Cet arrêt constituera donc l'élément central de
l'étude. Il sera tout de même tenu compte des arrêts et avis
antérieurs et postérieurs à ce dernier afin d'avoir une
approche tant historique que prospectrice.
PROBLEMATIQUE
Le droit international de l'environnement est une discipline
relativement jeune avec des règles qui ne sont pas encore
stabilisées. Il arrive souvent que, parlant des normes
environnementales, celles-ci soient qualifiées de droit mou, de
« soft law », de normes à caractère
programmatoire ou de principe. Selon certains auteurs, ce sont des normes
à nature juridique et à degré de précision
variables, de règles à statut normatif discutable en raison de
leur rôle dans la « dilution » de la
normativité internationale44(*), de normes au contenu peu précis
régulant la protection de l'environnement et rendant difficile
l'établissement de la violation du droit45(*), de normes énonçant des objectifs
d'intérêt général, dont la violation n'est pas
nécessairement juridiquement sanctionnée46(*) etc. Selon Raymond Ranjeva, en
l'absence de règles positives conventionnelles, la compétence de
droit revient à l'Etat souverain et un différend afférant
à l'exercice d'une telle compétence ne saurait, dès lors,
avoir un caractère justiciable. On pourrait dès lors s'interroger
sur la possibilité d'exercer un contrôle juridictionnel efficace
de telles normes. En effet, pour régler un différend, le juge
applique à des situations concrètes des catégories
juridiques bien établies et consolidées. On se demande si la
norme environnementale dont le respect doit être contrôlé et
qui apparait comme une norme « soft » y compris
dans sa forme conventionnelle favorise un contrôle juridictionnel, si le
caractère généralement non self executing des
normes conventionnelles permet un contrôle juridictionnel
international.
Avec la production jurisprudentielle de la C .I.J. dans le
domaine de la protection de l'environnement, la réponse aux
interrogations précédentes semble être affirmative. On
constate effectivement à travers la jurisprudence de la Cour que le juge
arrive à faire tant bien que mal application des normes de droit
international de l'environnement dans le contentieux international. La
réponse ainsi proposée soulève encore des interrogations.
Si malgré le caractère « soft »
reconnu aux normes environnementales le juge international parvient à en
faire application dans sa jurisprudence, comment procède-t-il ?
Comment le juge de la C.I.J. parvient-il appliquer aux situations
concrètes des catégories juridiques dont le statut juridique est
encore discuté ?
HYPOTHESES
Compte tenu du rôle reconnu au juge dans le
développement du droit, on peut légitimement penser que le juge
de la C.I.J. procède à la détermination de la nature des
normes qu'il applique, de leur valeur ainsi que des obligations précises
qui en découlent avant de les appliquer à des situations
précises. Le juge aurait donc une activité normative intense
imposée par la jeunesse du droit à appliquer d'une part, et la
nécessité de plus en plus affirmée de protéger
efficacement l'environnement.
Mais le juge de la C.I.J. pourrait aussi faire simplement
usage des catégories juridiques existantes et fortement
consolidées pour régler les différends environnementaux.
En effet, le droit international de l'environnement est une branche du droit
international public qui se singularise par la spécificité de ses
normes. Mais n'étant pas en marge du droit international public
général, il peut bénéficier de l'apport des autres
disciplines du droit international public pour assurer une positivité de
ses normes et une sanction efficace des manquements à celles-ci. Dans ce
cas le juge n'aura pas pour ambition de stabiliser les règles de
manière à les rendre autonomes mais plutôt de les
compléter et de les rendre applicables grâce aux normes des autres
branches du droit international public.
METHODE DE TRAVAIL
L'étude envisagée ici est une
analyse de la jurisprudence de la Cour afin de dégager les
méthodes de travail qui permettent à cette dernière
d'assurer l'application contentieuse des normes de droit international de
l'environnement malgré la « normativité
relative»47(*)
qui est souvent reconnue à ces normes. La méthode de travail qui
sera donc utilisée ici est la méthode
analytique. Elle permettra de dégager, à partir
des décisions rendues par la Cour dans le domaine du droit international
de l'environnement, la nature et la portée de sa contribution au
développement de ce droit.
PLAN DU TRAVAIL
Le présent travail fera l'objet d'une
présentation en deux parties qui retracent l'activité du juge de
la C.I.J. en matière de protection de l'environnement. En effet, on
relèvera d'une part une consécration des normes environnementales
par la C.I.J. (Partie I), et d'autre part la difficulté pour le juge
international à s'affranchir des techniques et méthodes
traditionnelles de traitement des questions contentieuses (Partie II).
PARTIE I :
LA CONSECRATION DES NORMES
ENVIRONNEMENTALES PAR LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
L'évolution du droit international est attribuable
à celle de la société internationale, qui se modèle
sans cesse. Ainsi, l'apparition de nouvelles préoccupations dans la
société internationale impose un réaménagement du
dispositif juridique afin de garantir une gestion harmonieuse des rapports
internationaux. La naissance du droit international de l'environnement
obéit à cette logique car elle apparait comme une réponse
apportée par le droit international aux problèmes
environnementaux dont l'urgence de la protection semble faire
l'unanimité au sein de l'opinion publique.
Cependant, en plus de leur incapacité à
régir l'intégralité du phénomène qui a
présidé à leur élaboration (ce qui est le propre de
toutes les normes juridiques), les normes environnementales ont
également la particularité d'être des normes à
statut juridique encore discuté en doctrine.
Mais la C.I.J. semble être allée au-delà
de ce débat doctrinal en introduisant la notion d'environnement dans le
contentieux international. Ce faisant, la C.I.J. met en évidence le
rôle des décisions judiciaires qui sont « des moyens
auxiliaires de détermination de la règle de
droit »48(*). Elle y parvient à travers la
détermination du contenu des normes de droit international de
l'environnement d'une part (Chapitre 1) et la formulation d'obligations
précises à la charge des Etats, ainsi que des conditions
d'exclusion de l'illicéité du fait étatique d'autre part
(Chapitre 2).
CHAPITRE I :
LA
DETERMINATION PAR LE JUGE DU CONTENU DES NORMES DE DROIT INTERNATIONAL DE
L'ENVIRONNEMENT
Le rôle du juge dans la détermination des normes
du droit international trouve son fondement dans l'article 38
alinéa 1 (d) du statut de la Cour International de Justice.
Selon cet article, « la Cour, dont la mission est de
régler conformément au droit international les différends
qui lui sont soumis applique : (...) sous réserve de la disposition
de l'article 59, les décisions judiciaires.
(...) ». Par ailleurs, ce rôle normateur du juge est aussi
justifié par la difficulté face à laquelle se trouve ce
dernier de rendre justice avec de normes juridiques inexistantes,
incomplètes ou obscures. Pourtant, « juger, c'est faire
application à une situation concrète d'une norme juridique
préexistante. Une telle application suppose que le juge soit
parfaitement fixé sur le sens de la norme à appliquer
»49(*). Face
à des normes de droit international de l'environnement
imprécises, le juge de la Cour Internationale de Justice a tenu à
jouer son rôle en matière de développement du droit
international, ceci à travers un exercice de clarification conceptuelle
d'une part (Section 1) et la consécration des principes de protection
d'autre part (Section 2).
Section 1 : Les
clarifications conceptuelles
L'introduction de la notion d'environnement dans le
contentieux international a fortement contribué à l'affirmation
du droit international de l'environnement. Elle apparaît comme une
réponse tranchée de la jurisprudence face au balbutiement de la
doctrine sur la question. Le contentieux international de l'environnement a
ainsi permis à la Cour Internationale de Justice de parvenir à
une détermination jurisprudentielle de l'autonomie conceptuelle de
l'environnement (paragraphe 1) en même temps qu'il a
débouché sur une reconnaissance de la valeur normative des
règles de droit international de l'environnement (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La
détermination jurisprudentielle de l'autonomie conceptuelle de
l'environnement.
L'analyse des arrêts de la Cour Internationale de
Justice dans le domaine de l'environnement montre bien que la
détermination de l'autonomie conceptuelle de l'environnement s'est faite
de façon évolutive avec des moments de consécration et de
confirmation (A). Mais, dans un cas comme dans l'autre, elle a eu pour effet de
consacrer « l'espace » comme
l'élément constitutif de l'environnement (B).
A. L'évolution dans
la consécration du concept d'environnement
C'est à travers son avis consultatif rendu le
08 juillet 1996 sur la licéité de la menace
ou de l'emploi d'armes nucléaires que la Cour Internationale de
Justice a circonscrit le concept d'environnement en lui attribuant une
définition précise (1). Par la suite, la Cour s'est
employée dans ses décisions ultérieures à affirmer
« l'unité et la cohésion de sa propre
jurisprudence » en confirmant sa conception de la notion
d'environnement, notamment à travers l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros
(2).
1- L'avis du 08 juillet 1996 comme point
de départ de la définition
Il faut tout d'abord rappeler que la Cour Internationale de
Justice a eu à rendre deux (2) avis consultatifs en date du 08 juillet
1996 sur la même question à savoir la licéité de la
menace ou de l'utilisation des armes nucléaires à la demande de
l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) d'une part50(*) et l'Assemblée
Générale de l'Organisation des Nations Unies (ONU) d'autre
part51(*). Pour ce qui est
de la demande d'avis de l'Organisation Mondiale de la Santé, la question
posée à la Cour s'énonçait ainsi qu'il suit :
« compte tenu des effets des armes nucléaires sur la
santé et l'environnement, leur utilisation par un Etat au cours d'une
guerre ou d'un autre conflit armé constituerait-elle une violation de
ses obligations au regard du droit international, y compris la constitution de
l'Organisation Mondiale de la Santé ? ». Pour ce qui
est de l'Assemblée Générale des Nations Unies, la question
était libellée comme suit : « Est-il
permis en droit international de recourir à la menace ou à
l'emploi d'armes nucléaires en toute
circonstance ? ». C'est l'avis consultatif rendu pour cette
seconde demande d'avis qui sera étudié ici, car dans le premier
avis, la cour a refusé de répondre à l'Organisation
Mondiale de Santé parce qu'elle est « parvenue à la
conclusion que la demande d'avis consultatif présentée par
l'Organisation Mondiale de la Santé ne porte pas sur une question qui se
pose dans le cadre de l'activité de cette organisation
conformément au paragraphe 2 de l'article 96 de la charte52(*) ».
C'est au paragraphe 29 de son second avis que la Cour
Internationale de Justice consacre la définition de la notion
d'environnement. Selon elle en effet, « l'environnement
n'est pas une abstraction, mais bien l'espace où vivent les êtres
humains et dont dépend la qualité de leur vie et de leur
santé, y compris pour les générations à
venir ». Cette prise de position par la Cour Internationale de
Justice marque la réponse de la jurisprudence face à la
multiplicité de définitions retenues par la doctrine. Elle est
aussi une affirmation de l'activité normative occasionnelle du juge
international lorsque ce dernier fait face à une norme inexistante (vide
normatif) ou obscure. Certes en principe, « la Cour applique le
droit, elle ne le crée pas ; en tout cas, elle ne le crée
presque jamais53(*) ». Mais on peut dire que la
relativisation ainsi apportée au rôle principal de la Cour
Internationale de Justice intègre bien son rôle dans le
développement du droit international en général et du
droit international de l'environnement en particulier.
Le traitement par la Cour des questions environnementales
à travers son avis du 08 juillet 1996 amène à constater
que l'arrêt Gabcikovo- Nagymaros ne marque pas
« l'irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence
de la Cour Internationale de Justice54(*) ». Pour le juge Bedjaoui, cette
irruption remonte même à l'affaire du détroit de Corfou. En
effet, pour lui, « La Cour Internationale de Justice (...) a eu,
relativement tôt, des préoccupations concernant les
problèmes de l'environnement. (...) la cour a eu à aborder ces
problèmes d'environnement avec l'affaire que vous connaissez tous :
celle du détroit de Corfou55(*) ». C'est dans cette affaire que la
C.I.J. consacre pour la première fois le principe de l'utilisation non
dommageable du territoire, principe considéré aujourd'hui comme
faisant partie des normes du droit international de l'environnement. Elle
affirme en substance que « Les obligations qui incombaient aux
autorités albanaises (...) sont fondées non pas sur la convention
VIII de la Haye, de 1907 (...) mais sur certains principes
généraux et bien reconnus, tels que (...) l'obligation, pour tout
Etat, de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d'actes contraires aux
droits d'autres Etats ». On peut donc en déduire que
plutôt que d'être considéré comme l'irruption de
l'environnement dans la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice,
l'arrêt Gabcikovo -Nagymaros doit représenter la confirmation par
la Cour de l'intérêt qu'elle a pour les préoccupations
environnementales.
2- L'arrêt du 25
septembre 1997 comme confirmation de la définition de
l'environnement.
Si les questions environnementales sont déjà
traitées par la Cour avant l'arrêt du 25 septembre 1997, il faut
dire que c'est dans cette espèce que la Cour Internationale de Justice
accepte, en matière contentieuse, de traiter une affaire sur le terrain
écologique « en consacrant de longs développements
au droit international de l'environnement »56(*).Cet arrêt a donné
l'occasion à la Cour de confirmer la définition de la notion
d'environnement telle que présentée dans l'avis consultatif du 08
juillet 1996. Ainsi, à deux reprises, la Cour invoque la
définition de l'environnement consacrée dans son avis
consultatif. Il s'agit d'abord du paragraphe 53 alinéa 3 de
l'arrêt aux termes duquel « la Cour rappellera qu'elle a
récemment eu l'occasion de souligner dans les termes suivants toute
l'importance que le respect de l'environnement revêt à son avis
non seulement pour les Etats mais aussi pour l'ensemble du genre
humain : « l'environnement n'est pas une abstraction, mais
bien l'espace où vivent les êtres humains et dont dépendent
la qualité de leur vie et de leur santé, y compris pour les
générations à venir 57(*)» ». Pour une seconde fois, la
Cour réaffirme au paragraphe 112 alinéa 4 du même
arrêt la définition de la notion d'environnement lorsqu'elle
déclare qu' « agir de la sorte (évaluer les
risques écologiques) est d'autant plus important que la Cour, dans son
avis consultatif sur la licéité de la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires a rappelé que l'environnement n'est pas une
abstraction, mais bien l'espace où vivent les êtres humains et
dont dépendent la qualité de leur vie et de leur santé, y
compris pour les générations à venir
».
C'est dire que la Cour est restée cohérente dans
sa jurisprudence et plus particulièrement dans la conception qu'elle se
fait de la notion d'environnement. Cette cohérence se vérifie
davantage si on considère aussi l'ordonnance du 13 juillet 2006
de la Cour Internationale de Justice portant sur la demande en
indication des mesures conservatoires dans l'affaire des usines de pâtes
à papier sur le fleuve d'Uruguay. En effet, la Cour
« rappelle avoir eu, par le passé, l'occasion de souligner
toute l'importance qu'elle attache au respect de l'environnement, notamment,
dans l'avis consultatif sur la licéité de la menace ou de
l'emploi d'armes nucléaires et dans son arrêt en l'affaire
relative au projet Gabcikovo-Nagymaros
(Hongrie/Slovaquie58(*)) ». Mais, au-delà de la
consécration de la définition de l'environnement, la Cour
Internationale de Justice procède, à travers sa jurisprudence
à la détermination de l'élément constitutif de
cette notion.
B - L'espace comme
élément constitutif de la notion d'environnement.
La définition de la notion d'environnement retenue par
la Cour Internationale de Justice consacre l'espace comme élément
constitutif de cette notion. En effet, dès les premières lignes
de la définition, on peut lire ce qui suit : «
l'environnement n'est pas une abstraction, mais bien l'espace où vivent
les êtres humains (...) ». Cette conception de la notion
d'environnement est assez originale si l'on s'en tient aux différentes
définitions doctrinales qui l'ont précédé. En
effet, on note une pluralité d'éléments constitutifs de
l'environnement dans les définitions des auteurs. C'est ainsi que pour
Michel Prieur par exemple, l'environnement est à la fois la
qualité de la vie, le bien-être, les ressources naturelles, les
paysages, le patrimoine urbain et architectural, le milieu urbain etc.59(*) Pour Maurice Kamto, la notion
d'environnement est constituée par le milieu, l'ensemble de la nature et
des ressources, le patrimoine culturel et les ressources humaines60(*). C'est cette diversité
d'éléments constitutifs de l'environnement recensés par la
doctrine qui a fait dire que la notion de l'environnement est
protéiforme. Mais, sans remettre en cause cette nature, la Cour
Internationale de Justice se démarque des conceptions doctrinales pour
retenir dans sa définition un seul élément, l'espace, qui
en réalité fédère tous les autres
éléments constitutifs énumérés. C'est donc
une définition moins analogique que logique et plus englobante qui a
été retenue par la Cour pour illustrer l'environnement.
L'option prise par la Cour Internationale de Justice pour
déterminer l'élément constitutif de l'environnement peut
se justifier par la clarté et la précision des concepts qui
doivent être pris en compte dans une procédure contentieuse. En
effet, le juge est sensé appliquer à des situations
concrètes des catégories juridiques bien établies et
consolidées. Or, le fait de retrouver des éléments
constitutifs différents dans les définitions de l'environnement
révèle un peu le manque de précision de la notion, ou
encore l'absence d'une unanimité dans la détermination des
éléments constitutifs de l'environnement. On note donc, un effort
de systématisation de la Cour qui lui permet de mieux accomplir sa
tâche. En effet, comme le fait remarquer Louis Delbez,
« le juge, pour compléter le droit en vigueur pourra soit
systématiser les solutions particulières, soit individualiser les
solutions existantes du droit international »61(*).
L'autre facteur pouvant justifier la position de la Cour est
le principe de droit selon lequel toute énumération est
limitative. Concrètement, si la Cour Internationale de Justice adoptait
une définition de l'environnement faisant ressortir des
éléments constitutifs bien déterminés, cela
pourrait amener à conclure que tout autre élément ne
faisant pas partie de l'énumération retenue par la Cour ne peut
être considéré comme faisant partie des
éléments constitutifs de l'environnement. Une telle approche
limiterait la marge de manoeuvre de la Cour et pourrait laisser non
résolus un nombre important de contentieux, tant on sait que ces
derniers portent souvent sur des questions diverses et variées. Cette
attitude de la Cour relèverait dont de la prudence et permettrait
d'éviter une situation de vide juridique.
Mais, il faut dire que la Cour Internationale de Justice ne
s'est pas contentée de donner un sens à la norme environnementale
mais, est allée plus loin en reconnaissant une valeur
normative aux règles de droit international de l'environnement.
Paragraphe 2 : La
reconnaissance de la valeur normative des règles de droit international
de l'environnement.
La Cour reconnait implicitement une nature coutumière
à certaines règles du droit international de l'environnement (A).
De même, elle conçoit les considérations écologiques
comme faisant partie intégrante des considérations
élémentaires d'humanité (B).
A - La reconnaissance
implicite de la nature coutumière de certaines règles du droit
international de l'environnement.
Telle que définie par l'article 38 (b) du statut de la
Cour Internationale de Justice, la coutume est la « preuve d'une
pratique générale acceptée comme étant le
droit ». La constitution d'une pratique dite
générale ayant le caractère d'une règle obligatoire
résulte d'une rencontre entre la pratique matérielle
étatique et la conscience du sentiment d'obligatoriété
à cette pratique. Il convient donc de rechercher dans la jurisprudence
de la Cour si les deux éléments constitutifs de la coutume ont
fait l'objet d'une consécration même implicite.
Pour ce qui est de la pratique matérielle
étatique d'une part, la Cour commence par reconnaître que les
préoccupations environnementales représentent un
« intérêt essentiel » pour les Etats.
Elle le fait en ces termes : « la Cour ne voit aucune
difficulté à reconnaître que les préoccupations
exprimées par la Hongrie en ce qui concerne son environnement naturel
dans la région affectée par le projet Gabcikovo-Nagymaros avaient
trait à un « intérêt essentiel » de cet
Etat62(*) ».
La Cour va plus loin dans son raisonnement lorsqu'elle indique que la
Commission du Droit International a précisé, en se
référant à la pratique des Etats, que :
« c'est surtout dans les deux dernières décennies
que la sauvegarde de l'équilibre écologique en est venue à
être considérée comme répondant à un
intérêt essentiel de tous les Etats63(*) ». Par ce
faire, la Cour Internationale de Justice consacre une pratique
matérielle étatique nécessaire à
l'établissement d'une norme coutumière.
D'autre part, la Cour Internationale de Justice relève
cette conscience du sentiment d'obligatoriété lié à
la pratique étatique. En effet, dans son avis consultatif sur la
licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, la
Cour Internationale de Justice affirme : « la Cour est
consciente de ce que l'environnement est menacé jour après jour
et de ce que l'emploi d'armes nucléaires pourrait constituer une
catastrophe pour le milieu naturel64(*) ». Cette reconnaissance par la Cour du
caractère catastrophique pour l'environnement de l'emploi d'armes
nucléaires illustre bien la conscience du sentiment
d'obligatoriété de certaines normes protectrices de
l'environnement. Elle met également en lumière la relation qui
existe entre le juge et la coutume. Selon Jean Philippe Bufferne,
« le rapport du juge à la coutume est identique à
celui qui existe entre le juge et les faits dans un contentieux sur la
responsabilité, à ceci près qu'est en cause l'existence
d'une norme dont l'existence n'est pas formalisée ou qualifiée
par le droit lui-même de coutumière. La Cour Internationale de
Justice a une fonction constitutive à l'égard des faits auxquels
l'article 38 prévoit une conséquence juridique en l'occurrence
une norme. C'est pour cette raison que sa part active dans
l'établissement de la règle coutumière peut être
perçue comme une activité législative65(*) ».
Si dans sa jurisprudence la Cour ne s'est pas explicitement
prononcée sur la nature coutumière de certaines autres normes de
droit international de l'environnement, certains auteurs ont quant à eux
pris position en faveur de cette conception. Ainsi, par exemple, le juge
Weeramantry affirme: « There have been juristic
efforts in recent times to formulate what have been described as
« principles of ecological security» (...). These principles of
environmental law thus do not depend for their validity on treaty provision.
They are part of customary international law. They are part of sinequanon for
human survival 66(*)
». Il en est de même pour le juge Ranjeva pour
qui « la Cour internationale de justice a pu dégager, sans
difficulté, à partir des principes fondamentaux du droit
coutumier des règles pertinentes dans le droit de
l'environnement67(*) ». Ces apports doctrinaux confortent
bien la position de la Cour. Mais cette dernière gagnerait tout de
même à être explicite et cela vaut aussi pour la
reconnaissance des considérations écologiques comme faisant
partie intégrante des considérations élémentaires
d'humanité.
B - Les
considérations écologiques comme partie intégrante des
considérations élémentaires d'humanité.
Les considérations élémentaires
d'humanité ont été définies par la Cour
Internationale de Justice comme « des principes reconnus par les
nations civilisées comme obligeant les Etats même en dehors de
tout lien conventionnel(...) principes de morale les plus
élémentaires68(*) ». Mais c'est en 1949, dans l'affaire
du détroit de Corfou, que la Cour Internationale de Justice rappelle que
les Etats ne peuvent se soustraire à certaines
« considérations élémentaires
d'humanité69(*) ». Pour ce qui est des
considérations écologiques, la Cour en fait mention plusieurs
fois dans son avis du 08 juillet 1996. D'abord, elle fait
référence à la résolution 43/43 de
l'Assemblée Générale du 25 novembre 1992, intitulée
« protection de l'environnement en période de conflit
armé » qui « consacre l'opinion
générale selon laquelle les considérations
écologiques constituent l'un des éléments à prendre
en compte dans la mise en oeuvre des principes du droit applicable dans les
conflits armés »70(*). Dans le paragraphe qui suit, la Cour constate
que : « si le droit international existant relatif à
la protection et à la sauvegarde de l'environnement n'interdit pas
spécifiquement l'emploi d'armes nucléaires, il met en avant
d'importantes considérations d'ordre écologique qui doivent
être dûment prises en compte dans le cadre de la mise en oeuvre des
principes et règles du droit applicable dans les conflits71(*) ».
La reconnaissance par la Cour des considérations
écologiques comme faisant partie intégrante des
considérations élémentaires d'humanité s'illustre
bien dans l'affaire du détroit de Corfou. Dans cette affaire en effet,
elle a objectivé l'existence des considérations
élémentaires d'humanité qui sont aux fondements des
conventions de Genève, ces dernières n'en étant que
l'expression concrète72(*). Le rapport entre les considérations
écologiques et les considérations élémentaires
d'humanité naît du fait que les conventions de Genève et
les textes subséquents sont largement imprégnés de
considérations écologiques. Aussi par exemple, l'article 53
Paragraphe 3 du protocole additionnel numéro I aux conventions de
Genève de 1949 dispose qu' « il est interdit l'emploi
d'armes ou méthodes de guerre qui causeraient des dommages
étendus, durables et graves à l'environnement
naturel ». Par ailleurs, la convention du 18 mai 1977 sur
l'interdiction d'utiliser les techniques de modification de l'environnement
à des fins nucléaires ou toutes autres fins hostiles interdit
l'emploi d'armes ayant les mêmes effets. Par déduction, on arrive
à la conclusion selon laquelle les considérations
élémentaires d'humanité étant le fondement des
conventions de Genève, les considérations écologiques qui
y sont contenues font donc partie intégrante de ces
considérations élémentaires d'humanité.
Par ailleurs, le principe d'humanité est la base du
droit humanitaire73(*),
c'est-à-dire des règles régissant les conflits
armés. Ainsi, le fait pour la Cour d'indiquer que les
considérations écologiques doivent être prises en compte
dans la mise en oeuvre du droit humanitaire implique que ces
considérations écologiques doivent être suffisamment prises
en compte dans la détermination des considérations
élémentaires d'humanité. Telle est la démarche qui
a permis à la Cour d'apporter une clarification au concept
d'environnement et d'en déterminer la valeur des normes. Mais, la Cour
ne s'est pas limitée à cela si l'on considère sa
contribution dans la consécration des principes de protection.
Section 2 : La
consécration des principes de protection
« Les principes jouent un rôle fondamental
dans l'ordre juridique international »74(*). Pour ce qui est
précisément du droit international de l'environnement, les
principes se présentent comme des « véhicules
d'intégration des préoccupations de protection de
l'environnement75(*) ». La Cour Internationale de Justice
semble avoir adhéré à ce point de vue si l'on en croit sa
jurisprudence en matière de droit international de l'environnement. En
effet, elle ne manque pas de consacrer les principes de protection qu'il
s'agisse des principes conceptuels (paragraphe 1) ou encore des principes
matériels (paragraphe 2)76(*).
Paragraphe 1 : Les principes
conceptuels
Les principes conceptuels sont des principes encore
dépourvus d'un statut autonome en droit positif, même si ils sont
consacrés par la Cour Internationale de Justice. On peut citer : le
développement durable (A) et le principe des droits des
générations futures (B).
A - Le développement
durable
C'est au paragraphe 140, alinéa 4 de l'arrêt
Gabcikovo-Nagymaros que la Cour Internationale de Justice consacre le concept
de développement durable. En substance, elle dit que « le
concept de développement durable traduit bien cette
nécessité de concilier développement économique et
la protection de l'environnement ». Ce faisant, la Cour
n'apporte pas une définition jurisprudentielle du concept. C'est donc au
rapport Brundtland77(*)
qu'il faut se référer pour avoir la définition du
développement durable. Selon ce rapport, le développement durable
est « un développement qui répond aux besoins des
générations du présent sans compromettre la
capacité des générations futures à répondre
aux leurs ». Ce concept a émergé suite à
une longue période de négociation à l'échelle
internationale si bien qu'aujourd'hui, il semble faire l'unanimité au
sein de la communauté internationale. Rostane Mehdi et Sandrine
Maljean-Dubois soulignent à propos que «
le concept fait l'objet d'une acceptation large et générale,
exprimée dans de nombreux textes et attestée par la pratique des
Etats. Il ya bien un consensus sur l'idée que le développement
durable doit permettre de concilier les deux exigences a priori contradictoires
de la protection de l'environnement et du développement78(*) ». Il est
même arrivé qu'on parle de la formation d'une branche du droit
international sous le vocable de « Droit international du
développement durable »79(*). Mais le consensus autour de l'impératif de
concilier la protection de l'environnement et le développement masque
mal la divergence d'opinions constatée quant à la nature
juridique du concept de développement durable. La question qui se pose
est celle de savoir si le développement durable est un principe
juridique ? Pour le professeur Maurice Kamto, « Un principe
est soit une règle ou une norme générale de
caractère non juridique d'où peuvent être déduites
des normes (...) soit une règle juridique établie par un texte en
termes assez généraux destinée à inspirer diverses
applications et s'imposant avec autorité supérieure80(*) ». Il arrive
à la conclusion que le développement durable ne rentre dans
aucune de ces deux catégories et ne peut donc être
considéré comme un principe au sens juridique du terme. La Cour
semble faire droit à cet argument car elle ne consacre pas un principe
mais plutôt un concept81(*).
Cependant, dans son opinion individuelle, le juge
Weeramantry prend une position contraire en attribuant une
valeur normative au développement durable. Pour lui en effet, le
développement durable est davantage qu'un simple concept, c'est un
principe reconnu du droit international moderne.
Toutefois, au-delà de la controverse sur la nature
juridique du concept de développement durable, il n'est pas moins vrai
que ce concept est à la base d'autres concepts qui lui sont liés
notamment celui des droits des générations futures.
B- Les droits des
générations futures
La Cour fait remarquer dans l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros
que l'homme n'a cessé d'intervenir dans la nature pour des raisons
économiques et autres et souligne que les interventions de l'homme
représentent des risques pour « l'humanité
qu'il s'agisse des générations actuelles ou
futures 82(*)». Se trouve ainsi consacré le droit
des générations futures, principe qui figurait déjà
dans la déclaration de Stockholm selon laquelle « l'homme
a le devoir solennel de protéger et d'améliorer l'environnement
pour les générations présentes et futures83(*) ».
Au regard de la définition donnée au
développement durable dans le rapport Brundtland, on se rend bien compte
que le principe des droits des générations futures est lié
au principe de développement durable. Il est renforcé par le
principe d'équité dans sa dimension
intergénérationnelle84(*) et la notion d'humanité.
Pour ce qui est du principe d'équité
intergénérationnelle, il implique les générations
présentes doivent utiliser les ressources naturelles pour satisfaire
leurs besoins mais, cette utilisation doit se faire de manière
équitable de telle sorte que les générations qui
viendraient plus tard ne souffrent pas de la surexploitation de ces ressources.
Il en est de même des activités entreprises par les
générations présentes et qui présentent un danger
grave pour la préservation de l'environnement à long terme. La
Cour Internationale de Justice a eu l'occasion de relever ce dernier point dans
son avis consultatif du 08 juillet 1996 notamment lorsqu'elle reconnaît
l'impact négatif que peuvent avoir les armes nucléaires sur
l'environnement et la dimension intergénérationnelle des
conséquences pouvant résulter de leur utilisation. Elle affirme
en substance que : « l'emploi d'armes nucléaires
ferait courir les dangers les plus graves aux générations
futures. Le rayonnement ionisant est susceptible de porter atteinte à
l'environnement, à la chaîne alimentaire et à
l'écosystème marin dans l'avenir, et de provoquer des tares et
des maladies chez les générations futures85(*) ».
L'équité intergénérationnelle joue donc dans
une dimension temporelle et peut être « source de
contraintes au présent pour un bénéfice qui bien souvent
ne se fera sentir que sur le long terme86(*) ».
De l'avis de la Cour, l'humanité n'est pas seulement
représentée par les générations déjà
existantes mais aussi par celles qui ne le sont pas encore. C'est ce qui
ressort de l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros lorsque la Cour parle des risques
que la poursuite des interventions de l'homme dans la nature présente
pour l'humanité qu'il s'agisse des générations actuelles
ou futures87(*).
La notion de patrimoine commun de l'humanité
créé des droits patrimoniaux sur l'environnement pour les
générations encore inexistantes. Cela implique aussi pour les
générations présentes des obligations propres à la
notion même de patrimoine notamment la gestion, la conservation et la
transmission. En effet, « d'une part, il implique un ensemble de
règles de gestion, car on est en droit d'en consommer les
intérêts comme on est en droit de consommer les fruits du capital
nature. Mais, d'autre part, il importe que le capital lui-même soit
préservé en vue de sa transmission de
génération en génération88(*) ». Les deux
principes conceptuels ainsi consacrés par la Cour sont à la base
d'autres principes qualifiés de matériels.
Paragraphe 2 : Les principes matériels
Les principes matériels sont considérés
comme étant des principes juridiques de la mise en oeuvre du concept de
développement durable89(*). Il s'agit entre autres du principe de
précaution (A) et du principe de prévention (B) qui font l'objet
d'une prise en compte variable par la C.I.J.
A - Le principe de
précaution
Avant de s'attarder sur l'application du principe de
précaution par la C.I.J. (2), il importe au préalable d'en
préciser le contenu au sens du droit positif (1).
