1.2.2 Pour les classes moyennes
Ces franciliens d'origine sont majoritairement
propriétaires de leur appartement, ou de leur maison mais dans une plus
faible proportion (dans notre échantillon, nous avons une seule personne
propriétaire de son pavillon). Le fait qu'ils le deviennent s'est fait
selon eux, dans « l'ordre des choses ». Puisqu'ils sont pour la
plupart originaires de la région, leur départ n'était pas
envisageable et les prix de l'immobilier, notamment des appartements, leur
permettaient d'acheter dans la région, bien qu'ils soient de la classe
moyenne.
Ces catégories moyennes, désireuses d'être
propriétaire d'une maison individuelle pourraient aussi acheter ce bien
en Ile-de-France mais elles ne le font pas.
Comme la problématique des prix immobiliers de la
région ressort à chaque question sur les causes de leur
départ, nous avons cherché des informations précises sur
les prix des maisons individuelles en Ile-de-France et dans les franges et nous
nous sommes aperçus que les prix de l'immobilier dans certaines parties
d'Ile-de-France sont accessibles, même pour une maison individuelle mais
les accédants à la propriété n'ont donc pas pour
seule motivation l'achat d'une maison individuelle puisqu'ils ne souhaitent pas
en acheter une en Ile-de-France, là où les prix leur
permettraient car ils considèrent que l'implantation des lots
pavillonnaires est faite dans des quartiers mal réputés et
où les avantages souhaités ne sont pas concevables dans ces
lieux.
Pour eux, l'achat d'un pavillon est le résultat de
nombreux efforts et il est le symbole de leur réussite sociale. Mais le
pavillon dans un quartier mal fréquenté ne les sort pas de leur
situation de classe moyenne. Pour se distinguer, il faut un pavillon bien
situé, mais en Ile-de-France les prix sont trop élevés
pour ce type de bien. Ils n'hésitent donc pas à franchir le
pas.
Ainsi, ils fuient leur environnement de « banlieusards
» pour satisfaire leurs exigences.
« La campagne pour élever ses enfants
c'est mieux que dans une barre d'immeuble où il n'y a pas que du beau
monde » (Chatou 78 -- Hanches 28 -- Mme A.,
secrétaire administrative).
« Les policiers étaient venus à
l'école, nos enfants ne devaient pas voir ça »
(Arcueil 94 -- Hanches 28 -- Mr R., ouvrier.
« On habite à Trappes et le grand va
entrer au collège, on a voulu déménager pour éviter
que les enfants aient un mauvais enseignement. Avant l'entrée en
hème on a alors acheté un pavillon dans un lotissement qui se
construit, tout
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en restant travailler en IDF. Là-bas, les
enfants vont être entourés d'autres enfants «bien
élevés et sans problème» (Trappes 78 --
Saint-Rémy-sur-Avre 28 -- Mme K., logisticienne).
« On le sait, on est maghrébins mais
on voulait quitter cette population pour notre enfant. Pour lui, on voulait un
environnement où il a une chance d'évoluer sainement»
(Arcueil 94 --Hanches 28 -- Mr R., ouvrier).
Cette distinction souhaitée est encore plus flagrante
pour les classes moyennes qui se sont installées dans le lotissement de
Hanches. Ces personnes ayant connu les inconvénients des quartiers
difficiles de l'Ile-de-France ont souhaité s'endetter pour être
dans un lotissement résidentiel et ainsi mettre à distance les
classes populaires et les minorités racisées. La
séparation physique avec ces populations précises leur semble
être le moyen le plus efficace pour ne pas être assimilée
socialement à elles.
Pour cela, ils choisissent précisément et sont
très exigeants sur ce qu'ils souhaitent pour leur nouveau quartier et
logement. Le plus important est ce qui est à proximité de
l'habitation et ils ne veulent pas choisir une commune qui serait
dépourvue en commerces, en services à la population... puisqu'ils
décident qu'ils ne doivent plus avoir recours à l'Ile-de-France
pour d'éventuels manques. Le seul lien avec l'Ile-de-France qui leur
restera sera leur famille qui a par ailleurs influencé leurs
trajectoires. En effet, leur arrivée en Eure-et-Loir signifie l'absence
de lien sur le territoire d'accueil puisque ces familles affirment n'avoir
aucun lien de parenté ni amical avec des habitants de la région.
Mais si elles n'ont pas d'origines locales dans le département de
destination, leur famille, souvent proche et dans certain cas juste de l'autre
côté de la frontière (en IDF) pèse dans leur choix
de localisation géographique.
A travers ces types de migrants différents, nous avons
soulevé trois possibilités que les migrants ont
envisagées. La première est la possibilité d'avoir
accès à une maison à prix accessible mais dans une ville
d'Ile-de-France qui n'est pas valorisée, soit de choisir d'habiter dans
une ville plus prestigieuse mais les prix étant élevés,
ils n'auraient la possibilité d'acheter qu'un appartement avec une
moindre surface. Enfin, ils ont la possibilité de s'éloigner de
la région et avoir à un prix à peine plus
élevé que leur appartement l'habitation dont ils rêvent.
Très menés par leur envie de maison individuelle, ils ont aussi
des critères au niveau de la commune mais nous verrons que le fait de
pouvoir devenir propriétaire d'une maison les rend beaucoup moins
exigeants au départ sur les avantages
souhaités pour la ville d'accueil.
Leurs différents arbitrages entre toutes les
possibilités qui s'offrent à eux les font opter pour un habitat
qui privilégie l'entre-soi pour les uns et la distinction pour les
autres.
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