conclusion generale
En guise de conclusion à nos travaux relatifs à
la faute de l'administration en matière foncière, nous ne faisons
pas un aveu, mais un voeu, la réparation du préjudice subi par
les individus du fait de la faute administrative en droit camerounais est
perfectible. C'est un constat, le droit de propriété n'est pas
intégralement réparé en cas de piétinements
administratifs.
Tout au début de notre travail, nous avons
essayé de mettre en relief la part de responsabilité des
autorités et services administratifs en charge de la matière
foncière, et ceci dans l'optique de vérifier l'état des
droits et l'Etat de droit au Cameroun.
Ce travail s'articulait préalablement autour de la
détermination de la faute administrative en matière
foncière, à travers les caractéristiques et les
manifestations de cette faute, et ceci dans un souci de préciser ces
définitions et contours. Englobe alors notre examen la faute
administrative commise au cours des procédures d'immatriculation d'une
part, et d'autre part commise lors des cessions de propriété,
suivant qu'il s'agisse d'une cession volontaire ou d'une cession forcée.
Nous n'avons eu à aucun moment la prétention de faire un
inventaire exhaustif des déterminants de cette faute , tout au moins,
s'agissait-il des plus apparents, des plus sensibles susceptibles d'engendrer
des conséquences, conséquences dont il a été
ensuite question.
En effet, nous avons présenté les
conséquences des dysfonctionnements administratifs dans la vie des
usagers des services fonciers, tant sur le plan matériel et donc
économique, que moral et affectif. Comme le déclare à
propos un auteur, « la propriété et partant
l'instinct de possession est profondément enraciné dans la nature
des hommes ; le droit à une propriété, stable semble
correspondre à un besoin universel et permanent ».
En conséquence, les manquements
administratifs au cours de l'acquisition et de la cession de
propriété préjudicient aux intérêts des
particuliers. Cet état de chose permet en tout état de cause, la
mise en oeuvre de la responsabilité administrative.
Responsabilité à régime spécial, car somme toute,
l'étendue et l'effectivité de cette responsabilité
obéissent à un régime juridique précis. La
faculté de mettre en oeuvre la responsabilité de l'administration
s'inscrit dans une logique de promotion de l'Etat de droit qui recouvre
fondamentalement deux exigences :
- l'exigence d'un corps de règles
générales, impersonnelles connues et publiées, existant
préalablement à tout conflit et susceptible d'être
invoquées par tout acteur social, qu'il soit ou non en conflit.
- L'obligation pour l'autorité instituante,
essentiellement l'Etat, de se tenir au dispositif ainsi élaboré,
et de se sentir obligé par les normes qu'elle a édicté.
En présence d'une faute administrative, la personne qui
en est victime, a le droit de demander réparation à l'auteur du
forfait, en l'occurrence l'Etat. Or comme il n'existe véritablement pas
de répression à l'encontre de l'administration, comment
contraindrait-on le pouvoir agissant de l'Etat? Cette sanction penchera alors
pour un caractère plus réparateur. Cette réparation est
l'oeuvre, et de l'administration, et du juge. Parce qu'il lui appartient en
premier de trancher une réclamation qui met en prise les particuliers,
on dit qu'elle est en même temps juge et partie, et on doute alors des
garanties accordées aux administrés. Fort heureusement, le juge
administratif, comme le juge judiciaire peuvent intervenir dans cette
réparation, l'un pour appliquer la soumission de l'administration au
droit, et l'autre pour garantir la protection des droits et libertés des
individus.
De ce fait, en matière foncière, la
réforme opérée par le décret n°2005/481 du 16
décembre 2005 vient garantir les individus contre les forfaits
opérés par les agents de l'administration au cours de
l'immatriculation.
Cette réforme, louable en ce qu'elle élargit
textuellement la répression des atteintes aux agents de l'Etat, reste
insuffisante. Insuffisante dans la mesure où elle ne prévoit que
la répression de la faute commise lors des procédures
d'immatriculation, elle aurait pu aller plus loin, et englober toutes les
fautes commises par les structures et fonctionnaires administratifs
impliqués dans des opérations foncières . Mais encore le
régime de la faute est inconnu. S'agit-il de la faute de service ou de
la faute personnelle de l'agent, encore que cette distinction doctrinale est
malaisée du fait de l'imbrication du service et de la vie privée
de l'agent fautif.
En plus, la faute est un concept assez fuyant : s'agit-il
de l'illégalité de l'action administrative ou de
l'anormalité dans son action. Pour dire ainsi que le régime de la
responsabilité administrative en matière foncière n'est
pas d'une évidence première.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'aspect pratique de la
recherche, il s'agit profondément de s'interroger sur
l'efficacité des services du Ministère des domaines dans
l'appréciation et la réparation d'une faute imputable à
leurs organes quand on sait que l'environnement foncier camerounais est
frelaté et se démarque par l'inertie, le laxisme, la corruption,
les abus de pouvoirs et bien d'autres maux. La mise en place d'une cellule
anti-corruption au MINDAF laisse occulter que tout ne sera plus comme
avant ; l'assainissement de la gestion foncière est un
impératif pour la cohésion sociale, la sécurité
juridique et la crédibilité du dispositif
réglementaire.
Dans cette perspective, pour enrayer
l'illégalité administrative, le combat doit se faire sous un
double plan. D'abord en amont, au niveau des administrations en charge de la
matière foncière, il faudrait qu'il y ait une redéfinition
de la notion de service public. La bonne gouvernance oblige en effet que les
commis de l'Etat redécouvrent la notion de service public et les valeurs
qui lui sont associées notamment, l'honnêteté, la
distinction des sphères privée et publique, le droit accompli et
le service rendu.
Ensuite en aval, au niveau des usagers, des citoyens qui
doivent être associés à l'organisation fonctionnelle du
service public. Cela entraîne une sensibilisation des usagers qui
prennent conscience de leurs droits.
L'ignorance constitue au fond la première atteinte du
droit de propriété. Enlever l'ornière de yeux de l'usager,
c'est le remettre dans la course, et partant le faire participer dans le
processus de développement, dont la terre constitue un des piliers au
Cameroun.
|