1 - Le contenu du principe
de précaution
Le principe de précaution est un principe du droit
international de l'environnement selon lequel les Etats doivent prendre des
mesures pour prévenir la dégradation de l'environnement,
même en l'absence de certitude scientifique absolue quant aux effets
néfastes des activités projetées90(*). Ce principe a
été affirmé par la déclaration de Rio sur
l'environnement et le développement durable en ces termes :
« pour protéger l'environnement, des mesures de
précaution doivent être largement appliquées par les Etats
selon leurs capacités. En cas de risques de dommages graves ou
irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas
servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de
mesures effectives visant à prévenir la dégradation de
l'environnement »91(*).
Le principe de précaution vise les risques probables,
non encore confirmés scientifiquement mais dont la possibilité de
réalisation peut être déterminée à partir de
connaissances empiriques et scientifiques. C'est en cela qu'il se distingue du
principe de prévention qui lui vise les risques avérés. Il
se singularise également par les conditions de sa mise en oeuvre. En
effet, pour que le principe de précaution soit mis en oeuvre, il faut
d'abord qu'il y ait une incertitude scientifique qui est la principale
caractéristique de ce principe. Ensuite, il faut qu'il y ait un risque
de dommages, ce qui suppose une évaluation du risque permettant, sur la
base des connaissances scientifiques disponibles et d'une certaine
extrapolation, d'envisager les effets prévisibles que pourraient avoir
sur l'environnement les activités en projet92(*). Il faut enfin que le risque
de dommages atteigne un seuil de gravité qui puisse justifier l'adoption
de mesures appropriées dans une optique de proportionnalité. Ces
trois conditions sont bien résumées dans la pensée du
Professeur Martin-Bidou lorsqu'il affirme
que « c'est en raison de l'incertitude scientifique que l'on
doit se contenter d'un risque de dommages. Mais, on s'en contente parce que
les dommages encourus sont graves ou irréversibles. Leur gravité
justifie l'action immédiate »93(*).
2 - La mise en oeuvre du
principe de précaution par la Cour Internationale de Justice
Deux affaires ont permis de porter l'examen du principe de
précaution devant la Cour Internationale de Justice. Il s'agit d'une
part, de l'affaire des essais nucléaires II (pour dire deux) où
le demandeur prétendait que la France devait en application dudit
principe, s'abstenir de tout essai souterrain tant qu'elle n'en avait pas
démontré l'innocuité et d'autre part, de l'affaire du
projet Gabcikovo-Nagymaros dans laquelle la Hongrie invoquait le principe de
précaution pour justifier l'impossibilité de respecter le
traité du 16 Septembre 1977 la liant à la Tchécoslovaquie.
Mais c'est cette deuxième affaire qui retiendra notre attention ici
parce qu'elle a donné lieu à des discussions sur le principe de
précaution, tandis que la première s'est soldée par un non
lieu prononcé par la Cour du fait de la déclaration
unilatérale de la France, d'arrêter prochainement les essais
litigieux.
Le principe de précaution a fait l'objet de discussions
entre la Hongrie et la Slovaquie. Par une lettre du 24 juin 1989,
adressée à son homologue tchécoslovaque, le vice premier
ministre hongrois déclare ceci : « après
avoir étudié les conséquences prévues de la
construction réalisée selon le plan initial, le comité de
l'académie est arrivé à la conclusion que nous ne
disposons pas de connaissances satisfaisantes sur les conséquences des
risques écologiques. A son avis, le risque qu'entraînerait la
construction du système de barrage conformément au plan initial
ne peut être considéré comme
acceptable »94(*). Les deux parties s'accordaient sur la
nécessité d'adopter une approche de précaution, notamment
sur la mise sur pied d'un système technique et opérationnel
garantissant la qualité de l'eau. L'opposition entre les deux parties
naissait quant au sort qui allait être réservé aux travaux
envisagés. Alors que la suspension puis l'arrêt des travaux
constituaient pour la Hongrie un moyen de réduire les risques
écologiques liés au projet, la Slovaquie considérait le
commencement immédiat des travaux et leur poursuite comme une condition
préalable à la conclusion d'un accord au sujet d'un
système de garanties techniques, opérationnelles et
écologiques relatif au projet95(*).
La Cour ne s'attardera pas sur l'examen des conditions de la
mise en oeuvre du principe de précaution. Elle n'examinera pas davantage
l'adéquation entre les mesures prises en application du principe et le
seuil de gravité du risque redouté. C'est la raison pour laquelle
on pourrait penser que la Cour ne consacre pas le principe de
précaution96(*).
Mais, la Cour Internationale de Justice décide plutôt d'examiner
la compatibilité d'une mesure prise en application du principe de
précaution (la suspension puis l'abandon des travaux) avec le droit
régissant pareille mesure (le droit des traités). Ce choix de la
Cour est justifié par l'article 2 alinéa 1 (a) du compromis qui
invite la Cour à dire si la Hongrie était en droit de suspendre
puis d'abandonner les travaux qui lui incombaient aux termes du traité.
Cela peut laisser croire que le principe de précaution n'était
que sous entendu, et que seule faisait l'objet d'analyse la
compatibilité entre la suspension et l'abandon du traité d'une
part et les dispositions du droit des traités y relatives d'autre part.
On pourrait donc dire que la Cour tout en reconnaissant implicitement le
principe de précaution97(*) consacre une autre condition de sa mise en oeuvre qui
est le caractère licite des mesures prises en application de ce
principe.
B - Le principe de
prévention
Le principe de prévention est lui aussi un principe du
droit international de l'environnement qui implique la mise en oeuvre des
règles et d'actions pour anticiper toute atteinte à
l'environnement en cas de risques avérés. On comprend bien que le
principe de prévention intervient après le principe de
précaution car, contrairement à ce dernier qui est mis en oeuvre
lorsque le risque n'est que probable, le principe de prévention sert
à prévenir les effets néfastes pouvant résulter de
la réalisation d'un risque avéré. C'est donc l'incertitude
qui justifie l'application du principe de précaution tandis que le
risque rend nécessaire la mise en oeuvre du principe de
prévention. Cela se résume bien dans les réflexions du
professeur Gilles Fievet pour qui « le risque est à la
prévention ce que l'incertitude est à la précaution et si
la prévention vise à gérer les risques, la
précaution vise à gérer l'attente d'information et donc
dans certains cas à éviter des catastrophes de type
apocalyptique98(*) ».
Contrairement au principe de précaution qui est pris en
compte de manière implicite dans l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros, le
principe de prévention est explicitement consacré par la Cour
lorsqu'elle définit dans la partie normative de son arrêt les
droits et obligations des parties. En substance, il y est dit que
« la Cour ne perd pas de vue que, dans le domaine de la
protection de l'environnement, la vigilance et la prévention s'imposent
en raison du caractère souvent irréversible des dommages
causés à l'environnement et des limites inhérentes au
mécanisme même de réparation de ce type de
dommages99(*) ». La Cour dégage du principe ainsi
consacré une obligation à la charge des parties aux
différends qui devraient, ensemble, examiner à nouveau les effets
sur l'environnement de l'exploitation de la centrale de Gabcikovo100(*).
La Cour Internationale de Justice détermine
également les modalités de mise en oeuvre du principe de
prévention notamment pour ce qui est des normes qui doivent être
prises en compte. En effet, elle déclare que « de
nouvelles normes et exigences ont été mises au point (...). Ces
normes nouvelles doivent être prises en considération et ces
exigences nouvelles convenablement appréciées non seulement
lorsque les Etats envisagent de nouvelles activités, mais aussi
lorsqu'ils poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le
passé101(*) ».
En consacrant une définition de l'environnement et en
reconnaissant l'existence de certains principes de droit international de
l'environnement, la Cour Internationale de Justice se livre à une
activité de déduction des normes environnementales digne
d'intérêt. De plus, elle relativise quelque peu le
caractère de « soft law » souvent attribué aux
normes environnementales en mettant à la charge des Etats des
obligations bien précises.
CHAPITRE 2 :
LA
FORMULATION D'OBLIGATIONS PRECISES ET DES CONDITIONS D'EXCLUSION DE L'ILLICEITE
DU FAIT ETATIQUE
Au sens large, l'obligation est le
« lien juridique par lequel un sujet de droit international est tenu
envers un ou plusieurs autres, d'adopter un comportement
déterminé ou de s'en abstenir102(*) ». Cette définition nous renseigne sur le
caractère de l'obligation, car selon la citation, l'Etat qui souscrit
une obligation est tenu de se comporter en conséquence. C'est dire que
l'obligation a un caractère contraignant pour les parties
concernées. Ce caractère contraignant soulève certaines
difficultés en droit international de l'environnement où les
normes ont une substance « tellement peu contraignante que
l'obligation de l'un et le droit de l'autre deviennent presque
insaisissables103(*) ».
C'est certainement la raison pour laquelle la Cour a procédé
à la précision de ces obligations (section 1).
Par ailleurs, la Cour
procède à un examen des questions de responsabilité. Elle
affirme que c'est au regard du droit de la responsabilité des Etats
qu'il y a lieu d'apprécier dans quelle mesure la suspension ou la
dénonciation d'une convention qui serait incompatible avec le droit des
traités engage la responsabilité de l'Etat qui y a
procédé104(*). Mais
les considérations environnementales sont prises en compte ici, non pas
pour déterminer les conditions dans lesquelles la responsabilité
internationale d'un Etat peut être engagée pour un fait illicite,
mais plutôt pour examiner les conditions d'exclusion de
l'illicéité d'un acte (section 2).
Section 1 : La formulation
d'obligations précises à la charge des Etats
Une obligation peut avoir pour objectif d'amener un sujet de
droit international à adopter un comportement déterminé ou
à s'en abstenir. La Cour Internationale de Justice fait bien cette
distinction dans sa jurisprudence lorsqu'elle met à la charge des Etats
des obligations positives (paragraphe 1) et des obligations négatives
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les obligations
positives.
L'obligation positive est considérée ici comme
celle qui prescrit un comportement déterminé à un sujet de
droit international. Il s'agit d'une obligation de faire pouvant trouver son
fondement dans une convention internationale ou dans une norme
coutumière. Jochen Sohnle parle de
« principes procéduraux105(*) » devant
être respectés par les Etats. Il s'agit notamment de l'obligation
d'évaluer l'impact environnemental des projets (A) et de l'obligation de
coopération entre les Etats (B).
A - L'obligation
d'évaluer l'impact environnemental des projets.
L'obligation qu'ont les Etats d'évaluer l'impact sur
l'environnement des projets et activités qu'ils mènent peut
être considérée comme faisant partie des normes
fondamentales du droit international de l'environnement (1). Toutefois, son
affirmation dans la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice pose
encore des difficultés, notamment celles qui ont trait à la
détermination du responsable de l'étude d'impact environnemental
et à la sanction pour manquement à l'obligation d'évaluer
(2).
1 - L'évaluation de l'impact environnemental
comme norme fondamentale du droit international de l'environnement
« La conscience que l'environnement est
vulnérable et la reconnaissance de ce qu'il faut continuellement
évaluer les risques écologiques se sont affirmées de plus
en plus dans les années qui ont suivi la conclusion du
traité »106(*). L'évaluation de l'impact
environnemental dont l'importance est ainsi consacrée revêt deux
formes : lorsqu'elle s'applique à un projet de création
d'entreprise ou d'exercice d'une activité, elle est qualifiée
d'étude d'impact environnemental et se rapproche du principe de
prévention. Par contre, si elle intervient lorsque l'entreprise est
opérationnelle ou lorsque l'activité est déjà
exercée, elle prend le qualificatif d'audit environnemental et se
présente comme une forme de mise en oeuvre du concept de
développement durable.
- Le principe de prévention a été
clairement consacré par la Cour dans son arrêt du 25 septembre
1997. Elle affirme en effet que « dans le domaine de la
protection de l'environnement, la vigilance et la prévention s'imposent
en raison du caractère souvent irréversible des dommages
causés à l'environnement »107(*). C'est donc la nature
du risque environnemental qui impose l'adoption des mesures de
prévention au premier rang desquelles figure l'étude d'impact
environnemental.
L'étude d'impact environnemental s'entend de toutes
mesures appropriées et efficaces ayant pour but de prévenir
l'effet qu'une activité pourrait avoir sur l'environnement. C'est ce qui
ressort de l'article 3 de la convention d'Espoo (Finlande) du 25 Février
1991 sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte
transfrontière. Aux termes de cet article, « la partie
d'origine veille à ce que, conformément aux dispositions de la
présente convention, il soit procédé à une
évaluation de l'impact sur l'environnement avant que ne soit prise la
décision d'autoriser ou d'entreprendre une activité (...), qui
est susceptible d'avoir un impact transfrontière préjudiciable
important ». De même, le principe 17 de la
déclaration de Rio sur l'environnement et le développement
énonce qu' « une étude d'impact sur
l'environnement, en tant qu'instrument national, doit être entreprise
dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des
effets nocifs importants sur l'environnement et dépendent de la
décision d'une autorité nationale
compétente ». Lorsqu'elle n'est pas bien menée,
l'étude d'impact environnemental ne permet pas de prévenir
efficacement les risques d'atteinte à l'environnement que
présentent certaines activités. Cet argument a été
mis en avant par la Hongrie pour prouver l'incertitude face à laquelle
elle se trouvait et qui justifiait la terminaison du traité. Elle
soulevait en effet que les études menées avaient
été insuffisantes et que l'état des connaissances à
l'époque ne permettait pas d'évaluer pleinement les incidences
écologiques du projet Gabcikovo-Nagymaros108(*).
- Contrairement à l'étude d'impact
environnemental qui intervient avant la création d'une entreprise ou
l'exercice d'une activité, l'audit environnemental intervient lorsque
l'entreprise est déjà opérationnelle ou lorsque
l'activité est déjà exercée. La Cour a
expressément reconnu la nécessité qu'il y a
d'évaluer « continuellement » les risques
écologiques des projets déjà actifs. Elle précise
aussi la prise en compte de nouvelles normes et exigences pour la
réalisation de l'audit environnemental. En effet, « ces
normes nouvelles doivent être prises en considération lorsque les
Etats envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils
poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le
passé. Le concept de développement durable traduit bien cette
nécessité de concilier développement économique et
protection de l'environnement109(*) ». De l'avis de la Cour,
l'étude d'impact environnemental et surtout l'audit environnemental
permettent de parvenir au développement durable. Mais, la Cour
Internationale de Justice ne fait pas une distinction claire entre
l'étude d'impact environnemental et l'audit environnemental. Elle fait
simplement allusion à une étude continue qui suppose à la
fois une étude préalable à un projet et une étude
pendant la réalisation du projet. Mais cette distinction ressort
clairement de l'opinion dissidente du juge Weeramantry. Ce dernier affirme en
effet que: « Environmental law in its current state of
development would read into treaties which may reasonably be considered to have
a significant impact upon the environment, a duty of environmental impact
assessment and this means also, whether the treaty expressly
so provides or no, a duty of monitoring the environmental
impacts of any substantial project during the operation of the scheme
...110(*)».
L'utilisation des termes «assessment » et «monitoring »
montre bien la distinction entre l'étude d'impact environnemental et
l'audit qui sont les deux variantes du plan de gestion environnemental. Mais,
l'obligation d'évaluer l'impact environnemental ainsi affirmée
pose des problèmes pour ce qui est de la détermination du
responsable de l'étude et de la sanction pour manquement.
2 - Le problème de
la détermination du responsable de l'étude et de la sanction en
cas de manquement.
L'arrêt du 25 septembre 1997 suscite des interrogations
quant à l'Etat qui a la charge de l'étude d'impact
environnemental, mais aussi pour ce qui est de la sanction en cas de manquement
à l'obligation d'évaluer l'impact environnemental d'un projet.
- Aux termes de l'article 2 (1) de la convention sur
l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte
transfrontière, « les parties prennent, individuellement
ou conjointement, toutes mesures appropriées et efficaces pour
prévenir, réduire et combattre l'impact transfrontière
préjudiciable important que des activités proposées
pourraient avoir sur l'environnement ». Cette disposition ne
précise pas cependant les hypothèses où les mesures
d'évaluation peuvent être individuelles ou conjointes ; bref
elle ne permet pas de savoir, dans une situation concrète, qui a la
charge d'évaluer l'impact environnemental d'un projet. Mais le principe
17 de la déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement apporte plus de précision sur la question lorsqu'il
énonce qu' « une étude d'impact sur
l'environnement, en tant qu'instrument national, doit être entreprise
dans le cas des activités envisagées qui risquent d'avoir des
effets nocifs importants sur l'environnement et dépendent de la
décision d'une autorité nationale
compétente ». C'est dire que l'étude d'impact
environnemental incombe unilatéralement à un Etat dès lors
que les activités envisagées dépendent de la
décision d'une autorité nationale compétente. A
contrario, lorsque les activités envisagées dépendent
de deux ou plusieurs autorités nationales, on pourrait s'attendre
à une étude d'impact conjointe. C'est la position que semble
avoir adopté la Cour lorsqu'elle rejette l'argument de la Hongrie selon
lequel « les recherches concernant l'impact du projet sur
l'environnement incombaient à la Tchécoslovaquie111(*) ». Selon la
Tchécoslovaquie, « les recherches concernant l'impact du
projet sur l'environnement n'incombaient pas exclusivement à la
Tchécoslovaquie, mais à l'une ou à l'autre des parties,
selon l'emplacement des ouvrages112(*) ». La Cour va dans le même sens
que la Tchécoslovaquie en affirmant que « la
responsabilité d'agir de la sorte était une responsabilité
conjointe113(*) ». Elle va plus loin dans la partie
normative de son arrêt lorsqu'elle prescrit aux parties d'examiner
à nouveau ensemble les effets sur l'environnement de l'exploitation de
la centrale de Gabcikovo114(*).
L'étude d'impact environnemental est donc à la
charge des parties à un projet conjoint et elle incombe
unilatéralement à un Etat lorsqu'il s'agit d'un projet national.
Mais, même dans le cas d'un projet national pouvant avoir un impact
au-delà des limites territoriales de l'Etat, une étude conjointe
peut être menée entre la « partie
d'origine » et la « partie touchée
» à condition que cette dernière accepte de participer
à la procédure d'évaluation115(*).
- La convention sur l'évaluation de l'impact sur
l'environnement dans contexte transfrontière et le principe 17 de la
déclaration de Rio sur l'environnement et le développement
renseignent également sur le moment de l'étude d'impact
environnemental116(*).
C'est dire, à la lecture de ces dispositions, que l'absence de mesures
appropriées et efficaces de prévention de l'impact sur
l'environnement d'un projet envisagé est une violation de
« ...l'obligation de procéder à une étude
d'impact sur l'environnement complète et objective117(*) ». Mais bien
que la Hongrie et la Tchécoslovaquie aient reconnu les risques
écologiques que présentait le projet
Gabcikovo-Nagymaros118(*), la Cour n'a pas cru devoir s'attarder sur le
manquement à une obligation de droit international de l'environnement
mais plutôt, sur la conformité au droit des traités des
mesures de suspension et d'extinction du traité de 1977 prises par la
Hongrie.
Par ailleurs, la conclusion à laquelle aboutit la Cour
résulte d'une interprétation restrictive des conditions de
suspension des traités prévues par le droit des traités.
En effet, la Cour estime que même si la construction et l'exploitation du
barrage étaient de nature à créer des risques graves, la
Hongrie avait à sa disposition des moyens, autres que la suspension et
l'abandon des travaux, et par conséquent, du traité liant les
parties119(*). La Cour
entend par là la possibilité pour les parties de modifier le
traité. Mais, compte tenu de l'insuffisance des études
disponibles et de l'irréversibilité des dommages causés
à l'environnement, il ne peut être attendu des parties qu'elles
puissent efficacement adapter leur traité aux circonstances nouvelles.
Il serait plutôt plus réaliste pour les parties de suspendre les
travaux et d'engager des études complètes et appropriées,
ce qui reviendrait à reconnaître une certaine particularité
au risque écologique comme condition de suspension des traités.
En insistant sur la possibilité qu'avaient les parties d'adapter leur
traité conformément aux articles 15 et 19 relatifs respectivement
à la protection de la qualité des eaux et à la protection
de la nature, la Cour semble privilégier l'audit environnemental
à l'étude d'impact. On pourrait en tirer la conclusion selon
laquelle l'absence d'une étude d'impact complète et
appropriée n'empêche pas aux Etats d'engager certaines
activités, à condition que ces dernières puissent
être plus tard adaptées aux exigences environnementales.
Même si cette solution présente l'avantage de maintenir le lien
conventionnel entre la Hongrie et la Tchécoslovaquie, elle ne permet pas
de sanctionner la violation de l'obligation d'évaluer l'impact sur
l'environnement des projets envisagés, ce qui suscite des interrogations
quant au caractère contraignant de cette obligation. Qu'en est-il de
l'obligation de coopération ?
B - L'obligation de
coopération entre les Etats.
La coopération internationale est l'un des objectifs
des Nations Unies tel que cela ressort des dispositions de l'article
1er alinéa 3 de la charte. Dans le domaine du droit
international de l'environnement, cette coopération s'impose comme une
obligation pour les pays, un devoir pour la protection de
l'environnement120(*).
La Cour Internationale de Justice a réitéré à
plusieurs reprises cette obligation en matière d'utilisation
équitable des cours d'eau (1), en précisant quelques fois les
modalités pratiques de la coopération notamment l'échange
d'informations entre Etats (2).
1 - L'utilisation
équitable des cours d'eau internationaux.
L'article 8 de la convention du 21 mai 1997 relative à
l'utilisation des cours d'eau internationaux à des fins autres que la
navigation prévoit une obligation de coopération à la
charge de tous les Etats riverains et intéressés. Cette
coopération implique l'utilisation conjointe des ressources en eau
partagées et la bonne foi dans la négociation.
- L'utilisation des cours d'eau internationaux illustre bien
l'obligation de coopération qui est imposée aux Etats par le
droit. C'est ce qui ressort de l'arrêt de la Cour Internationale de
Justice du 25 septembre 1997 dans l'affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros. Dans
cette affaire en effet, la Cour commence par reconnaître le rôle
vital du Danube dans le développement commercial et économique
des Etats riverains, car « il a mis en évidence et accru
l'interdépendance, rendant indispensable la coopération
internationale121(*) ». C'est dire qu'en matière de
cours d'eau internationaux, l'utilisation conjointe est indispensable.
La coopération dont il s'agit ici peut intervenir
à tout moment de l'utilisation conjointe d'un cours d'eau international.
Ainsi par exemple, elle peut être préalable à toute action
et consister en « une obligation de consultation et d'harmonisation
des actions respectives des deux Etats, lorsque les intérêts
généraux sont engagés en matière d'eau122(*) ». Elle peut
également intervenir pendant la réalisation d'un projet et se
traduire par une nécessité d'adapter de façon
concertée le projet aux circonstances nouvelles. En clair, ce secteur
d'activité soulève des problèmes complexes, d'où la
nécessité d'une action concertée, « des
mesures destinées à atténuer ces problèmes (les
problèmes environnementaux)123(*) ne pouvant être prises que dans le cadre d'une
coopération internationale124(*) ».
Ce faisant, la Cour s'inscrit dans une logique tracée
par certaines organisations internationales qui ont très tôt
érigé l'utilisation conjointe de cette ressource au rang de
principe. A titre d'illustration, dans le cadre de l'organisation pour la
coopération et le développement économique (OCDE), la
recommandation C (77) 28 propose que les Etats encouragent et facilitent des
contacts réguliers entre les représentants désignés
par eux en vue d'examiner les questions de pollution transfrontière qui
pourraient se poser125(*). Cette règle s'applique aisément aux
cours d'eau internationaux car ces derniers sont bien souvent le
théâtre des pollutions transfrontières.
- La bonne foi quant à elle est un
élément important à prendre en considération
lorsque les Etats négocient dans le cadre de leur obligation de
coopération. L'arrêt du 25 septembre 1997 impose aux parties un
devoir de négociation de bonne foi. En effet, dans le dispositif de
l'arrêt, la Cour dit que « la Hongrie et la Slovaquie
doivent négocier de bonne foi en tenant compte des situations
existantes... »126(*). La Cour précise également le sens
à donner à la notion de bonne foi dans les négociations.
Pour se faire, elle se réfère à sa jurisprudence dans
l'affaire du Plateau Continental de la Mer du Nord dans laquelle elle souligne
que « les parties ont obligation de se comporter de telle
manière que la négociation ait un sens, ce qui n'est pas le cas
lorsque l'une d'elle insiste sur sa position sans envisager aucune
modification127(*) ».
Lorsqu'elles sont menées de bonne foi, les
négociations concourent à trouver une solution au
différend entre les parties. Par contre, lorsque la bonne foi est
absente des négociations, la conséquence est qu'on va droit vers
une impasse. Dans cette hypothèse, il n'est plus demandé aux
parties de recourir à la négociation pour régler leur
différend. La Cour constate que les négociations n'ont pas
été menées de bonne foi et en tire les conséquences
pour les parties. Ainsi par exemple, dans les affaires du Sud-ouest africain,
la Cour Internationale de Justice fait remarquer que « le fait
que dans le passé les négociations collectives aient abouti
à une impasse et le fait que les écritures et les plaidoiries des
parties dans la présente procédure aient clairement
confirmé que cette impasse demeure obligent à conclure qu'il
n'est pas raisonnablement permis de penser que de nouvelles négociations
puissent aboutir à un règlement128(*) ».
La Cour Internationale de Justice donne une portée
générale au principe de bonne foi en considérant que
celui-ci est l'un des principes de base qui président à la
création et à l'exécution d'obligations juridiques, quelle
qu'en soit la source129(*). C'est la raison pour laquelle il a pu être
invoqué par la Cour sur le terrain du droit international de
l'environnement. Il participe ainsi à l'exécution de l'obligation
de coopération qui se réalise par ailleurs à travers les
échanges d'informations entre les Etats.
2- Les échanges
d'informations entre les Etats.
Les échanges d'informations sont
considérés comme un « éventail de
démarches procédurales concrètes et
détaillées » permettant de mettre en oeuvre
l'obligation de coopération. Il peut s'agir soit d'un échange de
données ou encore d'une notification systématique des mesures
adoptées par un Etat.
- C'est depuis 1949 que la Cour Internationale de Justice a
consacré l'obligation qu'ont les Etats riverains d'informer les autres
Etats des dangers liés à la navigation dont ils ont la
connaissance. En effet, dans l'affaire de Détroit de Corfou, la Cour dit
que « les obligations qui incombaient aux autorités
albanaises consistaient à faire connaitre, dans l'intérêt
de la navigation en général, l'existence d'un champ de mines dans
les eaux territoriales albanaises et à avertir les navires de guerre
britanniques (...) du danger imminent auquel les exposait ce champ de
mines130(*) ». L'obligation ainsi
consacrée sous entend que les parties doivent échanger les
informations dont elles disposent et qui pourraient avoir un impact sur les
droits des autres.
D'abord énoncée dans le cadre de la
sécurité de la navigation, l'obligation d'échanger les
données s'est cristallisée en matière d'utilisation des
cours d'eau à des fins autres que la navigation. La convention y
afférente précise en son article 9 que les Etats du cours d'eau
échangent régulièrement les données et les
informations disponibles sur l'état du cours d'eau, en particulier
celles d'ordre hydrologique, météorologique,
hydrogéologique, écologique et concernant la qualité de
l'eau. Par ailleurs, le principe 18 de la déclaration de Rio sur
l'environnement et le développement met à la charge des Etats
l'obligation de notifier immédiatement aux autres Etats toute
catastrophe naturelle ou toute autre situation d'urgence qui risque d'avoir des
effets néfastes sur l'environnement de ces derniers.
L'obligation d'échanger les données est
subordonnée à la disponibilité de ces données.
C'est dire que si les capacités scientifiques et techniques d'un Etat ne
lui permettent pas d'accéder à certaines informations, sa
responsabilité ne peut être engagée pour violation de
l'obligation d'informer. On peut donc dire que l'obligation d'échanger
les données est tributaire de la capacité d'accéder
à ces données.
- Contrairement à l'échange de données
qui est conditionné par leur disponibilité, la notification des
mesures adoptées par un Etat est systématique, compte
dûment tenu du fait que l'Etat en question est parfaitement
informé des mesures qu'il souhaite mettre en oeuvre.
« Avant qu'un Etat du cours d'eau mette en oeuvre ou permette que
soient mises en oeuvre des mesures projetées susceptibles d'avoir des
effets négatifs significatifs pour les autres Etats du cours d'eau, il
en donne notification à ces derniers en temps
utile »131(*). La même disposition est contenue dans le
principe 19 de la déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement et l'article 3 de la convention sur l'évaluation de
l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière.
Du côté de la jurisprudence, la sentence
arbitrale du 16 novembre 1957 dans l'affaire du Lac Lanoux (France C., Espagne)
réitère l'obligation d'information systématique et
préalable pour ce qui est des activités projetées par un
Etat. Elle relève en effet l'obligation contenue dans l'article 11 de
l'acte additionnel au traité de Bayonne de 1866 en vertu de laquelle,
« lorsque dans l'un des deux Etats on se proposera de faire des
travaux ou de nouvelles concessions susceptibles de changer le régime ou
le volume d'un cours d'eau dont la partie inférieure ou opposée
est à l'usage des riverains de l'autre pays, il en sera donné
préalablement avis à l'autorité administrative
supérieure du département ou de la province de qui ces riverains
dépendent ». Par ailleurs, dans son mémoire
présenté à la Cour dans l'affaire de l'usine de
pâtes à papier sur le fleuve Uruguay, l'Argentine prie la Cour de
dire et juger que l'Uruguay a manqué à l'obligation d'informer
avant la mise en oeuvre de toute activité132(*). C'est dire qui la Cour
Internationale de Justice aura l'occasion de se prononcer explicitement sur la
question.
L'échange d'informations ainsi prescrit permet aux
autres Etats de se faire une idée de l'impact que pourraient avoir les
activités projetées sur leur environnement et de prendre les
mesures nécessaires pour limiter cet impact. Il permet aussi à
l'Etat, auteur des mesures en cause, d'agir dans la transparence et dans le
respect du territoire des autres Etats, conformément à ses
obligations négatives.
Paragraphe 2 : Les obligations
négatives
Les obligations négatives sont celles qui interdisent
aux Etats d'adopter certains comportements. Il en est ainsi par exemple de
l'interdiction d'utiliser son territoire à des fins contraires aux
droits des autres Etats (A), ou encore de l'interdiction d'emploi de moyens et
méthodes de guerre dommageables pour l'environnement (B).
A - L'interdiction
d'utiliser son territoire à des fins contraires aux droits des autres
Etats.
Comme le fait remarquer A. Kiss, il s'agit là d'une
règle générale qui ne s'applique pas qu'aux dommages
écologiques133(*). Cette règle présente deux variables
qui permettent de l'expliquer (1). Mais, sa compréhension est souvent
rendue difficile par les interprétations jurisprudentielles, tel que
cela ressort de la distinction opérée entre la construction et la
mise en service dommageables (2).
1 - Les variables de
l'interdiction.
«... Les Etats (...) ont le devoir de faire en sorte
que les activités exercées dans les limites de leur juridiction
ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à l'environnement
dans d'autres Etats...134(*) ». La règle ainsi
énoncée laisse apparaître deux obligations : d'une
part, l'obligation pour l'Etat d'utiliser son territoire de façon non
dommageable et d'autre part, l'interdiction de laisser utiliser son territoire
à des fins dommageables.
- Dans le contexte du droit international de l'environnement,
l'utilisation non dommageable du territoire renvoi aux questions de pollution
transfrontalière. L'interdiction faite aux Etats de polluer
l'environnement des autres Etats a été consacrée pour la
première fois dans l'affaire de la Fonderie du Trail135(*) (Etats-Unis C., Canada),
considérée comme « un contentieux
écologique international de référence136(*) ». Dans cette
sentence arbitrale, le tribunal arrive à la conclusion selon laquelle
« aucun Etat n'a le droit de faire usage, ou de permettre qu'il
soit fait usage de son territoire, de manière à causer des
dommages, par des émanations de fumées sur le territoire d'un
Etat voisin à ce territoire ou aux biens se trouvant sur ce
territoire137(*) ». C'est ainsi que le Canada fut
jugé responsable des dommages causés par des fumées
nocives provenant de son territoire. Cette consécration va avoir une
confirmation dans la jurisprudence de la Cour Internationale de Justice
à travers l'arrêt du 9 avril 1949 en l'affaire du Détroit
de Corfou. Certes, les questions environnementales ne sont pas directement
abordées ici, mais cet arrêt établit un lien entre
l'interdiction formulée dans l'affaire de la Fonderie du Trail et le
droit international général. En effet, la Cour constate que
« les obligations qui incombaient aux autorités albanaises
(...) sont fondées non pas sur la convention VIII de la Haye, de 1907
(...) mais sur certains principes généraux et bien reconnus, tels
que (...) l'obligation, pour tout Etat, de ne pas laisser utiliser son
territoire aux fins d'actes contraires aux droits d'autres Etats138(*) ». Ce n'est
que plus tard, dans son arrêt du 25 septembre 1997 que la Cour, pour la
première fois en matière contentieuse, va considérer cette
obligation comme faisant partie intégrante des normes de droit
international de l'environnement139(*).
