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La faute de l'Administration en matière foncière au Cameroun

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par Ariane Lidwine NKOA NZIDJA
université de Yaoundé II - Diplôme d'études approfondies en droit privé 2008
  

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TITRE 1 : LA DETERMINATION DE LA FAUTE ADMINISTRATIVE EN MATIERE FONCIERE

La recrudescence des litiges fonciers en zones urbaine ou rurale semble montrer que la gestion qui est l'oeuvre de l'Etat, en vertu de l'article 1 de l'ordonnance 74/1, est lacunaire. De brillantes études ont été faites sur la faute et la fraude des particuliers dans les opérations foncières ; dans cette analyse, il ne s'agit point de revenir sur cet aspect, mais plutôt de s'appesantir sur la part de responsabilité de l'administration en charge de la matière foncière au Cameroun, dans le contentieux foncier.

En effet, il appert que le contexte social, politique et économique est marqué par la revalorisation du foncier. Et comme le déclare fort à propos Monsieur P. MATHIEU, « L'Etat fait de la terre, aujourd'hui plus qu'hier, un véritable levier de développement »12(*), et à cet effet la gestion du foncier doit briller par l'efficacité.

En conséquence, il s'agit d'insister sur l'intérêt et la notion de faute administrative dans les litiges fonciers. Ce titre s'oriente dans la détermination de cette faute. Déterminer une chose, selon le Dictionnaire Universel, c'est caractériser, préciser la valeur ou la signification de cette chose, et spécialement son sens, et ceci en dégageant sa spécificité. A cet effet, déterminer la faute administrative en matière foncière conduit nécessairement à relever ses caractéristiques ou attributs, ses applications ou expressions concrètes, le tout dans le souci d'établir son régime. Il est donc judicieux de présenter ces déterminants de manière détaillée si l'on veut appréhender la nature et les contours de cette faute car le foncier est source d'enjeux indéniables. Cela amène à examiner dans ce titre premier, d'une part la particularité de la faute administrative (chapitre 1), et d'autre part, les manifestations de cette faute en matière foncière (chapitre2).

Chapitre 1 : LA PARTICULARITE DE LA FAUTE ADMINISTRATIVE EN MATIERE FONCIERE

La faute, de manière générale, s'entend comme le manquement aux règles, à la loi. Un fait ou un acte sera fautif lorsqu'il y aurait un caractère d'anormalité. Malgré cette généralité, la faute de l'administration, par contre ne rentre pas dans les canons des définitions privatistes, car en effet, la faute envisagée par l'article 1382 du code civil, qui est délictuelle ou quasi- délictuelle, ne correspond pas à la faute administrative. En plus, cet état de choses est dû, non seulement a ce que l'administration est une personne abstraite, qui n'a pas de matérialité, mais encore, c'est à travers des agents, des personnes, des organes ou des autorités qu'elle agit. La particularité de la faute administrative en matière foncière réside donc, d'une part dans ses traits caractéristiques distincts de la faute civile (section1) et d'autre part à travers les auteurs de cette faute, notamment l'administration en charge de la matière foncière (section2).13(*)

A. Section1 : Les Caractéristiques de la faute administrative

L'on ne saurait relever les traits caractéristiques de la faute administrative, sans avoir au préalable montrer le distinguo entre la faute civile et la faute administrative. Il convient d'opérer la distinction de la faute administrative de la faute civile (§1), puis alors analyser la singularité de la faute administrative (§ 2).

§ 1 : La faute civile et la faute administrative

Il s'agit à ce niveau de montrer que la faute administrative est différente de la faute civile. Pour mieux le faire, il est important d'exposer les définitions et contours de la faute civile, afin de mieux rendre compte de la notion, pour faire sortir la ligne de démarcation avec la faute administrative. Il y'a lieu à cet effet d'envisager la notion de faute en droit civil (A) et la typologie de fautes opérée en doctrine (B).

A - La notion de faute

Longtemps, il a paru suffisant de fonder la responsabilité de l'auteur d'un dommage sur la faute commise par lui. Le texte de base, c'est-à-dire l'article 1382 du code civil répondait à cette idée : « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Toutefois, en raison du silence du Code civil et l'absence de définitions légales du vocable faute, le mérite revient aux auteurs d'avoir essayé de conceptualiser les significations de la faute et tenter de faire sinon pas un catalogue, mais à tout le moins, ressortir les acceptions que recouvre la notion.

