3.4.2 L'influence des agents immobiliers et promoteurs
L'image typique de ce que souhaitent les ménages va
être reprise par les agents immobiliers pour attirer l'attention et
séduire. Ce qui séduit le plus, va être mis en premier
argument de vente pour garantir un bonheur évident.
« A cette fin, les constructeurs et agents immobiliers
usent d'effets qu'il faut, au risque de choquer, appeler poétique
»16 qui favorisent la croyance du bonheur familial en maison
individuelle comme l'a fait l'ancienne entreprise Sergego. Sa stratégie
publicitaire est décrite dans Les structures sociales de
l'économie et valorise ses biens comme étant « des
maisons à aimer », représentées dans une fleur comme
si la maison individuelle était un cocon dans lequel seul le bonheur est
évident.
Aujourd'hui, ces représentations sont toujours
d'actualité et les pavillons sont vus et vendus comme s'ils
étaient un mélange de nature, de bonheur familial et de
réussite sociale17.
15 Castel R., L'insécurité sociale, Seuil,
2003, p.16.
16 Bourdieu P., Les structures sociales de
l'économie, Seuil, 2000, p.38.
17 Semmoud N., « L'habiter Périurbain : choix ou
modèle dominant ? », Revue de Géographie Alpine,
n°91-4, 2003.
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Seulement tous les « avantages » liés
à la maison individuelle pourraient aussi bien, être des avantages
d'une vie en habitat collectif.
Dans l'enquête parue dans la revue «Paysage
Actualité»18, ressort le fait que les français
ont besoin de verdure. Ils recherchent donc des maisons avec « un bout de
jardin » mais cette volonté semble être une
conséquence de la pauvreté des espaces verts au sein même
des villes puisqu'à la question « pour quelle raison principale ne
fréquentez-vous pas les espaces verts de votre ville ? », 42%
répondent qu'il n'y en a pas à proximité de leur lieu de
vie. Si les villes prenaient en compte ces besoins et par conséquent ces
manques, l'idée « d'avoir un jardin » s'estomperait.
Aussi, Nicole Haumont19 dans Les Pavillonnaires
a ainsi listé tous les besoins qui pourraient être satisfaits
en logements collectifs, à savoir, la présence d'aire de jeux
à proximité, de jardins, d'insonorisation plus efficace,
proximité de structures pour les enfants. Aussi, un très bon
exemple de volonté d'habiter une maison individuelle pour ses dits
avantages, est décrit dans le film documentaire Ode
Pavillonnaire20 puisque dans les premières minutes est
définit ce que souhaiterait une famille qui passe de l'appartement au
pavillon.
Ils expriment un à un leurs besoins et leurs attentes:
« Nous voudrions une maison qui serait un cocon pour se
protéger des intempéries, une maison pour la famille, pour
élever les enfants, une maison pour manger, dormir, se loger, grandir,
jouer, un endroit où grandir, passer du temps. Cet endroit peut
être n'importe où du moment qu'on y habite. Et surtout, quelque
chose d'individuel, d'isolé des autres personnes, en dehors de la
promiscuité des appartements, il n'est plus question d'être
gêné par les voisins ».
Comme dans l'ouvrage Les pavillonnaires, nous
remarquons que toutes les causes qui poussent les franciliens à partir
ne sont pas en rapport avec la vie en logement collectif mais plutôt avec
les inconvénients des villes. Ceci étant, les problèmes
rencontrés pourraient être résolus sans avoir recours
à la maison individuelle.
De plus, il faut prendre en compte les désillusions par
rapport au pavillon puisque le bonheur espéré n'est souvent pas
celui escompté et l'acheteur le découvre, soit lors de son
premier contact avec l'agent ou le promoteur immobilier, soit à son
installation.
Lorsque l'acheteur se montre intéressé par une
maison individuelle, sa relation avec l'agent immobilier « s'achève
presque toujours en une sorte de leçon de réalisme
économique au cours de laquelle le client, assisté et
encouragé par le vendeur, travaille à rapprocher le niveau de ses
aspirations du niveau de ses possibilités afin de disposer à
accepter le verdict du tribunal de l'économie, c'est-à-dire la
maison réelle, très souvent éloignée de la demeure
rêvée à laquelle il a droit en bonne logique
économique. »21
C'est en ce sens que j'émets la possibilité que
la forte demande pavillonnaire ne soit pas un souhait si profond mais
peut-être le résultat de contraintes économiques qui
conduisent les agents immobiliers à aiguiller vers cet habitat.
Cependant, il va falloir que se mette en place une
négociation longue pour permettre aux clients de combler peu à
peu l'écart entre ses espérances et ses
possibilités22. C'est à ce moment qu'entre en jeux les
compétences de l'agent immobilier qui va favoriser une relation de
proximité avec l'acheteur et lui démontrer que cet habitat
regorge de qualités et que ces inconvénients sont pour lui des
avantages.
Nous verrons dans notre analyse ce que souhaitent les migrants
que j'ai étudié et je proposerai des solutions éventuelles
pour satisfaire chaque acteur, que ce soit les migrants ou les professionnels
de l'aménagement.
18 « Les Français veulentplus de vert »,
Paysage Actualité, n°308, avril 2008.
19 Haumont N., Les pavillonnaires, Centre de recherche
d'Urbanisme, 1966.
20 Film documentaire « Ode Pavillonnaire » de
Frédéric Ramad, 2005.
21 Bourdieu P., Bouhedja S., Givry C., « Un contrat sous
contrainte », Actes de la Recherche en Sciences Sociales,
n°81-82, 1990, p.35. 22Bourdieu P., Bouhedja S., Givry C,
op.cit, 1990.
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Nos interrogations quant aux migrations vers les lotissements
comportent deux aspects:
Nous mettrons en lien migration et cycle de vie et nous
verrons si les logiques migratoires sont les mêmes pour tous, puis nous
découvrirons les contraintes qui pèsent sur les individus afin de
voir comment leur départ de l'Ile-de-France et leur arrivée dans
les franges est conditionné.
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