1.3 La recherche d'entre-soi
1.3.1 Lotissement et centre-ville
Les lotissements opèrent des sélections par des
caractéristiques sociales et familiales comme nous avons pu le voir
précédemment et les personnes qui les intègrent ont la
particularité de rester en leur sein sans jamais découvrir la
ville et les habitants locaux. Ce constat est très frappant
puisqu'à Hanches, même entre lotissements, les personnes ne se
connaissent pas et ne savent pas le nom des rues qui sont hors de leur
lotissement. Lors de mes journées d'enquêtes, je demandais souvent
où se situait la rue de mon prochain rendez-vous mais absolument tous
prenaient la carte de la commune pour me montrer car eux-mêmes
étaient incapables de me la situer. La sortie du lotissement est
essentiellement pour sortir de la commune car nous avons vu que de nombreux
manques et insatisfactions se faisaient ressentir concernant les villes
d'accueil.
Ces relations pourtant inexistantes nuisent tout de même
aux relations sociales des petites villes. En effet, la plupart du temps
s'installe un climat de méfiance de la part de la population locale qui
voit les nouveaux arrivants comme des « envahisseurs » qui vont faire
perdre à la commune ses valeurs et son identité. En tout cas,
c'est comme cela que les franciliens se sentent accueillis et eux-mêmes
critiquent vivement la population locale qu'ils définissent comme des
« paysans » « péquenauds »
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« bouseux » « bosserons » «
campagnards », qui ne sont pas très « évolués
» ou encore « limités » et « touchés par
l'alcoolisme » faisant d'eux des « picolos » et des «
pochtrons ».
1.3.2 Dans le lotissement
Dans le lotissement, l'intégration de tous les
ménages n'est cependant pas parfaite car celui qui n'est pas comme la
majorité des résidents est stigmatisé, vu comme
différent et va être exclu des relations de voisinages. Cette
sélection va se faire selon la composition familiale et la
catégorie sociale et professionnelle.
Les classes moyennes venues à Hanches pour se
distancier des classes populaires et minorités racisées vont
ainsi connaître une intégration difficile car ils ne correspondent
pas aux critères (sociaux et ethniques) de l'entre-soi.
Extraits d'entretien sur l'homogénéité
sociale ressentie dans le lotissement
« On n'a pas beaucoup de relations entre nous mais on
sait que celui qui est à gauche est ingénieur, celui de droite
est dentiste, c'est ce qui importe » (Rambouillet 78 -- Hanches 28 --
Mr B., ingénieur).
« On a tous le même âge, on vient tous de
l'Ile-de-France et on est tous venus pour les mêmes raisons alors on se
comprend ». (Rambouillet 78 -- Hanches 28 -- Mr B.,
ingénieur).
« Et puis ici, on est entre-nous, tout le monde est
pareil, même catégorie sociale, même situation familiale,
y'a une bonne ambiance et on est toujours prêt pour l'apéro
». (Clayes-Sous-Bois 78 -- Hanches 28 -- Mme G., Chef comptable).
« A partir du moment où les gens deviennent
propriétaires, les gens ont le « syndrome de la
propriété » et ils sont très cons. Et les gens se
mêlent de ce qui ne les regarde pas. L'autre jour un voisin vient me voir
en me disant « « on m'a dit» que votre arbre était mal
taillé... ». Et bien je lui ai répondu que « on c'est
des cons !». Il faut tous être dans le même moule ici. Moi je
suis qu'ouvrier et ici ils sont tous cadres et cadres sup. Dans le lotissement
il y a une hiérarchie financière et politique, ça c'est
sûr. » (Arcueil 94 -- Hanches 28 -- Mr.R., ouvrier).
« Venir pour faire plaisir aux enfants c'était
bien mais ici tout le monde travaille. Regardez les volets, tout est
fermé et moi j'ai l'impression de vivre dans un quartier dortoir.
Heureusement qu'il y a les enfants et les petits enfants. Les gens n'ont pas le
temps pour discuter. C'est triste, ils passent leur temps dans les transports
pour quelques heures d'air pur le soir ». (Saint-Cloud -- Hanches --
Mme B., Retraité, ex. ingénieur).
A travers ces exemples de la vision des habitants sur leur
vécu en lotissement, on peut très vite s'apercevoir qu'en effet,
les personnes les moins intégrées et par conséquent les
moins satisfaites du quartier sont celles qui ne correspondent pas au
profil-type de l'habitant du lotissement.
Cependant, même si l'entre-soi est voulu, il ne peut
être parfait et le contrôle des familles sur les autres peut
devenir problématique à terme puisque tout le monde doit
être similaire et se fondre dans profil-type. Cette enquête donne
l'idée que les ménages doivent être standardisés
comme le fait d'ailleurs entendre le règlement d'un lotissement.
Celui-ci impose une homogénéité architecturale et favorise
par conséquent l'homogénéité sociale et
comportementale. Comme au niveau du bâti les caractéristiques
individuelles doivent donc être semblables.
Certaines personnes n'évoquent cependant pas la
recherche d'entre-soi ou de distinction. Elles ne sont même pas
attachées au souhait d'habiter en maison individuelle mais accordent une
importance à la qualité de vie. Ce seul critère va les
faire
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glisser petit à petit vers le choix du pavillon car
l'effet d'opportunité des prix accessibles hors Ile-de-France les a
séduit. S'ils étaient restés en Ile-de-France, ces
ménages seraient restés en logements collectifs également
parce qu'ils n'auraient pas eu les moyens d'avoir accès à un
logement individuel.
« On avait le choix entre 80 m2 à
Puteaux ou 200 m2 ici» (Puteaux 92 --
Saint-Rémy-sur-Avre 28 -- Mme E., infirmière).
«Pour le prix de l'appart j'ai eu une maison dans le
28» (Trappes 78 -- Saint-Rémy-sur-Avre 28 -- Mme K.
logisticienne).
« Pour la même chose c'est 3 fois le prix en
IDF» (Mantes la ville 78 -- Saint-Rémy-sur-Avre 28 -- Mr L.,
ouvrier).
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