Une question demeure cependant, notamment celle de savoir si
l'utilisation qu'un Etat fait de son territoire peut être dommageable
pour lui-même, sans pour autant engager sa responsabilité
internationale. En d'autres termes, la conduite d'un Etat qui porte atteinte
à l'environnement peut-elle être punie en elle-même ou
seulement lorsque des dommages ont été subis par un autre
Etat ? Jorge Vinuales semble opter pour la seconde
hypothèse lorsqu'il estime que: « It seems, in fact,
very difficult to infer from either one of these two cases the
idea that the environment has an intrinsic value that must be protected
irrespective of whether or not a state is injured». Il semble qu'on
ne peut séparer les deux hypothèses compte tenu de
l'universalité de l'environnement, notamment des interconnexions qui
existent entre les milieux et les espèces. Toute pollution interne
présente un risque pour les Etats tiers, ce qui pourrait suggérer
que l'interdiction s'applique dans les deux hypothèses. Cela
correspondrait bien à la notion de patrimoine commun de
l'humanité applicable à l'environnement dans son ensemble.
- Le principe de l'utilisation non dommageable du territoire
implique aussi une interdiction faite à l'Etat de poser personnellement
des actes qui auraient pour conséquence de causer des dommages à
l'environnement. En réalité, l'interdiction va au-delà des
utilisations dommageables qui pourraient en être faites par des personnes
autres que l'Etat. Cela suppose non seulement une obligation d'abstention qui
s'illustre bien à travers le principe de l'utilisation non dommageable
du territoire, mais aussi une obligation de ne pas laisser faire qui se
dégage de l'interdiction faite à l'Etat de laisser utiliser son
territoire à des fins dommageables. Il s'agit là d'un cas de
responsabilité du fait d'autrui dont il est nécessaire de
déterminer les fondements mais aussi les conditions. Relativement au
fondement de la responsabilité, la Cour dans l'affaire
Gabcikovo-Nagymaros parle des activités exercées dans les limites
de la juridiction des Etats140(*). On peut en déduire que c'est le fait que
l'Etat exerce sa juridiction sur un territoire qui fonde sa
responsabilité pour les activités réalisées sur ce
territoire. Mais le fondement de la responsabilité de l'Etat pour les
activités exercées sur son territoire peut aussi être
trouvé dans la notion de souveraineté qui suppose le
contrôle de l'Etat sur tout son territoire. C'est donc le défaut
d'exercice d'un tel contrôle qui fonde la responsabilité de
l'Etat.
Pour ce qui est des conditions de la responsabilité, la
sentence arbitrale dans l'affaire de la Fonderie du Trail précise
qu'aucun Etat n'a le droit de faire usage, ou de permettre qu'il soit fait
usage de son territoire141(*). Cela veut dire que l'Etat doit être
informé des activités qui sont entreprises sur son territoire
afin de ne pas les permettre si elles sont dommageables pour l'environnement.
C'est ce que semble révéler la Cour lorsqu'elle déclare
que « l'obligation de l'Albanie de signaler à la
navigation l'existence de mines dans ses eaux dépend de la
connaissance qu'elle aurait eu avant le 22 octobre142(*) ». L'Etat
peut donc se prévaloir de son ignorance pour se dégager de toute
responsabilité. Mais, même s'il n'est pas informé des
activités dommageables exercées sur son territoire, l'Etat ne
peut se dégager de toute responsabilité que s'il a pris toutes
les dispositions nécessaires pour faire cesser de telles
activités. Une obligation de diligence s'impose donc à
l'Etat143(*). Toutefois,
on constate dans l'affaire Gabcikovo - Nagymaros une distinction faite entre la
construction et la mise en service dommageables.
2 - La distinction entre
construction et mise en service dommageables.
Cette distinction permet d'apporter une illustration pratique
au principe de l'utilisation non dommageable du territoire. Elle a
été retenue par la Cour dans le dispositif de son arrêt en
l'affaire Gabcikovo - Nagymaros, même si elle continue à faire
débat dans la doctrine.
- C'est lorsqu'elle examinait la question qui lui avait
été posée par les parties aux termes de l'article 2
paragraphe, alinéa b du compromis que la Cour est arrivée
à opérer cette distinction. En effet, la question qui
était posée aux juges était celle de savoir
« si la République Fédérative Tchèque
et Slovaque était en droit de recourir (...) à la
« solution provisoire » et de mettre en service ce
système... (Construction d'un barrage sur le Danube au kilomètre
1851,7 du fleuve en territoire Tchécoslovaque, et conséquences en
résultant pour l'écoulement des eaux et la navigation)144(*) ». La Cour
affirme d'une part que la Tchécoslovaquie était en droit de
recourir à la « solution provisoire » telle
que décrite aux termes du compromis145(*), et d'autre part, que la Tchécoslovaquie
n'était pas en droit de mettre en service
cette « solution provisoire146(*) ». La Cour
justifie cette décision par le fait qu'en recourant à la variante
C, la Tchécoslovaquie se bornait à entamer des travaux qui ne
préjugeaient pas de la décision définitive qu'elle devait
prendre. En revanche, la Tchécoslovaquie n'était pas en droit de
mettre en service cette variante C parce qu'il s'agissait là d'une
violation des dispositions expresses du traité de 1977147(*).
La décision de la Cour dans cette affaire semble
conforme au principe de l'utilisation non dommageable du territoire car en se
limitant à la construction de la variante C, la Tchécoslovaquie
exerce sa liberté d'action sur son territoire tout en évitant de
porter atteinte aux droits de la Hongrie. Mais au regard des voix qui se sont
exprimées lors de l'adoption par les juges du dispositif de
l'arrêt148(*), on
comprend bien que la distinction faite entre la construction et la mise en
service dommageable n'a pas obtenu les faveurs d'une grande partie des membres
de la Cour, comme en témoignent les opinions des juges jointes à
l'arrêt.
- La distinction opérée par la Cour semble avoir
fait l'objet de débats houleux en son sein. De l'avis d'une partie
importante de la Cour, à l'instar du président Schwebel, la
construction de la variante C ne doit pas être distinguée de sa
mise en service. En effet, dans sa déclaration, le président
Schwebel dit: «I have voted against operative paragraph 1b
essentially because I view the construction of «Variant C», the
«provisional solution», as inseparable from its being put into
operation 149(*)». Dans le même sens, le juge
Bedjaoui dit ne pas partager l'approche de la majorité
de la Cour lorsqu'elle se livre à la distinction entre la
construction proprement dite de cette «solution de
rechange», qui serait licite, et le détournement
effectif du fleuve, phase finale de la variante, qui
serait illicite. Pour lui en effet, « une telle construction ne
pouvait être ni innocente, ni neutre ; elle était
marquée du sceau propre à la finalité de la variante C qui
est le détournement des eaux du fleuve150(*) » (para. 46). Trois commentaires
peuvent être faits de ces différents avis.
D'abord, il convient de réitérer la position de
la Cour en ce qui concerne la portée des déclarations jointes aux
décisions juridictionnelles internationales. En effet, la Cour a eu
à affirmer la primauté de ses décisions sur les
déclarations des juges151(*). C'est donc dire que les avis
sus-évoqués ne représentent pas le droit positif tel que
déterminé par la Cour.
Ensuite, il faut soulever l'importance et la pertinence de ces
avis pour une meilleure protection de l'environnement. En effet, ces avis
introduisent l'élément international dans la détermination
du caractère dommageable de l'utilisation du territoire. Une utilisation
du territoire est dommageable non pas seulement quant elle porte atteinte aux
droits d'un Etat, mais aussi lorsqu'elle est faite dans l'intention d'atteindre
un pareil résultat. Cette position convient mieux à l'objectif
de protection efficace de l'environnement, car elle permet de prévenir
un dommage dont la réalisation pourrait produire des effets
irréversibles.
Enfin, on note que la décision de la Cour remet en
cause l'affirmation du professeur Von Bar selon laquelle
« tout Etat a le droit de faire lui-même ou de permettre
sur son territoire toutes les constructions qui lui paraissent convenables,
mais aucune construction n'est permise qui puisse porter dommage au territoire
d'un autre Etat152(*) ». Pour J. Sohnle, à la
lumière des acquis de la nouvelle jurisprudence, la citation du
professeur Von Bar pourrait être paraphrasée comme
suit : « Tout Etat a le droit de faire lui-même
ou de permettre sur son territoire toutes les constructions qui lui paraissent
convenables, mais, leur mise en oeuvre ne doit pas porter atteinte au droit
d'usage équitable et raisonnable des eaux d'un cours d'eau international
d'un autre Etat souverain153(*) ». Toujours est-il que le principe de
l'utilisation non dommageable du territoire reste une obligation
négative pour les Etats, au même titre que l'interdiction d'emploi
de moyens et méthodes de guerre dommageables pour l'environnement.
B - L'interdiction d'emploi
de moyens et méthodes de guerre dommageables pour l'environnement.
Cette interdiction met à la charge des Etats
l'obligation de respecter et de protéger l'environnement naturel en
temps de guerre. Même si la Cour énonce clairement les
règles régissant l'interdiction (1), cette dernière se
trouve relativisée dans les circonstances de légitime
défense ou de survie de l'Etat (2).
1 - L'énonciation
des règles régissant l'interdiction.
La Cour s'attèle à énoncer les
règles qui régissent l'interdiction d'emploi de moyens et
méthodes de guerre dommageables pour l'environnement. Pour ce faire,
elle fait référence soit aux règles du droit international
de l'environnement proprement dites, soit encore aux règles du droit
international humanitaire.
- Les règles de droit international de l'environnement
dont il s'agit ici n'ont pas été élaborées pour
s'appliquer spécifiquement en temps de guerre. Il s'agit de
« la norme générale de la protection de
l'environnement »154(*) dont l'application en temps de guerre a fait l'objet
de débats dans les mémoires présentés à la
Cour dans l'affaire de licéité de la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires. En effet, certains Etats ont soutenu que les
dispositions relatives à la protection et à la sauvegarde de
l'environnement s'appliqueraient à tout moment, en temps de guerre comme
en temps de paix155(*).
D'autres par contre, ont soutenu que l'objet principal des traités et
normes relatifs à l'environnement est de protéger l'environnement
en temps de paix et qu'ils ne réfèrent ni à la guerre en
général, ni à la guerre nucléaire en
particulier156(*). La
Cour semble opter pour la première hypothèse lorsqu'elle affirme
que « la question n'est pas de savoir si les traités
relatifs à la protection de l'environnement sont ou non applicables en
période de conflit armé, mais bien de savoir si les obligations
nées de ces traités ont été conçues comme
imposant une abstention totale pendant un conflit armé157(*) ».
S'agissant des normes proprement dites, la Cour énonce
le principe 24 de la déclaration de Rio, qui dispose :
« La guerre exerce une action intrinsèquement destructive
sur le développement durable. Les Etats doivent respecter le droit
international relatif à la protection de l'environnement en temps de
conflit armé et participer à son développement, selon que
de besoin ». Est aussi prise en compte la convention du 18 mai
1977 sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de
l'environnement à des fins nucléaires ou toutes autres fins
hostiles qui interdit l'emploi d'armes « ayant des effets
étendus, durables ou graves » sur l'environnement. A ces
deux exemples, on pourrait ajouter toutes les autres règles de droit
international de l'environnement dont la mise en oeuvre dans un conflit
armé permettrait de réduire les dommages à
l'environnement.
- Le droit international humanitaire quant à lui revoit
à l'ensemble des règles internationales, d'origine
conventionnelle ou coutumière, qui sont spécialement
destinées à régler les problèmes humanitaires
découlant directement des conflits armés, internationaux ou non,
et restreignent, pour des raisons humanitaires, le droit des parties ou conflit
d'utiliser les méthodes et moyens de guerre de leur choix ou
protègent les personnes et les biens affectés, ou pouvant
être affectés, par le conflit158(*). Ces règles élaborées
spécialement pour s'appliquer aux conflits armés contiennent des
dispositions qui ont pour but de protéger l'environnement. La Cour
Internationale de Justice a pu relever dans ce sens deux textes permettant
d'assurer une protection de l'environnement en période de conflit
armé. Il s'agit notamment du protocole additionnel I aux conventions de
Genève de 1949 et la résolution 47/37 de l'Assemblée
générale du 25 novembre 1992159(*).
Pour ce qui est du protocole additionnel on a d'une part,
l'article 35 intitulé « règles
fondamentales » (en ce qui concerne les méthodes et
moyens de guerre) qui contient un paragraphe interdisant
« d'utiliser des méthodes ou moyens de guerre qui sont
conçus pour causer, ou dont on peut s'attendre qu'ils causeront des
dommages étendus, durables et graves à l'environnement
naturel » et d'autre part, tout un article, l'article 55,
intitulé « Protection de l'environnement
naturel », (...) répétant à peu près
la même interdiction en ajoutant pour la justifier, que de tels dommages
compromettent la santé ou la survie de la population et que sont
également prohibées les attaques à titre de
représailles160(*).
La résolution 47/37 quant à elle consacre
l'opinion générale selon laquelle les considérations
écologiques constituent l'un des éléments à prendre
en compte dans la mise en oeuvre des principes du droit applicable dans les
conflits armés. En plus de ces deux textes, on pourrait ajouter certains
principes généraux (le choix limité des moyens et
méthodes de combat, la distinction entre objectifs militaires et non
nucléaires, l'interdiction de la perfidie, etc.) et d'autres conventions
internationales (convention de 1972 sur l'interdiction des armes
bactériologiques et sur leur destruction, la convention de 1993 sur
l'interdiction des armes chimiques et leur destruction, etc.) concourant
à la protection de l'environnement en période de conflits
armés. Mais l'efficacité de tous ces textes est relative dans
certaines circonstances.
2 - La relativisation de
l'interdiction en cas de légitime défense ou de survie d'un
Etat.
Si la Cour Internationale de Justice admet que d'importantes
considérations d'ordre écologique doivent être prises en
compte dans le cadre de la mise en oeuvre des principes et règles du
droit applicable dans les conflits armés, elle relativise l'interdiction
d'emploi de moyens et méthodes de guerre dommageables pour
l'environnement dans deux circonstances : il s'agit d'une part, du droit
à la survie de l'Etat et d'autre part, de la prise en compte de la
nécessité militaire.
- C'est dans son avis consultatif du 08 juillet 1996 que la
Cour consacre le droit à la survie de l'Etat. Elle place
également ce droit au dessus des préoccupations
environnementales, notamment au dessus de l'impact des armes nucléaires
sur l'environnement naturel. Pour aboutir à cette conclusion, la Cour
procède par plusieurs étapes :
D'abord, la Cour commence par reconnaître la
dangerosité des armes nucléaires pour l'environnement naturel.
Elle dit être « consciente de ce que l'environnement est
menacé jour après jour et de ce que l'emploi d'armes
nucléaires pourrait constituer une catastrophe pour le milieu
naturel161(*) ».
Ensuite, la Cour Internationale de Justice insiste sur la
prise en compte des considérations écologiques dans les conflits
armés. Pour elle, « les Etats doivent aujourd'hui tenir
compte des considérations écologiques lorsqu'ils décident
de ce qui est nécessaire et proportionné dans la poursuite
d'objectifs militaires légitimes162(*) ».
Mais, la Cour conclut sur ce point en disant que les
traités relatifs à la protection de l'environnement n'entendent
pas priver un Etat de l'exercice de son droit de légitime défense
en vertu du droit international. Plus encore, elle dit ne pas «
perdre de vue le droit fondamental qu'a tout Etat à la survie, et donc
le droit qu'il a de recourir à la légitime défense
conformément à l'article 51 de la charte, lorsque cette survie
est en cause163(*) ». C'est dire en définitive
que si la Cour reconnait que l'utilisation de l'arme nucléaire peut
causer des dommages graves et irréversibles à l'environnement,
son utilisation n'est pas illicite lorsque l'Etat fait face à une menace
contre sa survie. L'atteinte à l'environnement par l'utilisation de
l'arme nucléaire peut donc être acceptée à condition
que le droit à la survie de l'Etat soit mis en cause. Pour B. Tchikaya,
« si la cour considère la non prolifération comme
un objectif fondamental, elle admet toutefois l'utilisation souveraine de
l'arme nucléaire dans certaines conditions164(*) », ce qui
relativise un peu l'interdiction d'emploi de moyens et méthodes de
guerre dommageables pour l'environnement.
- Par ailleurs, pour W. Downey, « la
nécessité militaire s'entend d'une urgence qui impose à un
combattant militaire de prendre sans délai les mesures indispensables
pour obtenir la reddition complète de l'ennemi le plus rapidement
possible, en recourant à des moyens de violence contrôlés
et tombant sous l'interdit des lois et coutumes de la guerre165(*) ».
Lorsqu'elle est prise en compte, la nécessité militaire peut
avoir pour conséquence de justifier certaines atteintes à
l'environnement et partant de relativiser l'interdiction faite aux Etats
d'utiliser des moyens et méthodes de guerre non dommageables pour
l'environnement.
La résolution 47/37 de l'Assemblée
générale du 25 novembre 1992 donne une illustration de l'impact
négatif que pourrait avoir la nécessité militaire sur
l'environnement naturel. Elle précise en effet que « la
destruction de l'environnement non justifiée par des
nécessités militaires et ayant un caractère gratuit est
manifestement contraire au droit international en vigueur166(*) ». Cela
signifie que du moment où la destruction de l'environnement n'est pas
gratuite et est justifiée par les nécessités militaires,
alors elle ne pose aucun problème. Dans le même sens, Michael
Matheson fait remarquer que: « elements of the natural
environment cannot be made the object of attack, unless their destruction would
give direct military advantage in the particular circumstances in question,
which seems a rare situation »167(*).
C'est dire en définitive que si les
considérations écologiques doivent être prises en compte
lorsque les Etats décident de ce qui est nécessaire dans la
poursuite d'objectifs militaires légitimes, elles peuvent être
méconnues chaque fois qu'elles entrent en contradiction avec ces
nécessités militaires. La recherche de la reddition de l'ennemi
justifie donc l'emploi de moyens et méthodes de guerre dommageables pour
l'environnement. Au-delà de toutes ces obligations
déterminées et précisées par la Cour, on note
également une ouverture sur des considérations environnementales
pour l'examen des conditions d'exclusion de l'illicéité d'un fait
étatique.
Section 2 : Les conditions
d'exclusion de l'illicéité d'un fait étatique
Deux arguments distincts ont été
évoqués par la Hongrie et la Slovaquie pour justifier les actes
commis par ces derniers et sur lesquels pesait une présomption
d'illicéité. Il s'agit respectivement d'une part de l'état
de nécessité écologique (paragraphe 1) et des
contre-mesures d'autre part (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'état de nécessité
écologique comme condition d'exclusion de l'illicéité d'un
acte
Si la Cour refuse d'admettre l'état de
nécessité écologique comme condition d'extinction des
traités, elle ne trouve aucune difficulté à
reconnaître la place de cette notion en tant que cause d'extinction de
l'illicéité d'un fait étatique. C'est ainsi qu'elle en
fait une appréciation à la lumière de l'article 33 du
projet d'articles sur la responsabilité internationale des Etats (A).
Mais l'application stricte du droit de la responsabilité des Etats pour
l'appréciation de l'état de nécessité
écologique n'est pas sans conséquence sur la prise en compte des
considérations écologiques, ce qui rend l'approche de la Cour
fort critiquable (B).
A. L'appréciation de
l'état de nécessité à la lumière du projet
d'articles sur la responsabilité internationale des Etats
C'est à la demande des parties que la Cour
décide d'examiner l'état de nécessité
écologique à la lumière de l'article 33 du projet
d'articles de la C.D.I. sur la responsabilité internationale des Etats.
C'est dire que même la Hongrie qui avait avancé l'argument de
l'état de nécessité écologique ne reconnaissait
aucune spécificité à cet état de
nécessité. On ne pouvait donc pas espérer que la Cour
s'écarte de cette logique voulue par les parties, au risque de statuer
extra petita. C'est la raison pour laquelle l'article 33 du projet
d'articles de la C.D.I. a servi de base d'examen de l'état de
nécessité écologique. Il s'est agi pour la Cour de
rappeler d'abord la définition de l'état de
nécessité telle que contenue dans le commentaire de la C.D.I. En
effet, la commission définit l'état de nécessité
comme « la situation où se trouve un Etat n'ayant
absolument pas d'autre moyen de sauvegarder un intérêt essentiel
menacé par un péril grave et imminent que celui d'adopter un
comportement non conforme à ce qui est requis de lui par une obligation
internationale envers un autre Etat »168(*).
Ensuite, la Cour va s'intéresser aux conditions
d'existence d'un Etat de nécessité. Ces conditions sont au nombre
de deux à savoir d'une part que le fait dont l'illicéité
est présumée doit constituer le seul moyen de sauvegarder un
intérêt essentiel dudit Etat contre un péril grave et
imminent, et d'autre part que ce fait ne doit pas gravement porter atteinte
à un intérêt essentiel de l'Etat à l'égard
duquel l'obligation existait. Ces conditions ont été
minutieusement analysées par la Cour pour savoir s'il existait en 1989
un état de nécessité écologique.
Enfin, la Cour va examiner les circonstances dans lesquelles
l'état de nécessité, bien qu'existant, ne peut être
invoqué pour exclure l'illicéité d'un fait
étatique. Il s'agit du cas où l'obligation internationale
à laquelle le fait de l'Etat n'est pas conforme découle d'une
norme impérative de droit international général ; de
celui où l'obligation internationale à laquelle le fait de l'Etat
n'est pas conforme est prévue par un traité qui, explicitement ou
implicitement, exclut la possibilité d'invoquer l'état de
nécessité en ce qui concerne cette obligation ; ou encore du
cas où l'Etat en question a contribué à la survenance de
l'état de nécessité169(*).
Après un examen point par point des conditions
sus-évoquées, la Cour arrive à la conclusion que
l'état de nécessité invoqué par la Hongrie n'avait
jamais existé. Même s'il avait été établi
qu'il existait en 1989 un état de nécessité lié
à l'exécution du traité de 1977, la Hongrie n'aurait pas
été admise à s'en prévaloir pour justifier le
manquement à ses obligations conventionnelles, car elle aurait
contribué, par action ou par omission, à sa survenance170(*). Mais en faisant une
application stricte de l'article 33 du projet d'articles de la C.D.I., la Cour
ne reconnaît aucune spécificité au caractère
écologique de l'état de nécessité invoqué,
ce qui rend quelque peu critiquable sa démarche. Il en est ainsi
notamment quand elle examine la notion de péril.
B. L'application
critiquable des critères de l'état de nécessité aux
questions environnementales
Il est d'abord une remarque qu'il convient de faire, c'est que
la Cour n'a pas explicitement répondu à la plaidoirie de la
Slovaquie qui mettait en doute le fait que la nécessité
écologique ou le risque écologique puissent constituer, au regard
du droit de la responsabilité des Etats, une circonstance excluant
l'illicéité d'un acte. Pour la Slovaquie, l'état de
nécessité écologique invoqué par la Hongrie n'avait
rien à voir avec l'état de nécessité dont il est
question à l'article 33 du projet d'articles de la C.D.I. La Cour n'a
fait que rappeler que les parties à l'instance se sont accordées
pour estimer que l'existence d'un état de nécessité doit
être appréciée à la lumière de l'article
sus-cité. Ce faisant, la C.I.J. s'abstient de consacrer la notion
d'état de nécessité écologique et ne se prononce
pas non plus sur sa place dans le droit de la responsabilité des
Etats.
Plus encore, l'interprétation restrictive de la notion
de péril par la Cour remet en cause la particularité de
l'état de nécessité invoqué. De l'avis de la Cour,
le « péril » évoque l'idée de
« risque », ce qui le distingue du dommage
matériel. Cependant, la Cour estime qu'il ne saurait y avoir
d'état de nécessité sans un péril dûment
avéré, dont la réalisation serait « certaine
et inévitable »171(*). Or si il faut que le péril soit
avéré, certain et inévitable pour être pris en
considération, alors le péril semble s'assimiler au dommage
matériel. On pourrait donc en déduire que pour la Cour, le
péril est à la fois le risque et le dommage matériel, mais
davantage le second, ce qui paraît contradictoire. Le risque est une
situation créée par l'existence d'un aléa et d'une
vulnérabilité. C'est dire qu'il y a risque lorsqu'il est possible
qu'un aléa se produise compte tenu de la vulnérabilité
d'un site. Le fait pour la Cour de dire que le péril évoque
l'idée de risque a pour conséquence que le péril renvoit
également à une possibilité ou à une
éventualité. L'interprétation stricte de la notion de
péril par la Cour tend à l'approcher du dommage matériel
que la partie qui invoque l'état de nécessité entend
éviter. La question est encore plus préoccupante en droit
international de l'environnement lorsqu'on sait que les dommages
écologiques sont très souvent irréversibles. C'est ce qui
fait dire à J. Sohnle que la qualification opérée par la
Cour et s'inspirant du dommage est critiquable et que « ce
constat décevant pour le droit de l'environnement dans son application
concrète à l'espèce constitue également une
atteinte portée au principe de précaution inhérent
à cette branche juridique »172(*). Selon le principe de précaution en
effet, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de
prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures
effectives visant à prévenir la dégradation de
l'environnement. Ainsi donc, les « incertitudes »
dont fait état la Hongrie ne devraient pas être balayées du
revers de la main et les mesures prises par la Hongrie pour éviter que
le dommage redouté se réalise peuvent être
considérées comme des mesures de précaution tendant
à conjurer ledit dommage. S'il doit être certain et
inévitable, alors le péril cesse d'être un risque pour
devenir le dommage lui-même.
A côté de l'état de
nécessité écologique qui était une
prétention de la partie hongroise, la Cour s'est aussi
intéressée à la notion de contre-mesure
évoquée par la Slovaquie pour justifier le recours à la
solution provisoire. Là aussi, des considérations
écologiques ont alimenté les débats devant la Cour.
Paragraphe 2 : Les
contre-mesures
Tout comme la Hongrie l'a fait avec l'état de
nécessité écologique, la Slovaquie a invoqué la
notion de contre-mesure dans le but de se dégager de sa
responsabilité pour fait internationalement illicite du fait de la
construction de la solution provisoire (variante C) et sa mise en service. La
contre-mesure invoquée par la Slovaquie avait ainsi pour but d'exclure
l'illicéité de l'acte qui lui était reproché.
Fidèle à sa logique, la Cour va d'abord s'atteler à
vérifier si les conditions requises pour qu'une contre-mesure soit
licite sont remplies dans le cas d'espèce. Elle va pour se faire
s'appuyer sur sa jurisprudence établie, ainsi que sur le projet
d'articles sur la responsabilité des Etats (A). Mais au-delà du
droit de la responsabilité stricto-sensu, la jurisprudence
Gabcikovo-Nagymaros a le mérite de considérer l'environnement
comme un instrument de mesure de la proportionnalité (B).
A. L'examen des conditions
de licéité d'une contre-mesure
Trois points ont successivement été
présentés comme constituants les conditions requises pour qu'une
contre-mesure soit jugée licite :
D'abord, le premier point examiné a trait au but de la
mesure adoptée en réponse aux actes illicites de la Hongrie. Pour
être licite, une contre-mesure doit être prise pour riposter
à un fait internationalement illicite d'un autre Etat et doit être
dirigée contre ledit Etat. Cette affirmation appelle au moins deux
observations. La première est qu'il n'y a contre-mesure que si la mesure
d'un autre Etat contre laquelle on riposte est illicite. On ne peut donc pas
parler de contre-mesure si l'illicéité de la mesure de la partie
adverse n'est pas établie. C'est la raison pour laquelle la Cour
décide d'examiner l'argument de contre-mesure seulement après
avoir conclu que la Hongrie avait commis un acte internationalement illicite en
suspendant puis en abandonnant les travaux dont elle avait la charge aux termes
du traité de 1977. La seconde observation concerne la contre-mesure
elle-même qui par nature est une mesure illicite mais dont
l'illicéité est écartée compte tenu de l'objectif
poursuivi par ladite mesure. Si la mesure prise pour riposter à un acte
illicite d'un Etat est elle-même licite, alors il n'est pas
nécessaire d'invoquer la contre-mesure. C'est d'ailleurs la raison pour
laquelle l'article 53 du projet d'articles de la C.D.I. précise bien que
la contre mesure doit cesser « dès que l'Etat responsable
s'est acquitté des obligations qui lui incombent à raison du fait
internationalement illicite ». La contre-mesure a donc un
caractère anormal et temporaire. De plus, pour justifier l'examen de la
contre-mesure, la Cour rappelle la conclusion à laquelle elle est
parvenue au paragraphe 78 de l'arrêt Gabcikovo-Nagymaros, notamment que
la Tchécoslovaquie a commis un acte internationalement illicite en
mettant en service la variante C.
Ensuite, le deuxième point examiné par la Cour a
trait aux tentatives vaines de l'Etat lésé pour amener l'autre
partie à faire cesser son comportement jugé illicite. En effet,
l'Etat lésé doit avoir invité l'Etat auteur du fait
illicite à mettre fin à son comportement illicite ou à en
fournir réparation. L'article 52 du projet d'articles de la C.D.I. qui
énonce cette exigence ajoute que l'Etat lésé doit avoir
offert d'entrer en négociation avec l'Etat auteur de l'acte illicite, ce
qui est de nature à encourager les solutions concertées.
Enfin, le troisième point prend en considération
la proportionnalité qui doit exister entre la contre-mesure
adoptée par l'Etat lésé et les dommages subis par ce
dernier compte tenu des droits en cause. Une insistance est faite sur cette
condition qui, de l'avis de la Cour, est une condition importante. Elle est
certainement importante parce que c'est elle qui fait le plus l'objet de
violation par l'Etat lésé. Mais elle l'est davantage parce
qu'elle prend en compte des considérations écologiques. En effet,
la C.I.J. a pu démontrer à travers sa jurisprudence que
l'environnement peut être pris en compte pour mesurer la
proportionnalité d'une contre-mesure.
B. L'environnement comme
instrument de mesure de la proportionnalité
Au paragraphe 30 de l'avis consultatif du 8 Juillet 1996 sur
la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires,
la C.I.J. déclare que « le respect de l'environnement est
l'un des éléments qui permettent de juger si une action est
conforme aux principes de nécessité et de
proportionnalité ». Ainsi donc, les considérations
écologiques doivent être prises en compte lorsque les Etats
exercent leur droit à la légitime défense ou aux
représailles en temps de guerre, mais aussi lorsqu'ils adoptent des
contre-mesures en temps de paix. Dans le même sens, l'arrêt
Gabcikovo-Nagymaros met l'accent sur « la règle
spécifique du droit des cours d'eau »173(*) qui est l'usage
équitable et raisonnable d'un cours d'eau international. En substance,
la Cour déclare que « la Tchécoslovaquie, en
prenant unilatéralement le contrôle d'une ressource
partagée et en privant la Hongrie de son droit à une part
équitable et raisonnable des ressources naturelles du Danube - avec les
effets continus que le détournement de ses eaux déploie sur
l'écologie de la région riveraine de Szigetkoz - n'a pas
respecté la proportionnalité exigée par le droit
international »174(*). Là encore on s'aperçoit bien que
l'environnement joue un rôle important dans la détermination de la
proportionnalité d'une mesure.
Cependant, il faut tout de même noter que l'idée
d'une contre-mesure en matière de droit international de l'environnement
peut être mal perçue pour au moins deux raisons. La
première a trait au fait que l'environnement est désormais
considéré comme un bien commun de l'humanité, et toute
atteinte à l'environnement est une atteinte contre l'humanité
toute entière. Par ailleurs, si l'on s'en tient à l'opinion
dissidente du juge Weeramantry dans l'avis consultatif du 8 Juillet 1996,
« ...principles of environmental law thus do not depend to their
validity on treaty provisions. They are part of custumary international law.
They are part of the sine qua non for human survival »175(*). Au regard de toutes ces
considérations, il ne paraît pas logique de permettre que des
atteintes soient portées à l'environnement au titre de contre-
mesure. On pourrait plutôt considérer que les contre-mesures pour
être valides ne doivent pas porter atteinte à l'environnement,
comme cela est déjà le cas pour les obligations de
caractère humanitaire ou concernant la protection des droits de
l'homme176(*).
La deuxième raison concerne la distinction de
régime qui est faite entre les contre-mesures et les
représailles. Généralement, on considère les
contre-mesures comme des représailles non armées177(*), donc forcément une
forme de représailles. Or le protocole additionnel I aux conventions de
Genève de 1949 en ses articles 35, paragraphe 3 et 55 interdit de mener
des attaques contre l'environnement naturel à titre de
représailles178(*). Il serait plus logique d'étendre cette
interdiction faite dans le cadre des représailles armées aux
représailles non armées que sont les contre-mesures. Le
résultat serait l'interdiction des contre-mesures portant atteinte
à l'environnement. Ceci reste encore un chantier qui pourrait être
entamé par la Cour dans les prochaines affaires.
Au demeurant, il est à noter qu'au regard de tout ce
qui a été dit, l'apport de la Cour Internationale de Justice au
développement du droit international de l'environnement est
considérable. Cela correspond bien à la pensée d'Alexandre
Kiss pour qui les activités juridiques du présent tendent surtout
à développer les principes déjà posés et
à en assurer la mise en oeuvre179(*). Mais cette activité de la Cour masque mal la
difficulté qu'elle a à s'émanciper des techniques et
méthodes traditionnelles de traitement des questions contentieuses.
