Le régime de l'administration transitoire des territoires en droit international.( Télécharger le fichier original )par Luc Yannick ZENGUE Université de Yaoundé II (SOA) - Diplôme d'études approfondies en droit international public et communautaire 2007 |
1- Les fondements de la résolution du Conseil de Sécurité instituant l'administration transitoireDu point de vue de la stricte légalité, la Charte des Nations Unies n'attribue pas expressément à l'O.N.U. la capacité d'administrer un territoire en dehors du chapitre XII73(*). La réapparition des Nations Unies dans l'administration directe d'un territoire est l'aboutissement d'une interprétation constructive de la Charte en vue de faire face de manière efficace aux nouveaux défis du maintien de la paix. Ledit maintien de la paix constitue l'objectif primordial que vise l'ONU et le principe cardinal sur lequel repose tout l'édifice onusien74(*). Le premier fondement de la résolution instituant une administration transitoire, se trouve dans la primauté reconnue au Conseil par la Charte en vertu de l'article 24, paragraphe 1. Aux termes de cet article, le Conseil de Sécurité dispose de « la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale ». L'on déduit de l'expression « principale », une situation de concurrence entre le Conseil et l'Assemblée générale ; exception faite du Secrétaire général qui, sur le fondement de l'article 99, est investi de certains pouvoirs dans le domaine du maintien de la paix. La Charte affirme la primauté du Conseil qui se dédouble en une priorité procédurale et en une priorité matérielle. D'abord une priorité procédurale : Selon la maxime latine « accesorium sequitur principale », le principal appelle l'accessoire. En effet, toute compétence exclusive du Conseil ne saurait exclure une intervention de l'Assemblée générale. Seulement, cette dernière doit s'abstenir de toute recommandation tant que le premier reste saisi d'une affaire, sauf demande expresse. Il en découle donc une limitation ratione temporis de l'action de l'Assemblée générale75(*). Ensuite une priorité matérielle : Elle s'analyse en terme de monopole de « qualification » et « d'action » reconnu au Conseil de Sécurité respectivement par les articles 39 et 11, paragraphe 2. Le chapitre VII appréhende les atteintes à l'ordre établi par la Charte en termes de menace contre la paix, rupture de la paix ou agression. Dans l'opération technique et intellectuelle qui conduit à qualifier une situation, le Conseil dispose d'une compétence exclusive et discrétionnaire. L'article 11, paragraphe 2 in fine lui réserve également toute question liée au maintien de la paix « qui appelle une action » ; Une question de cette nature devant lui être « renvoyée » par l'Assemblée générale. Le rapport hiérarchique qui découle de la reconnaissance par la Charte de la prégnance du Conseil de Sécurité sur l'Assemblée générale en matière de maintien de la paix, établit un équilibre entre l'un et l'autre organe. « L'assemblée poursuit l'auteur, étudie ce qui « se rattache à la paix », le Conseil « agit » pour assurer la paix »76(*). Néanmoins si le Conseil s'affirme en tant qu'organe principal du maintien de la paix et de la sécurité internationales, ce rôle va parallèlement lui être disputé. Ainsi, l'Assemblée générale s'est octroyée le droit des suppléer le Conseil lorsque celui-ci s'est trouvé paralysé notamment par le veto soviétique77(*). La résolution 377 de l'Assemblée générale du 2 novembre 1950, « Union pour le maintien de la paix », mieux connue sous le vocable de résolution Dean Acheson, adoptée dans le cadre de la crise de Corée, constitue le point de départ de cette pratique qui s'est inscrite dans le temps. La résolution Dean Acheson crée un système de sécurité collective parallèle à la Charte mais calqué sur le modèle de cette dernière ; La seule modification s'opérant par la substitution de l'Assemblée générale au Conseil78(*). « Celle-là se substitut à celui-ci pour qualifier les situations du chapitre VII et prendre les mesures correspondantes »79(*). La résolution 377 entraîne une controverse : Pour certains, son « inconstitutionnalité » originelle est couverte par la pratique générale acceptée même par ses adversaires (principalement l'ex Union des Républiques Soviétiques et Socialistes, et la France)80(*) comme faisant droit. Pour d'autres, il manque à cette pratique, l'opinio juris nécessaire à engendrer81(*) une règle coutumière, en raison de la position de principe de l'URSS et du bloc socialiste. Cette controverse est à l'origine de la crise de financement de certaines opérations des Nations Unies. Toute chose qui conforte la primauté du Conseil de Sécurité dans le domaine du maintien de la paix. L'autre fondement de la résolution du Conseil mettant en place une « présence internationale », réside dans la délégation de pouvoirs consentie par les Etats Membres de l'O.N.U, afin que cette dernière puisse, au moyen d'organes propres, atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés. Pour saisir la question, il faut cerner l'objet et le bénéficiaire de ladite délégation. La délégation des pouvoirs des Etats Membres à l'ONU porte sur la fonction primordiale du maintien de la paix. La cession de cette fonction s'accompagne de tous les pouvoirs y afférents. Finalement, la délégation porte sur la souveraineté. La fonction du maintien de la paix constitue en effet « une prérogative de puissance publique, qui participe de la souveraineté de l'Etat »82(*). Pour le Professeur Michel VIRALLY, la délégation des pouvoirs dont il s'agit, ne peut être comprise que dans le sens d'une délégation de souveraineté83(*). Quant au bénéficiaire de la délégation, le Conseil se positionne comme l'organe le plus disposé à exercer les pouvoirs souverains délégués. Son choix est justifié à la fois par le nombre et la qualité de ses membres permanents. En fait, en vue d'une « action rapide et efficace », le Conseil offre l'avantage d'être un organe restreint. Une telle caractéristique favorise le consensus et rétrécie les voies du blocage issu de la pléthore des points de vues. En outre, les membres permanents du Conseil se recrutent parmi les premières puissances financières et militaires de la planète. Cet état de chose est en principe, une réelle chance pour répondre aux questions du financement et la fourniture en contingents des opérations de paix. Le droit de veto dont l'exercice relève d'un pouvoir discrétionnaire, renforce le poids juridique et politique des membres du Conseil. Aucune mesure ne peut être prise sans le consentement d'un quelconque membre du « club des cinq » et a fortiori contre eux84(*). Cependant, la démocratisation prônée par la nécessité de la réforme des Nations Unies qui semble remettre en cause cet ordre, pose quand même une ambigüité. En effet, l'intégration dans le directoire mondial, à la fois des pays émergents et du reste du Tiers-monde, nous paraît favorable à des blocages dans le processus décisionnel du « club des cinq » déjà éprouvé, et partant, semble constituer un empêchement considérable à la rapidité et à l'efficacité recherchées par l'article 24, paragraphe 1. L'adoption de la résolution du Conseil de Sécurité instituant une présence internationale sur un territoire est la traduction de l'exercice par ledit Conseil de son pouvoir réglementaire extérieur. Il reste néanmoins à saisir dans quelle mesure cette résolution est opposable aux divers sujets de droit international. 2- Les fondements et l'étendu du caractère obligatoire de la résolution du Conseil de Sécurité Vu l'échec de la Société des Nations (S.d.N.), l'une des préoccupations majeures des rédacteurs de la Charte des Nations Unies est de construire une organisation internationale qui devrait « avoir des dents »85(*). Sur le plan stratégique, un comité d'état major est prévu. Mais ce « dispositif n'a pu être mis en place en raison de la mésentente entre les cinq grands et l'entrée dans la guerre froide à partir de 1947 »86(*). Cet état de chose amène les Nations Unies à renoncer aux moyens de coercition au profit du chapitre VI sur « le règlement pacifique des différends ». Toute chose qui déteint sur l'efficacité et donc ne satisfait point l'O.N.U. Un palliatif voit le jour avec les opérations de maintien de la paix. Conçues par messieur Dag HAMMARSKJOLD et Lester B. PEARSON, les opérations de maintien de la