Le régime de l'administration transitoire des territoires en droit international.( Télécharger le fichier original )par Luc Yannick ZENGUE Université de Yaoundé II (SOA) - Diplôme d'études approfondies en droit international public et communautaire 2007 |
B. L'ambigüité du texte constitutif de la Mission d'administrationDes ambigüités sérieuses jalonnent la rédaction du texte fondateur d'une Mission d'administration intérimaire. Elles se traduisent par une incertitude sur la fin de l'administration intérimaire, et une prescription équivoque des objectifs de la Mission. 1- L'incertitude sur la fin de l'administration transitoire Le Conseil établit généralement la présence internationale pour une période « initiale de 12 mois», indique que celles-ci devront poursuivre leur activités par la suite tant qu'il « n'en aura pas décidé autrement »362(*). Cette subtile formulation cache mal les insuffisances du Conseil dans la programmation opérationnelle. En principe, l'administration internationale d'un territoire est par nature transitoire ; principe que le Conseil a mal à traduire. En outre, la politique de la MINUK en pratique, présente plutôt des traits marquant de quelque chose de conservatoire. Le volontarisme -inégalement- déployé dans sa mise en oeuvre ressemble à un pari sur l'irréversibilité, alors que les pouvoirs souverains transférés par l'Etat hôte sont temporaires et celui-ci entend les recouvrir dans de brefs délais. L'incertitude qui pèse sur la cessation des activités de l'administration transitoire est donc réelle et problématique. En prenant des décisions qui tendent à pérenniser de manière anormale une situation normalement provisoire, l'ONU court le risque d'être perçue comme un proconsul et la Mission pourrait être comparée, si sa mission se prolonge trop, à une force d'occupation par la population363(*). Et si elle prend le caractère d'une force d'occupation, la Mission justifie de ce fait le droit à l'auto-détermination du peuple dont le territoire est occupé ; toute chose qui ne s'inscrit pas dans le souci de respecter l'intégrité territoriale du souverain territorial. Le Conseil est le seul juge du moment où une administration internationale transitoire d'une part, atteint ses objectifs globaux, et donc cesse d'être nécessaire d'autre part. C'est dire si la décision unilatérale du Conseil prévaut sur le consentement de l'Etat hôte. L'on peut aussi y voir l'intériorisation par le Conseil, des effets du veto. Dès cet instant, le sort de la Mission dépend finalement des caprices des « cinq grands ». Cet état de chose est contraire à l'esprit de synergie et de transparence voulu par l'administration intérimaire. Ce d'autant plus que le mode de fonctionnement du Conseil constitue un handicap majeur à une administration efficiente des territoires. La dévolution d'un mandat de courte durée renouvelable à la discrétion d'un membre permanent du Conseil entretient un climat d'incertitude insurmontable. Le caractère ambigu de la résolution du Conseil se poursuit dans la définition des objectifs de la Mission. 2- Une définition équivoque des objectifs de la Mission Au paragraphe premier de la résolution 1244 (1999), le Conseil de Sécurité déclare que « la solution politique de la crise au Kosovo reposera sur les principes généraux énoncés à l'annexe 1et les principes et conditions plus détaillées figurant à l'annexe 2 » Il s'agit en effet des principes transmis par l'Accord du G8 et l'Accord de Bel grade. L'un et l'autre renvoient à : « Un processus politique en vue de l'établissement d'un accord cadre politique intérimaire prévoyant pour le Kosovo, une autonomie substantielle qui tienne pleinement compte des Accords de Rambouillet et du principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie [...] ». L'ambigüité majeure de la MINUK réside dans la conciliation de ces principes potentiellement contradictoires. En réalité, le processus et les termes du règlement définitif du conflit semblent repoussés vers un lointain avenir. Les instruments repris par le Conseil, contournent tous à cause ou en dépit de son extrême plasticité, la notion d'auto-détermination. Le mot n'apparaît pas, l'auto-administration dans toutes ses formes, lui étant préférée. Seulement, en version anglaise, « autonomie substantielle » renvoie à « substantial self-government », ce qui exprime un haut degré d'autonomie. L'auto-administration semble recouvrir le spectre de fonctions plus larges que la simple autonomie administrative. Les expressions « autonomie sensiblement accrue », « véritable autonomie administrative », «véritable autonomie administrative » qui sont habilement glissées dans les textes, déterminent à mots cachés, le statut futur du Kosovo. De ce fait, la résolution 1244 présente les traits d'une résolution de dupe, au détriment des intérêts du souverain territorial. Le silence gardé sur le statut futur du Kosovo serait finalement un « silence normateur de d'effet positif »364(*) en faveur de l'auto-détermination des Kosovars. Partit sur des bases qui ne lui permettent pas d'avoir une réelle visibilité de son action, la Mission d'administration intérimaire ne peut que présenter un fonctionnement tout aussi limité. * 362 Résolution 1244 (1999), Op. Cit., par. 19 * 363 GARCIA (T.), Op. Cit., p.66 * 364 KAMTO (M.), GUIMDO (B.R.), « Le silence de l'administration en droit administratif camerounais », Lex Lata, N° 005, 15 Décembre 1994, p. 13 |
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