PARTIE II:
LA DIFFICULTE POUR LE JUGE INTERNATIONAL A S'AFFRANCHIR DES
TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE TRAITEMENT DES QUESTIONS CONTENTIEUSES
En dépit des spécificités qui lui sont
reconnues, le droit international de l'environnement reste une branche du droit
international public et il recourt à la panoplie des sources classiques
du droit des gens180(*).
C'est dans ce cadre qu'il côtoie d'autres disciplines notamment le droit
des traités ou encore le droit de la responsabilité. Mais
contrairement à ces deux dernières disciplines, le droit
international de l'environnement se caractérise par sa relative
jeunesse. Par conséquent, c'est aussi la discipline dont les normes se
caractérisent par un degré de précision variable, ce qui
fait appel aux pouvoirs normatifs du juge et à son rôle dans la
construction du droit. En effet, lorsqu'il est appelé à combler
les lacunes d'une norme, le juge peut procéder par deux
méthodes : il peut le faire « soit en
s'élevant des dispositions particulières jusqu'au principe qui
les fonde, soit en tirant des notions abstraites une solution répondant
aux particularités du cas d'espèce. En d'autres termes, le juge,
pour compléter le droit en vigueur, pourra soit systématiser les
solutions particulières, soit individualiser les notions abstraites du
droit international »181(*). Si pour la consécration des normes du droit
international de l'environnement le juge fait recours à la
première méthode, la mise en oeuvre de ces normes fait intervenir
essentiellement la deuxième méthode. Dans la pratique en effet,
on note une certaine difficulté pour le juge international à
s'émanciper des techniques traditionnelles en matière
contentieuse. On peut s'en rendre compte à travers le recours
quasi-systématique aux règles du droit judiciaire et du droit des
traités (chapitre 1). Cet état de fait n'est pas de nature
à favoriser l'essor du droit international de l'environnement, ce qui
rend nécessaire une conciliation entre prudence et hardiesse du juge
(chapitre 2).
CHAPITRE 1 :
LE RECOURS
QUASI SYSTEMATIQUE AUX TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE TRAITEMENT DES QUESTIONS
CONTENTIEUSES.
L'irruption du droit international de l'environnement dans la
jurisprudence de la Cour Internationale de Justice est une illustration du
mouvement sans cesse évolutif de juridictionnalisation du droit
international. Cette juridictionnalisation ne se fait pas sans
difficultés « en raison de la structure
interétatique de la société internationale et du primat
reconnu au consensualisme comme principale source formelle du droit
positif182(*) ». Mais sa qualité
d' « organe judiciaire principal des Nations
Unies » et son rôle dans le règlement des
différends internationaux ont amené la Cour à se doter de
mécanismes judiciaires propres à contribuer à la
réalisation de ses missions. C'est à ces mécanismes
traditionnels que la Cour a recours pour le traitement du contentieux
environnemental, même si elle opère souvent quelques
acclimatations ou adaptations. En effet, on note à ce sujet une
adaptation des mécanismes traditionnels de la Cour (section 1). Par
ailleurs, pour ce qui est de l'adaptation aux règles du droit des
traités, la jurisprudence de la Cour révèle une prise en
compte restrictive des considérations écologiques dans l'examen
des règles du droit des traités (section2).
Section 1 : L'adaptation des
mécanismes judiciaires traditionnels au contentieux environnemental.
La Cour reconnaît une certaine spécificité
au contentieux environnemental lorsqu'elle aménage ses mécanismes
judiciaires afin de les rendre compatibles à ce type de contentieux. Ces
aménagements passent par des ajustements institutionnels d'une part
(paragraphe 1) et une évolution remarquable des méthodes de
travail de la Cour d'autre part (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Des ajustements
institutionnels.
Les ajustements institutionnels opérés par la
Cour pour connaître du contentieux environnemental font jaillir une
certaine contradiction. En effet, malgré la mise sur pied d'une chambre
spéciale chargée de statuer sur les questions environnementales
(A), le traitement du contentieux environnemental continue à
s'opérer en dehors de ce cadre institutionnel spécialement
prévu (B).
A - La mise sur pied d'une
chambre spéciale pour les questions d'environnement.
C'est par un communiqué de presse du 19 juillet 1993
que le greffe de la Cour Internationale de Justice a annoncé la
constitution d'une chambre spéciale pour les questions d'environnement.
Cette création illustre bien l'intérêt sans cesse croissant
que présentent les problèmes environnementaux pour la Cour et son
souci de jouer un plus grand rôle dans le règlement des
différends y relatifs. De l'avis du juge Ranjeva, « la
création d'une chambre pour l'environnement a constitué la
réponse apportée par la Cour à la double question relative
à son rôle éventuel dans le règlement des
différends concernant l'environnement et le développement durable
d'une part et à un aménagement possible de sa méthode de
travail d'autre part183(*) ». Par ailleurs, il ajoute que la
chambre spéciale pour l'environnement a été établie
suite aux propositions faites à Rio de Janeiro en 1992 et à
l'évolution des idées quant à la place et au rôle de
la Cour Internationale de Justice dans le règlement des
différends environnementaux184(*).
Pour ce qui est du fondement de cette création, c'est
l'article 26, paragraphe 1 du statut de la Cour qui donne compétence
à la cette dernière pour constituer une ou plusieurs chambres
chargées de connaître de catégories
déterminées d'affaires. De plus, l'article 16 du règlement
de la Cour précise que lorsque cette dernière décide de
constituer une ou plusieurs des chambres prévues à l'article 26,
paragraphe 1, du statut, elle détermine la catégorie d'affaires
en vue de laquelle chaque chambre est constituée. C'est donc sur la base
de ces textes qu'a été décidée la constitution
d'une chambre spéciale pour les questions d'environnement.
La chambre spéciale se distingue de la chambre ad
hoc prévue à l'article 26, paragraphe 2 du statut de la
Cour, d'abord du point de sa permanence. En effet, la chambre ad hoc
est constituée pour connaître d'une affaire
déterminée et celle-ci est dissoute une fois l'affaire
réglée, ce qui n'est pas le cas de la chambre spéciale qui
elle, est permanente. Les deux chambres se distinguent également du
point de vue du titulaire de l'initiative de constitution. Tandis que la
chambre ad hoc est constituée par la Cour de sa propre
initiative, la chambre spéciale est constituée à la
demande des parties.
La constitution d'une chambre spéciale pour les
questions d'environnement est donc un aménagement institutionnel qui
illustre bien l'importance et la spécificité du contentieux
environnemental. Mais, on pourrait s'interroger sur la nécessité
d'un tel ajustement, le traitement du contentieux environnemental
s'opérant jusqu'ici en dehors de la chambre spéciale.
B - Le traitement du
contentieux environnemental en dehors du cadre spécialement
prévu.
Le bilan de la chambre spéciale pour les questions
d'environnement, après treize (13) années d'existence, n'est pas
satisfaisant. On serait même tenté de conclure que la constitution
de cette chambre n'était pas opportune compte tenu du fait que
jusqu'à ce jour, aucune affaire n'a été portée
devant elle. Plusieurs raisons peuvent justifier cet état de fait.
D'abord, il faut dire que la constitution de la chambre
spéciale de l'environnement a mis fin à des hésitations de
la Cour portant sur le choix entre la constitution de chambre spéciale
de l'article 26, paragraphe 1 et le recours à une chambre ad hoc de
l'article 26, paragraphe 2, du statut185(*). Ce choix peut paraître surprenant si l'on
considère qu' « à la popularité du
système des chambres ad hoc s'oppose la défaveur du recours aux
chambres spéciales186(*) ». La Cour aurait donc dû s'attendre
à ce que la nouvelle chambre qu'elle mettait en place fasse l'objet de
très peu de recours, voire d'aucun recours. De ce point de vue, on
pourrait attribuer la responsabilité de la léthargie actuelle de
la chambre spéciale pour les questions d'environnement à la Cour
elle-même, qui n'aurait pas su apprécier l'opportunité de
sa constitution.
D'un autre point de vue, le traitement du contentieux
environnemental en dehors de la chambre spéciale pour les questions
d'environnement pourrait se justifier par la concurrence faite à la Cour
par d'autres organes juridictionnels spécialement créés
pour connaitre des questions d'environnement, notamment le Tribunal
International du Droit de la Mer. En effet, même si elle peut jouer un
rôle important dans le développement du droit international de
l'environnement187(*),
la Cour n'a pas le privilège exclusif de l'exercice de la fonction
juridictionnelle internationale en la matière. De plus, le droit
d'accès à la juridiction de la Cour reste l'apanage de l'Etat
souverain, malgré l'intervention de plusieurs acteurs non
étatiques dans la protection de l'environnement. Mais, cet argument ne
suffirait pas à expliquer l'inactivité de la chambre
spéciale, si l'on considère que la Cour a tout de même eu
à connaître des questions environnementales qui auraient pu
être traitées au sein de cette chambre.
En réalité, la léthargie actuelle que
connaît la chambre spéciale pour les questions d'environnement
s'explique par le fait que les différends qui ont jusque là
été portés devant la cour ne concernent pas directement le
droit de l'environnement. En effet, comme le fait remarquer L. Boisson de
Chazournes, « rares furent les affaires, portant de près
ou de loin sur la protection de l'environnement, réglées au moyen
d'une procédure juridictionnelle188(*) ». Pour elle, tant dans l'affaire
relative à certaines terres à phosphate à Nauru que dans
l'affaire relative au projet Gabcikovo-Nagymaros, la question de la protection
de l'environnement n'a pas été, et n'est pas, l'objet principal
du différend189(*). Même dans l'affaire des usines de pâtes
à papier sur le fleuve Uruguay encore pendante devant la Cour, c'est la
violation du statut du fleuve Uruguay qui est en cause ; ce qui va faire
une part belle au droit des traités.
C'est donc dire que le fonctionnement de la chambre
spéciale pour les questions d'environnement est tributaire de
l'autonomisation souhaitée du contentieux environnemental. Mais,
même s'il ne fait pas l'objet d'un examen à titre principal, le
contentieux environnemental fait partie intégrante du contentieux devant
la Cour Internationale de Justice et c'est la prise en compte de ses
spécificités qui justifie l'évolution des méthodes
de travail de la Cour.
Paragraphe 2 : Une
évolution remarquable des méthodes de travail de la cour.
Pour J. Sohnle, l'évolution constatée des
méthodes de travail de la cour illustre bien la souplesse des
règles judiciaires et leur adaptation facile à un contexte
écologique190(*).
Cette évolution concerne tant les techniques d'établissement des
preuves (A) que les méthodes d'interprétation utilisées
(B).
A - Les nouvelles
techniques d'établissement des preuves.
La Cour exerce ses fonctions relatives à
l'établissement des preuves en se fondant sur l'article 66 de son
règlement en vertu duquel « la Cour peut à tout
moment décider, d'office ou à la demande d'une partie,
d'exercer ses fonctions relatives à l'établissement des preuves
sur les lieux auxquels l'affaire se rapporte, dans des conditions qu'elle
détermine après s'être renseignée auprès des
parties ». A la lecture de l'article 67 du règlement de
la Cour, on se rend bien compte que deux techniques d'établissement des
preuves ont été spécialement prévues à
savoir l'enquête et l'expertise, ce qui peut laisser croire que la Cour
ne peut que procéder par ces deux techniques. Mais la jurisprudence de
la Cour dans l'affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros révèle le
caractère indicatif de l'article 67 de son règlement.
Dans l'affaire sus évoquée, la Cour a fait
recours aux expertises contenues dans les
« nombreux » rapports scientifiques
présentés par les parties, même si elle conclut qu'il ne
lui est pas nécessaire, pour répondre aux questions qui lui ont
été posées dans le compromis, de déterminer lequel
de ces points de vue est scientifiquement le plus solide191(*). Mais, l'innovation majeure
se trouve dans la décision prise à l'unanimité par la
Cour, par ordonnance du 05 février 1997, « d'exercer ses
fonctions relatives à l'établissement des preuves en se rendant
sur les lieux auxquels l'affaire se rapporte »192(*). Il s'agit d'une
innovation dans la jurisprudence de la Cour mais non dans le contentieux
international, car cette technique avait déjà été
utilisée par la Cour Permanente de Justice Internationale dans l'affaire
des prises d'eau à la Meuse et par les arbitres dans l'affaire de la
Fonderie du Trail193(*).
En procédant de la sorte, la Cour Internationale de Justice consacre ce
mode d'établissement des preuves tout en réaffirmant son
application spécifique au contentieux environnemental. Pour J. Sohnle,
« le déplacement en l'espèce des juges de la Cour
Internationale de Justice a désormais affirmé cette pratique en
droit international de l'environnement194(*) ».
Si la descente sur les lieux des juges de la Cour
Internationale de Justice traduit bien le caractère spécifique du
contentieux environnemental, elle soulève aussi le problème de la
capacité technique des juges à régler les
différends relatifs au droit international de l'environnement. En effet,
une telle descente sur le terrain met les juges face à des questions non
proprement juridiques, « en particulier dans un domaine hautement
interdisciplinaire comme le droit de l'environnement »195(*). La question se pose
d'autant plus que la Cour a décidé de mettre sur pied une chambre
spéciale pour les questions d'environnement. On peut donc imaginer une
hypothèse dans laquelle les juges désignés par la Cour
comme membres de la chambre des questions d'environnement seraient des
spécialistes de la matière, pouvant surmonter les
difficultés liées à l'interdisciplinarité de la
matière. La Cour en plénière ou en chambre pourrait aussi
faire siéger des experts en son sein, afin de rendre les descentes sur
le terrain plus efficaces, comme cela est prévu par l'article 289 de la
convention de Montégo bay196(*). Ce point de vue est défendu par Sohnle qui
estime qu' « étant donné que la Cour peut
être appelée à statuer en cas de litige concernant un
nombre croissant de conventions environnementales et face à la
concurrence que représente l'arbitrage avec ses règles
procédurales à la carte, la Cour aurait intérêt
à recourir à de telles procédures prévues par son
règlement, voire de le modifier en ce sens, surtout pour sa chambre
spécialisée en matière d'environnement, constituée
en juillet 1993 »197(*) .
B - Les méthodes
particulières en matière d'interprétation.
L'interprétation est une notion importante en droit
international public. C'est ce que fait remarquer Serge Sur lorsqu'il affirme
que « l'interprétation du droit, spécialement en
droit international public, parait une notion capitale dont l'influence dans
l'ordre juridique va bien au-delà des questions préalables ou des
procédés techniques, et dont l'importance mérite qu'on en
tente une synthèse »198(*). C'est une opération qui consiste
à dégager le sens exact et le contenu de la règle de droit
applicable dans une situation donnée199(*).
Il y a une grande controverse doctrinale sur l'existence ou
non des méthodes d'interprétation. En effet, une partie de la
doctrine estime comme Hans Kelsen qu' « il n'ya purement et
simplement aucune méthode que l'on puisse dire de droit positif qui
permettrait de distinguer, entre plusieurs significations linguistiques d'une
norme, une seule, qui serait la vraie signification200(*) ». Une autre
partie de la doctrine par contre reconnait l'existence des méthodes
d'interprétation pour entre autres raisons que les méthodes sont
inhérentes à tout système juridique201(*). Mais la Cour sort de cette
controverse en consacrant l'existence d'une règle générale
d'interprétation, à laquelle viennent s'ajouter d'autres
règles pouvant être considérées comme secondaires.
D'abord pour ce qui est de la règle en matière
d'interprétation, la Cour pose la règle fondamentale de
l'interprétation : « La Cour doit appliquer ses
règles normales d'interprétation dont la première est,
d'après sa jurisprudence bien établie, qu'il faut
interpréter les mots dans leur sens naturel et ordinaire dans le
contexte où ils figurent202(*) ». Pour le juge Bedjaoui, il s'agit
là de la règle générale d'interprétation
d'un traité telle que prévue par l'article 31 de la convention de
Vienne de 1969203(*).
Pour ce qui est des autres règles dites méthodologiques, on peut
distinguer entre autres la règle de la solution la plus évidente,
celle de la solution la plus logique et celle de la solution la plus
efficace204(*).
Mais une innovation majeure est faite par la Cour pour ce qui
est des règles méthodologiques d'interprétation dans
l'affaire du projet Gabcikovo-Nagymaros. Il s'agit de la prise en compte du
principe de l'interprétation évolutive d'un traité. Cette
méthode déjà utilisée par la Cour dans l'avis
consultatif du 21 juin 1971205(*) en matière de tutelle est appliquée
pour la première fois au droit international de l'environnement. C'est
ce qui fait dire à J. Sohnle que « la haute juridiction
internationale a innové en l'appliquant (le principe) aux dispositions
environnementales d'un traité206(*) ». Pour y parvenir, la Cour se base
sur les articles 15,19 et 20 du traité de 1977 relatif à la
construction et au fonctionnement du système de barrage de
Gabcikovo-Nagymaros. Ces articles imposent aux parties de veiller à ce
que la qualité des eaux du Danube ne soit pas compromise et à ce
que la protection de la nature soit assurée. Pour la Cour, il s'agit
là de dispositions évolutives à travers lesquelles les
parties ont reconnu la nécessité d'adapter éventuellement
le projet aux nouvelles normes de droit international de
l'environnement207(*).
C'est ce type d'articles que Jean Philippe Bufferne qualifie de clauses
effectuant un renvoi « mobile » dans le temps
et dont le contenu est appelé à se modifier208(*).
En accueillant le principe de l'interprétation
évolutive des traités, la Cour est arrivée à la
conclusion qu'il n'ya pas eu d'apparition de nouvelles normes pouvant justifier
la terminaison du traité. Mais au-delà de permettre le maintien
du traité, l'interprétation évolutive conporte deux
principes clés du droit de l'environnement à savoir
l'évaluation continue de l'environnement et le développement
durable. Ces deux principes mettent à la charge des Etats l'obligation
d'assurer une protection continue et appropriée de l'environnement, ce
qui implique la prise en compte des normes nouvelles qui n'existaient pas au
moment de la conclusion du traité. « Ces normes nouvelles
doivent être prises en considération et ces exigences nouvelles
convenablement appréciées non seulement lorsque les Etats
envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils poursuivent des
activités qu'ils ont engagées dans le passé209(*) ». Compte
tenu de l'importance de l'environnement pour la Cour, on pourrait même
envisager l'application du principe de l'interprétation même dans
une affaire où les parties n'auront pas prévu des clauses
« mobiles » , ceci en référence
aux principes d'évaluation continue de l'environnement et du
développement durable désormais considérés comme
des principes généraux du droit international de
l'environnement.
En opérant des ajustements institutionnels et en
améliorant ses méthodes de travail, la Cour révise ses
mécanismes traditionnels afin de les adapter aux contentieux
environnementaux. Le même effort se poursuit, certes avec moins de
réussite, pour ce qui est des règles du droit des traités.
Section 2 : La prise en compte
restrictive des considérations écologiques dans l'examen des
règles du droit des traités.
Même si l'affaire Gabcikovo-Nagymaros est
considérée par la doctrine comme marquant l'irruption du droit
international de l'environnement dans la jurisprudence de la C.I.J., il ne faut
pas perdre de vue que les questions principales qui étaient
posées dans cette affaire avaient trait au droit des traités.
Comme le fait remarquer le juge Bedjaoui, c'est la première grande
affaire que la Cour traite, dans laquelle, il existe un arrière-fond
écologique tellement sensible qu'il envahit le devant de la scène
au point de risquer de détourner le regard du droit des
traités210(*).
C'est donc dire que le droit des traités reste l'objet principal du
différend et la Cour n'a éprouvé aucune difficulté
à énoncer les règles classiques régissant
l'application des traités (paragraphe 1). Cependant, la Cour n'a pas cru
devoir accéder à la demande de la Hongrie lorsque cette
dernière s'est appuyée sur des considérations
écologiques pour justifier l'extinction de ses obligations
conventionnelles. Par ce faire, elle exclut les motifs environnementaux comme
condition d'extinction des traités (paragraphe 2).
Paragraphe 1 :
L'énonciation par la Cour des règles classiques régissant
l'application des traités.
L'application des traités pose beaucoup de
problèmes en droit international public. Mais deux d'entre eux ont fait
l'objet de longs développements dans la jurisprudence
Gabcikovo-Nagymaros, notamment la question relative aux principes d'application
des traités d'une part (A), et les conditions d'extinction des
obligations conventionnelles d'autre part (B).
A - Les principes
d'application des traités.
Le principe de bonne foi dans l'application des conventions
internationales occupe une place significative dans les développements
de la Cour. Ce principe encore connu sous le vocable de principe Pacta Sunt
Servanda est tiré de l'article 26 de la convention de Vienne du 23 mai
1969 au terme duquel : « Tout traité en vigueur lie
les parties et doit être exécuté par elles de bonne
foi ». De l'avis de la C.D.I., il s'agit là d'un principe
fondamental du droit des traités, constitué par deux aspects
complémentaires à savoir l'exécution de bonne foi et le
respect de la règle Pacta Sunt Servanda211(*).
Exécuter de bonne foi signifie «
s'abstenir de tout acte visant à réduire à
néant l'objet et le but du traité212(*) ». C'est
aussi négocier de manière à faire produire au
traité liant les parties tous ses effets. Cette seconde alternative
s'illustre bien dans le dispositif de l'arrêt de la Cour dans l'affaire
Gabcikovo-Nagymaros en ces termes : « La Hongrie et la
Slovaquie doivent négocier de bonne foi en tenant compte de la situation
existante et doivent prendre toutes mesures nécessaires à l'effet
d'assurer la réalisation des objectifs du traité du 16 septembre
1977, selon des modalités dont elles conviendront »213(*). Cela signifie a
contrario que la négociation cesse d'être de bonne foi
« lorsque l'une d'elles (les parties) insiste sur sa propre
position sans envisager aucune modification214(*) ».
La Cour Internationale de Justice insiste sur la place
importante et la force exceptionnelle du principe Pacta Sunt
Servanda dans plusieurs de ses arrêts. Ainsi, par exemple, dans
l'affaire de la compétence en matière de pêcheries
(Islande, C. Royaume-Uni et RFA), elle affirme que dans le cas où l'une
des parties a déjà bénéficié des
dispositions exécutées, il serait particulièrement
inadmissible d'autoriser cette partie à mettre fin à des
obligations qu'elle a acceptées en vertu du traité et qui
constituent la contrepartie des obligations que l'autre a déjà
exécutées215(*). Par ailleurs, dans l'affaire Gabcikovo-Nagymaros,
la Cour estime que les « comportements illicites
réciproques n'ont pas mis fin au traité ni justifié qu'il
y fût mis fin. La Cour établirait un précédent aux
effets perturbateurs pour les relations conventionnelles et
l'intégrité de la règle Pacta Sunt Servanda si
elle devait conclure qu'il peut être unilatéralement mis fin,
au motif de manquements réciproques, à un traité en
vigueur entre les parties »216(*). Si par ces deux énoncés la Cour
met en relief les attitudes qui limitent ou annulent la bonne foi des parties,
elle évoque aussi un comportement qui pourrait être
considéré comme la manifestation de cette bonne foi. En effet,
dans son arrêt du 25 septembre 1997, la Cour fait de l'acceptation de
l'assistance et de l'expertise d'une tierce partie la preuve d'une bonne foi.
Elle déclare en subsistance que « l'acceptation d'une
telle aide pour les parties attesterait de la bonne foi marquant les
négociations bilatérales qu'elles mèneront pour donner
effet à l'arrêt de la Cour217(*) ».
D'autres principes régissent l'application des
traités, même s'il ne leur est pas reconnu la même valeur
que le principe Pacta Sunt Servanda. Il s'agit notamment du principe
de non-rétroactivité des traités contenu à
l'article 28 de la convention de Vienne du 23 mai 1969 aux termes duquel
« ... les dispositions d'un traité ne lient pas une partie
en ce qui concerne un acte ou fait antérieur à la date
d'entrée en vigueur de ce traité au regard de cette partie, ou
une situation qui avait cessé d'exister à cette
date ». Par ailleurs, le principe de l'exécution
territoriale des traités prévu à l'article 29 de la
même convention qui dispose qu' « à moins
qu'une intention différente ne ressorte du traité ou ne soit par
ailleurs établie, un traité lie chacune des parties à
l'égard de l'ensemble de son territoire ». Tous ces
principes sont bien intégrés dans la jurisprudence de la Cour, de
même que le sont les conditions d'extinction des obligations
conventionnelles.
B - Les conditions
d'extinction des obligations conventionnelles.
Cinq motifs ont été présentés par
la Hongrie pour démontrer que la notification de terminaison du
traité était licite et effective. Il s'agissait notamment de
l'existence d'un état de nécessité, l'impossibilité
d'exécuter le traité, la survenance d'un changement fondamental
de circonstances, la violation substantielle du traité par la
Tchécoslovaquie et enfin l'apparition de nouvelles normes de droit
international de l'environnement.
Au soutien de ses prétentions, la Hongrie a
invoqué les articles 60 à 62 de la convention de 1969 sur le
droit des traités. De manière quasi automatique, la Cour s'est
livrée à un examen minutieux des conditions requises par les
articles suscités pour rendre effective l'extinction du traité de
1977 souhaitée par la Hongrie.
Pour ce qui est de l'article 60 portant sur l'extinction d'un
traité ou la suspension de son application comme conséquence de
sa violation, la Cour après une analyse méthodique des faits,
arrive à la conclusion que la violation du traité ne pouvait
être invoquée par la Hongrie car au moment de la notification de
la terminaison du traité, cette violation n'était pas effective.
Mais, la Cour aurait pu aboutir à ce même résultat en
faisant un examen sans précédent de l'argument de la Hongrie
concernant la violation par la Tchécoslovaquie des articles 15, 19 et 20
du traité relatif à la protection des eaux, de la nature et des
intérêts en matière de pêcheries. En effet, la Cour
constate « une conscience croissante des risques que la poursuite
(des) interventions (de l'homme)... représenterait pour
l'humanité218(*) ». Ce faisant, la Cour opère
une sorte de cristallisation du processus coutumier, en mettant en
lumière l'opinio juris219(*). Par ailleurs, la Cour Internationale de Justice
reconnait une nature particulière aux articles 60 à 62, notamment
celle des règles déclaratoires du droit coutumier. On est donc en
présence de deux exigences coutumières, celle relative à
la protection de l'environnement et celle relative à l'extinction d'un
traité ou la suspension de son application comme conséquence de
sa violation. Le raisonnement sans précédent qu'auraient pu mener
les juges aurait été de considérer la violation d'une
disposition relative à la protection de l'environnement comme exception
au principe de l'extinction du traité ou de la suspension de son
application comme conséquence de sa violation. Ceci est d'autant plus
possible que d'une part, les considérations écologiques sont
aujourd'hui considérées comme faisant partie des
considérations élémentaires d'humanité. D'autre
part, un tel raisonnement serait un peu en phase avec l'exception prévue
au paragraphe 5 de l'article 60 de la convention de Vienne de 1969 aux termes
duquel « les paragraphes 1 à 3 ne s'appliquent pas aux
dispositions relatives à la protection de la personne humaine contenues
dans des traités de caractère humanitaire ... ».
Par ce faire, la Cour aurait favorisé une affirmation du droit de
l'environnement, tout en confirmant le pouvoir normateur du juge
international. Mais cela aurait aussi amené la Cour Internationale de
Justice à s'émanciper un peu des dispositions connues et
solidement établies du droit des traités, ce qu'elle n'a pas cru
devoir faire.
Le fait pour les juges de la Cour Internationale de Justice de
s'en tenir au droit des traités pour examiner les règles
régissant l'application des traités n'est pas sans
conséquence sur la prise en compte des considérations
écologiques en la matière. On note en effet, une certaine
inopérationalité des arguments environnementaux comme condition
d'extinction des traités.
Paragraphe 2 :
L'inopérationalité des arguments environnementaux comme condition
d'extinction des traités.
Deux arguments ayant une portée environnementale ont
été présentés par la Hongrie pour justifier la
terminaison du traité de 1977. Il s'agit d'une part, du changement
fondamental de circonstances écologiques (A) et d'autre part de
l'état de nécessité écologique (B). Mais la
spécificité environnementale de ces arguments n'a
été d'aucun effet pour la Cour.
A - Le changement
fondamental de circonstances écologiques.
Le changement fondamental de circonstances invoqué par
la Hongrie n'est pas expressément centré sur le caractère
écologique de ces circonstances. C'est la prise en compte du seul
argument environnemental présenté au soutien de leur
prétention qui justifie que l'on s'intéresse au caractère
écologique du changement fondamental de circonstances
allégué. En effet, la Hongrie prétend que divers
« éléments de fond » présents
lors de la conclusion du traité de 1977 avaient fondamentalement
changé, dont entre autres la transformation d'un traité qui
tenait compte de la protection de l'environnement en traité porteur de
catastrophes écologiques. C'est donc la protection de l'environnement
qui, de l'avis de la Hongrie, avait changé, partant d'une prise en
compte initiale à une méconnaissance ultérieure.
Pour se pencher sur la question, la Cour, faisant droit
à la demande de la Hongrie, a passé au peigne fin l'article 62 de
la convention de Vienne sur le droit des traités portant sur le
changement fondamental de circonstances. Elle est arrivée à la
conclusion que les nouvelles connaissances acquises en matière
d'environnement et le progrès du droit de l'environnement ne
présentent pas un caractère complètement imprévu,
les articles 15, 19 et 20 étant conçus dans une perspective
évolutive220(*).
Pour se faire, elle a opéré une interprétation
évolutive des articles suscités.
Mais la question qu'on pourrait se poser ici est celle de
savoir si, en l'absence de ces articles, ou de façon plus large en
l'absence de dispositions portant sur la protection de l'environnement, la Cour
serait parvenue à une solution différente. Autrement dit, le
changement fondamental de circonstances écologiques non
prévu par un traité peut-il justifier l'extinction de ce
dernier ? A l'évidence, la réponse de la Cour à cette
question serait affirmative compte tenu du fait que c'est l'argument de
l'imprévisible qui l'amène à ne pas reconnaître le
changement fondamental de circonstances alléguées. Mais on
pourrait penser à une reponse contraire, si on vient à
considérer les normes environnementales comme des « normes
évolutives221(*) ». En effet, le droit international
de l'environnement est un domaine où la recherche scientifique et
technique est grandement mise à contribution pour assurer une protection
de plus en plus efficace de l'environnement. C'est donc un domaine où
l'évolution des normes est prévisible222(*), compte tenu des dangers
environnementaux qui menacent la planète, ainsi que des recherches
menées pour y faire face. Certes la reconnaissance de ce
caractère évolutif aux normes environnementales peut avoir pour
conséquence de permettre qu'un traité qui, par suite de
l'évolution du droit impératif, se trouve en contradiction avec
une règle nouvelle, devient nul, alors même qu'il était
valide à l'époque de sa formation. Mais, l'idée ici est de
considérer la protection de l'environnement comme un impératif
pour les Etats, que cet impératif soit ou non consigné dans
certains articles des traités conclus. Et la protection ainsi
consacrée doit se faire sur la base des connaissances nouvelles
disponibles. La Cour est même arrivée à cette conclusion
lorsqu'elle dit qu' « aux fins de l'évaluation des
risques écologiques, ce sont les normes actuelles qui doivent être
prises en considération223(*) ».
C'est dire en définitive que si la Cour agissait dans
le sens souhaité ici, les considérations écologiques ne
pourront plus être invoquées pour soutenir un changement
fondamental des circonstances, ce qui est un gage de la stabilité des
traités et de la protection effective de l'environnement. Face à
de nouvelles exigences environnementales, les parties à un traité
devront plutôt négocier afin d'arriver à une modification
du traité tenant compte des nouvelles exigences. Par ailleurs, cela
permettra à la Cour Internationale de Justice d'éviter de
recourir à l'interprétation évolutive des dispositions
d'un traité, car cette dernière, de l'avis du juge Bedjaoui, ne
fait pas partie de la règle générale
d'interprétation d'un traité. Quid de l'état de
nécessité écologique ?
B - L'état de
nécessité écologique comme condition d'extinction des
traités.
Il s'agit ici de l'état de nécessité
écologique invoqué par la Hongrie comme cause d'extinction du
traité de 1977. Deux interrogations peuvent être soulevées
sur ce point à savoir d'une part celle de l'existence d'une telle notion
et d'autre part celle de son opérationnalité dans le cas
d'espèce.
Pour ce qui est de son existence, les thèses Hongroise
et Slovaque sont contraires. Pour la première, les diverses
études scientifiques menées par les parties démontrent
bien qu'un état de nécessité écologique existait
bien lorsque la Hongrie a décidé en 1989 de suspendre puis
d'abandonner les travaux qui étaient à sa charge. La seconde par
contre, soutient que ce risque ne constituait pas un motif de suspension d'une
obligation conventionnelle. C'est donc dire que même si leurs
thèses sont contraires, la Hongrie et la Slovaquie intègrent bien
dans leurs argumentations la notion d'état de nécessité
écologique. Mais ces derniers ne sont pas suivis par la Cour qui, en
appréciant l'état de nécessité à la
lumière des critères énoncés par la commission du
droit international à l'article 33 du projet d'articles sur la
responsabilité internationale des Etats, s'est uniquement
intéressée à l'état de nécessité en
faisant fi de son caractère écologique. La conclusion que l'on
peut en tirer est que le caractère écologique de l'état de
nécessité est sans importance, seul importe l'état de
nécessité allégué qui est pris en
considération ici. Le caractère écologique reste donc un
argument comme tout autre qui vient illustrer l'état de
nécessité.
S'agissant de l'opérationnalité de cette notion
dans le cas d'espèce, la Slovaquie a plaidé que l'état de
nécessité invoqué par la Hongrie ne constituait pas un
motif de suspension d'une obligation conventionnelle reconnu par le droit des
traités. La Cour abonde dans ce sens en faisant observer que l'existence
d'un état de nécessité ne met pas fin à un
traité mais peut être invoquée pour exonérer de sa
responsabilité un Etat qui n'a pas exécuté un
traité. Mais ce qui peut surprendre dans le raisonnement de la Cour,
c'est qu'elle dit ne pas pouvoir « suivre la Hongrie lorsque
celle-ci soutient qu'en suspendant puis en abandonnant en 1989 les travaux dont
elle avait la charge à Nagymaros et à Dunakiliti elle n'a pas
pour autant suspendu l'application du traité de 1977 lui même,
puis rejeté ce traité224(*) ». En effet, lorsqu'elle
décide d'abandonner certaines dispositions du traité, la
Hongrie a adopté un comportement non conforme à ce qui est requis
d'elle par une obligation internationale envers la Slovaquie225(*). Dans ce cas, même si
l'état de nécessité écologique invoqué par
Hongrie ne remplit pas les conditions exigées par l'article 33 du projet
d'articles de la C.D.I. sur la responsabilité internationale des Etats,
c'est plutôt la question de responsabilité qui doit être
posée et non celle relative au droit des traités. C'est ce qui
fait dire à la Hongrie que la suspension ou l'abandon de certains
travaux n'emporte pas suspension de l'application du traité mais
résulte d'un état de nécessité
écologique.
Dans l'ensemble, même si on note un souci d'adaptation
des méthodes traditionnelles au contentieux environnemental, il reste
que la Cour est prudente et réservée lorsqu'elle examine des
notions nouvelles telles que le changement fondamental de circonstances
écologiques ou encore l'état de nécessité
écologique. L'examen de ces notions s'est fait au mépris
de la spécificité écologique qui était mise en
exergue par la Hongrie. Si cette attitude se justifie par le souci de
préserver la solidité de la structure normative et
institutionnelle existante, le rôle joué par la Cour dans le
développement du droit international de l'environnement implique une
nécessaire conciliation entre prudence et hardiesse du juge.
CHAPITRE 2 :
LA NECESSAIRE
CONCILIATION ENTRE PRUDENCE ET HARDIESSE DU JUGE DANS LE TRAITEMENT DU
CONTENTIEUX ENVIRONNEMENTAL
La prudence a toujours caractérisé
l'activité du juge international, compte tenu de la complexité du
cadre dans lequel il opère. En effet, « la Cour
s'insère dans un cadre marqué du sceau de la complexité
tenant à la diversité et à la pluralité des acteurs
- dont elle est - qui interviennent sur la scène juridique
internationale »226(*).
Elle n'a pas la compétence exclusive dans le traitement du contentieux
international et sa compétence dépend de la volonté de
l'Etat, car la justice n'est pas obligatoire dans l'ordre international. Le
juge international fait donc souvent preuve de beaucoup de prudence afin
d'assurer l'adhésion des Etats à la juridiction de la Cour.
Mais dans le domaine du contentieux international de
l'environnement, la prudence des juges peut trouver son fondement dans le souci
de préserver la stabilité de la structure normative et
institutionnelle existante (section 1). Ce souci nait du fait que le droit
international de l'environnement remet profondément en cause les
règles traditionnelles, notamment en matière de
responsabilité internationale227(*). Mais il ne faut pas perdre de vue tout
l'intérêt que présente actuellement le droit international
de l'environnement qui, de l'avis de Maurice Kamto, « remet
l'humanité au coeur du droit international (...) avec en prime une prise
en compte hardie des préoccupations et des inquiétudes des temps
actuels »228(*). L'importance de ce nouveau droit contraste
encore avec sa relative jeunesse et son développement peu poussé,
ce qui rend nécessaire l'implication du juge dans le
développement du droit international de l'environnement (section 2)
Section 1 : La
préservation de la solidité de la structure institutionnelle et
normative existante
La crédibilité d'une institution judiciaire
dépend largement de la prévisibilité de ses
décisions. Les parties auront davantage recours à la juridiction
de la Cour si elles sont certaines de la prévisibilité de la
procédure et de la jurisprudence. Sur ce point, la C.I.J.
bénéficie d'une certaine crédibilité en raison de
sa riche expérience en matière d'interprétation et
d'application des traités internationaux. L'ouverture sur les
considérations écologiques pourrait remettre en cause
l'édifice institutionnel et normatif existant, dont l'efficacité
a été éprouvée au fil du temps (paragraphe 1). De
plus, l'absence d'autonomie et la précision relative des normes de droit
international de l'environnement sont de nature à limiter leur prise en
compte dans le contentieux international (paragraphe 2).
Paragraphe 1 :
L'efficacité éprouvée des techniques contentieuses
traditionnelles
Comme le fait remarquer le professeur Kamto,
« le droit traditionnel dispose de puissants outils
théoriques susceptibles d'être adaptés à la
protection et à la gestion de l'environnement »229(*). Ainsi sur le plan
institutionnel, il ne fait aucun doute que l'organisation institutionnelle
classique de la Cour permet de régler les différends
environnementaux (A). De même, les normes classiques de droit
international permettent d'apurer le contentieux environnemental, du moins en
son état actuel (B).
A. L'aptitude de
l'organisation institutionnelle de la Cour à régler les
différends environnementaux
L'institution par la Cour d'une chambre spéciale pour
les questions d'environnement traduit une sorte d'audace institutionnelle,
certainement justifiée par l'intérêt que la haute Cour
porte aux questions d'environnement. Certes, l'option pour une chambre
spéciale met fin aux hésitations de la Cour portant sur le choix
entre la constitution d'une chambre de l'article 26 paragraphe 1 et le recours
à une chambre ad hoc de l'article 26 paragraphe 2 de statut. Mais compte
tenu du bilan fort mitigé des activités de la chambre
spéciale - soit aucune affaire traitée après treize
années d'existence -, on pourrait conclure à un désaveu de
la chambre par les Etats. Tout le contentieux portant sur les questions
environnementales reste traité en dehors de la chambre spéciale
et selon la procédure classique, notamment le recours à la
formation plénière. Le souci pour la Cour de s'adapter au
contentieux environnemental en s'écartant quelque peu du cadre
institutionnel existant semble ne pas avoir suffisamment tenu compte de
l'aptitude de l'organisation institutionnelle traditionnelle à
régler les différends environnementaux. Plus encore,
« la mise en place d'une juridiction spéciale et nouvelle
- la chambre spéciale - résulte d'un choix essentiellement
politique dans lequel la préoccupation des juristes professionnels a
joué un rôle de catalyseur d'opinion et de
pression »230(*).
Mais l'acharnement des juristes pour la création de la
chambre spéciale s'est heurté à l'importance du
consensualisme dans le contentieux international, notamment pour ce qui est de
la composition de la juridiction. En effet, « à la
différence d'une chambre ad hoc, une chambre spéciale
représente une formation permanente dont la direction relève de
la plénière de la Cour : à celle-ci revient
l'appréciation discrétionnaire de sa constitution (...) Par
ailleurs, la composition est entièrement entre les mains de la seule
Cour (...) »231(*). Le recours à la chambre spéciale
est donc assez contraignant pour les Etats, ce qui peut justifier leur
préférence pour les autres formations de jugement existantes. En
effet, « le facteur psychologique est peu favorable à la
réalisation de telles initiatives, notamment si elles sont
perçues comme une tentative de détournement de la règle de
la primauté du consentement juridictionnel »232(*). L'organisation
institutionnelle traditionnelle de la Cour prend en considération ce
nécessaire consentement à la juridiction, notamment à
travers la liberté reconnue aux parties de constituer des chambres ad
hoc et de recourir à la désignation des juges ad hoc en l'absence
d'un juge de leur nationalité. Bref, la création de la chambre
spéciale ne paraît pas nécessaire, compte tenu de
l'aptitude de la structure institutionnelle de la Cour à régler
les différends environnementaux. En témoignent tous les
différends réglés par la Cour dans lesquels les questions
environnementales étaient examinées. On comprend dès lors
toutes les hésitations qui ont précédées la
création de cette chambre, car la Cour doit faire preuve de prudence en
tenant compte de l'environnement dans lequel elle opère. La Cour devrait
privilégier le renforcement des mécanismes institutionnels
existants qui ont déjà fait leurs preuves et qui semblent
susciter l'adhésion des Etats, plutôt que de se lancer dans une
sorte d'aventure institutionnelle233(*). Cette option permettra de mieux préserver la
stabilité de la structure institutionnelle existante.
B. La capacité des
normes traditionnelles à apurer le contentieux environnemental
Si la Cour a fait preuve d'une certaine souplesse dans son
organisation institutionnelle, elle a plus de difficulté à
s'émanciper des normes classiques de droit international. En effet comme
le montre J. Sohnle, « la Cour est réservée quant
à la prise en considération d'aspects environnementaux dans
l'application du droit international général. C'est certainement
vrai pour les règles substantielles régissant le droit des
traités et le droit de la responsabilité
internationale »234(*). C'est la raison pour laquelle les notions
telles que le changement fondamental de circonstances
écologiques, ou encore l'état de nécessité
écologique n'ont pas fait l'objet d'une prise en compte autonome
par la Cour. Elle s'est référée au droit international
général pour apprécier ces deux notions, faisant ainsi
preuve de prudence par rapport aux nouvelles normes environnementales. Ce choix
opéré par la Cour est certainement motivé par la
stabilité et la densité normative avérée du droit
international général qui favorisent sa capacité à
régler les différends environnementaux. La Cour ne cesse de
rappeler à chaque reprise l'importance et la valeur des normes du droit
international général. Dans l'affaire Gabcikovo-Nagymaros par
exemple, elle affirme que « la notion d'état de
nécessité est ... profondément enracinée dans la
théorie générale du droit »235(*). Dans le même
sens, elle rappelle sa jurisprudence dans l'affaire de la compétence en
matière de pêcheries, relativement à l'article 62 de la
convention de Vienne sur le droit des traités. Elle affirme en effet
que « l'article 62 de la convention de Vienne sur le droit
des traités ... peut, à bien des égards, être
considérés comme une codification du droit coutumier existant en
ce qui concerne la cessation des relations conventionnelles en raison d'un
changement de circonstances »236(*). Pour elle, même si la convention de
Vienne sur le droit des traités ne s'applique pas directement à
un traité particulier, « seules les règles de la
convention qui sont déclaratoires du droit coutumier sont
applicables (...) tel est le cas, à bien des égards, des articles
60 à 62 de la convention de Vienne relatifs à l'extinction et
à la suspension des traités »237(*). Cette affirmation de
l'importance et de la stabilité des règles de droit international
général amènent la Cour à « aborder
les problèmes nouveaux à l'aide d'ustensiles juridiques et de
moyens théoriques disponibles plutôt que de forger de nouveaux
concepts et de nouvelles approches »238(*). Ainsi, en faisant
abstraction de la dimension écologique qui était associée
à ces deux notions, la Cour s'est contentée de l'état de
nécessité et du changement fondamental de circonstances tels que
prévus respectivement par le droit de la responsabilité
internationale et le droit des traités.
La Cour est confortée dans sa logique par
l'adhésion des parties qui ont entendues se placer sur le terrain du
droit de la responsabilité internationale et du droit des
traités. En effet, la Cour fait remarquer que « dans
l'instance, les parties se sont accordées pour estimer que l'existence
d'un état de nécessité doit être
appréciée à la lumière des critères
énoncés par la Commission du droit international à
l'article 33 du projet d'articles sur la responsabilité internationale
des Etats qu'elle a adopté en première
lecture »239(*). De même, concernant l'application des
articles 60 à 62 de la convention de Vienne sur le droit des
traités, la Cour souligne que « les parties en ont ainsi
largement convenu »240(*).
On peut en déduire que compte tenu de la
solidité du dispositif normatif existant et de sa capacité
à apurer le contentieux environnemental, la Cour, aidée en cela
par les parties, préfère appliquer le droit international
général. Ce faisant, elle reste assez prudente lorsqu'elle doit
examiner de nouvelles normes. Mais la prudence de la Cour n'est pas seulement
justifiée par l'efficacité éprouvée des techniques
contentieuses traditionnelles. Elle est aussi attribuable à l'absence
d'autonomie et à la précision relative des normes du droit
international de l'environnement.
Paragraphe 2 : L'absence
d'autonomie et la précision relative des normes du droit international
de l'environnement.
Même si on lui reconnait quelques
spécificités, le droit international de l'environnement reste une
branche du droit international général. Cet état de fait
justifie l'application à ce nouveau droit des « ustensiles
juridiques » propres au droit international
général (A). De plus, la précision relative des normes du
droit international de l'environnement ne facilite pas leur introduction dans
le contentieux international, d'où la prudence des juges (B).
A. L'absence d'autonomie du
droit international de l'environnement
Le droit international de l'environnement fait partie
intégrante du droit international général. C'est la
branche du droit international public qui a pour objet la protection de
l'environnement. En tant que branche du droit international public, le droit
international de l'environnement ne saurait échapper aux grands
principes et aux constructions théoriques élaborées dans
le cadre de ce droit existant. Le recours au droit international
général pourrait même être bénéfique
pour ce nouveau droit qui pour l'heure « présente des
particularités qui n'existent pas ailleurs (...) et qui n'en facilitent
pas la mise en oeuvre »241(*). Ainsi, pour A. Kiss, « la mise
en oeuvre des obligations découlant de traités relatifs à
la protection de l'environnement peut donc s'inspirer d'expériences
acquises dans d'autres branches du droit international »242(*).
Par ailleurs, si l'on essaye de parcourir la jurisprudence de
la Cour portant sur les questions environnementales, on se rend compte que
« rares sont les affaires portant de près ou de loin sur
la protection de l'environnement, réglées au moyen d'une
procédure juridictionnelle (...) tant dans l'affaire relative à
certaines terres à phosphate à Nauru que dans l'affaire
Gabcikovo-Nagymaros, la question de la protection de l'environnement n'a pas
été, et n'est pas, l'objet principal du
différend »243(*). Dans ces circonstances, il est un peu
exagéré d'attendre des juges qu'ils se lancent dans une
activité de création ou d'affirmation des normes du droit
international de l'environnement, alors qu'ils n'y sont pas conviés par
les parties, du moins pas directement. La prudence s'impose donc à la
Cour si elle veut régler efficacement les différends qui lui sont
soumis. Ainsi, à l'absence d'autonomie du droit international de
l'environnement s'ajoute l'absence d'autonomie du contentieux international de
l'environnement.
Au regard de ce lien consubstantiel qui existe entre le droit
international de l'environnement et le droit international
général, on pourrait répondre à l'interrogation du
professeur Kamto qui était de savoir : « Faut-il
alors - et surtout -, peut-on sortir du droit international classique ?
Comment en sortir ou comment y rester ? »244(*). Il semble en effet que
le droit international de l'environnement ne peut et ne doit sortir du droit
international classique. Reste maintenant à trouver une réponse
à la question de savoir comment y rester. C'est à ce niveaux
qu'il faudra concilier hardiesse et prudence dans le traitement du contentieux
environnemental, afin de trouver le juste équilibre et de
préserver la stabilité dont a besoin le droit international pour
rester utile à la société internationale. Mais la prudence
semble souvent primer sur la hardiesse dans le raisonnement de la Cour en
raison aussi de la normativité relative des règles du droit
international de l'environnement.
B. La
« normativité relative » des règles du droit
international de l'environnement
Il a été relevé plus haut245(*)que les normes du droit
international de l'environnement se caractérisent par un faible
degré de précision, une normativité relative, un statut
normatif discutable en raison de leur rôle dans la dilution de la
normativité internationale246(*). Ceci étant, ces normes ne facilitent pas le
contrôle contentieux devant le juge, dans la mesure où
« juger c'est faire application à une situation
concrète d'une norme juridique préexistante. Une telle
application suppose que le juge soit parfaitement fixé sur le sens de la
norme à appliquer »247(*). On peut dès lors comprendre toute la
prudence des juges lorsque ces derniers sont appelés à statuer
sur des questions environnementales. Le recours au droit international
classique pour apurer les différends environnementaux permettrait aux
juges de préserver la stabilité de la structure normative
existante qui serait menacée par l'application d'un droit dont la
faiblesse est « si décriée pour son
caractère insuffisamment prescriptif et rarement
sanctionnateur »248(*). C'est ce qui justifie l'attitude
réservée de la Cour quant à la prise en
considération d'aspects environnementaux dans l'application du droit
international général.
Mais il faut tout de même dire que si le droit
international de l'environnement est encore un droit mou, c'est en grande
partie en raison de sa relative jeunesse. Compte tenu de l'importance reconnue
à ce nouveau droit249(*), il serait souhaitable que son développement
et son affirmation soient renforcés. Or comme le fait remarquer le
professeur Kamto, « il est à redouter que cette
inclination pour les principes, pour la plupart non juridiques, cache un refus
d'engagement juridique des Etats, car alors le droit international de
l'environnement tomberait dans la même ornière que le droit
international du développement à savoir, celle du non droit ou
d'un droit sans valeur où les normes à prétention
juridique ne sont rien de plus qu'un ensemble d'énoncés normatifs
exprimant les préoccupations communes d'une
époque »250(*). C'est pour pallier cette déficience des
Etats que le juge doit, malgré toutes les raisons qui militent pour une
prudence, faire preuve d'un peu plus de hardiesse pour permettre le
développement du droit international de l'environnement. Cela est
d'autant plus souhaitable tant il est vrai que « le
règlement juridictionnel aide puissamment au développement du
droit international »251(*).
Section 2 : La contribution du juge à
l'évolution du droit international de l'environnement.
Le juge joue un rôle fondamental dans le
développement du droit international en général. Les
décisions judiciaires sont souvent considérées comme
« des moyens auxiliaires de détermination de la
règle de droit »252(*). Ainsi, la C.I.J. peut jouer un rôle
important dans le développement du droit international, comme
l'affirmait déjà Sir Roberts Jennings, alors président de
la Cour253(*). Par son
activité normative, elle va permettre un renforcement de la
normativité du droit international de l'environnement (paragraphe 1) et
une détermination des modes de réparation plus adaptés au
dommage écologique (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le renforcement
de la normativité du droit international de l'environnement
Lorsqu'une norme est imprécise, vague et
indéterminée, son invocabilité dans le contentieux est
remise en cause. L'intervention du juge dans la précision des normes
environnementales permet de garantir leur invocabilité dans le
contentieux (A), en même temps qu'elle permet d'améliorer la
valeur normative des règles du droit international de l'environnement
ainsi précisées (B).
A. La garantie de
l'invocabilité des normes du droit international de environnement
L'invocabilité est la caractéristique d'un acte
juridique, autorisant un sujet de droit international à en revendiquer
le bénéfice à l'égard des tiers254(*). Lorsqu'une norme
précise clairement les droits et les obligations des parties, ces
dernières peuvent valablement l'invoquer devant le juge international
pour exiger que leurs droits soient respectés. Mais « le
droit international de l'environnement est réputé être un
droit mou dont les normes (y compris conventionnelles), sont souvent vagues et
indéterminées. Les obligations de Etats, obligations de
comportement souvent plus que de résultat, y sont parfois
grossièrement tracées par l'instrument juridique international
(traité-cadre) »255(*). C'est ce qui rend difficile l'application des
normes environnementales dans le contentieux international, car les parties ne
peuvent pas se prévaloir d'un droit précis qui aurait
été violé. Si il appartient en priorité aux Etats
de permettre l'invocabilité des normes environnementales en faisant
preuve de plus de précision dans l'élaboration des
traités, le juge peut remédier à la défaillance des
Etats en faisant recours à son pouvoir d'interprétation. En
effet, « quand le texte est obscur, la norme douteuse, son (le
juge) premier devoir est de les interpréter pour en découvrir
l'exacte portée(...) Pratiquement, on réserve l'expression
d'interprétation à l'éclaircissement de la norme à
appliquer »256(*).
Le juge peut donc jouer un rôle important dans
l'éclaircissement des normes du droit international de l'environnement,
favorisant ainsi leur invocabilité. Par le passé, la Cour a eu
à interpréter certaines règles du droit international de
l'environnement et en a dégagé des obligations précises
à la charge des Etats. Ainsi par exemple, l'obligation d'évaluer
l'impact environnemental des projets, l'interdiction d'utiliser son territoire
à des fins contraires au droit des autres Etats, ou encore
l'interdiction d'emploi de moyens et de méthodes de guerre dommageables
pour l'environnement sont aujourd'hui considérées comme faisant
partie intégrante des normes du droit international de
l'environnement257(*).
C'est ce qui fait dire au juge Ranjeva que « la Cour
internationale de justice a pu dégager sans difficulté, à
partir des principes fondamentaux du droit coutumier des règles
pertinentes dans le droit de l'environnement »258(*). Certes,
« la création prétorienne ne peut se substituer aux
modes ordinaires de création juridique dans l'ordre
international »259(*), mais elle permet tout de même de
renforcer la normativité du droit international de l'environnement.
Cette intervention du juge est d'autant plus nécessaire que, de l'avis
du professeur Kamto, « il n'y aura pas de nouvelles
avancées significatives dans la protection de l'environnement sans
l'élaboration de concepts juridiques nouveaux ou l'enrichissement des
concepts anciens, voire sans un changement des logiques et modes de
pensée propres au droit international classique »260(*). Compte tenu de la
faible implication des Etats dans l'élaboration des normes
environnementales claires et précises, la survie du droit international
de l'environnement semble dépendre du degré d'implication des
juges au renforcement de la normativité de ce droit. Ainsi, les normes
dites « soft » pourront, après une
interprétation jurisprudentielle, être invoquées dans le
contentieux et produire pleinement leur effet. C'est dans ce sens que Lebon
Bergeret déclare : « Je craindrais moins les
mauvaises lois si j'étais sur qu'il n'y eut que de bons
juges »261(*).
B. Le renforcement de la
valeur normative des règles du droit international de
l'environnement
Parler du renforcement de la valeur normative des
règles du droit international de l'environnement revient à
évoquer la question du passage de ces règles de l'état de
simples normes à celui de normes coutumières. Le juge joue
également un rôle important dans la constatation et la formulation
de la coutume. En effet, ce dernier « cristallise le processus
coutumier »262(*), notamment lorsqu'il doit statuer sur la nature
coutumière ou non de certaines normes dont l'existence n'est pas
formalisée ou qualifiée par le droit lui-même de
coutumières. Ce rapport du juge à la coutume s'illustre bien dans
l'affaire Gabcikovo-Nagymaros lorsque la Cour relève
qu' « aucune des parties n'a prétendu que des normes
impératives du droit de l'environnement soient nées ... et la
Cour n'aura par la suite pas à s'interroger sur la portée de
l'article 64 »263(*). Cela veut dire que si les parties avaient
prétendu qu'une norme impérative du droit international de
l'environnement était née, la Cour se serait interrogée
sur l'existence de cette norme impérative, dans les conditions qu'elle a
elle-même précisé dans l'affaire du plateau continental en
mer du nord. En effet, pour qu'une norme impérative se forme,
« non seulement les actes considérés doivent
représenter une pratique constante, mais en outre, ils doivent
témoigner par leur nature et la manière dont ils sont accomplis,
de la conviction que cette pratique est rendue obligatoire par l'existence
d'une règle de droit »264(*). Pour J. Sohnle, on est tenté d'en
conclure que la Cour serait disposée à examiner le
problème à l'avenir265(*).
Le rôle du juge dans la constatation et la formulation
de la coutume peut contribuer efficacement au renforcement de la valeur
normative des règles du droit international de l'environnement. En
reconnaissant une nature coutumière à certaines règles, le
juge les fait passer du statut de normes « soft »
à celui de normes impératives dont le respect s'impose aux
parties. L'enjeu est donc grand et le juge devrait faire preuve d'hardiesse
pour y parvenir. Il dispose à cet effet d'une « marge
d'appréciation dans l'établissement de la pertinence de la
pratique »266(*), de même qu'il peut contribuer à
l'émergence de l'opinio juris. En effet, en exprimant sa
« conscience de ce que l'environnement est menacé
jour après jour et de ce que l'emploi d'armes nucléaires pourrait
constituer une catastrophe pour l'environnement naturel »267(*), la Cour se fait le
réceptacle des valeurs sociales que le droit traduit268(*). La Cour prend donc une part
active dans l'établissement de la règle coutumière, ce qui
pourrait profiter au droit international de l'environnement encore en pleine
construction. En plus de renforcer la normativité des ses règles,
l'implication du juge dans le développement du droit international de
l'environnement permet aussi de déterminer les modes de
réparation adaptés au dommage écologique, car, comme le
reconnait la Cour elle-même, on note des « limites
inhérentes au mécanisme de réparation de ce type de
dommage »269(*).
Paragraphe 2 : La détermination des modes de
réparation adaptés au dommage écologique
La réparation est le corollaire de la
responsabilité et « l'obligation de réparer tout
manquement au droit est impliquée par toute règle
juridique »270(*). C'est ce qui ressort de l'arrêt de la Cour
Permanente de Justice Internationale dans l'affaire de l'Usine de Chorzow du 13
Septembre 1928 en ces termes : « La Cour constate que c'est
un principe de droit international, voire une conception générale
du droit, que toute violation d'un engagement comporte l'obligation de
réparer »271(*). Dans le même arrêt, la Cour donne
le but général recherché par la réparation. En
effet, « la réparation doit, autant que possible, effacer
toutes les conséquences de l'acte illicite et rétablir
l'état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n'avait
pas été commis »272(*). Si la recherche de ce but peut s'opérer dans
tous les différends, c'est au niveau des modalités de la
réparation que le problème de la spécificité du
contentieux environnemental se pose, les modalités classiques de
réparation n'étant que très peu adaptées au dommage
écologique (A). C'est ce qui justifie que l'on s'intéresse
à d'autres modalités de réparation mieux adaptées
audit dommage (B).
A. La relative
inefficacité des modes classiques de réparation du
préjudice en matière écologique
Avant de s'attarder sur les modes classiques de
réparation du dommage, il faut relever que la réparation du
dommage écologique n'est pas facilitée par la nature même
du droit international de l'environnement dont les normes sont
généralement considérées comme des normes de
« soft law », droit mou...etc. C'est
nécessairement par un effort de construction du juge que la
réparation du dommage écologique est rendue possible. On
considère ainsi les décisions judiciaires comme des moyens
auxiliaires de détermination de la règle de droit273(*).
S'agissant maintenant des modes classiques de
réparation du dommage, l'article 34 du projet d'articles de la C.D.I.
indique que « la réparation intégrale du
préjudice causé par le fait internationalement illicite prend la
forme de restitution, d'indemnisation et de satisfaction ». Mais
ces trois modes de réparation présentent des limites lorsqu'ils
s'appliquent au dommage écologique.
D'abord pour ce qui est de la satisfaction, elle ne peut
permettre la réparation d'un dommage écologique dans la mesure
où ce dernier est un dommage matériel274(*). Or la satisfaction est un
mode de réparation mieux adapté pour réparer un
préjudice purement moral, notamment l'atteinte aux seuls
intérêts moraux ou politiques de l'Etat ou de l'institution
internationale275(*).
Ensuite, concernant la restitutio in intégrum,
elle est considérée comme la sanction normale de
l'inexécution d'obligations contractuelles. Elle vise la remise des
choses en l'état antérieur au fait internationalement illicite,
et ce faisant elle efface les conséquences de ce fait. La restitutio
in intégrum est à privilégier par rapport aux autres
formes de réparation chaque fois que cela est possible, car celle-ci
constitue la modalité de principe de la réparation276(*). Mais elle s'applique
difficilement au dommage écologique, notamment aux cas de pollution. En
matière de déversement des hydrocarbures en mer par exemple, il
n'est pas possible de dépolluer complètement la mer277(*). C'est
généralement avec le temps que la pollution des eaux diminue
considérablement jusqu'à atteindre le niveau le plus bas. Par
ailleurs pour ce qui est des émanations de fumées toxiques, il
n'est pas possible de réabsorber toutes les fumées émises
par une usine et qui causent des dommages sur le territoire d'un autre Etat.
Ces fumées se dissipent par l'action du vent, ce qui les rend
incontrôlables, comme ce fut le cas dans l'affaire de la Fonderie du
Trail (Etats-Unis c. Canada). Il parait donc impossible d'effacer
complètement le dommage écologique, ce qui est une limite
à la restitutio in intégrum.
Enfin, pour ce qui est de l'indemnisation, il faut dire qu'il
s'agit d'un mode de réparation par équivalence consacré
par la C.P.J.I. dans l'affaire de l'Usine de Chorzow. La Cour déclare en
effet que « c'est un principe de droit international que la
réparation d'un dommage peut consister en une
indemnité »278(*). Par ailleurs dans le dispositif de l'arrêt
Gabcikovo-Nagymaros, la Cour dit que la Slovaquie doit indemniser la Hongrie
pour les dommages subis par cette dernière du fait de la mise en service
de la variante c, notamment les dommages écologiques enregistrés.
Mais lorsque l'on se situe dans la perspective d'une protection efficace de
l'environnement, on se rend bien compte que l'indemnisation est un mode
imparfait de réparation du dommage écologique. Si elle permet de
compléter ou de remplacer la restitutio in intégrum,
elle est sans conséquence sur la pollution et ne contribue nullement
à la réduire ou à l'éradiquer. Son
efficacité est liée à celle de la restitutio in
intégrum, et c'est certainement la raison pour laquelle la C.I.J.
relève les limites inhérentes aux mécanismes de
réparation du dommage écologique279(*). Ce sont ces limites qui
justifient le recours aux modes plus appropriés de réparation du
dommage écologique.
B. Vers une
consécration jurisprudentielle des modes appropriés de
réparation du dommage écologique.
La recherche des modes appropriés de réparation
du dommage écologique se révèle encore plus
nécessaire dans le domaine de la protection de l'environnement. Dans ce
domaine en effet, la vigilance et la prévention s'imposent en raison du
caractère souvent irréversible des dommages causés
à l'environnement280(*). Il s'agit donc de trouver des mécanismes
qui, tout en intégrant une dimension préventive dans la
réparation du dommage (réparation en amont), permettent
également une réaction rapide face à un dommage
écologique. Deux mécanismes vont faire l'objet d'étude
dans le cadre de ce travail, à savoir la compensation d'une part et
l'assurance d'autre part.
S'agissant de la compensation, elle doit, pour être bien
comprise, être distinguée de l'indemnisation. En effet,
l'indemnisation est une forme de réparation par équivalent d'un
dommage dont la réalisation est constatée après coup. Par
contre, la compensation est une forme imparfaite de réparation par
équivalent concomitante à la persistance du dommage,
destinée à concilier le maintien d'une activité
d'intérêt général polluante et la sauvegarde
d'intérêts particuliers281(*). Dans le cadre des rapports interétatiques,
cela équivaudrait à une conciliation entre le maintien d'une
activité d'intérêt national polluante d'un Etat et
l'intérêt écologique d'un autre Etat. Cette forme de
réparation est adaptée pour les dommages dont il est impossible
de faire cesser purement et simplement l'activité préjudiciable,
sans entrainer des conséquences économiques et sociales
insupportables pour la collectivité. Elle consiste donc, selon
Pierre-Marie Dupuy, à laisser subsister la cause du dommage et tenter
d'en réduire les conséquences fâcheuses, en indemnisant les
victimes sans pouvoir toutefois leur garantir une cessation définitive
du préjudice282(*). Il en est ainsi des dommages d'origine
technologique et industrielle. Dans ces conditions, le dommage n'est pas
réparé comme dans la procédure classique de
réparation des dommages, mais seulement compensé. Cette solution
aurait pu être envisagée par la C.I.J. dans l'affaire du projet
Gabcikovo-Nagymaros. En effet, la Cour constate que la démolition des
ouvrages de Cunovo entrainera des conséquences économiques
insupportables pour la Slovaquie. Faute de pouvoir recourir à la
restitutio in intégrum, elle envisage une solution selon
laquelle, si la Hongrie participe à l'exploitation du complexe de Cunovo
et reçoit sa part de bénéfices, elle devra payer une part
proportionnelle des coûts de construction et de fonctionnement283(*). Mais une autre solution
aurait été de permettre à la Slovaquie de mettre en
service la variante c malgré ses conséquences
écologiquement dommageables, contre paiement à la Hongrie d'une
juste compensation. Cette solution est d'autant plus intéressante que
les deux parties n'arrivent toujours pas à se mettre d'accord sur la
gestion conjointe de ce qui reste du projet284(*).