paix « constituent un mécanisme hors charte et ad hoc »87(*) mais en conformité avec ladite charte, et reposant sur son article 1. Toutefois, la fin de la guerre froide au début des années 1990 et le retour de la sérénité entre les membres permanents du Conseil de Sécurité, offrent à ce dernier l'occasion de retrouver toutes ses capacités ou du moins de les renforcer88(*). Dès cet instant, le Conseil acquiert « tout latitude pour décider de la nature des mesures prises dans le cadre des OMP : soit de situer dans un esprit de conciliation (esprit du chapitre VI), soit dans une posture plus contraignante et dissuasive (esprit du chapitre VII) »89(*). Si le Conseil statut en se « référant expressément au chapitre VII, il existe une forte présomption en faveur du caractère obligatoire de la résolution »90(*). Mais certains auteurs estiment que la « référence systématique » au chapitre VII est superfétatoire et source de dérives ; la référence au chapitre VII étant souvent interprétée comme donnant droit aux membres permanents du Conseil même pris individuellement, de considérer à leur propre compte, toute la palette des mesures envisagées par ce chapitre91(*). De la conformité de la résolution établissant une « présence internationale » à la Charte, résulte la base légale de son caractère obligatoire. Certaines organisations internationales les plus perfectionnées, confie la vérification de la conformité des normes issues du pouvoir réglementaire extérieur à un organe juridictionnel (CEE, articles 173 et 174)92(*). Cette donnée n'est malheureusement pas vérifiable au niveau de l'ONU. En effet, « l'absence totale de contrôle juridictionnel statutaire choque la logique juridique et les théories d'organisation du pouvoir telles qu'héritées de la philosophie de Locke ou Montesquieu »93(*). Cependant, il semble que les actes accomplis par le Conseil en vertu du pouvoir discrétionnaire à lui conféré par la Charte, seraient soumis à un régime assimilable à la théorie interniste des actes de gouvernement dont le contrôle est inutile. Dans son Avis consultatif dans l'affaire des dommages subis au service des Nations Unies, la Cour Internationale de Justice (CIJ) affirme que « les sujets de droit, dans un système juridique, ne sont pas nécessairement identiques quant à leur nature ou à l'étendue de leur droits »94(*). Une extension de ce postulat peut être opérée au niveau des obligations des sujets de droit international. Ainsi l'appréhension du caractère obligatoire de la résolution du Conseil diverge selon qu'il s'agit de l'Etat concerné, des Etats Membres et autres organisations internationales ou des Etats non membres. Pour ce qui est des Etats concernés, il s'agit de ceux dont la gouvernance ou les titres de souveraineté sont contestés. La décision d'instituer une administration transitoire intervient après un long processus de résolution d'une crise ; une situation de trouble grave entraînant ipso facto, son inscription dans l'agenda de l'ONU95(*). Dans la relation entre le Conseil et le territoire dont les structures étatiques s'évanouissent, le caractère autoritaire des résolutions s'affirme progressivement et proportionnellement à l'intensité de l'atteinte à l'ordre établi par la Charte. C'est ainsi que dans la résolution mettant en place une administration transitoire, mention est faite des résolutions antérieures en guise d'assises autoritaires. Dans sa résolution 1244 du 10 juin 1999, le Conseil « exige en particulier que la République fédérale de Yougoslavie mette immédiatement et de manière vérifiable un terme à la violence et à la répression au Kosovo ». Toujours dans le cadre de la résolution 1244, l'éventuel « besoin » qui justifie la jonction d'une présence internationale dite de sécurité à une autre dite civile, pourrait être l'impératif de soumission de la République fédérale de Yougoslavie à la résolution. L'obligatorieté de la résolution ici pallie à « la discutable valeur contraignante des accords de paix »96(*). Cependant, l'on constate un amenuisement du pouvoir contraignant du Conseil de sécurité envers les Etats membres non concernés et les autres organisations. Il s'agit pour le Conseil, d'exhorter