Parmi la kyrielle de définitions, l'on peut citer la plus célèbre qui est celle de PLANIOL pour qui «  la faute est un manquement à une obligation préexistante », définition qui n'a toujours pas fait l'unanimité en doctrine.14(*) La faiblesse souvent relevée de cette définition est qu'elle répond à la question par la question de savoir en quoi consiste l'obligation préexistante, qui elle aussi en soulève une autre, on assiste alors à un véritable cercle vicieux qui n'en finit point. En outre Gérard Cornu dans son Vocabulaire juridique donne une définition plus ou moins complète de la faute. Ainsi, le substantif faute découle de l'expression latine « fallita » qui est l'action de faillir, qui elle-même vient du verbe « fallere » qui signifie tromper, échapper à, faire défaut. La faute serait alors « un acte illicite supposant la réunion d'un élément matériel : le fait originaire ; d'un élément d'illicéité : la violation d'un devoir, la transgression d'un droit, et d'un élément moral le discernement de l'auteur du fait ».15(*) De cette définition, l'on retient que la faute est la combinaison d'un élément matériel, lequel peut consister en un fait positif ou une abstention ; d'un élément d'illicéité, qui consiste en la violation d'un devoir en matière contractuelle par exemple, ou de la transgression d'une loi ; et enfin d'un élément moral, l'imputabilité qui est l'aptitude à rendre compte de ses actes, à discerner ses actions.

Dans un autre registre, la faute est analysée en rapport à une appréciation soit in abstracto, soit in concerto. Ainsi, selon une appréciation « in abstracto », c'est-à-dire sans tenir compte des particularités et réalités d'une situation, indépendamment de données concrètes et individuelles, juger une action fautive reviendrait à la comparer à un prototype de références qui est celui du « bon père de famille ».16(*)

De ce fait, la faute serait tout comportement regrettable, mais statistiquement inévitable de la part du bon père de famille. Il s'agit donc de maladresse sans gravité, d'erreur vénielle sans incidences notoires et profondes.

Dans une autre approche, la faute, de manière « in concreto », c'est-à-dire, en fonction des différences propres à chaque individu, serait tout acte, tout comportement qui s'écarte largement du normal, et qui dénote chez son auteur l'intention de nuire à autrui. La faute est alors intentionnelle, et son auteur recherche un but précis, notamment causer un dommage à autrui ; à ce niveau, c'est l'attitude de la personne fautive qui est prise en considération.

* 12 Paul MATHIEU, « La sécurisation foncière, entre compromis et conflits », Cahiers Africains n°23-24, Paris, L'Harmattan 1996, p.28.

* 13 Les articles 1382 et suivants du Code civil qui constituent les textes de base de la responsabilité civile délictuelle, énoncent de manière expresse que la faute est la condition de mise en oeuvre de la responsabilité, soit du fait personnel, soit du fait d'autrui, ou des choses que l'on a sous sa garde, mais ne donnent malheureusement pas la définition de la notion de faute. Le mérite revient donc certains auteurs français d'avoir essayé de conceptualiser les significations de la faute.

* 14 La faiblesse souvent relevée de cette définition est qu'elle répond à la question par la question. Il s'agit de savoir en quoi constitue l'obligation préexistante, qui elle aussi soulève une autre ; V. FLOUR, AUBERT & SAVAUX, Les Obligations, le fait juridique 2001 ,9e ed. Armand Colin n°98 : « on tourne en rond : encore faut-il avoir défini cette obligation préexistante ».

* 15 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, 4e ed QUADRIGE|PUF pp 388 à 390

* 16 Le standard du bon père de famille reflète en doctrine le modèle de l'homme « droit et sûr de ses actes » selon Gény ; un homme « prudent et diligent » selon Capitant & Colin ;  « honnête et adroit » d'après Ripert et Boulanger, « prudent et avisé » selon H et L Mazeaud. De même, dans la Common Law, le prototype du bon père de famille serait comparable au modèle du «  reasonnable man »

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore