1.2.2. Une approche socio-anthropologique des ordures
ménagères
La gestion des ordures ménagères ne
représente pas un champ d'étude entièrement vierge par la
recherche scientifique au Tchad. En effet, beaucoup d'études portant sur
l'environnement et plus singulièrement sur la gestion urbaine se sont
intéressées à la gestion des ordures
ménagères. Ce sont notamment des travaux de géographes,
d'économistes, d'urbanistes et d'aménageurs. On peut lire avec
intérêt les travaux de Allassembaye Dobingar (2001) sur la
gestion urbaine : l'assainissement, un révélateur de gestion
urbaine à N'Djaména ; les rapports d'études
réalisés par le BCEOM dans le cadre de la coopération
entre la mairie de N'Djaména et la ville de Toulouse
intitulés Etude sur l'amélioration de la gestion des
déchets solides à N'Djaména ; les travaux conduits
à l'Institut Tropical Suisse (ITS) sur les comités
d'assainissement ; ou encore les rapports d'étude du Plan National
d'Action pour l'Environnement (PNAE) sur la gestion, le traitement et la
valorisation des déchets urbains. Par contre on note l'absence
sinon la rareté des travaux dans les disciplines comme la sociologie,
l'anthropologie ou la psychologie. Il est vrai, la gestion des ordures
ménagères n'est a priori pas un sujet de sociologie ou
d'anthropologie. La gestion des ordures ménagères en milieu
urbain apparaît ainsi comme un champ d'étude soit oublié,
soit
Connaissances conceptuelles et théoriques
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures
ménagères à N'Djaména (Tchad)
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méconnu, soit encore sans intérêt pour la
sociologie et l'anthropologie au Tchad. Est-ce parce qu'elle soulève des
questions d'ordre purement technique portant notamment sur la nature des
ordures, sur le volume de leur production, sur les moyens techniques à
utiliser pour leur ramassage, leur recyclage, sur la nature du danger qu'elles
représentent etc. ? Certes ! Mais en quoi ces questions n'auraient pas
intéressé le sociologue, l'anthropologue ou même le
psychologue ? N'y a - t- il vraiment pas matière à
réflexion pour ces derniers à propos des ordures
ménagères ? De façon plus générale et pour
reprendre le questionnement de Marcel Roncayolo (Gilles Montigny, 1992 : 12)
l'objet urbain est-il « capable d'articuler une réflexion commune
» aux sciences sociales et humaines ?
A l'évidence, la gestion des ordures ne peut
fondamentalement pas faire l'objet de sociologie ou d'anthropologie lorsqu'on
l'aborde par le truchement d'un questionnement purement technique. La
sociologie et l'anthropologie seraient par exemple incapables de
répondre aux questions suivantes : avec quels outils enlever les ordures
ménagères ? Comment les enlever ? Que faire des ordures
ménagères ? etc.
En revanche, la sociologie que Marcel Mauss (1989)
considère comme science du « fait social total », a cette
ambition d'étudier l'homme dans sa totalité. Et donc à ce
titre, elle peut proposer une réflexion - à partir d'un objet
clairement défini comme fait social - qui sera d'un certain
intérêt aux sciences techniciennes dont la mission réside
dans la construction de faits urbains comme l'aménagement urbain, la
géographie... D'ailleurs, produire des ordures est un comportement, une
pratique, une conduite et de même que leur gestion traduit une
représentation, une perception dans leur fonctionnalité. Toutes
choses qui renvoient à la socio-anthropologie parce que situées
dans son champ d'étude.
L'approche socio-anthropologique que nous utilisons ici nous
permettra de comprendre le comportement de l'homme vis-à-vis des
déchets domestiques en milieu urbain. Cette approche nous permettra de
mettre en lumière les comportements culturels définissables d'une
part comme générateurs d'attitudes favorables au
développement de l'insalubrité et d'autre part comme facteurs
inhibant des actions d'assainissement du milieu urbain.
Cette étude se propose d'être surtout un apport
aux nombreux travaux actuellement conduits par les géographes,
urbanistes et aménageurs qui occultent dans leur réflexion, le
rôle essentiel de la population, productrice et gestionnaire des ordures
ménagères et des espaces urbains dans leurs analyses. Les
géographes, les urbanistes et les aménageurs sont en effet
soucieux des moyens et des techniques de gestion des ordures
ménagères. Leur
Connaissances conceptuelles et théoriques
Perceptions, espaces urbains et gestion des ordures
ménagères à N'Djaména (Tchad)
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apport se situerait ainsi en aval de celui d'un sociologue ou
d'un anthropologue qui s'intéresse à la population
concernée comme productrice et gestionnaire de ses espaces et de ses
ordures ménagères et cela, du point de vue de l'étude des
comportements, des attitudes et des pratiques quotidiennes des
réalités urbaines. Ainsi on se demandera dans quelle mesure une
certaine connaissance des comportements des individus vis-à-vis de leurs
ordures permet de réaliser un plan d'assainissement urbain efficace. Il
s'agit donc pour nous de comprendre ce fait social à savoir le
comportement de l'homme vis-à-vis des ordures ménagères en
milieu urbain pour ensuite proposer une explication du problème de
l'insalubrité du milieu urbain. Mais si tel est l'objectif de cette
étude, quelle serait l'opportunité du concept de perceptions des
espaces urbains et qu'est-ce qui justifie sa conjonction avec la gestion des
ordures ménagères ?
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