Pour ce qui est enfin de l'assurance, elle peut être
envisagée sous deux formes. Il peut s'agir, pour deux Etats qui veulent
mettre en oeuvre un projet, de mettre à la charge d'un tiers
(l'assureur) la réparation des conséquences dommageables des
activités envisagées, contre paiement d'une prime raisonnable.
C'est le mécanisme de l'assurance au sens propre du terme. Il peut aussi
s'agir pour les Etats de mettre sur pied un fond de garantie auquel il serait
fait appel toutes les fois où il sera question de réparer les
dommages écologiques causés par une activité
étatique ou interétatique. Ces deux formes de réparation
qui ont fait leurs preuves en matière de réparation des dommages
causés par les hydrocarbures semblent appropriées pour
s'appliquer au dommage écologique. En effet, elles permettent une
réaction prompte et rapide face à une pollution par la
mobilisation immédiate des moyens financiers nécessaires à
l'indemnisation des populations et au lancement des activités de
dépollution. Cela permet d'éviter les longues procédures
imposées par les mécanismes classiques de réparation du
dommage qui préconisent la détermination des
responsabilités avant toute réparation du préjudice. Ces
deux modes de réparation des dommages trouvent donc leur fondement dans
la nécessité de réduire au maximum les dommages
causés par la pollution. Ils devraient donc être
intégrés dans les conventions signées entre les Etats en
vue de la réalisation d'un projet. Mais pour une plus grande
efficacité de ces modes de réparation, il serait souhaitable
qu'ils fassent l'objet d'une consécration jurisprudentielle,
étant entendu que le rôle joué par la C.I.J. dans la
consécration des normes est très important et déterminant.
CONCLUSION
Au terme cette étude, on peut relever sans risque de se
tromper que la contribution de la Cour au développement des
règles du droit international de l'environnement est significative. Il
ne fait aucun doute que le juge de la C.I.J. a usé de son pouvoir
normateur en systématisant les solutions particulières d'une part
et en individualisant les notions abstraites du droit international d'autre
part. Ainsi par exemple, la Cour a pu donner un contenu à la notion
d'environnement tant dans ses éléments constitutifs que dans sa
valeur juridique, tout en précisant les principes de protection qui s'y
appliquent ainsi que les obligations qui en découlent. Elle a par
ailleurs individualisé des notions abstraites du droit international
telles que l'utilisation non dommageable du territoire, l'obligation de
coopération entre les Etats...etc. Par ce faire, le juge de la C.I.J.
confirme sa place essentielle de la jurisprudence en tant que moyen auxiliaire
de détermination de la règle de droit285(*).
L'idée d'une contribution significative de la Cour au
développement du droit international de l'environnement semble largement
admise. En effet, le Professeur Doumbé-Billé fait remarquer que
c'est par l'action du juge international qu'ont été
consacrés les principes qui ont contribué à faire du droit
de l'environnement un droit positif, à forte teneur normative et ayant
vocation à être juridiquement sanctionné286(*). Dans le même sens, le
juge Ranjeva affirme que la Cour Internationale de Justice a pu dégager
sans difficulté, à partir des principes fondamentaux du droit
coutumier, des règles pertinentes dans le droit de
l'environnement287(*).
Mais il faut reconnaître que dans la plupart des
affaires présentant une dimension écologique importante, le
contentieux environnemental n'a jamais été l'objet principal du
différend. Même dans l'affaire Gabcikovo-Nagymaros pourtant
considérée dans la doctrine comme marquant l'irruption de
l'environnement dans la jurisprudence de la C.I.J., « la
question de la protection de l'environnement n'a pas été, et
n'est pas, l'objet principal du différend »288(*). Dans cette affaire en
effet, les questions qui étaient traitées à titre
principal étaient relatives au droit des traités d'une part et au
droit de la responsabilité d'autre part. Cet état de fait a
permis de rendre compte de la difficulté à laquelle fait face le
juge international lorsque ce dernier doit à la fois contribuer au
développement d'un droit nouveau tout en faisant application des
règles du droit international solidement établies. Face à
ce droit classique, il n'a pas été possible pour le juge de tirer
des conclusions audacieuses en faveur du droit international de
l'environnement. C'est ainsi que des notions telles que l'état de
nécessité écologique ou encore le changement fondamental
de circonstances écologiques n'ont pas eu une consécration
autonome, ceci après une application stricte des règles du droit
classique. En effet pour ce qui est notamment de ces deux notions, les juges
ont eu recours respectivement à l'article 33 du projet d'articles de la
C.D.I. sur la responsabilité internationale des Etats et à
l'article 62 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traités, abstraction faite de la dimension écologique
ajoutée à ces notions. La spécificité
écologique des arguments examinés par la Cour n'aura donc pas
suffi à permettre un examen autonome et une consécration plus
poussée des règles de droit international de l'environnement. Ce
résultat auquel la Cour aboutit pourrait être attribué
à la difficulté qu'éprouve tout juge international, et
particulièrement celui de la de la C.I.J., à s'émanciper
des règles du droit classique. Effectivement comme le dit bien le
Professeur Kamto, « en son état actuel, le droit de
l'environnement apparait ainsi un droit prudent parce que peu imaginatif et
insuffisant parce que trop classique. Certes, le droit traditionnel dispose
aussi de puissants outils théoriques susceptibles d'être
adaptés à la protection et à la gestion de
l'environnement. Mais le droit de l'environnement souffre à cet
égard du reflexe conditionné des juristes qui consiste à
aborder les problèmes nouveaux à l'aide d'ustensiles juridiques
et de moyens théoriques disponibles plutôt que de forger de
nouveaux concepts et de nouvelles approches »289(*).
C'est dire en définitive que malgré le
caractère « soft » reconnu aux normes
environnementales, le juge international parvient à en faire application
dans sa jurisprudence. Pour y arriver, il procède à la
détermination de la nature et de la valeur de ces normes ainsi que des
obligations précises qui en découlent, avant de les appliquer
à des situations juridiques concrètes. Cependant, lorsqu'il
procède à cette entreprise de détermination des
règles du droit international de l'environnement, le juge de la C.I.J.
fait face aux règles du droit international classique desquelles il
s'émancipe difficilement. Par conséquent, on note une
consécration des normes environnementales par la Cour,
consécration toutefois édulcorée par la place très
importante qu'occupent les autres règles du droit international
classique. Pour remédier à cette situation, il serait souhaitable
que le juge de la C.I.J. fasse preuve de plus d'imagination et d'innovation
d'une part et de moins de prudence d'autre part. Il s'agit de trouver un
équilibre parfait entre la nécessité de donner des bases
solides et une normativité avérée au droit international
de l'environnement et le souci de préserver la solidité de la
structure normative existante. Cela paraît d'autant plus justifié
que la Cour n'a cessé de rappeler toute l'importance du droit
international de l'environnement à son égard. Mais au-delà
de la Cour, le développement du droit international de l'environnement
passe aussi par un perfectionnement de l'oeuvre législative des Etats
à travers les traités conclus entre ces derniers dans le domaine
de la protection de l'environnement. Ainsi par exemple, la place de la
protection de l'environnement peut se voir renforcée dans les
traités, de manière à faire des règles en la
matière une des composantes des considérations
élémentaires d'humanité. C'est à ce prix
également que le droit international de l'environnement pourra
connaître un essor considérable et s'affirmer comme branche du
droit international public au même titre que toutes les autres branches
de ce droit.
S'il s'est frayé un chemin important dans le
contentieux international, le contentieux environnemental a encore beaucoup
à apporter au droit international de l'environnement, dans le sens de
son affirmation véritable. Cela passe par une floraison du contentieux
environnemental devant la C.I.J., ce qui pour le moment n'est pas le cas. En
effet, malgré l'affirmation de l'importance que la Cour accorde à
la protection de l'environnement et la mise sur pied d'une chambre
spéciale pour les questions d'environnement, le droit international de
l'environnement n'occupe pas encore le devant de la scène contentieuse
internationale. Cet état de fait est tributaire de l'absence d'affaires
dans lesquelles le droit international de l'environnement est traité
à titre principal, indépendamment des autres branches du droit
international classique. L'avenir du droit international de l'environnement
semble donc être lié à celui du contentieux international
de l'environnement.
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Générale des Nations Unies.
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durable.
-Déclaration de RIO du 14 Juin 1992 sur l'environnement
et le développement.
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Nations Unies de 1972 sur l'environnement humain.
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modification de l'environnement à des fins militaires ou toutes autres
fins hostiles du 10 Décembre 1976.
-Convention de Vienne du 23 Mai 1969 sur le droit des
traités.
-Convention de Espoo (Finlande) du 25 Février 1991 sur
l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte
transfrontière.
-Statut de la Cour Internationale de Justice.
JURISPRUDENCE
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juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en
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consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Iran c. Etats-Unis),
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12 Mai 2009).
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papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), Ordonnance en indication
de mesures conservatoires,
www.icj-cij.org, (consultation du
20Avril 2009).
- C.I.J., 23 Janvier 2007, Usines de pâte à
papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), Ordonnance en indication
de mesures conservatoires,
www.icj-cij.org, (consultation du
20Avril 2009).
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sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay),
www.icj-cij.org, (consultation du
22 Avril 2010).
ANNEXES
AFFAIRE RELATIVE AU PROJET
GABCÍKOVO-NAGYMAROS
(HONGRIE/SLOVAQUIE)
Arrêt du 25 septembre 1997
Dans son arrêt sur l'affaire relative au Projet
Gabcíkovo-Nagymaros(Hongrie/Slovaquie), la Cour a
décidé que la Hongrie n'était pas en droit de
suspendre puis d'abandonner, en 1989, la partie des travaux qui
lui incombait dans le cadre du projet de barrage, tels qu'ils
étaient déterminés dans le Traité signé
en 1977 par la Hongrie et la Tchécoslovaquie et dans les
instruments y afférents; la Cour a décidé en
outre que la Tchécoslovaquie était en droit
d'entreprendre, en novembre 1991, les travaux préparatoires en
vue de la mise en oeuvre d'une solution alternative et provisoire (la
« variante C »), mais non de la mettre
unilatéralement en service en octobre 1992; que la
notification, le 19 mai 1992, par la Hongrie de la terminaison du
Traité de 1977 et des instruments y afférents n'a pas eu
pour effet juridique d'y mettre fin (et que par conséquent ils
sont toujours en vigueur et régissent les relations entre les
Parties); et que la Slovaquie, en tant que successeur de la
Tchécoslovaquie, est devenue partie au Traité de
1977.
Quant au futur comportement des Parties, la Cour a conclu :
que la Hongrie et la Slovaquie doivent conduire des négociations de
bonne foi en tenant compte de la situation existante, et qu'elles doivent
prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer la
réalisation des objectifs du Traité de 1977; que, sauf si les
Parties en conviennent autrement, un régime opérationnel conjoint
pour le barrage en territoire slovaque doit être établi
conformément au Traité de 1977; que chaque Partie doit indemniser
l'autre Partie pour les dommages causés par son comportement; et que le
règlement des comptes concernant la construction et le fonctionnement
des ouvrages doit être effectué conformément aux
dispositions pertinentes du Traité de 1977 et des instruments y
afférents. De plus, la Cour a décidé que des normes du
droit de l'environnement, récemment apparues, étaient pertinentes
à l'exécution du Traité et que les Parties pouvaient, d'un
commun accord, en tenir compte en appliquant plusieurs de ses articles. Elle a
conclu que les Parties, pour concilier le développement
économique et la protection de l'environnement, « devraient
examiner à nouveau les effets sur l'environnement de l'exploitation de
la centrale de Gabcíkovo. En particulier, elles doivent trouver une
solution satisfaisante en ce qui concerne le volume d'eau à
déverser dans l'ancien lit du Danube et dans les bras situés de
part et d'autre du fleuve ».
La Cour était composée comme suit : M. Schwebel,
Président; M. Weeramantry, Vice-Président; MM. Oda, Bedjaoui,
Guillaume, Ranjeva, Herczegh, Shi, Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin,
Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges; M. Skubiszewski, juge ad hoc; M.
Valencia-Ospina, Greffier.
*
* *
Le dispositif de l'arrêt se lit comme suit :
« 155. Par ces motifs,
LA COUR,
1) Vu le paragraphe 1 de l'article 2 du compromis,
A. Dit, par quatorze voix contre une, que la Hongrie
n'était pas en droit de suspendre puis d'abandonner, en 1989, les
travaux relatifs au projet de Nagymaros ainsi qu'à la partie du projet
de Gabcíkovo dont elle était responsable aux termes du
Traité du 16 septembre 1977 et des instruments y afférents;
POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry,
Vice-Président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Shi,
Fleischhauer, Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges;
M. Skubiszewski, juge ad hoc;
CONTRE : M. Herczegh, juge;
B. Dit, par neuf voix contre six, que la
Tchécoslovaquie était en droit de recourir, en novembre 1991,
à la « solution provisoire » telle que décrite aux
termes du compromis;
POUR : M. Weeramantry, Vice-Président; MM. Oda,
Guillaume, Shi, Koroma,Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, juges; M.
Skubiszewski, juge ad hoc;
CONTRE : M. Schwebel, Président; MM. Bedjaoui, Ranjeva,
Herczegh, Fleischhauer, Rezek, juges;
C. Dit, par dix voix contre cinq, que la
Tchécoslovaquie n'était pas en droit de mettre en service,
à partir d'octobre 1992, cette « solution provisoire »;
POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry,
Vice-Président; MM. Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Herczegh, Shi,
Fleischhauer, Kooijmans, Rezek, juges;
CONTRE : MM. Oda, Koroma,Vereshchetin, Parra-Aranguren, juges;
M. Skubiszewski, juge ad hoc;
D. Dit, par onze voix contre quatre, que la
notification, le 19 mai 1992, de la terminaison du Traité du 16
septembre 1977 et des instruments y afférents par la Hongrie n'a pas eu
pour effet juridique d'y mettre fin;
POUR : M. Weeramantry, Vice-Président; MM. Oda,
Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Shi, Koroma, Vereshchetin, Parra-Aranguren,
Kooijmans, juges;
M. Skubiszewski, juge ad hoc;
CONTRE : M. Schwebel, Président; MM. Herczegh,
Fleischhauer, Rezek, juges;
2) Vu le paragraphe 2 de l'article 2 et l'article 5 du
compromis,
A. Dit, par douze voix contre trois, que la
Slovaquie, en tant que successeur de la Tchécoslovaquie, est devenue
partie au Traité du 16 septembre 1977 à compter du 1er janvier
1993;
POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry,
Vice-président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Shi, Koroma,
Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, juges; M. Skubiszewski, juge ad
hoc;
CONTRE : MM. Herczegh, Fleischhauer, Rezek, juges;
B. Dit, par treize voix contre deux, que la Hongrie
et la Slovaquie doivent négocier de bonne foi en tenant compte de la
situation existante et doivent prendre toutes mesures nécessaires
à l'effet d'assurer la réalisation des objectifs du Traité
du 16 septembre 1977, selon des modalités dont elles conviendront;
POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry,
Vice-président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Shi, Koroma,
Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges; M. Skubiszewski, juge
ad hoc;
CONTRE : MM. Herczegh, Fleischhauer, juges;
C. Dit, par treize voix contre deux, que, sauf si les
Parties en conviennent autrement, un régime opérationnel conjoint
doit être établi conformément au Traité du 16
septembre 1977;
POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry,
Vice-président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Shi, Koroma,
Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges; M. Skubiszewski, juge
ad hoc;
CONTRE : MM. Herczegh, Fleischhauer, juges;
D. Dit, par douze voix contre trois, que, sauf si les
Parties en conviennent autrement, la Hongrie devra indemniser la Slovaquie pour
les dommages subis par la
Tchécoslovaquie et par la Slovaquie du fait de la
suspension et de l'abandon par la Hongrie de travaux qui lui incombaient; et la
Slovaquie devra indemniser la
Hongrie pour les dommages subis par cette dernière du
fait de la mise en service de la « solution provisoire » par la
Tchécoslovaquie et de son maintien en service par la Slovaquie;
POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry,
Vice-président; MM. Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Herczegh, Shi,
Fleischhauer, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges; M. Skubiszewski, juge
ad hoc;
CONTRE : MM. Oda, Koroma, Vereshchetin, juges;
E. Dit, par treize voix contre deux, que le
règlement des comptes concernant la construction et le fonctionnement
des ouvrages doit être effectué conformément aux
dispositions pertinentes du Traité du 16 septembre 1977 et des
instruments y afférents, compte dûment tenu des mesures qui auront
été prises par les Parties en application des points 2 B et C du
présent dispositif.
POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry,
Vice-président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Shi, Koroma,
Vereshchetin, Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges; M. Skubiszewski, juge
ad hoc;
CONTRE : MM. Herczegh, Fleischhauer, juges.
*
* *
M. Schwebel, Président, et M. Rezek ont joint des
déclarations à l'arrêt de la Cour; M. Weeramantry, Vice-
Président, et MM. Bedjaoui et Koroma ont joint à l'arrêt
les exposés de leur opinion individuelle; MM. Oda, Ranjeva, Herczegh,
Fleischhauer, Vereshchetin, Parra-Aranguren et M. Skubiszewski, juge ad hoc,
ont joint à l'arrêt les exposés de leur opinion
dissidente.
*
* *
Rappel de la procédure et exposé des
demandes
(par. 1 à 14)
La Cour commence par rappeler que l'instance a
été introduite, le 2 juillet 1993, par la notification conjointe,
par la Hongrie et la Slovaquie, d'un compromis, signé à Bruxelles
le 7 avril 1993. Après avoir cité le texte du compromis, la Cour
expose les étapes successives de la procédure, mentionnant, en
autres choses, la visite sur les lieux qu'elle a effectuée, à
l'invitation des Parties, du 1er au 4 avril 1997. Elle énonce ensuite
les conclusions des Parties.
Historique du différend
(par. 15 à 25)
La Cour rappelle que la présente affaire trouve son
origine dans la signature, le 16 septembre 1977, par la République
populaire hongroise et la République socialiste tchécoslovaque
d'un traité « relatif à la construction et au fonctionnement
du système d'écluses de Gabcíkovo-Nagymaros »
(dénommé ci-après le « Traité de 1977 »).
Le nom des deux États contractants a varié au cours des ans; ils
sont dénommés ci-après la Hongrie et la
Tchécoslovaquie. Le Traité de 1977 est entré en vigueur le
30 juin 1978. Il prévoit la construction et l'exploitation du
système d'écluses par les Parties « en tant
qu'investissement conjoint ». Selon le préambule du Traité,
le système avait pour but « de mettre en valeur, de façon
générale, les ressources naturelles de la section
Bratislava-Budapest du Danube aux fins du développement des secteurs des
ressources hydrauliques, de l'énergie, des transports et de
l'agriculture et des autres secteurs de l'économie nationale des Parties
contractantes ». L'investissement conjoint tendait ainsi essentiellement
à la production d'hydroélectricité, à
l'amélioration de la navigation sur le tronçon en cause du Danube
et à la protection des régions riveraines contre les inondations.
En même temps, les Parties contractantes, selon les termes du
Traité, s'engageaient tant à veiller à ce que la mise en
oeuvre du projet ne compromette pas la qualité des eaux du Danube
qu'à s'acquitter de leurs obligations concernant la protection de la
nature et découlant de la construction et du fonctionnement du
système d'écluses. Le secteur du Danube auquel se rapporte la
présente affaire est un tronçon d'environ 200 kilomètres,
entre
Bratislava, en Slovaquie, et Budapest, en Hongrie. En aval de
Bratislava, la déclivité du fleuve diminue sensiblement,
créant une plaine alluviale de gravier et de sédiments sableux.
La frontière entre les deux États est constituée dans la
majeure partie de cette région par le chenal principal du fleuve. Cunovo
et, plus en aval, Gabcíkovo sont situés dans ce secteur du
fleuve, en territoire slovaque; Cunovo est situé sur la rive droite du
fleuve et Gabcíkovo sur la rive gauche.
Plus bas, après jonction des divers bras, le fleuve
entre en territoire hongrois. Nagymaros se trouve dans une vallée
étroite à un endroit où le Danube fait un coude juste
avant de se diriger vers le sud, entourant la grande île fluviale de
Szentendre avant d'atteindre Budapest (voir le croquis no 1). Les principaux
ouvrages à construire en exécution du projet sont décrits
dans le Traité de 1977. Deux séries d'écluses
étaient prévues, l'une à Gabcíkovo (en territoire
tchécoslovaque), l'autre à Nagymaros (en territoire hongrois), en
vue de constituer « un système d'ouvrages opérationnel,
unique et indivisible » (voir le croquis no 2). Le Traité
prévoyait en outre que les spécifications techniques concernant
le système seraient fixées dans le « plan contractuel
conjoint », qui devait être établi conformément
à l'accord signé à cette fin par les deux gouvernements le
6 mai 1976; il prévoyait également que la construction, le
financement et la gestion des travaux seraient menés à bien
conjointement et que les Parties y participeraient à parts
égales. Sur un grand nombre de points, le plan contractuel conjoint
précisait à la fois les objectifs du système et les
caractéristiques des ouvrages. Il comprenait également des «
consignes provisoires d'exploitation et d'entretien » dont l'article 23
précisait que « Les consignes d'exploitation définitives
[seraient] agréées dans un délai d'un an à compter
de la mise en service du système. »
La Cour observe que le projet devait donc se présenter
comme un projet conjoint intégré dans lequel les deux Parties
contractantes seraient sur un pied d'égalité en ce qui concerne
le financement, la construction et l'exploitation des ouvrages. Son
caractère unique et indivisible devait être
concrétisé grâce au plan contractuel conjoint qui
complétait le Traité. C'est sous le contrôle de la Hongrie,
en particulier, que se seraient trouvés les vannes de Dunakiliti et les
ouvrages de Nagymaros, tandis que les ouvrages de Gabcíkovo auraient
été placés sous le contrôle de la
Tchécoslovaquie.
*
* *
Le calendrier de réalisation des travaux avait pour sa
part été fixé dans un accord d'assistance mutuelle
signé par les deux Parties le 16 septembre 1977, en même temps que
le Traité lui-même. L'accord apportait quelques retouches à
la répartition des travaux entre les Parties telle
qu'opérée par le Traité. Les travaux relatifs au projet
commencèrent en 1978. À l'initiative de la Hongrie, les deux
Parties convinrent d'abord, par deux protocoles signés le 10 octobre
1983, de ralentir les travaux et de différer la mise en
service des centrales, puis, par un protocole signé le 6 février
1989, d'accélérer le projet. À la suite de vives critiques
que le projet avait suscitées en Hongrie, le Gouvernement hongrois
décida le 13 mai 1989 de suspendre les travaux à Nagymaros en
attendant l'achèvement de diverses études que les
autorités compétentes devaient mener à bien avant le 31
juillet 1989. Le 21 juillet 1989, le Gouvernement hongrois prolongea jusqu'au
31 octobre 1989 la suspension des travaux à Nagymaros et suspendit en
outre les travaux à Dunakiliti jusqu'à la même date. Enfin,
le 27 octobre 1989, la Hongrie décida d'abandonner les travaux à
Nagymaros et de maintenir le statu quo à Dunakiliti. Au cours de cette
période, des négociations furent tenues entre les Parties. La
Tchécoslovaquie mit aussi à l'étude des solutions de
rechange. L'une d'entre elles, solution de rechange dénommée par
la suite « variante C », impliquait le détournement
unilatéral du Danube par la Tchécoslovaquie sur son territoire
à quelque 10 kilomètres en amont de Dunakiliti (voir le croquis
no 3). Dans son dernier état, la variante C comportait la construction
à Cunovo d'un barrage déversoir et d'une digue reliant ce barrage
à la rive sud du canal de dérivation. Des ouvrages accessoires
étaient prévus.
Le 23 juillet 1991, le Gouvernement slovaque décida de
« commencer en septembre 1991 les constructions en vue de permettre la
mise en exploitation du projet de Gabcíkovo grâce à la
solution provisoire ». Les travaux relatifs à la variante C
commencèrent en novembre 1991. Les discussions se poursuivirent en vain
entre les deux Parties et, le 19 mai 1992, le Gouvernement hongrois transmit au
Gouvernement tchécoslovaque une note verbale mettant fin, à
compter du 25 mai 1992, au Traité de 1977. Le 15 octobre 1992, la
Tchécoslovaquie entama les travaux devant permettre la fermeture du
Danube et elle procéda, à partir du 23 octobre, au barrage du
fleuve.
La Cour enfin prend note du fait que le 1er janvier 1993, la
Slovaquie devint un État indépendant; que dans le compromis
conclu par la suite entre la Hongrie et la Slovaquie les Parties étaient
convenues d'établir et d'appliquer un régime temporaire de
gestion des eaux pour le Danube; et qu'elles ont conclu finalement, le 19 avril
1995, un accord à cet effet, qui doit prendre fin quatorze jours
après le prononcé de l'arrêt de la Cour. La Cour observe
également que le préambule du compromis s'applique non seulement
au Traité de 1977, mais aussi aux « instruments y afférents
»; et que les Parties, tout en concentrant leur argumentation sur le
Traité de 1977, paraissent avoir étendu leur démonstration
aux «instruments y afférents ».
Suspension et abandon par la Hongrie en 1989 des
travaux relatifs au projet
(par. 27 à 59)
Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, alinéa
a, du compromis, il est demandé en premier lieu à la
Cour de dire « si la République de Hongrie était en droit de
suspendre puis d'abandonner, en 1989, les travaux relatifs au projet de
Nagymaros ainsi qu'à la partie du projet de Gabcíkovo dont la
République de Hongrie est responsable aux termes du Traité
».
La Cour observe qu'elle n'a pas à s'attarder sur la
question de l'applicabilité ou de l'inapplicabilité en
l'espèce de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traités qu'ont invoquée les Parties. Il lui suffit de rappeler
qu'à plusieurs reprises déjà, elle a eu l'occasion de dire
que certaines des règles énoncées dans ladite convention
pouvaient être considérées comme une codification du droit
coutumier existant. La Cour est d'avis qu'à bien des égards tel
est le cas des règles de la Convention de Vienne afférentes
à l'extinction et à la suspension de l'application des
traités, énoncées à ses articles 60 à 62. La
Cour ne perd pas non plus de vue que la Convention de Vienne est en tout
état de cause applicable au Protocole du 6 février 1989 par
lequel la Hongrie et la Tchécoslovaquie étaient convenues
d'accélérer les travaux relatifs au projet
Gabcíkovo-Nagymaros. La Cour n'a pas davantage à s'étendre
sur la question des relations qu'entretiennent le droit des traités et
le droit de la responsabilité des États, à laquelle les
Parties ont consacré de longs développements. Ces deux branches
du droit international ont en effet, à l'évidence, des champs
d'application distincts. C'est au regard du droit des traités qu'il
convient de déterminer si une convention est ou non en vigueur, et si
elle a ou non été régulièrement suspendue ou
dénoncée. C'est en revanche au regard du droit de la
responsabilité des États qu'il y a lieu d'apprécier dans
quelle mesure la suspension ou la dénonciation d'une convention qui
serait incompatible avec le droit des traités engage la
responsabilité de l'État qui y a procédé. La Cour
ne peut suivre la Hongrie lorsque celle-ci soutient qu'en suspendant puis en
abandonnant en 1989 les travaux dont elle avait encore la charge à
Nagymaros et à Dunakiliti, elle n'a pas suspendu l'application du
Traité de 1977 lui-même, puis rejeté ce traité. Le
comportement de la Hongrie à l'époque ne peut être
interprété que comme traduisant sa volonté de ne pas
exécuter au moins certaines dispositions du Traité et du
protocole du 6 février 1989, telles que précisées dans le
plan contractuel conjoint. L'effet du comportement de la Hongrie a
été de rendre impossible la réalisation du système
d'ouvrages que le Traité qualifiait expressément d'« unique
et indivisible ». La Cour examine ensuite la question de savoir s'il
existait, en 1989, un état de nécessité qui eût
permis à la Hongrie, sans engager sa responsabilité
internationale, de suspendre et d'abandonner des travaux qu'elle était
tenue de réaliser conformément au Traité de 1977 et aux
instruments y afférents. La Cour observe tout d'abord que l'état
de nécessité constitue une cause, reconnue par le droit
international coutumier, d'exclusion de l'illicéité d'un fait non
conforme à une obligation internationale. Elle considère en outre
que cette cause d'exclusion de l'illicéité ne saurait être
admise qu'à titre exceptionnel. Dans la présente affaire, les
conditions de base suivantes, énoncées à l'article 33 du
projet d'articles sur la responsabilité internationale des États
de la Commission du droit international sont pertinentes : un «
intérêt essentiel » de l'État auteur du fait contraire
à l'une de ses obligations internationales doit avoir été
en cause; cet intérêt doit avoir été menacé
par un « péril grave et imminent »; le fait incriminé
doit avoir été le « seul moyen » de sauvegarder ledit
intérêt; ce fait ne doit pas avoir « gravement porté
atteinte à un intérêt essentiel » de l'État
à l'égard duquel l'obligation existait; et l'État auteur
dudit fait ne doit pas avoir « contribué à la survenance de
l'état de nécessité ». Ces conditions
reflètent le droit international coutumier.
La Cour ne voit aucune difficulté à
reconnaître que les préoccupations exprimées par la Hongrie
en ce qui concerne son environnement naturel dans la région
affectée par le projet Gabcíkovo-Nagymaros avaient trait à
un « intérêt essentiel » de cet État. La Cour
estime cependant que, s'agissant aussi bien de Nagymaros que de
Gabcíkovo, les périls invoqués par la Hongrie, sans
préjudice de leur gravité éventuelle, n'étaient en
1989 ni suffisamment établis, ni « imminents »; et que, pour y
faire face, la Hongrie disposait à l'époque d'autres moyens que
la suspension et l'abandon de travaux dont elle avait la charge. Qui plus est,
des négociations étaient en cours, qui auraient pu aboutir
à une révision du projet et au report de certaines de ses
échéances, sans qu'il fût besoin de l'abandonner. La Cour
de plus observe que la Hongrie, lorsqu'elle a décidé de conclure
le Traité de 1977, était - à ce que l'on peut supposer -
consciente de la situation telle qu'elle était alors connue; et que la
nécessité d'assurer la protection de l'environnement n'avait pas
échappé aux Parties. Elle ne peut manquer de noter les positions
adoptées par la Hongrie après l'entrée en vigueur du
Traité de 1977. En 1983, la Hongrie a sollicité le ralentissement
des travaux prescrits par le Traité. En 1989, elle a sollicité
l'accélération desdits travaux. La Cour infère qu'en
l'espèce, même s'il avait été établi qu'il
existait en 1989 un état de nécessité lié à
l'exécution du Traité de 1977, la Hongrie n'aurait pas
été admise à s'en prévaloir pour justifier le
manquement à ses obligations conventionnelles, car elle aurait
contribué, par action ou omission, à sa survenance.
Au vu des conclusions auxquelles elle est parvenue ci-dessus,
la Cour conclut que la Hongrie n'était pas en droit de suspendre puis
d'abandonner, en 1989, les travaux relatifs au projet de Nagymaros ainsi
qu'à la partie du projet de Gabcíkovo dont elle était
responsable aux termes du Traité de 1977 et des instruments y
afférents.
Recours par la Tchécoslovaquie, en novembre
1991,
à la « variante C » et mise en service,
à partir
d'octobre 1992, de cette variante
(par. 60 à 88)
Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, alinéa
b, du compromis, il est demandé en second lieu à la Cour
de dire « b) si la République fédérative
tchèque et slovaque était en droit de recourir, en novembre 1991,
à la «solution provisoire» et de mettre en service, à
partir d'octobre 1992, ce système ».
La Tchécoslovaquie avait soutenu que le recours
à la variante C et la mise en service de celle-ci ne constituaient pas
des faits internationalement illicites; la Slovaquie a repris cette
thèse. Au cours de la procédure devant la Cour, la Slovaquie a
affirmé que la décision de la Hongrie de suspendre puis
d'abandonner la construction des ouvrages à Dunakiliti avait mis la
Tchécoslovaquie dans l'impossibilité d'effectuer les travaux tels
qu'ils avaient initialement été envisagés par le
Traité de 1977 et que cette dernière était en
conséquence en droit de recourir à une solution qui était
aussi proche que possible du projet initial. La Slovaquie a invoqué ce
qu'elle a décrit comme un « principe d'application par
approximation » pour justifier la construction et la mise en service de la
variante C. Elle a expliqué que c'était là la seule
possibilité qui lui restait « non seulement d'atteindre les buts
visés par le Traité de
1977, mais encore de respecter l'obligation continue de mettre
en oeuvre ledit traité de bonne foi ». La Cour observe qu'elle n'a
pas à déterminer s'il existe un principe de droit international
ou un principe général de droit d'« application par
approximation » car, même si un tel principe existait, il ne
pourrait par définition y être recouru que dans les limites du
traité en cause. Or, de l'avis de la Cour, la variante C ne satisfait
pas à cette condition primordiale au regard du Traité de 1977.
Comme la Cour l'a déjà observé, la caractéristique
fondamentale du Traité de 1977 est, selon son article premier, de
prévoir la construction du système d'écluses de
Gabcíkovo-Nagymaros en tant qu'investissement conjoint constituant un
système d'ouvrages opérationnel, unique et indivisible. Cet
élément est également reflété aux articles 8
et 10 du Traité, qui prévoient la propriété
conjointe des ouvrages les plus importants du projet Gabcíkovo-Nagymaros
et l'exploitation de cette propriété conjointe comme une
entité unique et coordonnée. Par définition, tout cela ne
pouvait être réalisé par voie d'action unilatérale.
