2.3. Modèles d'analyse
Au début de ce travail, nous nous sommes donné
comme objectif d'étudier les représentations des espaces urbains
et leurs usages par les populations de N'Djaména ainsi que les
représentations des ordures ménagères. Notre
préoccupation majeure dans ce travail est de savoir comment la
perception des espaces urbains et des ordures ménagères structure
les rapports de l'homme avec les ordures provenant de ses consommations.
Cette préoccupation étant la formulation même de notre
question de recherche, nous trouvons indispensable de la reprendre ici car,
comme le disent Quivy et Compenhaudt (1988 : 113), « avant de mettre au
point le modèle d'analyse, il n'est (...) jamais inutile de
repréciser une dernière fois la question centrale de la
recherche. Cet exercice constitue un gage de structuration cohérente des
hypothèses »
Alors, pour décrypter, lire et comprendre ces
représentations, les usages et attitudes qu'elles engendrent
relativement à la gestion des ordures ménagères, nous
faisons recours à un certain nombre de grilles de lecture. Ces grilles
de lecture nous sont suggérées par notre préoccupation
majeure énoncée dans la problématique. Il s'agit notamment
de l'analyse fonctionnelle et interactionniste.
Nous faisons l'économie de l'historique de ces
modèles d'analyses qui fait remonter leur origine, pour le premier
à Branislow Malinowski, Radclif Brown, Robert K. Merton et Talcott
Parsons avec ses différentes variances et, pour le second à
l'ensemble des auteurs de l'école de Chicago et
précisément aux auteurs comme Blumer, Simmel, G. Mead, Goffman
etc.
Nous justifions par contre ces choix. Pourquoi donc le
fonctionnalisme et l'interactionnisme et non l'analyse systémique
crozérienne, le structuralisme straussien ou bourdieusin ou n'importe
quel autre modèle d'analyse ? Il convient d'abord de réaffirmer
ici le postulat fondamental partagé par les sociologues des
représentations, qui affirme que les représentations,
ancrées dans la conscience des individus instruisent les pratiques.
Selon D. Jodelet par exemple les représentations ont une visée
pratique. Et dans ce postulat même coexistent sans doute les notions de
fonctions et d'interaction sur lesquelles reposent respectivement le
fonctionnalisme et l'interactionnisme. Se demander en effet à quoi
servent les espaces publics et quels usages les individus font de ces espaces,
c'est effectivement s'interroger sur leurs fonctions ; d'où justement
notre choix du fonctionnalisme. Ensuite, les usages que les individus font des
espaces publics et privés et qui sont rattachables aux
Connaissances conceptuelles et théoriques
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures
ménagères à N'Djaména (Tchad)
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représentations qu'ils en ont consistent
essentiellement en des actions concrètes dont le sens est fourni par
ceux-ci. D'où la sociologie compréhensive de M. Weber ;
d'où également l'interactionnisme de Blumer pour qui « les
êtres humains agissent envers les choses sur la base des significations
que les choses ont pour eux »10. Valade et al.(1996 : 481 et
s.) précisent que « les choses peuvent être des objets
physiques comme une pierre... » Dans ce travail ces choses seront
l'ensemble des espaces publics et privés et les ordures
ménagères.
On constate bien que l'interactionnisme symbolique Blumerien
recoupe avec la sociologie compréhensive wébérienne autour
de la notion d'action. Comment se décline l'approche
compréhensive et en quoi nous serait-elle d'une certaine utilité?
D'abord il faut rappeler que c'est Max Weber qui a le mieux
développé cette approche dans sa sociologie. Et « pour Max
Weber et les tenants de l'approche compréhensive par exemple,
l'explication d'un phénomène social se situe essentiellement dans
la signification que les individus donnent à leurs actes. Elle est
à rechercher dans la conscience des personnes, elle est
intérieure. Pour la découvrir, il faut passer par les opinions
individuelles et y rechercher les principes et valeurs qui orientent les
comportements. Les conduites humaines sont, en effet intentionnées et
inspirées, consciemment ou non, par un ensemble de
représentations mentales en dehors desquelles elles ne peuvent
être comprises. » (R. Quivy et Luc van Compenhaudt, 1988 : 271).
Enfin, nous ferons économie des nuances pour nous
concentrer sur l'essentiel de ces approches du réel. Nous convenons par
ailleurs que ces modèles d'analyses ne sont pas absolument les seuls qui
puissent éclairer l'analyse et l'interprétation de ce sujet. De
plus, il faut noter que les limites de ces modèles entraînent
peu ou prou celles du travail. Il nous semble par ailleurs clair que
la pertinence d'un modèle d'analyse dépend de l'orientation de
l'objet de recherche. C'est dire que problématiser autrement, la
question des ordures ménagères en milieu urbain
entraînerait avec elle le choix d'autres (ou d'un autre) modèle(s)
d'analyse que ceux que nous avons adopté présentement.
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