ceux-ci à contribuer au succès de la mission à travers leur implication dans certaines tâches97(*). Ainsi, aux exigences faites par le Conseil à l'Etat hôte, se substituent les autorisations au bénéfice des Etats Membres et autres organisations internationales98(*). Il reste néanmoins que cet état de chose ne porte en rien préjudice au fait que « l'organisation jouit sur le territoire de chacun de ses Membres, de la capacité juridique qui lui est nécessaire pour exercer ses fonctions et atteindre ses buts »99(*). On admet finalement que les Membres, en assignant à l'ONU certaines fonctions ainsi que les devoirs et les responsabilités y afférentes, lui reconnaissent la compétence adéquate pour qu'elle s'acquitte de ses fonctions100(*). Et, « la Charte ne s'est pas bornée à faire simplement de l'organisation créée par elle, un centre où s'harmoniseraient les efforts des nations vers les fins communes (...). Elle a défini la position des Membres par rapport à l'organisation en leurs prescrivant de lui donner pleine assistance dans toute action entreprise par elle (article 2, paragraphe 5), d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de Sécurité en autorisant l'Assemblée générale à leur adresser des recommandations »101(*). Quant aux Etats tiers à l'ONU, leur non participation à l'organisation ne les affranchit aucunement du devoir de se soumettre à certaines mesures prises par les Nations Unies. En effet, le poids et l'influence de l'ONU sont allés grandissant au fil des années. L'applicabilité de l'article 25 de la Charte sur l'obligatorieté des décisions à l'égard des Membres, peut s'étendre aux tiers. Le 15 novembre 1948, le Conseil recommande à l'Assemblée générale, sur la base de l'article 93, paragraphe 2, que la Suisse soit invité à accepter toutes les obligations d'un Membre de l'O.N.U. aux termes de l'article 94 afin de devenir partie au statut de la Cour internationale de Justice. Par ailleurs et à cet égard, dans son Avis du 11 avril 1949, la CIJ déclare que « cinquante Etats, représentant une très large majorité des membres de la communauté internationale, avaient le pouvoir, conformément au droit international, de créer une entité possédant une personnalité internationale objective »102(*). Par « personnalité internationale objective », l'on désigne une personnalité qui est reconnue non seulement par les Etats Membres, mais aussi par les entités ne participant pas à l'ONU. La résolution du Conseil de Sécurité instituant une administration transitoire se suffit en elle-même pour que cette institution prenne corps, puisque le Conseil donne à une telle décision, un caractère « afflictif »103(*). Mais l'ONU rend un hommage à la souveraineté de des Etats dont elle se veut d'ailleurs protectrice. D'où l'attachement à la souveraineté de l'Etat hôte dans le processus conduisant à la mise en place d'une administration transitoire. B. L'attachement à la Souveraineté de l'Etat hôteLa notion d'administration d'un territoire ne s'apparente nullement à celle de « souveraineté territoriale ». Les traités de Westphalie (le traité de Osnabrück et celui de Munster) des 14-24 octobre 1648 constituent l'acte de naissance des nouveaux Etats souverains104(*). La souveraineté est le pouvoir suprême de l'Etat qui n'a d'égal dans l'ordre juridique interne, encore moins de supérieur dans l'ordre international. Pour le Professeur Marcelo KOHEN, la souveraineté territoriale constitue «le plus haut degré de compétence d'un sujet sur un espace donné»105(*). Si le droit des gens reste principalement interétatique, c'est entre autre, en raison de l'influence déterminante qu'exerce la notion de souveraineté, principal attribut de l'Etat. A travers leur tendance à affirmer leur souveraineté, les Etats consacrent la primauté de la volonté de l'Etat en droit international. En effet, l'Etat n'accepte aucune limite à sa souveraineté que celle qui découle de sa propre volonté. Et, pour le règlement des problèmes commun, en l'occurrence ceux liés au maintien de la paix le procédé du traité fondé sur l'accord des protagonistes est prôné106(*). Ainsi donc, l'attachement à la souveraineté de l'Etat hôte dans la mise en place d'une administration