En dépit d'une certaine ressemblance physique extérieure avec le
projet initial, la variante C en diffère donc nettement quant à
ses caractéristiques juridiques. La Cour conclut en conséquence
que la Tchécoslovaquie, en mettant en service la variante C, n'a pas
appliqué le Traité de 1977 mais, au contraire, a violé
certaines de ses dispositions expresses et, de ce fait, a commis un acte
internationalement illicite.
La Cour note qu'entre novembre 1991 et octobre 1992, la
Tchécoslovaquie s'est bornée à exécuter sur son
propre territoire des travaux qui étaient certes nécessaires pour
la mise en oeuvre de la variante C, mais qui auraient pu être
abandonnés si un accord était intervenu entre les Parties et ne
préjugeaient dès lors pas de la décision définitive
à prendre. Tant que le Danube n'avait pas été barré
unilatéralement, la variante C n'avait en fait pas été
appliquée. Une telle situation n'est pas rare en droit international,
comme d'ailleurs en droit interne. Un fait illicite ou une infraction est
fréquemment précédé d'actes préparatoires
qui ne sauraient être confondus avec le fait ou l'infraction
eux-mêmes. Il convient de distinguer entre la réalisation
même d'un fait illicite (que celui-ci soit instantané ou continu)
et le comportement antérieur à ce fait qui présente un
caractère préparatoire et « qui ne saurait être
traité comme un fait illicite ». La Slovaquie a aussi soutenu que
son action était motivée par une obligation d'atténuer des
dommages lorsqu'elle a réalisé la variante C. Elle a
déclaré que « c'est un principe de droit international
qu'une partie lésée du fait de la non-exécution d'un
engagement pris par une autre partie doit s'employer à atténuer
les dommages qu'elle a subis ». Mais la Cour observe que si ce principe
pourrait ainsi fournir une base pour le calcul de dommages et
intérêts, en revanche, il ne saurait justifier ce qui constitue
par ailleurs un fait illicite. La Cour estime de plus que le
détournement du Danube effectué par la Tchécoslovaquie
n'était pas une contre-mesure licite, faute d'être
proportionnée.
Au vu des conclusions auxquelles elle est parvenue ci-dessus,
la Cour conclut que la Tchécoslovaquie était en droit de
recourir, en novembre 1991, à la variante C, dans la mesure où
elle se bornait alors à entamer des travaux qui ne préjugeaient
pas de la décision définitive qu'elle devait prendre. En
revanche, la Tchécoslovaquie n'était pas en droit de mettre en
service cette variante à partir d'octobre1992.
Notification par la Hongrie, le 19 mai 1992,
de la terminaison du Traité de 1977
et des instruments y afférents
(par. 89 à 115)
Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, alinéa
c, du compromis, il est demandé à la Cour en
troisième lieu de dire « quels sont les effets juridiques de la
notification, le 19 mai 1992, de la terminaison du Traité par la
République de Hongrie ».
Au cours de la procédure, la Hongrie a
présenté cinq motifs en vue de démontrer que la
notification de terminaison était licite, et par suite effective :
l'existence d'un état de nécessité, l'impossibilité
d'exécuter le Traité, la survenance d'un changement fondamental
de circonstances, la violation substantielle du Traité par la
Tchécoslovaquie et, enfin, l'apparition de nouvelles normes de droit
international de l'environnement. La Slovaquie a contesté chacun de ces
motifs.
État de nécessité
La Cour observe que même si l'existence d'un état
de nécessité est établie, il ne peut être mis fin
à un traité sur cette base. L'état de
nécessité ne peut être invoqué que pour
exonérer de sa responsabilité un État qui n'a pas
exécuté un traité.
Impossibilité d'exécution
La Cour estime qu'elle n'a pas à déterminer si
le mot « objet » figurant à l'article 61 de la Convention de
Vienne de 1969 sur le droit des traités (qui mentionne « la
disparition ou destruction définitives d'un objet indispensable à
l'exécution [du] traité ») peut aussi être
interprété comme visant un régime juridique car en tout
état de cause, même si tel était le cas, elle aurait
à conclure qu'en l'espèce ce régime n'avait pas
définitivement disparu. Le Traité de 1977 - et en particulier ses
articles 15, 19 et 20- offrait en effet aux parties les moyens
nécessaires pour procéder à tout moment, par voie de
négociation, aux réajustements requis entre impératifs
économiques et impératifs écologiques.
Changement fondamental de circonstances
De l'avis de la Cour, les conditions politiques de
l'époque n'étaient pas liées à l'objet et au but du
Traité au point de constituer une base essentielle du consentement des
parties et, en se modifiant, de transformer radicalement la portée des
obligations qui restaient à exécuter. Il en va de même du
système économique en vigueur au moment de la conclusion du
Traité de 1977. La Cour ne considère pas davantage que les
nouvelles connaissances acquises en matière d'environnement et les
progrès du droit de l'environnement aient présenté un
caractère complètement imprévu. Bien plus, le
libellé des articles 15, 19 et 20 est conçu dans une perspective
d'évolution. De l'avis de la Cour, les changements de circonstances que
la Hongrie invoque ne sont pas, pris séparément ou conjointement,
d'une nature telle qu'ils aient pour effet de transformer radicalement la
portée des obligations qui restent à exécuter pour
réaliser le projet.
Violation substantielle du Traité
L'argument principal de la Hongrie lorsqu'elle invoque une
violation substantielle du Traité est la construction et la mise en
service de la variante C. La Cour relève qu'elle a déjà
conclu que la Tchécoslovaquie n'a violé le Traité que
lorsqu'elle a détourné les eaux du Danube dans le canal de
dérivation en octobre 1992. En construisant les ouvrages qui devaient
conduire à la mise en service de la variante C, la
Tchécoslovaquie n'a pas agi de façon illicite. En
conséquence, la Cour est d'avis que la notification par la Hongrie, le
19 mai 1992, de la terminaison du Traité était
prématurée. Il n'y avait pas encore eu de violation du
Traité par la Tchécoslovaquie; la Hongrie n'était donc pas
en droit d'invoquer semblable violation du Traité comme motif pour y
mettre fin au moment où elle l'a fait.
Apparition de nouvelles normes de droit international de
l'environnement
La Cour note qu'aucune des Parties n'a prétendu que des
normes impératives du droit de l'environnement soient nées depuis
la conclusion du Traité de 1977; et la Cour n'aura par suite pas
à s'interroger sur la portée de l'article 64 de la Convention de
Vienne sur le droit des traités, qui traite de la nullité et de
la terminaison d'un traité à cause de l'apparition d'une nouvelle
norme impérative de droit international général (jus
cogens). En revanche, la Cour tient à relever que de nouvelles
normes du droit de l'environnement, récemment apparues, sont pertinentes
pour l'exécution du Traité et que les parties pouvaient, d'un
commun accord, en tenir compte en appliquant les articles 15, 19 et 20 du
Traité. Ces articles ne contiennent pas d'obligations spécifiques
de faire, mais ils imposent aux parties, en s'acquittant de leurs obligations
de veiller à ce que la qualité des eaux du Danube ne soit pas
compromise et à ce que la protection de la nature soit assurée,
de tenir compte des nouvelles normes en matière d'environnement lorsque
ces parties conviennent des moyens à préciser dans le plan
contractuel conjoint. En insérant dans le Traité ces dispositions
évolutives, les parties ont reconnu la nécessité d'adapter
éventuellement le projet. En conséquence, le Traité n'est
pas un instrument figé et est susceptible de s'adapter à de
nouvelles normes du droit international. Au moyen des articles 15 et 19, de
nouvelles normes en matière d'environnement peuvent être
incorporées dans le plan contractuel conjoint. La conscience que
l'environnement est vulnérable et la reconnaissance de ce qu'il faut
continuellement évaluer les risques écologiques se sont
affirmées de plus en plus dans les années qui ont suivi la
conclusion du Traité. Ces nouvelles préoccupations ont rendu les
articles 15, 19 et 20 du Traité d'autant plus pertinents. La Cour
reconnaît que les Parties s'accordent sur la nécessité de
se soucier sérieusement de l'environnement et de prendre les mesures de
précaution qui s'imposent, mais elles sont fondamentalement en
désaccord sur les conséquences qui en découlent pour le
projet conjoint. Dans ces conditions, le recours à une tierce partie
pourrait se révéler utile et permettre de trouver une solution,
à condition que chacune des Parties fasse preuve de souplesse dans ses
positions. Enfin, bien qu'elle ait constaté que tant la Hongrie que la
Tchécoslovaquie avaient manqué à leurs obligations
découlant du Traité de 1977, la Cour estime que ces comportements
illicites réciproques n'ont pas mis fin au Traité ni
justifié qu'il y fût mis fin.
Au vu des conclusions auxquelles elle est parvenue ci-dessus,
la Cour conclut que la notification de terminaison faite par la Hongrie le 19
mai 1992 n'a pas eu pour effet juridique de mettre fin au Traité de 1977
et aux instruments y afférents.
Dissolution de la Tchécoslovaquie
(par. 117 à 124)
La Cour examine ensuite la question de savoir si la Slovaquie
est devenue partie au Traité de 1977 en tant qu'État successeur
de la Tchécoslovaquie. À titre d'argument subsidiaire, la Hongrie
a en effet soutenu que, même s'il avait survécu à la
notification de terminaison, le Traité aurait en tout état de
cause cessé d'être en vigueur en tant que Traité le 31
décembre 1992, à la suite de la « disparition de l'une des
parties ». À cette date, la Tchécoslovaquie a cessé
d'exister comme entité juridique et, le 1er janvier 1993, la
République tchèque et la République slovaque ont vu le
jour.
La Cour ne juge pas nécessaire, aux fins de
l'espèce, de discuter du point de savoir si l'article 34 de la
Convention de Vienne de 1978 sur la succession d'États en matière
de traités (qui prévoit une règle de succession
automatique à tous les traités) reflète ou non
l'état du droit international coutumier. Pour son analyse actuelle, la
nature et le caractère particuliers du Traité de 1977
présentent davantage de pertinence. Un examen de ce traité
confirme que ce dernier, outre qu'il prévoit incontestablement un
investissement conjoint, porte principalement sur un projet de construction et
d'exploitation conjointe d'un vaste complexe intégré et
indivisible d'ouvrages et d'installations sur des parties bien définies
des territoires respectifs de la Hongrie et de la Tchécoslovaquie, le
long du Danube. Le Traité a aussi établi le régime de
navigation applicable à un tronçon important d'un cours d'eau
international, notamment en faisant désormais passer le chenal principal
de navigation internationale par le canal de dérivation. Ce faisant, il
a inévitablement créé une situation qui a une incidence
sur les intérêts des autres utilisateurs du Danube. De plus, les
intérêts d'États tiers ont été
expressément reconnus à son article 18, aux termes duquel les
parties se sont engagées à veiller à ce que « la
navigation puisse se poursuivre de façon ininterrompue et dans des
conditions de sécurité dans le chenal international »,
conformément aux obligations qui sont les leurs en vertu de la
Convention relative au régime de la navigation sur le Danube du 18
août 1948.
La Cour fait ensuite référence à
l'article 12 de la Convention de Vienne de 1978 sur la succession
d'États en matière de traités qui reflète le
principe selon lequel tant la doctrine traditionnelle que les auteurs modernes
considèrent qu'une succession d'États était sans effet sur
« les traités territoriaux ». La Cour considère que
l'article 12 traduit une règle de droit international coutumier; elle
prend note de ce qu'aucune des Parties ne le conteste. La Cour conclut que le
Traité de 1977, de par son contenu, doit être
considéré comme établissant un régime territorial
au sens de l'article 12 de la Convention de Vienne de 1978. Il a
créé des droits et obligations « attachés » aux
secteurs du Danube auxquels il se rapporte; ainsi, une succession
d'États ne saurait avoir d'incidence sur le Traité
lui-même. La Cour en conclut que le Traité de 1977 lie la
Slovaquie depuis le 1er janvier 1993.
Conséquences juridiques de l'arrêt
(par. 125 à 154)
La Cour fait observer que la partie de l'arrêt où
elle répond aux questions posées au paragraphe 1 de l'article 2
du compromis revêt un caractère déclaratoire. Elle y traite
du comportement passé des Parties et détermine la
licéité ou l'illicéité de ce comportement de 1989
à 1992, ainsi que ses effets sur l'existence du Traité. Il
revient maintenant à la Cour, sur la base de ses conclusions
précédentes, d'établir quel devrait être le
comportement des Parties à l'avenir. La présente partie
de l'arrêt est plus normative que déclaratoire, parce qu'elle
définit les droits et obligations des Parties. C'est à la
lumière de cette définition que les Parties devront rechercher un
accord sur les modalités d'exécution de l'arrêt, ainsi
qu'elles en sont convenues à l'article 5 du compromis. À cet
égard, il est d'une importance primordiale que la Cour ait
constaté que le Traité de 1977 est toujours en vigueur et
régit par conséquent les relations entre les Parties. Ces
relations sont certes aussi soumises aux règles des autres conventions
pertinentes auxquelles les deux États sont parties, aux règles du
droit international général et, en l'espèce, aux
règles de la responsabilité des États; mais elles sont
gouvernées avant tout par les règles applicables du Traité
de 1977 en tant que lex specialis. La Cour observe qu'elle ne saurait
toutefois ignorer qu'aucune des parties n'a pleinement exécuté le
Traité depuis des années, ni d'ailleurs que les Parties, par
leurs actes et leurs omissions, ont contribué à créer la
situation de fait qui prévaut aujourd'hui. En se prononçant sur
les exigences auxquelles le comportement à venir des Parties devra
satisfaire en droit, la Cour ne peut négliger de tenir compte de cette
situation de fait et des possibilités et impossibilités pratiques
qui en résultent. C'est pourquoi il est essentiel de replacer la
situation de fait, telle qu'elle s'est développée depuis 1989,
dans le contexte de la relation conventionnelle qui s'est maintenue et qui est
appelée à évoluer, afin de réaliser son objet et
son but dans toute la mesure du possible. Car ce n'est qu'à cette
condition qu'il pourra être porté remède à la
situation irrégulière due aux manquements des deux Parties
à leurs obligations conventionnelles. La Cour souligne que le
Traité de 1977 ne prévoyait pas seulement un plan
d'investissement conjoint pour la production d'énergie, mais servait
également d'autres objectifs : l'amélioration de la navigation
sur le Danube, la maîtrise des crues, la régulation de
l'évacuation des glaces et la protection de l'environnement naturel.
Pour les atteindre, les Parties ont accepté d'assumer des obligations de
comportement, des obligations de faire et des obligations de résultat.
La Cour est d'avis que les Parties sont juridiquement tenues, au cours des
négociations qu'elles mèneront en application de l'article 5 du
compromis, d'envisager dans le contexte du Traité de 1977 de quelle
façon elles peuvent servir au mieux les objectifs multiples du
Traité, en gardant à l'esprit qu'ils devraient tous être
atteints. Il est clair que les incidences du projet sur l'environnement et ses
implications pour celui-ci seront nécessairement une question clef. Aux
fins de l'évaluation des risques écologiques, ce sont les normes
actuelles qui doivent être prises en considération. Non seulement
le libellé des articles 15 et 19 le permet, mais il le prescrit
même dans la mesure où ces articles mettent à la charge des
Parties une obligation continue, et donc nécessairement
évolutive, de maintenir la qualité de l'eau du Danube et de
protéger la nature. La Cour ne perd pas de vue que, dans le domaine de
la protection de l'environnement, la vigilance et la prévention
s'imposent en raison du caractère souvent irréversible des
dommages causés à l'environnement et des limites
inhérentes au mécanisme même de réparation de ce
type de dommages. De nouvelles normes et exigences ont été mises
au point, qui ont été énoncées dans un grand nombre
d'instruments au cours des deux dernières décennies. Ces normes
nouvelles doivent être prises en considération et ces exigences
nouvelles convenablement appréciées, non seulement lorsque des
États envisagent de nouvelles activités, mais aussi lorsqu'ils
poursuivent des activités qu'ils ont engagées dans le
passé. Aux fins de la présente espèce, cela signifie que
les Parties devraient, ensemble, examiner à nouveau les effets sur
l'environnement de l'exploitation de la centrale de Gabcíkovo. En
particulier, elles doivent trouver une solution satisfaisante en ce qui
concerne le volume d'eau à déverser dans l'ancien lit du Danube
et dans les bras situés de part et d'autre du fleuve.
Ce que la règle pacta sunt servanda, telle que
reflétée à l'article 26 de la Convention de Vienne de 1969
sur le droit des traités, exige en l'espèce des Parties, c'est de
trouver d'un commun accord une solution dans le cadre de coopération que
prévoit le Traité. L'article 26 associe deux
éléments, qui sont d'égale importance. Il dispose que
« Tout traité en vigueur lie les parties et doit être
exécuté par elles de bonne foi. » De l'avis de la Cour, ce
dernier élément implique qu'au cas particulier c'est le but du
Traité, et l'intention dans laquelle les Parties ont conclu celui-ci,
qui doivent prévaloir sur son application littérale. Le principe
de bonne foi oblige les Parties à l'appliquer de façon
raisonnable et de telle sorte que son but puisse être atteint. Le
Traité de 1977 ne prévoit pas seulement un programme
d'investissement conjoint, il établit aussi un régime. Selon le
Traité, les principaux ouvrages du système d'écluses sont
la propriété conjointe des Parties; ils seront
gérés en tant qu'unité unique coordonnée; et les
bénéfices du projet seront partagés à parts
égales. Puisque la Cour a conclu que le Traité est toujours en
vigueur et qu'aux termes de celui-ci le régime conjoint en est un
élément fondamental, elle est d'avis qu'à moins que les
Parties n'en disposent autrement un tel régime devrait être
rétabli. La Cour estime que les ouvrages de Cunovo devraient devenir une
unité exploitée conjointement au sens du paragraphe 1 de
l'article 10, compte tenu de leur rôle central dans le fonctionnement de
ce qui reste du projet et dans le régime de gestion des eaux. Le barrage
de Cunovo a assumé le rôle qui avait été
prévu à l'origine pour les ouvrages de Dunakiliti, et il devrait
donc bénéficier d'un statut analogue.
La Cour conclut également que la variante C, qu'elle a
estimé fonctionner d'une manière incompatible avec le
Traité, devrait être mise en conformité avec ce dernier. La
Cour observe que le rétablissement du régime conjoint
reflétera aussi de façon optimale le concept d'une utilisation
conjointe des ressources en eau partagées pour atteindre les
différents objectifs mentionnés dans le Traité. Ayant
jusqu'ici indiqué quels devraient être, d'après elle, les
effets de sa décision suivant laquelle le Traité de 1977 est
toujours en vigueur, la Cour en vient aux conséquences juridiques des
actes internationalement illicites commis par les Parties, car elle a
été priée par les deux Parties de déterminer les
conséquences de son arrêt en ce qui est du paiement de dommages et
intérêts.
La Cour n'a pas été priée à ce
stade de déterminer le montant des dommages et intérêts
dus, mais d'indiquer sur quelle base ils doivent être versés. Les
deux Parties ont prétendu avoir subi des pertes financières
considérables et elles demandent toutes deux à en être
indemnisées. Dans l'arrêt, la Cour a conclu que les deux Parties
avaient commis des actes internationalement illicites et elle a constaté
que ceux-ci sont à l'origine des dommages subis par les Parties; en
conséquence, la Hongrie et la Slovaquie sont toutes deux tenues de
verser des indemnités et sont toutes deux en droit d'en recevoir. La
Cour observe cependant que compte tenu de ce que les deux Parties ont commis
des actes illicites croisés, la question de l'indemnisation pourrait
être résolue de façon satisfaisante, dans le cadre d'un
règlement d'ensemble, si chacune des Parties renonçait à
toutes ses demandes et contre-demandes d'ordre financier ou les annulait. La
Cour tient en même temps à souligner que le règlement des
comptes concernant la construction des ouvrages est une question distincte de
celle de l'indemnisation et doit être effectué conformément
au Traité de 1977 et aux instruments y afférents. Si la Hongrie
participe à l'exploitation du complexe de Cunovo et reçoit sa
part de bénéfices, elle devra payer une part proportionnelle des
coûts de construction et de fonctionnement.
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Conférence de Rio 1992
Rapport de la Conférence des Nations
Unies
sur l'environnement et le
développement
Rio de Janeiro, 3-14 juin 1992
Annexe I - Déclaration de Rio sur
l'environnement et le développement
La Conférence des Nations Unies sur l'environnement et
le développement, réunie à Rio de Janeiro du 3 au 14 juin
1992, réaffirmant la Déclaration de la Conférence des
Nations Unies sur l'environnement adoptée à Stockholm le 16 juin
1972, et cherchant à en assurer le prolongement,
Dans le but d'établir un partenariat mondial sur une
base nouvelle et équitable en créant des niveaux de
coopération nouveaux entre les Etats, les secteurs clefs de la
société et les peuples,
OEuvrant en vue d'accords internationaux qui respectent les
intérêts de tous et protègent l'intégrité du
système mondial de l'environnement et du développement,
Reconnaissant que la Terre, foyer de l'humanité,
constitue un tout marqué par l'interdépendance,
Proclame ce qui suit :
Principe 1
Les êtres humains sont au centre des
préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit
à une vie saine et productive en harmonie avec la nature.
Principe 2
Conformément à la Charte des Nations Unies et
aux principes du droit international, les Etats ont le droit souverain
d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement et de
développement, et ils ont le devoir de faire en sorte que les
activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous
leur contrôle ne causent pas de dommages à l'environnement dans
d'autres Etats ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction nationale.
Principe 3
Le droit au développement doit être
réalisé de façon à satisfaire équitablement
les besoins relatifs au développement et à l'environnement des
générations présentes et futures.
Principe 4
Pour parvenir à un développement durable, la
protection de l'environnement doit faire partie intégrante du processus
de développement et ne peut être considérée
isolément.
Principe 5
Tous les Etats et tous les peuples doivent coopérer
à la tâche essentielle de l'élimination de la
pauvreté, qui constitue une condition indispensable du
développement durable, afin de réduire les différences de
niveaux de vie et de mieux répondre aux besoins de la majorité
des peuples du monde.
Principe 6
La situation et les besoins particuliers des pays en
développement, en particulier des pays les moins avancés et des
pays les plus vulnérables sur le plan de l'environnement, doivent se
voir accorder une priorité spéciale. Les actions internationales
entreprises en matière d'environnement et de développement
devraient également prendre en considération les
intérêts et les besoins de tous les pays.
Principe 7
Les Etats doivent coopérer dans un esprit de
partenariat mondial en vue de conserver, de protéger et de
rétablir la santé et l'intégrité de
l'écosystème terrestre. Etant donné la diversité
des rôles joues dans la dégradation de l'environnement mondial,
les Etats ont des responsabilités communes mais
différenciées. Les pays développés admettent la
responsabilité qui leur incombe dans l'effort international en faveur du
développement durable, compte tenu des pressions que leurs
sociétés exercent sur l'environnement mondial et des techniques
et des ressources financières dont ils disposent.
Principe 8
Afin de parvenir à un développement durable et
à une meilleure qualité de vie pour tous les peuples, les Etats
devraient réduire et éliminer les modes de production et de
consommation non viables et promouvoir des politiques démographiques
appropriées.
Principe 9
Les Etats devraient coopérer ou intensifier le
renforcement des capacités endogènes en matière de
développement durable en améliorant la compréhension
scientifique par des échanges de connaissances scientifiques et
techniques et en facilitant la mise au point, l'adaptation, la diffusion et le
transfert de techniques, y compris de techniques nouvelles et
novatrices.
Principe 10
La meilleure façon de traiter les questions
d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens
concernés, au niveau qui convient. Au niveau national, chaque individu
doit avoir dûment accès aux informations relatives à
l'environnement que détiennent les autorités publiques, y compris
aux informations relatives aux substances et activités dangereuses dans
leurs collectivités, et avoir la possibilité de participer aux
processus de prise de décision. Les Etats doivent faciliter et
encourager la sensibilisation et la participation du public en mettant les
informations à la disposition de celui-ci. Un accès effectif
à des actions judiciaires et administratives, notamment des
réparations et des recours, doit être assuré.
Principe 11
Les Etats doivent promulguer des mesures législatives
efficaces en matière d'environnement. Les normes écologiques et
les objectifs et priorités pour la gestion de l'environnement devraient
être adaptés à la situation en matière
d'environnement et de développement à laquelle ils s'appliquent.
Les normes appliquées par certains pays peuvent ne pas convenir à
d'autres pays, en particulier à des pays en développement, et
leur imposer un coût économique et social
injustifié.
Principe 12
Les Etats devraient coopérer pour promouvoir un
système économique international ouvert et favorable, propre
à engendrer une croissance économique et un développement
durable dans tous les pays, qui permettrait de mieux lutter contre les
problèmes de dégradation de l'environnement. Les mesures de
politique commerciale motivées par des considérations relatives
à l'environnement ne devraient pas constituer un moyen de discrimination
arbitraire ou injustifiable, ni une restriction déguisée aux
échanges internationaux. Toute action unilatérale visant à
résoudre les grands problèmes écologiques au-delà
de la juridiction du pays importateur devrait être évitée.
Les mesures de lutte contre les problèmes écologiques
transfrontières ou mondiaux devraient, autant que possible, être
fondées sur un consensus international.
Principe 13
Les Etats doivent élaborer une législation
nationale concernant la responsabilité de la pollution et d'autres
dommages à l'environnement et l'indemnisation de leurs victimes. Ils
doivent aussi coopérer diligemment et plus résolument pour
développer davantage le droit international concernant la
responsabilité et l'indemnisation en cas d'effets néfastes de
dommages causés à l'environnement dans des zones situées
au-delà des limites de leur juridiction par des activités
menées dans les limites de leur juridiction ou sous leur
contrôle.
Principe 14
Les Etats devraient concerter efficacement leurs efforts pour
décourager ou prévenir les déplacements et les transferts
dans d'autres Etats de toutes activités et substances qui provoquent une
grave détérioration de l'environnement ou dont on a
constaté qu'elles étaient nocives pour la santé de
l'homme.
Principe 15
Pour protéger l'environnement, des mesures de
précaution doivent être largement appliquées par les Etats
selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou
irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas
servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de
mesures effectives visant à prévenir la dégradation de
l'environnement.
Principe 16
Les autorités nationales devraient s'efforcer de
promouvoir l'internalisation des coûts de protection de l'environnement
et l'utilisation d'instruments économiques, en vertu du principe selon
lequel c'est le pollueur qui doit, en principe, assumer le coût de la
pollution, dans le souci de l'intérêt public et sans fausser le
jeu du commerce international et de l'investissement.
Principe 17
Une étude d'impact sur l'environnement, en tant
qu'instrument national, doit être entreprise dans le cas des
activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs
importants sur l'environnement et dépendent de la décision d'une
autorité nationale compétente.
Principe 18
Les Etats doivent notifier immédiatement aux autres
Etats toute catastrophe naturelle ou toute autre situation d'urgence qui risque
d'avoir des effets néfastes soudains sur l'environnement de ces
derniers. La communauté internationale doit faire tout son possible pour
aider les Etats sinistrés.
Principe 19
Les Etats doivent prévenir suffisamment à
l'avance les Etats susceptibles d'être affectés et leur
communiquer toutes informations pertinentes sur les activités qui
peuvent avoir des effets transfrontières sérieusement nocifs sur
l'environnement et mener des consultations avec ces Etats rapidement et de
bonne foi.
Principe 20
Les femmes ont un rôle vital dans la gestion de
l'environnement et le développement. Leur pleine participation est donc
essentielle à la réalisation d'un développement
durable.
Principe 21
Il faut mobiliser la créativité, les
idéaux et le courage des jeunes du monde entier afin de forger un
partenariat mondial, de manière à assurer un développement
durable et à garantir à chacun un avenir meilleur.
Principe 22
Les populations et communautés autochtones et les
autres collectivités locales ont un rôle vital à jouer dans
la gestion de l'environnement et le développement du fait de leurs
connaissances du milieu et de leurs pratiques traditionnelles. Les Etats
devraient reconnaître leur identité, leur culture et leurs
intérêts, leur accorder tout l'appui nécessaire et leur
permettre de participer efficacement à la réalisation d'un
développement durable.
Principe 23
L'environnement et les ressources naturelles des peuples
soumis à oppression, domination et occupation doivent être
protégés.
Principe 24
La guerre exerce une action intrinsèquement
destructrice sur le développement durable. Les Etats doivent donc
respecter le droit international relatif à la protection de
l'environnement en temps de conflit armé et participer à son
développement, selon que de besoin.
Principe 25
La paix, le développement et la protection de
l'environnement sont interdépendants et indissociables.
Principe 26
Les Etats doivent résoudre pacifiquement tous leurs
différends en matière d'environnement, en employant des moyens
appropriés conformément à la Charte des Nations Unies.
Principe 27
Les Etats et les peuples doivent coopérer de bonne foi
et dans un esprit de solidarité à l'application des principes
consacrés dans la présente Déclaration et au
développement du droit international dans le domaine du
développement durable.
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TABLE DES MATIERES:
DEDICACE :
Erreur ! Signet non défini.
REMERCIEMENTS :
ii
SIGLES ET ABREVIATIONS :
iii
LISTE DES ANNEXES :
iv
SOMMAIRE :
v
ABSTRACT:
vii
INTRODUCTION
1
PARTIE I :
LA CONSECRATION DES NORMES
ENVIRONNEMENTALES PAR LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
14
CHAPITRE I : LA DETERMINATION PAR LE
JUGE DU CONTENU DES NORMES DE DROIT INTERNATIONAL DE L'ENVIRONNEMENT
16
Section 1 : Les clarifications
conceptuelles
16
Paragraphe 1 : La détermination
jurisprudentielle de l'autonomie conceptuelle de l'environnement.
17
A- L'évolution dans la
consécration du concept d'environnement
17
1- L'avis du 08 juillet 1996 comme point de
départ de la définition
17
2- L'arrêt du 25 septembre 1997 comme
confirmation de la définition de l'environnement.
19
B - L'espace comme élément
constitutif de la notion d'environnement.
20
Paragraphe 2 : La reconnaissance de la valeur
normative des règles de droit international de l'environnement.
21
A - La reconnaissance implicite de la nature
coutumière de certaines règles du droit international de
l'environnement.
21
B - Les considérations écologiques
comme partie intégrante des considérations
élémentaires d'humanité.
23
Section 2 : La consécration des
principes de protection
24
Paragraphe 1 : Les principes conceptuels
25
A - Le développement durable
25
B- Les droits des générations
futures
26
Paragraphe 2 : Les principes
matériels
28
A - Le principe de précaution
28
1 - Le contenu du principe de précaution
28
2 - La mise en oeuvre du principe de
précaution par la Cour Internationale de Justice
29
B - Le principe de prévention
30
CHAPITRE 2 : LA FORMULATION D'OBLIGATIONS
PRECISES ET DES CONDITIONS D'EXCLUSION DE L'ILLICEITE DU FAIT ETATIQUE
32
Section 1 : La formulation
d'obligations précises à la charge des Etats
32
Paragraphe 1 : Les obligations positives.
33
A - L'obligation d'évaluer l'impact
environnemental des projets.
33
1 - L'évaluation de l'impact environnemental comme
norme fondamentale du droit international de
l'environnement...................................................................35
2 - Le problème de la détermination
du responsable de l'étude et de la sanction en cas de manquement.
35
B - L'obligation de coopération entre les
Etats.
37
1 - L'utilisation équitable des cours d'eau
internationaux.
38
2- Les échanges d'informations entre les
Etats.
40
Paragraphe 2 : Les obligations
négatives
41
A - L'interdiction d'utiliser son territoire
à des fins contraires aux droits des autres Etats.
42
1 - Les variables de l'interdiction.
42
2 - La distinction entre construction et mise en
service dommageables.
44
B - L'interdiction d'emploi de moyens et
méthodes de guerre dommageables pour l'environnement.
46
1 - L'énonciation des règles
régissant l'interdiction.
46
2 - La relativisation de l'interdiction en cas de
légitime défense ou de survie d'un Etat.
48
Section 1 : Les conditions d'exclusion
de l'illicéité d'un fait étatique
50
Paragraphe 1 : L'état de
nécessité écologique comme condition d'exclusion de
l'illicéité d'un acte
50
A- L'appréciation de l'état de
nécessité à la lumière du projet d'articles sur la
responsabilité internationale des Etats
51
B- L'application critiquable des
critères de l'état de nécessité aux questions
environnementales
52
Paragraphe 2 : Les contre-mesures
53
A- L'examen des conditions de
licéité d'une contre-mesure
54
B- L'environnement comme instrument de
mesure de la proportionnalité
55
PARTIE II :
LA DIFFICULTE POUR LE JUGE INTERNATIONAL A
S'AFFRANCHIR DES TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE TRAITEMENT DES QUESTIONS
CONTENTIEUSES
57
CHAPITRE 1 : LE RECOURS QUASI-SYSTEMATIQUE
AUX TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE TRAITEMENT DES QUESTIONS CONTENTIEUSES.