transitoire se décline non seulement à travers l'expression du consentement de celui-ci, mais également via le souci onusien de l'indivisibilité du territoire de l'Etat hôte. 1- Le préalable du consentement de l'Etat hôte L'administration transitoire d'un territoire en droit international est non pas le produit d'une simple effectivité, mais la résultante d'un accord intervenu entre le souverain territorial et celui qui en devient l'administrateur. Pour mieux appréhender l'intérêt de l'expression « préalable du consentement de l'Etat hôte », il faut partir de l'idée du Professeur Maurice KAMTO selon laquelle, « la volonté de l'Etat occupe une place centrale dans la théorie traditionnelle du droit international et demeure aujourd'hui encore une pierre angulaire du droit des gens »107(*). C'est dans ce sens que l'adhésion du souverain territorial au projet d'administration de son territoire est un critère déterminant. Pour l'établissement de l'« Autorité exécutive temporaire des Nations Unies » (AETNU) en Irian occidental, l'ONU s'appuie sur l'Accord conclu le 15 août 1962 entre l'Indonésie et les Pays-Bas108(*). L'administration internationale ici est conçue comme un régime transitoire qui ne doit pas opérer contre la volonté de l'une des parties à l'Accord109(*). La résolution 1244 du 10 juin 1999 invoque l'accord « Ahtisaari-Tchernomyrdine » du 2 juin 1999 qui mentionne déjà l'accord de Kumanovo du 9 juin 1999 conclu entre la force pour le Kosovo de l'OTAN (KFOR) et la République fédérale de Yougoslavie (RFY) portant sur la sécurité du Kosovo. Les accords de Rambouillet constituent l'autre outil d'identification du consentement de la RFY. En outre, le G8 qui a été l'élément moteur des négociations avec le président Slobodan MILOSEVIC, adopte le 6 mai 1999, sur la base desdites négociations, un accord sur les principes d'un règlement politique du conflit au Kosovo qui prévoit le déploiement de présences internationales civiles et de sécurité sous l'égide des Nations Unies, la mise en place d'une administration internationale sur décision du Conseil de sécurité et l'établissement d'une autonomie substantielle pour le Kosovo110(*). Quant à la résolution 1272 du 24 octobre 1999, elle est précédée par l'adoption le 6 mai de la même année, d'un accord triparti, auquel participent aussi les Nations Unies111(*). A travers cet accord, l'Indonésie et le Portugal conviennent de tenir sous les auspices de l'ONU, un référendum offrant à la population est-timoraise le choix d'appartenir en tant que province autonome à l'Indonésie ou de devenir un Etat indépendant112(*). Le 30 août 1999, les est-timorais se prononcent nettement en défaveur du régime de Djakarta.113(*) L'établissement de l'ATNUTO par le Conseil représente la mise en oeuvre de l'article 6 de l'Accord triparti de mai 1999, aux termes duquel les deux Etats acceptent de transférer aux Nations Unies l'administration du Timor oriental. L'accord des deux parties pour le transfert de l'autorité à l'ONU est réitéré le 28 septembre 1999114(*). Le fait que le consentement de l'Etat hôte ne constitue pas en principe une condition insurmontable pour la mise en place d'une administration transitoire n'en atténue point la portée. C'en est quand même une condition optimale. En fait, le consentement des parties intéressées est « un élément fondamental » pour le succès des projets d'administration internationale, comme en témoigne l'expérience de l'AETNU115(*). Les autorités représentatives, ou considérées comme telles, de l'Etat concerné par une administration transitoire ne sauraient refuser arbitrairement de donner leur consentement aux autorités compétentes onusiennes ou autres. Un tel refus risquerait d'affecter sérieusement leur légitimité et crédibilité. Il n'en reste pas moins qu'en droit international positif, on ne saurait parler actuellement d'une obligation juridique de l'Etat d'exprimer son consentement à l'institution d'une présence internationale sur son territoire. Toutefois, une telle obligation serait fort souhaitable de lege feranda, du moins lorsque les nécessités humanitaires l'exigent. Quoiqu'il en soit, le territoire concerné demeure une partie intégrante