59
Section 1 : L'adaptation des
mécanismes judiciaires traditionnels au contentieux environnemental.
59
Paragraphe 1 : Des ajustements
institutionnels.
59
A - La mise sur pied d'une chambre spéciale
pour les questions d'environnement.
60
B - Le traitement du contentieux environnemental en
dehors du cadre spécialement prévu
61
Paragraphe 2 : Une évolution
remarquable des méthodes de travail de la cour.
62
A - Les nouvelles techniques d'établissement
des preuves.
62
B - Les méthodes particulières en
matière d'interprétation.
64
Section 2 : La prise en compte
restrictive des considérations écologiques dans l'examen des
règles du droit des traités.
66
Paragraphe 1 : L'énonciation par la
cour des règles classiques régissant l'application des
traités.
67
A - Les principes d'application des
traités.
67
B - Les conditions d'extinction des obligations
conventionnelles.
68
Paragraphe 2 :
L'inopérationalité des arguments environnementaux comme condition
d'extinction des traités.
70
A - Le changement fondamental de circonstances
écologiques.
70
B - L'état de nécessité
écologique comme condition d'extinction des traités.
71
CHAPITRE 2 : LA NECESSAIRE CONCILIATION ENTRE
PRUDENCE ET HARDIESSE DU JUGE DANS LE TRAITEMENT DU CONTENTIEUX
ENVIRONNEMENTAL
74
Section 1 : La préservation de
la solidité de la structure institutionnelle et normative existante
74
Paragraphe 1 : L'efficacité
éprouvée des techniques contentieuses traditionnelles
75
A- L'aptitude de l'organisation
institutionnelle de la Cour à régler les différends
environnementaux
75
B- La capacité des normes
traditionnelles à apurer le contentieux environnemental
77
Paragraphe 2 : L'absence d'autonomie et la
précision relative des normes de droit international de
l'environnement.
78
A- L'absence d'autonomie du droit
international de l'environnement
78
B- La « normativité
relative » des règles de droit international de
l'environnement
80
Section 2 : La contribution à
l'évolution du droit international de l'environnement.
81
Paragraphe 1 : Le renforcement de la
normativité du droit international de l'environnement
81
A- La garantie de l'invocabilité des
normes du droit international de environnement
81
B- Le renforcement de la valeur normative
des règles du droit international de l'environnement
83
Paragraphe 2 : La détermination du mode
de réparation adapté au dommage écologique
84
A- La relative inefficacité des modes
classiques de réparation du préjudice en matière
écologique
85
B- Vers une consécration
jurisprudentielle des modes appropriés de réparation du dommage
écologique.
86
CONCLUSION
89
BIBLIOGRAPHIE :
Erreur ! Signet non défini.
ANNEXES :
99
TABLES DES MATIERES :
121
* 1Kamto (M), Droit de
l'environnement en Afrique, Paris, EDICEF/AUPELF, 1996 P.15
* 2Kiss (A), Droit
international de l'environnement, Pedone, 1989, P.36
* 3 Ibid P.37
* 4Kamto (M), Droit de
l'environnement en Afrique, Op. Cit. P.16
* 5 Petit Larousse
Illustré, 2007, P.419
* 6Prieur (M), Droit de
l'environnement, Paris, Dalloz, 2ème éd. 1991
P.6
* 7 Ce texte conçoit
l'environnement comme l'ensemble de la nature et des ressources naturelles, y
compris le patrimoine culturel et l'infrastructure humaine indispensable pour
les activités socio-économiques
* 8 Kamto (M), Droit de
l'environnement en Afrique, Op ; Cit., P.16.
* 9 C'est ce que Kiss appelle
la nécessité de l'interdisciplinarité qui est l'une des
caractéristiques du droit de l'environnement
* 10Impériali (C),
« le contrôle de la mise en oeuvre des conventions
internationales », in L'effectivité du droit international
de l'environnement, contrôle de la mise en oeuvre des conventions
internationales, Paris, Economica, 1998, P. 7.
* 11 Lire dans ce sens
Boisson de Chazournes (L), « La mise en oeuvre du droit international
dans le domaine de la protection de l'environnement : enjeux et
défis », INIST, CNRS, 2006, P.56 et s
*
12Doumbé-Billé (S), « La mise en oeuvre du
droit international de l'environnement par le juge national »,
Conférence des présidents des cours suprêmes des Etats
francophones d'Afrique sur la contribution du droit au développement
durable, Paris 3 et 4 Février 2005, P.1. (Inédit).
* 13Sands (P),
«litigating environmental disputes : courts, tribunals and the
progressive development of international environmental law», OECD
global forum on international investment, 27-28 March 2008 P.5
* 14 Le Petit Larousse
Illustré, Paris, Larousse, 2007, P. 1052.
* 15 Ibid.
* 16 Voir page 2 supra.
* 17 Lire dans ce sens
Tcheuwa (J-C), « L'environnement en droit positif
camerounais », in Juridis Périodique, n° 63,
édition spéciale de Juillet-Août-Septembre 2005, P. 87.
* 18 Salmon (J) (dir.),
Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant/AUF,
2001, P. 629.
* 19 Ibid.
* 20 Boutros-Boutros Ghali,
message à l'occasion du sommet mondial pour le développement
durable tenu à Johannesburg en 2002, cité par Tcheuwa (J C),
« L'environnement en droit positif camerounais », in
Juridis périodique, éd. Spéciale
Juillet-Août-Septembre 2005, P87.
* 21 Ces travaux ont
été réalisés dans le cadre des rapports de stages
académiques de master I et II respectivement.
* 22 Kiss (A),
L'effectivité du droit international de l'environnement,
contrôle de la mise en oeuvre des conventions internationales,
Paris, Economica, 1998, P. 3.
* 23 Op. Cit. (Note 1).
* 24 Ibid., P. 19.
* 25 Op. Cit., (Note 2).
* 26 Weil (P), « Vers
une normativité relative en droit international »,
RGDIP, N° 1,1982.
* 27 Ibid., P. 44.
* 28 Ibid., P. 44.
* 29 Kamto (M),
« Les nouveaux principes du droit international de
l'environnement », R.J.E., 1-1995.
* 30 Ibid., P. 20.
* 31 Vinuales (J), «The
contribution of international court of justice to the development of
international environmental law: a contemporary assessment», Fordham
international law journal, vol.32:232
* 32 Sohnle (J),
« Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la
C.I.J. :L'affaire Gabcikovo-Nagymaros », RGDIP,
1998-I.
* 33 Boisson de Chazournes
(L), « La mise en oeuvre du droit international dans le domaine de la
protection de l'environnement : Enjeux et défis »,
INIST, CNRS, 2006.
* 34
Doumbé-Billé (S), « Evolution des institutions et des
moyens de mise en oeuvre du droit international de l'environnement et du
développement », RJE 1-1993.
* 35 C.I.J., 27 Septembre
1997, Projet Gabcikovo-Nagymaros (Slovaquie c. Hongrie),
www.icj-cij.org, (consultation du
12 Mai 2009).
* 36Ranjeva (R),
« L'environnement, la cour internationale de justice et sa chambre
spéciale pour les questions d'environnement »,
A.F.D.I., CNRS, Paris, XL-1994, P. 434.
*
37Doumbé-Billé (S), « La mise en oeuvre du
droit international de l'environnement par le juge national »,
Conférence des présidents des cours suprêmes des Etats
francophones d'Afrique sur la contribution du droit au développement
durable, Paris, 3 et 4 Février, 2005, P.2.
* 38Sohnle (J),
« Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la
C.I.J. : affaire Gabcikovo-Nagymaros », RGDIP, 1998-I,
P.87.
* 39 Idem p.119
* 40Sands (P),
«Litigating environmental disputes :courts, tribunals and progressive
development of international environmental law», oecd globalforum for
investment, 27-28 March 2008 P.5
* 41Vinuales (J), «The
contribution of international court of justice to the development of
international environmental law: a contemporary assessment», Fordham
international law journal, vol.32:232 P.234
* 42Kiss (A), Droit
international de l'environnement, Op.cit. P.60.
* 43Sohnle (J), Op. Cit.
P.86
*
44Doumbé-Billé (S), « La mise en oeuvre du
droit international de l'environnement par le juge national, conférence
des présidents des cours suprêmes des Etats francophones d'Afrique
sur la contribution du droit au développement durable », Op.
Cit. P3
* 45Boisson de Chazournes
(L), « La mise en oeuvre du droit international dans le domaine de la
protection de l'environnement : enjeux et défis », Op.
Cit., P. 56.
*
46Doumbé-Billé (S), « Evolution des
institutions et des moyens de mise en oeuvre du droit international de
l'environnement et du développement », RJE 1-1993,
P.39
* 47 Weil (P), « Vers
une normativité relative en droit international »,
RGDIP, N° 1, 1982, PP.5 et s.
* 48Delbez (L), Les
principes généraux du contentieux international, Paris,
LGDJ, 1962.
* 49 Ibid. P.2O7
* 50 Résolution WHA
46.40 de l'Assemblée Mondiale de la Santé
* 51 Résolution 49N175 K
de l'Assemblée Générale de l'ONU
* 52 Cour International de
Justice, Rec. 1996 P.66, Paragraphe 31
* 53 Bedjaoui (M),
« Le développement durable, quel profit pour le
tiers-monde ? », in Les Nations Unies et la protection de
l'environnement : la promotion du développement durable,
Sandrine Maljean- Dubois et Rostane Mehdi, (dir) Paris, Pédone, 1999
P.39.
* 54 Jochen Sohnle,
« irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la
Cour Internationale de Justice », RGDIP, 1998-1, P.85
* 55 Bedjaoui (M),
« Le développement durable, quel profit pour le
tiers-mode » op.cit. P.37
* 56 Sohnle (J),
« Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la
Cour International de Justice : l'affaire Gabcikovo-Nagymaros »,
op.cit., P.88.
* 57 Projet
Gabcikovo-Nagymaros, Cour International de Justice, 25 Septembre 1997, P.38.
* 58 Usines de pâte
à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine/Uruguay), résumé
de l'ordonnance du 13 juillet 2006, www-icj-cij.org (consultation du 20avril
2009), P.07
* 59 Confère note 6
supra.
* 60 Confère note 9
supra.
* 61 Delbez (L), Principes
généraux du contentieux international, Op. Cit., P. 92.
* 62 Projet
Gabcikovo-Nagymaros, arrêt du 25 septembre 1997, P.38 Para 53.
* 63 Voir Annuaire de la
Commission du Droit International, 1980, Vol. 2, deuxième partie, P.38,
para.14.
* 64 Licéité
de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, P. 29.
* 65Bufferne (J.P.),
« la fonction de la Cour International de Justice dans l'ordre
international : quelques réflexions », 2002,
R.Q.D.I., P. 142-175.
* 66 Licéité
de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires (opinion dissidente du
juge Weeramantry).
* 67 Ranjeva (R),
« Les potentialités des modes juridictionnels internationaux
de règlements des différends », in
L'effectivité du droit international de l'environnement,
contrôle de la mise en oeuvre des conventions internationales,
Paris, Economica, 1998, P. 271.
* 68 Réserve à
la convention sur le génocide, avis constitutif 1951, P.23
* 69 Détroit de
Corfou, Cour International de Justice, arrêt 1949, P. 22
* 70 Licéité
de la menace de l'emploi de l'arme nucléaire P.241
* 71Ibid.
* 72Détroit de
Corfou, P.40.
* 73 Doswald-Beck (L) et
Sylvain Vité (S), « Le droit humanitaire et le droit des
droits de l'homme », Revue internationale de la croix-rouge,
Mars-Avril 1993 N°800 P.100.
* 74 Lire dans ce sens
Virally (M), « Le rôle des «
principes » dans le développement du droit
international ». in Droit international en devenir. Essais
écrits au fil des ans, P.U.F., 1997, P. 195 - 212.
* 75 Boisson de Chazournes (L),
« la mise en oeuvre du développement durable », in
Les Nations Unies et la protection de l'environnement : la promotion
d'un développement durable, Op.cit P. 65
* 76 La distinction ainsi
opérée est de Sohnle (J), Op. Cit., P.108.
* 77 Gro Harlem Brundtland
était ministre norvégienne de l'environnement présidant la
commission mondiale sur l'environnement et le développement, ce rapport
intitulé : Notre avenir à tous est soumis à
l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1987.
* 78 Maljean-Dubois (S) et
Mehdi (R), « Environnement et développement, les Nations Unies
à la recherche d'un nouveau paradigme », in Les Nations
Unies et la protection de l'environnement : la promotion d'un
développement durable, Op. Cit., P.21.
* 79 Ibid. P.22.
* 80 Kamto (M),
« Les nouveaux principes du droit international de
l'environnement », R.J.E., 1-1995, P.14.
* 81 Gabcikovo- Nagymaros,
arrêt du 25 septembre 1997, paragraphe 140 Al. 4.
* 82 Paragraphe 140 Al.
4.
* 83 Principe 1
* 84 Elle s'oppose à la
dimension intra générationnelle. Voir en ce sens Brown-Weiss (E),
Justice pour les générations futures. Sang de la terre,
UNU Press, UNESCO, Paris, 1993, P.5 et 55.
* 85 Paragraphe 35.
* 86 Maljean-Dubois et Mehdi
(R), Op. Cit., P.27.
* 87 Projet
Gabcikovo-Nagymaros, paragraphe 140 Al. 4
* 88 Fievet (G),
« Réflexions sur le concept de développement
durable : prévention économique, principes
stratégiques et protection des droits fondamentaux », in
RBDI, Bruxelles, Bruylant, 2001/1, P.155.
* 89 Ibid. P. 164.
* 90 Martin-Bidou (P),
« Le principe de précaution en droit international de
l'environnement », RGDIP, 1999-3, P.633.
* 91 Principe 15 de la
déclaration de Rio.
* 92 Martin-Bidou (P),
Op.cit. P.647.
* 93 Ibid. P.645.
* 94 Projet
Gabcikovo-Nagymaros, Paragraphe 35 Al. 3 et 4. Cette citation fait ressortir
les trois conditions de la mise en oeuvre du principe de précaution
examinées plus haut.
* 95 Paragraphe 113.
* 96 Lire dans ce sens
Sohnle (J), « Irruption du droit de l'environnement dans la
jurisprudence de la Cour International de Justice : l'affaire
Gabcikovo-Nagymaros », Op. Cit., P.110.
* 97 La Cour reconnait que
les parties s'accordent sur la nécessité de se soucier
sérieusement de l'environnement et de prendre les mesures de
précaution qui s'imposent. Paragraphe 113.
* 98 Fievet (G),
« Réflexions sur le concept de développement
durable : prétention économique, principe stratégique
et protection des droits fondamentaux », Op.cit. P.166.
* 99 Projet
Gabcikovo-Nagymaros, paragraphe 140 Al. 3.
* 100 Par. 140 Al. 5.
* 101 Par. 140 Al. 4.
* 102Salmon (J) dir.,
Dictionnaire de Droit International Public, Bruxelles Bruylant /ACIF,
2001 P.765.
* 103 Weil (P),
« Vers une normativité relative en droit
international ? » Op.cit. P. 7
* 104 Par. 47, al.1.
* 105 Sohnle,
« Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la
C.I.J. : l'affaire Gabcikovo-Nagymaros », Op.cit P. 115.
* 106 Projet
Gabcikovo-Nagymaros, para 112 Al. 5
* 107 Projet
Gabcikovo-Nagymaros Par. 140 Al.3
* 108 Par. 57 Al. 3
* 109 Par. 140 Al.4.
* 110 Projet
Gabcikovo-Nagymaros (opinion individuelle du juge Weeramantry).
* 111 Projet
Gabcikovo-Nagymaros, Par. 41.
* 112 Par. 45 Al. 1.
* 113 Par. 112 Al. 3
* 114 Par. 140 Al. 5
* 115 Lire dans ce sens le
texte de la convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement
dans un contexte transfrontière, Article 3 (4).
* 116 Pour le premier
texte, l'article 3 précise que l'Etat d'origine veille à ce qu'il
soit procédé à une évaluation de l'impact sur
l'environnement avant que ne soit prise la décision d'autoriser ou
d'entreprendre une activité. Quant au principe 17, il pose qu'une
étude d'impact doit être entreprise dans le cas des
activités envisagées qui risquent d'avoir des effets nocifs
importants sur l'environnement.
* 117 Usines de
pâtes à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine C. Uruguay),
demande en indication de mesures conservatoires, ordonnance du 23 Janvier 2007,
P2.
* 118 Par. 38 Al. 2 et
3.
* 119 Par. 55 Al.
3.
* 120 Principes 5, 7 et 27 de
la déclaration de Rio sur l'environnement et le développement.
* 121 Projet
Gabcikovo-Nagymaros, Par. 17 Al.1.
* 122 Sentence arbitrale du
16 novembre 1957, Lac Lanoux.
* 123 La parenthèse
est de nous.
* 124 Projet
Gabcikovo-Nagymaros, Par. 17 Al. 2.
* 125 Fievet (G),
« Réflexions sur le concept de développement
durable : prétention économique, principes
stratégiques et protection des droits fondamentaux », Op.
Cit., P. 150.
* 126 Par. 155, 2 (B).
* 127 Par. 141. Lire dans
ce sens Nouzha (C), « L'affaire de l'usine Mox (Irlande.,
Royaume-Uni) devant le Tribunal International du droit de la Mer : Quelles
mesures conservatoires pour la protection de l'environnement » in
Interactions entre le droit international et européen, 2002, P.
9.
* 128 Cour Internationale
de Justice, arrêt du 21 décembre 1962, affaires du Sud-ouest
africain (Ethique C. Afrique du Sud ; Libéria C. Afrique du Sud),
Série A n°2, P.13.
* 129 Essais
nucléaires (Australie C. France), arrêt Cour Internationale de
Justice Recueil 1974, P.268, Par. 46.
* 130 Détroit de
Corfou, arrêt, Cour Internationale de Justice 9 avril 1949, P. 22.
* 131 Article 12 de la
convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux
à des fins autres que la navigation.
* 132 Mémoire de
l'Argentine, conclusion 1 (b)
* 133 Kiss (A),
« L'Etat du droit de l'environnement en 1981 : problèmes
et solutions », J.D.I., N°3, Juillet - Août -
Septembre, 1981, P 505.
* 134 Principe 21 de la
déclaration de la conférence de Stockholm des Nations Unies sur
l'environnement humain.
* 135 Sentence arbitrale, 16
avril 1938 et 11 mars 1941.
* 136 Tchikaya (B),
Mémento de la jurisprudence du droit international public,
paris, hachette, 2001 - 2002 P. 48.
* 137 Affaire de la
Fonderie du Trail (Etats-Unis C. Canada.), 3 Report of international
Arbitration Awards (« R.I.A.A. ») 1905 (1941) P.
1965. Dans le même sens, Sentence arbitrale du 16 novembre 1957, affaire
du Lac Lanoux (France C., Espagne).
* 138 Affaire du
Détroit de Corfou, Op.cit P. 22.
* 139 Affaire Gabcikovo -
Nagymaros, Op.cit Par. 53.
* 140 Projet Gabcikovo-
Nagymaros, Op. Cit., Par. 53.
* 141 Fonderie du Trail,
supra note 114.
* 142 Détroit de
Corfou, Op.cit P. 22.
* 143 Voir dans ce sens
l'arrêt du 24 Mai 1980, affaire du personnel diplomatique et consulaire
des Etats-Unis à Téhéran (Iran c. Etats-Unis).
* 144 Projet Gabcikovo -
Nagymaros. Op.cit Par. 2.
* 145 Par. 155.
* 146 Ibid.
* 147 Par. 78, Al. 3
* 148 Neuf voix contre six
pour la première réponse et 10 voix contre 5 pour la seconde.
* 149 Déclaration du
président Schwebel.
* 150 Opinion individuelle du
juge Bedjaoui.
* 151 Sentence arbitrale du
31 juillet 1989(Guinée Bissau C., Sénégal) Cour
International de Justice, arrêt 12 novembre 1991, Rec. 1991, P. 52.
* 152 Bar (V),
« L'exploitation industrielle des cours d'eau
internationaux », RGDIP, N°17, 1910, P. 281.
* 153 Sohnle (J),
« Irruption du droit de l'environnement dans la jurisprudence de la
Cour Internationale de Justice : l'affaire Gabcikovo -
Nagymaros », Op. Cit., P. 119.
* 154 Bizimana (E),
Conflits armés et protection de l'environnement : le cas de la
faune et de la flore dans les grands lacs (Burundi, Rwanda et République
Démocratique du Congo), Thèse de doctorat de 3eme cycle en
Relations Internationales, option Diplomatie, IRIC -Yaoundé, septembre
2003, P. 132.
* 155
Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires,
Par. 27.
* 156 Par. 28.
* 157 Par. 30.
* 158 C.I.C.R.,
« Droit international humanitaire : réponses à vos
questions » brochure N° 0703, Décembre 2004, P.4.
* 159
Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires.
Par. 31 et 32.
* 160 Bretten (P),
« Le problème de « méthodes et moyens de
guerre ou de combat » dans les protocoles additionnels aux
conventions de Genève du 12 août 1949 », RGDIP,
1978, Tome LXXXII, P. 32.
* 161 Licéité
de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Par. 29.
* 162 Par. 30, Al. 2.
* 163 Par. 96.
* 164 Tchikaya (B), Op.cit P.
141.
* 165 Cité par
Bizimana (E), Op.cit. P. 179.
* 166 Licéité
de la menace de l'emploi de l'arme nucléaire ; Par. 32.
* 167 Cité par Vinuales
(E), Op. Cit., P. 249.
* 168 Par.50, al.3.
* 169 Annuaire de la
commission de droit international, 1980, Vol. II, deuxième partie,
P.33.
* 170 Par.57, al.4.
* 171 Par.54, al.3.
* 172 Sohnle (J), Op. Cit.,
P.105.
* 173 Sohnle (J), Op. Cit., P.
113.
* 174 Projet
Gabcikovo-Nagymaros, par.85, al.4.
* 175 Cité par
Vinuales (J), Op. Cit., P.247.
* 176 Daillier (P) et
Pellet (A), Op. Cit., P.808.
* 177Ibid., P.959.
* 178 Licéité
de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Par.31.
* 179 Kiss (A), Op. cit.,
P. 500.
* 180 Delbez (L), Op. cit.,
P. 92.
* 181 Daillier (P) et Pellet
(A), Droit international public, Paris, LGDJ, 2002, 7e
édition, P. 1282.
* 182 Ranjeva (R),
« Les potentialités des modes juridictionnels internationaux
de règlement des différends », in
L'effectivité du droit international de l'environnement.
Contrôle de la mise en oeuvre des conventions internationales,
Op.cit. P. 271.
* 183 Ranjeva (R),
« L'environnement, la Cour Internationale de Justice et sa chambre
spéciale pour les questions d'environnement », Op.cit. P. 434.
* 184 Ranjeva (R),
« Les potentialités des modes juridictionnels internationaux
de règlement des différends », Op.cit. P. 274.
* 185 Ranjeva (R),
« L'environnement, la Cour Internationale de Justice et sa chambre
spéciale pour les questions d'environnement », Op.cit. P.
433.
* 186 Ibid. P. 434.
* 187 Ibid.
* 188 Boisson de Chazournes
(L), « La mise en oeuvre du droit international dans le domaine de
la protection de l'environnement : Enjeux et défis », Op.
Cit., P.46.
* 189 Ibid.
* 190 Sohnle (J), Op.cit. P.
92.
* 191 Par. 54, Al. 5.
* 192 Par. 10.
* 193 C.P.J.I., arrêt
du 28 juin 1937, Rec. Al. B 70, P. 9 ; Sentence du 16 avril 1938, R.S.A.
Tome III, P. 1912.
* 194 Sohnle (J), Op.cit., P.
93.
* 195 Ibid. P.94.
* 196 « Pour
tout différend portant sur des questions scientifiques ou techniques,
une Cour ou un Tribunal exerçant sa compétence en vertu de la
présente section peut à la demande d'une partie ou d'office, et
en consultation avec les parties, choisir, de préférence sur la
liste appropriée établie conformément à l'article 2
de l'annexe VIII, au moins deux experts scientifiques ou techniques qui
siègent à la cour ou au tribunal sous droit de
vote »
* 197 Sohnle (J), Op.
cit., P. 94.
* 198 Sur (S),
L'interprétation en droit international public, Paris, LGDJ,
1974, P. 11.
* 199 Daillier (P) et
Pellet (A), Droit international public, Paris, L.G.D.J., 2002, P. 253,
7e édition.
* 200 Cité par Sur
(S), Op.cit., P. 252.
* 201 Ibid. P. 253.
* 202 Cour International
de Justice, REC. 1961, P. 32.
* 203 Projet
Gabcikovo-Nagymaros, opinion individuelle du juge Bedjaoui.
* 204 Daillier (P) et
Pellet (A), Op.cit., P. 263 ; dans le même sens, Berlia (G),
« Contribution à l'interprétation des
traités », Recueil des cours de l'Académie de droit
international de la Haye, 1965, vol. 1, Tome 114, PP. 287-331.
* 205 Conséquences
juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en
Namibie, Cour International de Justice, avis consultatif, 21 juin 1971, Rec.
1971, P.16.
* 206 Sohnle (J), Op.cit.,
P. 98.
* 207 Par. 112, Al. 2
* 208 J. P. Bufferne,
« La fonction de la Cour Internationale de Justice dans l'ordre
juridique international : Quelques réflexions »,
Revue Québécoise de droit international, 2002, P. 168.
* 209 Par. 140, Al. 4.
* 210 Opinion dissidente du
juge Bedjaoui.
* 211 Daillier (P) et Pellet
(A), Op.cit., P. 218.
* 212 Ibid. P.219.
* 213 Par. 155, 2) B).
* 214 Cour Internationale de
Justice, arrêt du 20 février 1969, affaire du plateau continental
de la mer du Nord (RFA /Danemark, RFA/ Pays -Bas), Cour Internationale de
Justice. Recueil 1969, Par. 85 a).
* 215 Cour Internationale de
Justice, arrêt du 25 juillet 1974, compétences en matière
de pêcherie (Islande c. Royaume-Uni).
* 216 Par. 114.
* 217 Par. 143.
* 218 Par. 140, Al. 4.
* 219 Lire dans ce sens
Bufferne (J.P.), « La fonction de la cour internationale de justice
dans l'ordre juridique international : quelques
réflexions », Op.cit. P. 167.
* 220 Par. 104 Al. 4.
* 221 Combacau (J), Vallee
(C), Sur (S) et Thierry (H), Droit International Public, Paris,
Montchrestien, 1975, P. 105.
* 222 Contrairement à
d'autres normes dont le changement est jugé imprévisible. Voir
Ibid.
* 223 Para. 140. Al. 2.
* 224 Par. 48. Al. 1
* 225 Ce qui est prévu
par l'article 33 du projet d'articles sur la responsabilité
internationale des Etats.
* 226 Bufferne (J-P), Op.
Cit., P.143.
* 227 Dupuy (P-M), Op. Cit.,
P.8.
* 228 Kamto (M),
« Les nouveaux principes du droit international de
l'environnement », Op. Cit., P.11.
* 229 Kamto (M), Droit de
l'environnement en Afrique, Op. Cit., P.19.
* 230 Ranjeva (R),
« Les potentialités des modes juridictionnels internationaux
de règlement des différends », Op. Cit., P.274.
* 231 Ranjeva (R),
« L'environnement, la Cour internationale de justice et sa chambre
pour les questions d'environnement », Op. Cit., P.434.
* 232Ranjeva (R),
« Les potentialités des modes juridictionnels internationaux
de règlement des différends », Op. Cit., P.274.
* 233 La chambre
spéciale pose aussi un problème dans le fonctionnement de la
Cour, notamment la possibilité d'un conflit de compétence entre
la chambre et la plénière. Pour plus de détails sur la
question, lire Ranjeva (R), « L'environnement, la Cour internationale
de justice et sa chambre pour les questions d'environnement », Op.
Cit., P.441.
* 234 Sohnle (J), Op. Cit.,
P100.
* 235 Par. 52.
* 236 Par. 104.
* 237 Par. 99.
* 238 Kamto (M), Droit de
l'environnement en Afrique, Op. Cit., P. 19.
* 239 Par. 50.
* 240 Par. 99.
* 241 Kiss (A),
L'effectivité du droit international de l'environnement,
contrôle de la mise en oeuvre des conventions internationales,
Paris, économica, 1998, P.3.
* 242 Ibid., P.4.
* 243 Boisson de Chazournes
(L), « La mise en oeuvre du droit international dans le domaine de
l'environnement : Enjeux et défis », Op. Cit., P. 46.
* 244 Kamto (M),
« Les nouveaux principes du droit international de
l'environnement », Op. Cit., P. 21.
* 245 Voir PP. 6 et 7
supra.
* 246
Doumbé-Billé (S), « la mise en oeuvre du droit
international de l'environnement par le juge national », Op. Cit., P.
3.
* 247 Delbez (L), Op. Cit.,
P. 207.
* 248 Kamto (M)
« Les nouveaux principes du droit international de
l'environnement », Op. Cit., P.20.
* 249 Pour Maurice Kamto,
le droit international de l'environnement fertilise le droit international
classique, remet l'humanité au coeur du droit international et s'annonce
aujourd'hui comme un droit de la paix et du développement. Ibid., P.11.
* 250 Ibid.
* 251 Delbez (L), Op. Cit.,
P. 19.
* 252 Ibid., P. 28.
* 253 « The role of
the ICJ in the development of international environmental protection
law », discours prononcé à l'occasion du sommet de la
terre de Rio de janeiro, 3-4 Juin 1992.
* 254 Salmon (J) dir.,
Dictionnaire de droit international public, Op. Cit., P. 617.
* 255 Impériali (C),
Op. Cit., P. 8.
* 256 Delbez (L), Op. Cit., P.
207 et ss.
* 257 Affaire
Gabcikovo-Nagymaros, par. 53.
* 258 Ranjeva (R),
« Les potentialités des modes juridictionnels internationaux
de règlement des différends », Op. Cit., P.272.
* 259 Ibid., P.273.
* 260 Kamto (M),
« Les nouveaux principes du droit international de
l'environnement », Op. Cit., P. 21.
* 261 Cité par Delbez
(L), Op. Cit., P. 28.
* 262 Bufferne (J-P), Op. Cit.
P.167.
* 263 Par. 112.
* 264 Plateau continental de
la mer du nord (RFA c. Danemark; RFA c. Pays-Bas), 1969, CIJ, Rec. 4.
* 265 Sohnle (J), Op. Cit., P.
102.
* 266 Bufferne (J-P), Op.
Cit., P. 166.
* 267 Licéité de
la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, par. 29.
* 268 Bufferne (J-P), Op.
Cit., P. 167.
* 269 Projet
Gabcikovo-Nagymaros, Par. 140 al. 3.
* 270 Daillier (P) et
Pellet (A), Op. Cit., P. 797.
* 271 C.P.J.I., 13
Septembre 1928, Usine de Chorzow, Série A, n°17, P. 29.
* 272 Ibid., P. 47.
* 273 Delbez (L), Op. Cit.,
P.28.
* 274 Cas de la pollution
par exemple.
* 275 Tchikaya (B), Op.
Cit., P.798. Voir aussi dans ce sens l'arrêt de la C.I.J. du 9 Avril
1949, affaire du détroit de Corfou, Rec. 1949, P.4.
* 276 Daillier (P) et
Pellet (A), Op. Cit., P.798.
* 277 La pollution des eaux
du golf du Mexique après l'effondrement de la plate forme
pétrolière de la compagnie British Pétrolium est assez
significative à cet égard.
* 278 C.P.J.I., 13
Septembre 1928, Usine de Chorzow ( Allemagne c. Pologne), Série A,
n°17, P.27.
* 279 C.I.J., arrêt du
27 Septembre 1997, projet Gabcikovo-Nagymaros, Par. 140, Al.3.
* 280 Ibid.
* 281 Dupuy (P-M), Op. Cit.,
P.278.
* 282 Ibid.
* 283 Par. 154.
* 284 La même
solution aurait pu être envisagée dans l'affaire des Usines de
Pâte à Papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), dans
la mesure où la Cour trouvait inapproprié le
démantèlement de l'usine Orion construite par en l'Uruguay en
violation de ses obligations de nature procédurale. Confère
C.I.J., 20 Avril 2010, affaire des usines de pâte à papier sur le
fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), Par. 121 et ss,
www.icj-cij.org, consultation du 28
Avril 2010.
* 285 Delbez (L), Op. Cit.,
P.28.
* 286
Doumbé-Billé (S), « La mise en oeuvre du droit
international de l'environnement par le juge national », Op. Cit.,
P.3.
* 287 Ranjeva (R),
« les potentialités des modes juridictionnels internationaux
de règlement des différends », Op. Cit., P.272.
* 288Boisson de Chazournes
(L), « La mise en oeuvre du droit international dans le domaine de la
protection de l'environnement : Enjeux et défis », Op.
Cit., P.49.
* 289 Kamto (M), Droit de
l'environnement en Afrique, Op. Cit., P.19.