du territoire de l'Etat hôte. 2- Le souci onusien de l'indivisibilité du territoire de l'Etat hôte A certains égards, la relation qui s'établie entre la puissance administrante et l'Etat hôte, est assimilable à la théorie civiliste du propriétaire et du détenteur. Ce dernier possède un bien mais n'ignore pas les droits du premier, notamment le droit d'en disposer. L'administration transitoire n'a pas pour objectif, la soustraction de la région administrée du domaine de validité normal de l'ordre juridique d'un Etat. C'est ce qui explique dans le cadre de la MINUK, l'abstention du Conseil de se prononcer sur le statut futur du Kosovo car cette tâche relève de la compétence de la Serbie. Il s'agit pour le Conseil, de manifester son attachement à la souveraineté et à l'intégrité territoriale qui constituent des préoccupations majeures pour les pouvoirs publics serbes. A cet effet, le préambule de la Constitution de la Serbie-et -Monténégro du 4 février 2004 prévoit que l'Etat de Serbie comprend les provinces autonomes de Voivodine et du Kosovo et Metohija qui, « conformément à la résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, est momentanément sous administration internationale ». Cependant, le Professeur Jean-Louis ATANGANA AMOUGOU observe que « très souvent, la résolution crises politiques emporte de nombreuses conséquences constitutionnelles soumettant à une dure épreuve les constitutions en vigueur »116(*). Ce postulat est vérifié dans le règlement sur le terrain de la crise kosovare avec l'option mal fondée pour l'indépendance du Kosovo que nous aborderons plus tard. La résolution 1244 (1999) énonce les principes généraux et objectifs principaux de l'administration intérimaire déjà développés dans les accords politiques précédents. Ainsi l'objectif global de la MINUK consiste à : « [...] assurer une administration intérimaire dans le cadre de laquelle la population du Kosovo pourra jouir d'une autonomie substantielle dans le cadre de la République fédérale de Yougoslavie [...] »117(*) Pour la mise en place d'une administration transitoire, l'on peut se limiter à la formule du Professeur Paul REUTER concernant l'application du chapitre VII selon laquelle, « ou bien les « cinq grands » sont d'accord et les Nations Unies disposent de pouvoirs très étendus, ou bien ils ne le sont pas et toute action devient impossible »118(*). Mais le Conseil choisit de greffer à son consensus, l'engagement de l'Etat hôte. D'après la Cour permanente de justice internationale, « [l]a faculté de contracter des engagements internationaux est précisément un attribut de la souveraineté de l'Etat »119(*) ; or, l'acceptation de clauses conventionnelles entraînant la renonciation volontaire par un Etat à ses pouvoirs souverains est envisageable en tant que manifestation de sa souveraineté territoriale. L'administration transitoire d'un territoire devient ainsi une mesure décidée par le Conseil et consentie par le souverain du territoire intéressé. Cet état de chose est difficilement identifiable, voire absolument introuvable dans le cadre d'une occupation de guerre. Le souci de la convergence des volontés qui, en aval, la mise en place de l'administration transitoire, est également identifiable en amont, dans la fin de ladite administration. * 73 STAHN (C.), « The United Nations transitional administration in Kosovo and East Timor: A first analysis », Max Planck Yearbook of United Nations law, vol.5, 2001, * 74 DEGNI-SEGUI, « L'article 24, », in COT (J.P.) et PELLET (A.), La charte des Nations Unies, Commentaire article par article, 2éme éditions, Economica, Paris, 1991, p. 447 * 75 CIJ, Certaines dépenses des Nations Unies, Avis consultatif du 20 juillet 1962, Recueil, 1962, p. 163 s * 76 CHAUMONT (Ch.), « L'équilibre des organes politiques des Nations Unies et la crise de l'organisation », AFDI, 1965, p. 431 * 77 Le Professeur Charles ROUSSEAU note que l'URSS a utilisé 47 fois le veto du 1 janvier 1946 au 31 décembre 1951, Cf. ROUSSEAU (Ch.), Droit international public II, Sirey, Paris, 1974, p. 577 * 78 VIRALLY (M.), L'organisation mondiale, Armand Colin, Paris, Collection U, 1972 * 79 DEGNI-SEGUI, « L'article 24, », Op. Cit., p.453 * 80 DEGNI-SEGUI, Ibid. , p. 457 * 81 QUOC DINH (N.) et ali., Droit international public, LGDJ, Paris, 1987, p. 858 * 82 DEGNI-SEGUI, Op Cit. , p. 449 * 83 VIRALLY (M.), L'organisation mondiale, Ibid., p. 244 * 84 CHAUMONT (Ch.), Op. Cit., p. 432 * 85 NOVOSSSELOFF (A.), « Le chapitre VII, le recours à la force et le maintien de la paix », in Guide du maintien de la paix, 2007-2008, p. 85 * 86 NOVOSSSELOFF (A.), Le conseil de Sécurité des Nations Unies et la maîtrise de la force armée - Dialectique du politique et du militaire en matière de paix et de sécurité internationale, Bruxelle, Bruylant, 2003, p. 179 * 87 NOVOSSSELOFF (A.), « Le chapitre VII, le recours à la force et le maintien de la paix », Ibid., p. 87 * 88 Selon le docteur Alexadra NOVOSSSELOFF, à partir des années 1990, le Conseil de Sécurité a commencé à faire référence de manière systématique au chapitre VII. Entre 1987 et 1994, le Conseil passe 75 résolutions au titre du chapitre VII, et entre 1995 et 2001, 94, Cf. « Le chapitre VII, le recours à la force et le maintien de la paix », Op. Cit., p. 91 * 89 NOVOSSSELOFF (A.), Op. Cit., p. 89 * 90 SUY (E.) « L'article 25 » in COT J.P.) et PELLET A.), La Charte des Nations Unies, commentaire article par article, Op. Cit., p. 478 * 91 NOVOSSSELOFF (A.), « Le chapitre VII, le recours à la force et le maintien de la paix », Op. Cit., p. 94 * 92 BETTATI (M), Op. Cit., pp. 62 - 63 * 93 NERI (K.), « La question du contrôle des résolutions du Conseil de Sécurité à l'épreuve de l'évolution des mandats des opérations de maintien de la paix » in Le journal du Centre de Droit International de l'Université Jean Moulin Lyon 3, N° 1, Avril 2008, pp. 12-13 * 94 CIJ, « Réparation des dommages subis au service des Nations Unies », Avis consultatif, Recueil 1949, p.178 * 95 Voir pour ce qui est du Timor Oriental, « The United Nations and East Timor : A chronology », article disponible sur le site http : www.org/peace/etimor99/chrono/body.html * 96 ATANGANA AMOUGOU (J.-L.), « Les Accords de paix dans l'ordre juridique interne en Afrique », RRJ, 2008-3, N° XXXIII - 123, PUAM, p. 1731 * 97 Voir S/RES/1244 (1999), 10 juin 1999, par. 13 * 98 Ibid., par. 7 et Annexe 2, par. 4 * 99 Voir article 104 de la Charte des Nations Unies * 100 CIJ, « Réparation des dommages subis au service des Nations Unies », Op. Cit., p. 179 * 101 CIJ, « Réparation des dommages subis au service des Nations Unies », Op. Cit., p. 178 * 102 Ibid., p. 185 * 103 DUPUY (P-M.), Droit international public, Précis Dalloz, 8éme édition, Paris, 2006, p. 160 * 104 DALLIER (P.), PELLET (A.), Droit international public, Op. Cit., p. 51 * 105 KOHEN (M.), Possession contestée et souveraineté territoriale, Op. Cit., p. 79 * 106 DALLIER (P.), PELLET (A.), Ibid., p. 52 * 107 KAMTO (M.), « La volonté de l'Etat en droit international », RCADI, Tome 310, Martinus NIJHOFF Publishers, Leiden/Boston, 2007, p. 23 * 108 « Accord entre la République d'Indonésie et le Royaume des Pays-Bas concernant la Nouvelle-Guinée occidentale (Irian occidental) », signé au siège de l'Organisation des Nations Unies, à New York, le 15 août 1962, publiée in : RTNU, 438, p. 275, et aussi reproduit en annexe au Doc. NU A/5170, du 20 août 1962, et au Doc. NU S/5169, du 21 septembre 1962. * 109 KOLB (R.) PORETTO (G.) et VITE (S.), Op., Cit., p 34 * 110 Voir « Chronique des faits internationaux », RGDIP, 1999, N° 3, pp. 739-741 * 111 Doc. NU S/1999/513, 6 mai 1999, v. les Annexes I-III. * 112 De HOOGH (A.J.J.), « Some Random Remarks on Complaints Regarding the East Timor Popular Consultation», (2000), 13, LJIL, p. 997 * 113 Sur les résultats officiels des votations, voir le Communiqué de presse Doc. NU GA/9691, 17 décembre 1999. * 114 KOLB (R.) PORETTO (G.) et VITE (S.), Op., Cit., p. 42 * 115 KOLB (R.) PORETTO (G.) et VITE (S.), Ibid., p. 83 * 116 ATANGANA AMOUGOU (J.-L.), « Les Accords de paix dans l'ordre juridique interne en Afrique », Op. Cit., p. 1724 * 117 S/RES/1244 (1999), point 10 * 118 REUTER (P.), Droit international public, PUF, Paris, 1983, p. 524 * 119 CPJI, affaire du Vapeur Wimbledon, arrêt, 17 août 1923, série A, n° 1, p. 25 |
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